max chaoul 
retrouve son nom de jeune homme

max chaoul retrouve son nom de jeune homme

il est libre max

Se marier rime avec perte de liberté, Max Chaoul, créateur de robes de mariées devant l’éternel, est lui un homme libre et heureux. En 2014, il perd tout. En 2015, grâce à de brillants avocats, il retrouve sa liberté de parole et son nom de scène. Explication dans le salon d’essayage.

Max Chaoul est un créateur lyonnais ultra sollicité, mais répond aux questions sans se faire prier. Les robes de mariées lui procurent sans aucun doute une éternelle jeunesse. L’homme est disert sur sa collection « Re Née Sens », son actualité et ses projets. “Re comme Retour, Née comme Naissance et Sens comme 6ème Sens. Ma maison de couture a 20 ans… Mais pour moi, c’est un nouveau départ. La robe de mariée doit elle aussi s’interroger pour se réinventer. La vie, la société ont évolué. Le budget consacré a fondu. Je dois tenir compte de ces nouvelles données et poursuivre dans ma voie, celle d’offrir du rêve”. Un rêve qui a failli virer au cauchemar.

ANNÉE NOIRE. ANNÉE BLANCHE

En 2014, le tribunal de commerce de Lyon prononce la mise en liquidation judiciaire de la société les Ateliers de MC qui avait racheté un an auparavant la Maison de Couture Max Chaoul créée en 1968. Le créateur met un genou à terre, mais décide de se battre. “Grâce à une équipe d’avocats, j’ai pu récupérer mon nom. C’est une deuxième vie qui s’annonce pour la marque qui désormais m’appartient”. On sent l’homme soulagé de cette liberté retrouvée. Dans la foulée, il refait la boutique, rouvre l’atelier attenant, reprend ses couturières et se remet à dessiner des robes qui ont fait sa renommée. Max n’a rien perdu de la passion du premier jour.

Le styliste débute au Cours Georges où il apprend le croquis, le patronage et le montage, avant de prendre la direction de Paris pour un stage chez Pierre d’Alby. Le jeune homme se fait remarquer. Il devient l’assistant d’Agnès B, Nicole Farhi, Jean-Charles de Castelbajac et Christian Joss. Max regagne les terres lyonnaises et rencontre Clémentine qui devient sa femme et sa muse. Le couple se distingue alors avec des créations de prêt-à-porter novatrices et quelques robes de mariées originales. L’argent viendra entacher ce beau roman par un mauvais «mariage» avec un financier. En 1994, l’homme repart à zéro avec sa propre ligne «Max Chaoul» de robes de mariées pleines de charme et d’audace. Les cérémonies se succèdent, les années défilent, Max Chaoul devient la référence. Tout sourit au couturier en vogue, les honneurs, les commandes, les papiers dans la presse people et féminine. Il signe une nouvelle ligne de prêt-à-porter, cocktail et robe du soir, toute aussi irrésistible.

INSPIRÉ, L’HOMME RESPIRE…

Soies de Lyon, taffetas, tulles paillés plumetis, satin duchesse, dentelles du Nord, broderies… tout l’inspire. Le créateur impose son style et sa liberté débridée. On lui doit notamment le bustier lacé à la Marie-Antoinette version XXIème siècle, la jupe aux volumes généreux, les épaules dénudées, les décolletés ultra sexy et les couleurs irisées. “Je vis uniquement pour ma passion. Plus je travaille, plus c’est facile !”. Malgré les années qui tournent sur le compteur, et les aléas, le créateur assure n’avoir pas changé, sûr de lui : “Max est toujours là. Max est toujours aussi demandé.” On lui pardonne cette petite coquetterie. Il annonce un nouveau site internet, nous parle avec gourmandise du tournage de Stéphane Bern pour l’émission sur France 2 «Vie privée», nous fait visiter son nouveau terrain de jeu «Les invités de Max Chaoul», un dressing pensé pour les mamans et les copines de la mariée. Pas de doute, Max est bien là.

+ d’infos : www. maxchaoulcouture.com

© Dominik Fusina

vivre dans une chapelle

vivre dans une chapelle

Sacrée demeure

Décider de vivre dans une chapelle du XIIème siècle change les perspectives. On prend de la hauteur. La décoration devient XXL. Le budget consacré est forcément en rapport. Stéphane millet, architecte d’intérieur à Lyon, savoure encore la chance d’avoir été choisi.

