activ’ au ski

28 Nov 2017

Planchettes surprise

Ce qui est chouette dans un œuf kinder, c’est la surprise à double détente : la 1ère, subtile, du chocolat blanc sous le chocolat au lait, et la 2ème, évidemment, du cocon dans la coquille, le jouet. La villa solaire, c’est un peu l’œuf kinder de la maison. L’enveloppe extérieure cache son jeu et abrite un cœur inattendu.

Depuis la rue, on voit bien que le bardage de cette imposante ferme morzinoise a fait peau neuve. Le bois brut, encore miel, est doucement en train de prendre la teinte grisée typique des bâtiments d’alpage. Elle en a d’ailleurs les dimensions et la trompeuse austérité. On pourrait très bien ne pas s’y arrêter. Mais au deuxième regard, on remarque les entailles dans les lattes, qui donnent à la façade des allures de grandes orgues. Le vent va-t-il s’y engouffrer et se lancer dans une fugue de Bach? Le lyrisme n’est pourtant pas franchement dans les gènes haut-chablaisiens…

Fausse route. “Les petits tasseaux donnent l’impression de continuité, alors que les planches derrière sont ajourées pour laisser entrer la lumière », recadre l’architecte Jérémie Koempgen. “Les parties vitrées sont partiellement cachées par les couvre-joints. Elles ne sont pas perçues depuis l’extérieur et n’altèrent pas l’uniformité du bardage. Parce que c’était tout l’enjeu sur cette maison : laisser passer la lumière sans modifier la façade.”

RIGIDITÉ DE FAÇADE

Une façade intouchable. En 2009, à l’heure du coup de cœur, les acquéreurs parisiens de la ferme n’avaient pas anticipé cette contrainte. Le bâtiment n’est pas classé – il n’y a pas d’édifice classé sur la commune de Morzine – mais il est “pastillée d’intérêt patrimonial”. Nuance ! “De par son volume, son grenier, son bassin, cette ferme de 1840 était inscrite à l’inventaire des bâtiments remarquables”, explique Bernadette Marullaz, Guide du Patrimoine. “Elle n’avait jamais été touchée depuis l’origine. Nous ne pouvions rien imposer à l’architecte, mais nous lui avons fait des recommandations… Et nous l’avons emmené visiter le village pour l’aider à comprendre. Ça tombe bien, il s’est passionné pour le tout.”

Il a la fraîcheur et l’enthousiasme des jeunes premiers, démarrant son activité. Les propriétaires, un peu dépités, lui ont donné carte blanche en doutant sérieusement, non pas de ses capacités, mais du potentiel du lieu. De négociations en discussions, il gagne la confiance des élus, travaille pour conserver l’aspect d’ensemble, l’identité de la ferme, “en s’autorisant un coefficient d’innovation, en articulant savoir-faire locaux et archi contemporaine.

MAISON TOURNESOL

Les détails de la façade, il les imagine en collaboration avec le studio de création Fuga, parisien lui aussi, dans un partage de compétences assez inhabituel, sans distinction de tâches entre la gestion de l’enveloppe extérieure et celle de l’aménagement intérieur. Il faut ensuite convaincre les artisans. “Pour le bardage, les charpentiers étaient un peu inquiets, jusqu’à ce qu’on apporte la maquette sur le chantier, pour laquelle nous avions fait toutes les découpes au cutter. En l’ayant sous les yeux, en voyant que quelqu’un d’autre l’avait fait, ça les a rassurés, ils sont rentrés dans notre jeu.” Voilà pour la coque de chocolat blanc et son enrobage de chocolat au lait, entrons maintenant dans le vif du Kinder.

L’ambition globale, c’était que l’ensemble raisonne avec son environnement, explique Jérémie Koempgen, qu’on ait l’impression de vivre avec le déplacement du soleil, dans un rapport permanent avec l’extérieur, même sans grande baie vitrée donnant plein pot sur la montagne.” Concrètement, quand, d’une manière plus classique, on choisit une exposition Sud ou Est pour le salon, ici, l’espace central est conçu comme une croix dont les branches donnent sur des ouvertures sur les quatre façades de la maison, de manière à pouvoir suivre, à toute heure du jour, la course du soleil. D’où le nom de Villa Solaire.

QUI CROIX, VOIT

Aux quatre coins de cette croix – une croix n’a pas de coins me direzvous, et vous aurez raison, dessinez-la donc dans un carré… Et bien aux quatre coins de ce carré – , des blocs abritent les chambres et les alcôves, dans lesquelles on grimpe se réfugier comme dans des cabanes, “dans un esprit camping de luxe, comme si on dormait dehors. De la même manière, l’espace autour de l’âtre a été imaginé comme un feu de camp.” Et sous la magistrale charpente apparente, plus que centenaire mais restaurée, les murs sont sombres, ponctués d’encoches lumineuses : le mobilier plutôt contemporain, piqué de touches rouge vif ; le lambris inédit, dessiné également par le tandem archi-designer et décliné en plusieurs coloris, suivant les atmosphères.

Le blanc immaculé de la cuisine et des émaux de Briare dans les salles de bains apporte de la clarté à l’ensemble. Et surprise dans la surprise, au cours des travaux, une 2ème cave est découverte, qui permet d’accueillir la machinerie d’une piscine intérieure, pourquoi donc se priver? Du chocolat ou du jouet, finalement, on ne sait jamais ce qui est le meilleur dans le Kinder.

+ d’infos :
www.myhomeinthealps.com
www.jkarchitecture.fr

Photos : myhomeinthealps.com/Alexis Nicollet

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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