cousu main

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get loft !

Il ne trouvait pas d’acquéreur. Trop atypique, sans doute. Il fallait un œil différent pour s’approprier l’ancien atelier textile lyonnais. Et au final, la doublure dépasse l’original.

Une page blanche, 350 m2 de potentiel. Quand elle le découvre, Laurence sait d’instinct quelle atmosphère insuffler à l’ancien atelier. Et sa situation géographique la séduit. Proche du centre-ville, mais suffisamment éloigné de la circulation dense et bruyante, l’une de ses façades surplombe l’un des 2 fleuves lyonnais. L’autre s’ouvre sur des collines feuillues, c’est presque la campagne. La double personnalité du loft, bucolique et citadine, révèle aussi le caractère de Laurence. Qui signe pour 7 mois de métamorphose.

L’ETAT DES LIEUX

D’abord, l’histoire. Laurence veut conserver l’esprit du lieu, faire résonner son passé. Un grand projet de réhabilitation qu’elle modèle avec l’architecte d’intérieur Philippe Magnin du Sauzay. Amatrice éclairée en architecture et décoration, elle aimerait conserver les murs en l’état : “Ils étaient craquelés, dans leur jus, l’ensemble avait un charme fou ! Mais le charme n’était pas vraiment pratique. Cette grande pièce à vivre n’était pas chauffée, nous avons aménagé dans la partie arrière isolée dans un premier temps. Et les enfants jouaient au foot dans cette pièce !”. L’isolation s’avère trop compliquée, il faut faire des choix.

Les murs d’origine disparaissent sous un blanc lumineux. Pas question non plus de conserver le sol, Laurence veut un plancher identique à celui des salles de danse. Mais les poutres de bois, les imposants poteaux de béton écaillés, grumeleux, ceinturés d’un acier taché, transmettent l’atmosphère industrielle de l’ancien atelier. Laurence tient à les garder, un choix logique pour Philippe Magnin : “Ce bâtiment possède une histoire, il date des années trente. Et ces poteaux sont un signe du passé, ils se suffisent à eux-mêmes. Pourquoi les dissimuler ? Il faut faire avec l’existant. D’autant que c’est une décoration peu coûteuse, elle est déjà là !” C.Q.F.D.

PROUESSES TECHNIQUES ET ANNEES 50

Le verre remplace le plexiglas des verrières, la lumière entre à pleins flots dans l’espace. Eclabousse le sol et rebondit sur les murs immaculés. Les huisseries des verrières, classées, s’amusent avec l’identité du lieu. Sèment le doute. Difficile d’imaginer, de l’extérieur, un cocon familial. La propriétaire sait exactement ce qu’elle veut. Un vaste open space de 170 m2 , une cuisine esthétique, fonctionnelle et discrète. Comme un îlot dans un fleuve.

Autre exigence, des murs de livres. Des bibliothèques sur mesure à l’assaut du vide. Laurence dessine une longue étagère de rangement, elle impressionne par ses dimensions et son côté aérien : “C’est une prouesse technique. Ce meuble devait supporter des charges très lourdes, sans appui au sol. Son ancrage au mur est renforcé par des bardages invisibles”. Les volumes créent de l’écho, les années cinquante et le mobilier plus contemporain se répondent. Laurence chine dans les salles de vente, chez les designers, les éditeurs, elle débusque des chaises de bois intemporelles, placarde une échelle d’atelier écaillée contre une bibliothèque. L’importance du détail. Elle invite Le Corbusier, Charlotte Perriand, Wassily et les autres, affiche des œuvres qu’elle peint près du piano à queue. La vie familiale fait ses gammes côté ville.

L’INDISPENSABLE DE L’INSTANT

Côté verdure, place au repos. Un salon de télévision s’improvise en sas chaleureux pour desservir les espaces privés. Hauteurs de plafond, mezzanines et acier dans les chambres des enfants, ambiance voyage et lumière dans la suite parentale. Une pièce d’eau l’annonce : “Cette pièce d’eau, à l’entrée de la chambre, fut un motif de discorde entre Philippe Magnin et moi !”, s’amuse Laurence. “Il m’a finalement convaincue, il avait raison !”.

Un enchevêtrement d’arbres ricoche conte le vaste mur miroir, encercle l’espace d’une atmosphère sylvestre apaisante. Laurence aime la respiration. Son loft, elle le définit aujourd’hui comme son basique, son indispensable de l’instant : “J’aime toutes les possibilités qu’il offre, j’ai déjà bougé 100 fois les choses! Il est en perpétuelle mouvance…”. En perpétuelle mouvance, comme la propriétaire. Qui pourrait tout aussi bien créer un autre espace. Ailleurs. Pas forcément à Lyon : “Cet habitat représente ma maison du moment, mon état d’avancement. Demain, c’est autre chose…” La page blanche, encore.

Photos : Studio Erick Saillet

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