“Il y a les chantiers qui inspirent, ceux qui enthousiasment, ceux qui en imposent et ceux, moins fréquents, qui jouent sur tous les volets”, résume Stéphane Millet. Rénover une église n’est pas un don de Dieu, mais une chance qu’on ne laisse pas passer. En France, rares sont les édifices à changer de mains. “En 2009, un couple est venu me consulter avant signature. Il souhaitait acquérir une chapelle du XIIème siècle dans l’ouest lyonnais. L’édifice avait été désacralisé à la fin du XIXème et transformé en une confortable maison bourgeoise. Avant de se lancer, ils voulaient cerner un budget et balayer l’éventail des possibles pour la remanier au goût du jour. Comme eux, j’ai eu le coup de foudre pour ce bâtiment hors normes”. Le couple signe et Stéphane Millet se met à cogiter. Un an de travaux sera  nécessaire.

De l’extérieur rien à déclarer. Un très joli corps de bâtiment en pierres dorées, surplombé d’un clocher. Aujourd’hui, il n’accueille pas de cloches, mais un espace de détente avec une vue imprenable qui domine la vallée.

TOUT RASER POUR RECONSTRUIRE

Stéphane Millet avoue un penchant maso. La rénovation en est le prix à payer. “Les vieux bâtis ont une patine, leur histoire, mais également leur lot de surprises, déconvenues et galères. On ne sait jamais ce qu’on va trouver, un trésor peut-être, mais plus sûrement des matériaux abimés, des espaces morcelés qui ne correspondent plus aux habitudes de la vie actuelle. On est souvent obligé de repartir de zéro”.

Décision est prise de déshabiller la maison. Exit les stucs, boiseries, cloisons, parquets et autres matériaux. “On a découvert de magnifiques voûtes. On a surtout rendu à l’édifice ses perspectives et proportions d’origine, jusqu’à 7 mètres de hauteur par endroit”. Résultat, un rez-de-chaussée de 220 m2, tout en longueur évidemment. L’isolation a été un gros poste. Chauffage par le sol, plancher en bois massif. “On a recouvert une partie des murs pour pouvoir ajouter des matériaux isolants et casser le «tout pierre» plutôt glacial”.

Stéphane Millet choisit de traiter le rectangle d’un seul tenant, pas d’estrade, pas de cloison, mais une succession d’espaces. La cuisine prend place dans la nef. Elle donne sur la salle à manger, elle-même ouverte sur un salon, puis une bibliothèque et un autre salon qui se love dans le chœur. Chaque membre de la famille (dont deux enfants) peut circuler au gré de ses envies et occupations sans perdre le lien. Reste tout de même un immense volume à l’acoustique plus proche d’une cathédrale que d’un salon intime.

UN TEMPLE DE L’HABITAT MODERNE

Pour habiller ce vaste espace de vie, Stéphane Millet propose de mettre une impressionnante cheminée à double foyer en son centre. Mais l’audace est ailleurs. L’architecte a l’idée d’utiliser la cheminée pour arrimer les deux volées d’escalier qui desservent l’étage. Ce dernier, de taille plus modeste, 100 m2 tout de même, accueille 4 chambres et 4 salles de bains reliées entre elles par une passerelle en verre et acier qui longe toute la « maison ». D’ici aussi, la vue est imprenable.

Dehors, le jardin est propice à la détente, un splendide cèdre du Liban, pas de piscine, enfin pas pour l’instant. Si, d’aventure, ils décidaient de creuser, peut-être découvriraient-ils un trésor, ou plus sûrement des ossements. Mais c’est une autre histoire….

+ d’infos : www.volumes-architectures.com

Photos : Studio Erick Saillet

lyon pour rugir de plaisir…

lyon pour rugir de plaisir…

bien gaulée

Depuis quelques années, Lyon truste les récompenses internationales, à la grande satisfaction de son maire Gérard Collomb. En 2015, l’Economist Intelligence Unit la fait entrer dans le top 30 des villes où on vit le mieux ! De quoi arborer avec fierté une «rosette» à la boutonnière ! « Part-dieu » ! Ce n’était pas gagné de sortir Lyon du tunnel !

Environnement, sécurité, culture… dans tous ces domaines, l’antique Lugdunum talonne la grande rivale, Paris, mais devance Barcelone, Madrid ou Rome. En 2016, elle est «cou-rhônée» meilleure destination de week- end en Europe lors des World Travel Awards, les « oscars » du tourisme. Bref, inversion historique, c’est désormais l’Amérique qui a découvert Collomb !

