25 ans après… philippe decouflé

11 Déc 2017

coup de pro-jo

Ce n’est pas un excès de chauvinisme, c’est une évidence : en matière de cérémonie d’ouverture des JO, il y a eu un avant et après Albertville. En 92, le grand raout protocolaire un peu figé est dépoussiéré, secoué de la flamme au défilé, relooké et réinventé par une bande de prolifiques allumés, sous la baguette magique d’un rêveur éveillé : Philippe Decouflé.

Philippe Decouflé

8 février 1992 – 17h. Le costume de Christophe Salengro, surprenant maître de cérémonie, les robes boules de neige en tête des délégations d’athlètes, les étoiles européennes en roller… Quelques indices, dans la partie protocolaire aiguisent la curiosité, mais à la nuit tombée, c’est une nuée de personnages perchés et chamarrés, ronds ou allongés, glissants, volants, roulants, qui envahit le théâtre olympique, pour un spectacle délirant, aérien, drôle et onirique.

30 000 spectateurs et des millions de téléspectateurs entrent dans l’univers d’un des chorégraphes français les plus talentueux de sa génération. Philippe Decouflé n’est pourtant pas un inconnu.

Tout juste trentenaire, à la tête de sa compagnie DCA, dont le spectacle «Codex» a connu un vrai succès en 1986, il a reçu un Lion d’Argent à Venise pour la publicité Polaroid, et collaboré, aux côtés de Jean-Paul Goude, au défilé du bicentenaire de la Révolution sur les Champs Elysées. Mais cette ouverture des JO braque sur lui tous les projos.

Actives : Comment l’organisation de cet événement vous est-il tombé dessus?
Philippe Decouflé :
Un coup de chance ! Ce que je sais, c’est que Jean-Jacques Annaud travaillait sur un projet, qu’il voulait envoyer les anneaux olympiques dans la stratosphère, et que ça coûtait beaucoup trop cher. Son projet a été abandonné et il y a eu un appel d’offres. Dans la course, il y avait aussi Yves Mourousi et Disney. Mais on a eu la chance d’avoir Jean-Claude Killy et Michel Barnier au COJO (Comité d’Organisation des Jeux Olympiques), qui sont deux personnes curieuses, ouvertes, qui avaient envie de créativité et de nouveauté. Ils avaient plus ou moins établi un cahier des charges de leur côté, avec 4 idées directrices : couleur, jeunesse, dynamisme de la France et pureté du geste sportif. Moi j’étais jeune, j’aimais la couleur, j’étais dynamique et français – ça, c’était fait ! Et c’était le bon moment pour moi, car j’ai pu tout arrêter, prendre toute ma troupe comme assistants, chacun de mes danseurs est devenu responsable de l’un des tableaux et on a travaillé ensemble en création.

C’était un projet sans précédent, avez-vous dû vous battre pour imposer vos idées ?
Moi je n’ai pas eu à le faire, mais je pense qu’au-dessus, mon producteur, Pascal Ortega, m’a protégé, a beaucoup aidé à défendre le côté créatif, ludique et un peu hors normes. Parce que je l’ai vu après, d’une manière générale, c’est difficile de bosser sur des grosses productions, alors que sur celle-là, ça a été un grand plaisir.

Vous n’avez donc pas eu de concessions à faire ?
Presque rien… Les JO partaient à Barcelone après et je me souviens simplement que Juan Antonio Samaranche m’a fait couper un hommage à l’Espagne qui ne lui a pas plu. Mais à part ça, non. Ce qui comptait, c’est qu’on rentrait dans le budget, qui était pourtant énorme pour nous, pharaonique. A Albertville, on avait d’ailleurs pu construire un théâtre, un grand cirque de rêve. Parce que ça ressemblait à un stade, mais on a commencé par faire creuser des tunnels, qui permettaient de faire sortir les gens par le sol, puis ils ont coulé le macadam et planté ce mat gigantesque, comme un parapluie, pour faire tous les vols. Tout le monde était d’accord pour faire un tableau aérien, mais il fallait bien les accrocher quelque part ces gens qui volaient, et donc créer des points d’accroche qui n’existaient pas. C’est Guy-Claude François (ndlr : scénographe d’Ariane Mnouchkine et du Cirque du Soleil) qui a conçu la partie lourde, le décor du théâtre.

