Quelle guêpe l’a piqué ?
1992. Porte-drapeau de la délégation française lors de la cérémonie d’ouverture, à 24 ans, Fabrice Guy est archi-favori au départ de l’épreuve de combiné nordique. chouchou des Français, celui que ses coéquipiers surnomment « la guêpe » est en tête du classement mondial avec 4 victoires à son actif depuis le début de saison. Et ça ne fait que commencer…
Contre toute attente, franchir la ligne d’arrivée en tête du combiné nordique ne fut pas le point d’orgue des jeux de Fabrice. “On était programmés pour gagner, alors j’ai tout fait pour gagner. J’étais dans ma bulle. L’émotion est venue beaucoup plus tard. En revanche, le moment le plus fort, pour moi, fut de porter le drapeau lors de la cérémonie d’ouverture. Quelle fierté ! Amener toute la délégation française dans le stade, ça reste un moment inoubliable. Le doublé avec Sylvain Guillaume aussi (bien décidé à le rejoindre sur le podium, alors qu’il était treizième après le saut, Sylain s’est jeté dans un sprint hallucinant, dépassant ses rivaux les uns après les autres pour finir médaille d’argent !). On était potes depuis l’âge de 7 ans. C’était beau. Et ça a fait connaître notre sport. Nos villages nous ont suivis partout dans le monde après ce résultat, pendant plus de dix ans !”
A l’époque, ce sport n’attire pas les foules. Et pour cause, le combiné nordique est une discipline redoutable, devant allier une technique irréprochable avec un physique de… guêpe pour voler le plus loin possible en saut et une puissance comme une endurance maximales pour aller le plus vite possible en fond ! C’est tout l’art du combinard !
QUAND IL Y A LES GÊNES, Y’A DU PLAISIR !
C’est à Mouthe, village réputé pour être le plus froid de France, que Fabrice s’initie tout d’abord au ski de fond dès l’âge de 3 ans avant de se lancer quelques années plus tard, en 1980, vers le combiné nordique, encore bien confidentiel. Il faut dire qu’à Mouthe, le ski de fond figure au programme du collège, au même titre que le français, les maths ou encore l’histoire-géo. Lui qui a réalisé son premier saut à 7 ans sur le tremplin de Prémanon, se prend vite au jeu. Il est mordu. Il a de qui tenir… “Mon père était champion de France de ski de fond, son frère champion de France de saut, ma sœur championne de France, ma mère monitrice de ski…”. Même son grand-père a touché ce sport sans le pratiquer. Sur le tremplin de Saint-Nizier, c’est lui qui donne le départ de l’épreuve des Jeux de Grenoble en 1968 !
Retour en 1992… Dans la foulée des Jeux, Fabrice Guy décroche le globe de cristal de la Coupe du monde.

4 FOIS PLUS D’ÉMOTIONS !
A un, c’est bien, à deux, c’est mieux, à quatre, c’est l’éclate ! Car c’est bien la médaille de bronze obtenue par équipe à Nagano, six ans plus tard, qui lui a apporté le plus d’émotion. “Pour moi, c’est la plus belle. Partager une médaille à quatre, c’est plus fort qu’un titre individuel.”
A bientôt 50 ans, le champion de Pontarlier est d’ailleurs toujours en contact avec ses coéquipiers de l’époque, Sylvain Guillaume, Nicolas Bal et Ludovic Roux. En 1999, Fabrice raccroche après 14 ans d’Equipe de France et la participation à 4 olympiades. Mais il ne s’éloigne pas trop des pistes de ski pour autant…
A LA RECHERCHE DE LA GLISSE PARFAITE
Après avoir obtenu le concours des Douanes et un premier poste à la Ferrièresous-Jougne, le champion olympique est détaché auprès de la Fédération française de Ski pendant 12 ans. “J’ai commencé par le Pôle France, puis j’ai rejoint les Equipes de France en tant que technicien fartage et préparation matériel. J’étais à la recherche de la glisse parfaite.”
Il reprend ainsi le rythme de la Coupe du Monde et s’occupe alors d’entraîner un nouvel espoir, Jason Lamy-Chappuis. Il le suivra aux Jeux de Turin, puis de Vancouver, où il obtient le titre olympique. “Je me suis un peu retrouvé en lui. Il skiait un peu comme moi, toujours malin en fin de course. On m’appelait le fox sur le circuit. L’année où Jason devient Champion Olympique, il gagne le globe et obtient le même nombre de victoires en Coupe du Monde que moi. Le même palmarès, 18 ans plus tard! Je l’ai suivi à Sotchi aussi, mais cette fois en tant que consultant pour France Télévisions.” Ses deux dernières années au sein de la FFS seront consacrées à la préparation et à l’entretien des tremplins de Chaux-Neuve.
LE TEMPS DES CONSTATS
“Après 26 ans de fédé, il était temps que je laisse la place aux jeunes. J’ai eu la chance de faire ce que j’aimais, d’arrêter par choix. Aujourd’hui, je suis Agent de Constat des douanes, à Pontarlier. Je constate les infractions. Mon quotidien est assez varié, on tourne sur différents postes chaque jour. En parallèle, je gère l’Association Universki, fondée en 2006 avec Yves Blondeau, qui aide les jeunes skieurs nordiques. Je serai présent sur les prochains JO de Peyong Chang, en tant que consultant.” Sa huitième participation aux Jeux en somme.
Emmènera-t-il avec lui les objets fétiches qui lui ont porté chance à Albertville, puis sur toutes les courses qui ont suivi ? “Mes chaussettes de saut, mon bandeau, mes gants, je les ai amenés le plus loin possible. A la fin, ce n’était pas très joli ! Mais je les ai toujours…”.
Trophées de shuss
Jeux Olympiques :
1992 : Or en Combiné nordique
1998 : Bronze par équipe
Championnats du Monde :
1991 : Argent par équipe
1997 : Bronze individuel
Coupe du Monde :
1992 : Vainqueur du Globe de Cristal
Vainqueur de 6 épreuves
65 fois classé dans le top 15 mondial de 1996 à 1999
Championnats de France :
8 titres
Illustration Joseph Brown – © Afp Olivier Multhaup