UNE MAUVAISE RÉPUTATION

“Pourtant, aucune autre grande ville française n’a eu longtemps si mauvaise réputation”, admet le sociologue Jean-Yves Authier. De « Lyon en large », les clichés sur la ville ne manquent pas. Trop froide, trop bourgeoise, trop fermée, la capitale de la Gaule semble raide comme un col de notaire. A tel point que certains n’hésitent pas à en faire « la métropole de l’ennui », la faute à une municipalité qui aurait longtemps négligé la culture. Les bars ferment tôt, les noctambules sont frustrés. Bref, le parc de la Tête « dort » porterait bien son nom. Une fête du « sleep », qui déclenche les sarcasmes des Parisiens. Ils dénigrent régulièrement Lyon, un peu comme on regarde de haut cette cousine de province boulotte à qui on consent une visite de temps en temps. “Il y a des trucs bien à Lyon : on peut prendre le TGV pour Paris” persifle-t-on parfois du côté de la tour Eiffel.

« Il y a des trucs bien à Lyon : on peut prendre le TGV pour Paris” persifle-t-on parfois du côté de la tour Eiffel.

Oui mais à Lyon, on peut sortir dans ses fameux bouchons ! N’a-t-elle pas été promue capitale mondiale de la gastronomie depuis 1935 ? Ça « com-panse »… Gras double, foie, andouillette, grattons, quenelles et autres cochonnailles sont le « road-tripes » incontournable pour le touriste. Pourtant, pendant longtemps, les seuls bouchons lyonnais réputés étaient ceux du tunnel sous Fourvière, véritable verrue urbaine inaugurée en 1971. Des cohortes de voitures en rade s’y accumulaient, avec une seule motivation, fuir au plus vite cette métropole grise et saturée. Fort heureusement, la situation s’est largement améliorée grâce au contournement de Lyon. Et même au foot, à l’époque, ce n’était pas glorieux ! Le club phare du Forez, Saint-Etienne, faisait de l’ombre à la cité « goaloise » et flanquait des « piquettes » aux Gones ! Bref, « Sainté mit Lyon » de côté pendant des années. Aulas, Aulas ! Autrefois, le Jésus local ne pouvait changer le vin en victoires… Peut-être était-il suspendu…

LYON SORT SES GRIFFES

Epoque révolue. Car l’heure de la rebel-Lyon a sonné depuis quelques années déjà. Le Spiegel, le New York Times, le Süddeutsche Zeitung, de grands noms de la presse internationale vantent à présent un modèle lyonnais, qui a su faire rimer «passé, diversité et modernité», pour produire un véritable «feu d’artifice culturel». 2000 ans d’histoire s’offrent déjà aux plus de 5,5 mil-Lyon de touristes annuels. Deux fleuves, Rhône et Saône, deux collines, Fourvière, celle «qui prie» et la Croix-Rousse, celle qui «travaille», des quartiers aux ambiances variées, des places, Bellecour, Terreaux, le Vieux-Lyon, ses rues pavées… bref, dans «l’arène» internationale, la vieille cité gallo-romaine a les moyens de se tailler «la part du Lyon».
Mais la ville ne se contente pas de faire fructifier ce riche patrimoine. Des quartiers se métamorphosent complètement ! Un vrai travail sur «soie» ! «Faire la mue, pas la guerre», voilà la recette lyonnaise. Et ce n’est pas du cinéma. Les berges du Rhône, autrefois sinistre succession de parkings, sont devenues, bien avant Paris, d’agréables quais. Les pentes de la Croix-Rousse sont, quant à elles, méconnaissables : les sombres ruelles où l’on ne se promenait guère à la nuit tombée sont aujourd’hui un repaire de bobos qui ont changé en lofts les anciennes habitations de canuts. Non, non, ce n’est pas un «canut-lard» ! Sans oublier Confluence, l’incroyable pari urbain lancé par Raymond Barre et concrétisé par la municipalité actuelle. Une véritable résurrection, guère surprenante pour une cité qui met à l’honneur un «Jésus». Opéra, Biennale de la danse, hip hop, Festival des nuits sonores…, de vastes rituels urbains de renommée internationale viennent rompre cette tradition lyonnaise de discrétion et de retenue.