Y’a-t-il des idées que vous n’avez pas pu concrétiser ?
Sûrement, mais en même temps, on en a fait tellement de merveilleuses ! C’était un spectacle qui grouillait de talent et de créativité, et ce n’est pas à moi que je veux rendre hommage en disant cela, c’est à tous ceux qui ont travaillé dessus. J’ai eu la chance de cotoyer des gens de très grand talent, comme Jean Rabasse ou Philippe Guillotel avec qui je travaillais déjà. Et puis, je ne sais pas si ça marche encore comme ça, peut- être qu’on est moins naïf aujourd’hui, mais l’olympisme, la valeur olympique, ça portait toute la région, donc les bénévoles, les gens étaient présents, il y avait un moteur… Alors que souvent, une des grandes difficultés quand on monte un spectacle, c’est de motiver. Là, il n’y avait rien à faire, tout le monde était hyper motivé d’emblée, parce qu’ils étaient tellement contents de participer à ça, sans toujours savoir exactement ce qu’on était en train de faire, mais il y avait un enthousiasme général, et c’est super important, pour un artiste.

Comment l’avez-vous vécu le soir même ?
J’étais en régie, c’était compliqué, immense, il fallait tout minuter et j’ai en partie dirigé la lumière, je guidais les mouvements de projecteurs parce qu’il y avait un type qui ne savait pas très bien ce qu’il fallait faire… Il y a donc eu une partie improvisée en réalité ! Et puis il s’est passé des trucs… Par exemple, une des grandes culbutes (ndlr : structures qui basculaient et sur lesquelles glissaient des luges) s’est enfoncée dans le sol, qui a craqué entre les tunnels, l’objet n’arrivait plus à bouger. Pendant ce temps, la musique tourne, les artistes sont là, vous êtes en train de rattraper les coups pour que ça passe quand même…Et il y a eu ce vol des élastiques qui n’est pas parti, mais en réalité, c’était génial, le public a réagi très fort, a encouragé les artistes. Un spectacle parfait, ça ne touche pas, il faut des petites erreurs pour que ce soit touchant.

Quel moment vous a le plus touché d’ailleurs, ou surpris ?
Un peu comme tout le monde, la petite fille qui est montée en chantant la Marseillaise a cappella, c’était très émouvant ; là, j’ai senti que j’avais gagné quelque chose, parce que je pensais vraiment qu’une simple petite fille qui s’envole, ça suffisait. Il y avait 30 000 personnes, les gens étaient loin, il n’y avait pas de musique, elle chantait devant le Président de la République, en montant à 7 mètres de haut, sur une plateforme de rien du tout ! Elle avait quand même une sécurité, mais elle a chanté sa chanson sans broncher, ça c’était sublime… Et puis, on avait beaucoup travaillé, et quand tout à coup, ça existe, ce n’est pas quelque chose que j’ai vécu souvent dans ma vie. La chorégraphie de la parade par exemple, qui était la plus complexe et que j’ai écrite de A à Z, toutes les partitions, tous les schémas de circulation, qui reproduisaient l’eau passant de l’état liquide à l’état de flocon… Ça, quand vous voyez que ça existe et que se combinent parfaitement des danseurs, des patineurs, des acrobates, des jongleurs, des gens qui ne font pas du tout la même chose mais qui le font harmonieusement tous ensemble, j’étais vraiment content, parce que ça marchait.

Aviez-vous le sentiment de faire quelque chose de révolutionnaire ?
Je continuais à faire mon métier comme je l’aimais, et tout d’un coup, j’avais la chance de faire un truc énorme, pour moi, on était dans une suite, ça allait un peu vite, mais c’était bien. Après, j’ai refusé d’en faire d’autres, d’en faire un métier. A Albertville, on avait réussi à faire un truc génial, car on l’avait fait avec les gens de la région, des locaux le plus possible, dès le début, on a monté une antenne à Albertville, on est allé chercher des danseurs, toutes les associations de bonne volonté tout autour, car je crois beaucoup à ça, et c’est la moindre des choses en même temps, mais de plus en plus, c’est l’inverse qui se passe…

Et après un projet d’une telle ampleur, est-ce qu’on ne souffre pas d’une sorte de baby-blues ?
Pas vraiment, par contre, ce qui est difficile à gérer, et j’entendais un footballeur dire la même chose, c’est le succès, je n’étais pas du tout préparé à ça, et je ne savais pas du tout quoi en faire. J’étais un peu dépassé par la notoriété, cette célébrité trop forte tout d’un coup, qui m’a plus dérangé qu’autre chose à vrai dire, parce que je suis plutôt timide, que je n’aime pas trop m’exposer et passer à la télé, et que j’ai toujours estimé que mon travail était beaucoup plus intéressant que le discours, que ce que j’en dit ; ce que j’ai à dire, je le dis sur scène, avec des gens et des mots qui sont choisis.

© V.Baeriswyl. © AFP / David Ake. © AFP/ Eric Feferberg. ©Bon Martin

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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