Et puis, il y a les Lumières, que l’on a complètement transfigurées… Un show d’éclairagistes qui n’a plus grand-chose à voir avec ces petites bougies que l’on allumait depuis 1643 pour remercier la Vierge d’avoir sauvé Lyon de la peste. Un petit côté clinquant et ostentatoire qui séduit des foules de touristes certes, mais qui déplaît à quelques nostalgiques. Des « anti-gones » ? Non ! Ce serait vraiment une « tragédie » ! Peut-être est-ce le prix à payer, bien modeste, pour faire de la ville de Guignol une cité attractive. Alors, tu « t’raboules » quand ?

© MangAllyPop@ER, M.V. Photography, Frédéric Prochasson, clarom69

benjamin rousse
la vie designée

benjamin rousse la vie designée

Le vide à plein temps

Benjamin rousse cultive le plein et le vide. En se jouant des volumes, le lauréat du Lyon City Design libère sa tête pour remplir l’espace. Et vice versa. Ses créations oscillent entre l’art et la fonction, elles véhiculent une matière à réflexion modulable et ludique. On pense, donc, on suit !

Benjamin Rousse pose sur la table un petit bouquin souple. Noir et blanc, couverture minimaliste, « Culture du plein et du [vide] » est son mémoire de fin d’étude. Lao-Tseu, Galilée, Henri Moore et Giacometti y disputent le vide à Lars Von Triers, John Cage et Le Corbusier. Références multiples. Le jeune designer se faufile aujourd’hui hors les mailles tissées à l’école de Condé lyonnaise et aux Beaux-arts de St-Etienne. En fils de l’Art et de l’Utile, il sème ses projets colorés sur tout plein d’horizons. Et la récolte est prometteuse.

« LE DESIGN PEUT ÊTRE DE L’ART. PAS L’INVERSE »

Il se souvient clairement de l’origine de sa vocation. Une anecdote qui tire à Benjamin un sourire presque malicieux. Il a 5 ans. Assis à l’arrière de la voiture familiale, il se chamaille avec sa sœur. Elle a sur les genoux une petite boîte de maquillage, il s’empare du rouge à lèvres et esquisse une girafe sur le dossier du siège : “Je crois que ma passion pour le dessin vient de là. Je n’ai plus arrêté de crayonner depuis !” confie-t-il. La suite est classique, l’art fait désormais partie de sa vie. Mais il voit rapidement des limites aux 2 dimensions du trait : “Je suis passé de l’art au design parce que je voulais travailler des matériaux, en faire quelque chose d’utile et de fonctionnel. Le design peut être de l’art, mais pas l’inverse. Interpeler par l’intermédiaire d’un objet qui véhicule certaines valeurs est un défi passionnant. J’appartiens à un courant où le design est, aussi, un outil de réflexion”.

VIDER SON SAC…

On l’aura compris, Benjamin réfléchit beaucoup. Sur tout. Mais l’objet doit conserver son humour et sa poésie. Autour des notions de plein et de vide, il remplit les espaces, les dépouille. Comme une respiration. Le module de rangement « Trop Plein » en est emblématique. Conçu pour les vêtements, il se gonfle petit à petit : “C’est un objet rigolo, mais son langage est sous-jacent. Souvent, on entasse et on finit par étouffer. Trop Plein évolue avec la quantité qu’on lui impose et sa forme change. Au bout d’un moment, il est temps de vider son sac ! ”. Simple et évident. Aussi évident que « casser » une assiette, entamer son bord et lui donner un angle plat pour gagner de la place sur les tables de bistrot trop petites “parce qu’en fin de compte, tout le monde déplace toujours son verre”. Des réflexions du quotidien que Benjamin développe, qui lui suggèrent la simplicité dont il aime dessiner les contours, pour “arriver à un juste milieu, qui ne soit pas trop pauvre, qui transmette quand même une émotion.” Et c’est le plus dur.

Le design peut être de l’art, mais pas l’inverse.

…ET JOUER LA MÉLODIE DE LA VIE

Vaisselle, textile, petit mobilier privé ou urbain… Benjamin n’est pas cloisonné dans un domaine particulier, il se laisse guider par la matière. Des rouleaux de gazon synthétiques pour des tabourets de bar, du plâtre qui se désagrège avec le temps pour une urne funéraire, du bois… Avec l’espace en pivot central, il s’amuse à moduler les volumes, à l’image des masses évidées et légères de son « Etag’aire » ou de sa console « Partition ». “Nous n’avons ni les mêmes besoins, ni les mêmes désirs, ni les mêmes rythmes aux différents moments de notre évolution et « Partition » suit ce mouvement. Elle reflète notre personnalité.” Comme le fait également le miroir « Perception », inspiré des tâches d’encre du psychodiagnostic : “je voulais une forme qui fasse réfléchir au positionnement de l’homme par rapport à son image, cet aspect psy m’a mené droit au test de Rorschach, j’ai donc pris une tâche de peinture travaillée en symétrie. L’intérêt, c’est qu’on peut l’agencer comme on veut, vis-à-vis ou dos-à-dos, et lorsqu’on rapproche totalement les deux miroirs, on met le vide en évidence…”

MAIN BASSE SUR LA VILLE

En 2012, lauréat du Lyon City Design, le Lyonnais colle son empreinte sur la cité qui l’a vu naître. Il apporte sa touche au paysage urbain, avec notamment, la création d’un banc-îlot, pensé comme un havre rêveur et décliné aujourd’hui, pour le particulier, en un îlot de trois cailloux : “C’est un espace d’évasion dont la forme galet s’intègre à la nature. Avec sa petite niche dans laquelle on peut venir déposer un objet, une lettre ou un livre, il devient lieu d’échange et de partage, d’exposition personnelle et universelle”. Simplicité, humour, poésie, en jouant sur nos émotions, Benjamin Rousse fait carton ple in. Evidemment.

+ d’infos : www.benjaminrousse.com

© Aline Perier

lyon quartier part-dieu

lyon quartier part-dieu

La Part-Dieu plus près du ciel ?

Le cœur économique de Lyon bat plus fort. La métropole rénove le quartier Part-Dieu pour en développer les capacités. Et égratigne quelques riverains au passage.

2010, la Métropole de Lyon repense la ville. A partir d’une réflexion globale sur l’ensemble des quartiers, les élus se concentrent sur le secteur de la Part-Dieu. La zone palpite en cœur de ville. Riche d’un important parc immobilier d’entreprises, d’habitations, de commerces, elle tourne autour d’une gare où 120 000 usagers se bousculent au quotidien. Emplacement stratégique, importantes capacités de développement, le quartier est une vraie pépite. Sauf que la pépite ne brille pas vraiment.

PÂTE À REMODELER

La gare de la Part-Dieu étouffe. Son périmètre saturé met en relief l’ensemble d’un quartier construit dans les années 70. Qui vieillit mal. Michel Le Faou, Adjoint à l’urbanisme et Vice-Président du Grand Lyon, décrit un secteur dont la conception ne répond plus aux enjeux présents et futurs : “L’espace public est fragmenté en plusieurs niveaux, une large place est accordée à la voiture. Alors que les piétons représentent aujourd’hui 60 % des flux. Beaucoup d’immeubles du tertiaire arrivent en fin de concept, ce sont des passoires thermiques. Et la gare, conçue pour accueillir 35 000 usagers, doit être restructurée pour fluidifier les flux”. Un gros chantier. Rénovation de 4 secteurs, extension des commerces et des services, doublement de la surface d’accueil de la gare, le projet ne manque pas d’ambition. Et pour remplacer les immeubles de bureaux obsolètes, le cabinet d’architectes- urbanistes A.U.C. imagine un skyline audacieux.

LA HAUTEUR DES AMBITIONS

Incity gratte le ciel. Ses 39 étages toisent les 165 mètres de la tour Part-Dieu. Avec 25 mètres de plus, Incity, déjà surnommée «la gomme», lui mange des pâtés sur la tête. L’esthétique de la tour Part-Dieu incarne une modernité dépassée. Au propre comme au figuré. Albert Constantin, co-architecte d’Incity avec le cabinet Valode et Pistre, en décrypte le symbole : “Pour les urbanistes des années 70, le «crayon» devait servir de repère au quartier. Il était comme un phare. Ronde, rayonnante, cette tour représente un skyline typique de l’époque. La tour Incity symbolise plutôt la simplicité. Quelque chose d’élancé, d’un peu féminin, dont la fluidité rappelle aussi la soie lyonnaise”. Même si les Quartier Part Dieu éoliennes et les panneaux photovoltaïques initialement prévus ont disparu du projet, Incity reste la 1ère tour HQE (Haute Qualité Environnementale) de centre-ville en France.

DES TOURS DANS LE BROUILLARD…

Incity est un marqueur. La tour précède l’érection de 5 autres bâtiments. La configuration du quartier laisse peu de place à l’étalement, il faut densifier sur de petites parcelles. Les tours Eva, Silex et Silex II, Two Lyon et Icade devraient, à terme, dessiner un skyline rappelant la ligne des Alpes. Une belle image qu’Albert Constantin nuance : “Lyon n’est pas Dubaï. Est-ce que la ville a la capacité d’accueillir beaucoup de bâtiments comme Incity ? Dans une tour, le coût de loyer est supérieur à celui d’un immeuble traditionnel. Il faut donc attirer des sociétés qui ont besoin de se regrouper. Il y a les grands, Alstom, SNCF, EDF. Mais ça n’est pas gagné. Les impératifs de chacun en infléchiront probablement l’idée générale”. Michel Le Faou reste tout aussi prudent : “On ne fait pas de tours pour faire des tours. Un projet demande une dizaine d’années. Nous avons quelques demandes conséquentes, mais ces projets sont conditionnels du reste. Si vous bougez une pièce du puzzle, tout bouge…”

Fin 2011, les habitants de la place de Milan et de Porte-Sud, directement impactés, découvrent le projet dans la presse. “Les visuels étaient magnifiques, mais nos habitations n’y apparaissaient plus ! Nous n’étions pas du tout prévenus !”.

… ET DES RIVERAINS DANS LE FLOU

Les élus, les urbanistes et les architectes s’enthousiasment. Et l’ensemble des Lyonnais accueillent favorablement la restructuration du quartier. Mais certains riverains s’inquiètent. Fin 2011, les habitants de la place de Milan et de Porte-Sud, directement impactés, découvrent le projet dans la presse. Présenté au MIPIM de Cannes (salon mondial de l’immobilier d’entreprise) par Gérard Collomb, il les prend de court. Selon Gwenola Bellange, Présidente de l’Association des Habitants de la Part-Dieu : “Les visuels étaient magnifiques, mais nos habitations n’y apparaissaient plus ! Nous n’étions pas du tout prévenus !”. La réflexion agace un brin Michel La Faou : “Au début, la communication a été plus orientée vers les acteurs économiques, c’est vrai. Il fallait susciter leurs réactions, tester l’engouement du privé pour le projet. Dès 2012, nous avons organisé des réunions d’information, des portes ouvertes, des ballades urbaines animées par un historien. Nous n’avons pas sorti le projet du chapeau après les élections ! ”. Même s’ils sont bien conscients de la nécessité de moderniser le quartier, ces riverains déplorent un manque de transparence sur les dates d’expropriation : “C’est l’inconnu ! – poursuit Gwenola Bellange – On nous a d’abord dit 2018. Puis 2020. Et aujourd’hui, on nous dit 2022. Nous ne pouvons rien anticiper !”. Et les propriétaires demandent des réponses claires à leurs questions. Michel Le Faou s’agace pour de bon : “Il n’y a pas de date parce que, dans l’immédiat, le projet se développe sans besoin d’expropriation ! Nous nous concentrons sur l’amélioration du fonctionnement de la gare, la seconde partie du projet n’interviendra pas avant 2022 ou 2023. Et rien ne peut garantir noir sur blanc que le projet se déroulera comme prévu !”

PLUS PRÈS DE TOI, PART-DIEU ?

Autre inquiétude, les riverains craignent que la Part-Dieu des affaires ne devienne le soir un quartier fantôme. L’élu tempère : “Un quartier à vivre est un quartier qui a des habitants. La Part- Dieu en manque. Or, il en faut pour animer des commerces. Nous souhaitons construire environ 2000 logements d’ici 2025. Des immeubles avec des commerces, de la restauration et des garderies en rez-de-chaussée”. Cette projection ne rassure pas les riverains. Mais à l’échelle de la Métropole, elle entend assurer au quartier un développement cohérent. Un rayonnement international, une vision de l’infiniment grand. Et du haut d’Incity, difficile de voir le petit.

A PART-DIEU, IL Y A QUOI ?

177 hectares • 1 150 000 m2 de bureaux • 2 200 entreprises et administrations
1 Centre Commercial (267 boutiques et grandes surfaces)
2 000 chambres d’hôtel • Une centaine de restaurants
Médiathèque centrale de Lyon, halles Paul Bocuse, cinéma multiplexes, auditorium
• Des crèches inter entreprises
• Plusieurs équipements sportifs (piscine, gymnase, salles de sport…)
• Budget : 400 millions d’euros des acteurs publics, 2,5 milliards acteurs privés

© Laurence Danière

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