ANDRÉ DUSSOLLIER

9 Fév 2022

D’ANDRÉ DE JEU

Il y a des visages tellement familiers qu’on a l’impression de les avoir déjà croisés… Et c’est vrai, sauf qu’un écran nous séparait. André Dussollier est de ces acteurs qui font quasiment partie de la famille, qu’on imagine facilement à la table du dimanche midi. D’autant qu’il est d’ici !

Du stewart impeccable, mais noceur, dont la coloc’ est chamboulée par l’arrivée d’un bébé (Trois Hommes et un Couffin), au mari complice d’une détective fouineuse et loufoque (Mon Petit Doigt m’a dit), en passant par l’agent immobilier transi, mais éconduit qui entonne Gilbert Bécaud ou Alain Bashung (On connaît la Chanson), André Dussollier promène son élégance discrète, son sourcil circonflexe et sa voix de conteur sur les plateaux de théâtre et de cinéma depuis cinq décennies. François Truffaut, qui lui offrit son premier grand rôle (Une Belle Fille comme Toi), disait de lui qu’il était « le seul acteur qui répétait les scènes, même après les avoir jouées ». Perfectionniste donc, exigeant évidemment, mais toujours parfaitement juste, il déploie sa palette de jeu du film d’auteur au thriller, de la comédie à la biographie, et prend toujours autant de plaisir à incarner des vies différentes. Et la pandémie n’a pas freiné son appétit ! En cette fin 2021, il accompagne la sortie de trois films : «Boîte Noire» avec Pierre Niney, «Attention à la marche» avec Jérôme Commandeur et «Tout s’est bien passé», de François Ozon avec Sophie Marceau et Géraldine Pailhas. C’est lors de la projection de ce dernier à Annecy, que nous l’avons rencontré : de titre de film en titre de film, il nous raconte «Toute une Vie» (1974).

2014 – Novecento, Célestins Théâtre de Lyon © Christian GANET

Activmag : Cet automne, vous avez trois films qui sont sortis coup sur coup, parce qu’ils avaient été retardés à cause du Covid. Comment avez-vous vécu la pandémie, comme une «Cellule de Crise» (2021) ?
André Dussollier : Non, pas trop mal finalement. J’ai compté, j’ai réussi à tourner sept films depuis qu’a commencé le Covid. Donc, les films continuaient à se faire, la différence, c’est que leur existence est très courte maintenant : il y en a beaucoup qui sortent, mais il y a une concurrence tellement énorme qu’ils ne restent pas longtemps à l’écran, ils n’ont pas le temps d’exister, de trouver leur public. Ça pose pas mal de questions sur l’avenir du cinéma… Les films d’auteurs, qui étaient toujours prisés et intéressants en France, parce qu’ils pouvaient donner lieu à des choses inattendues, ont du mal à faire leur place.

Quels sont «les Petits Bonheurs» (1994) qui vous ont fait tenir pendant cette période ?
Déjà, c’était un grand bonheur de pouvoir travailler. Ce n’était pas donné à tout le monde… Mais nous, on n’a pas arrêté de tourner, on a été très surveillés, des médecins nous prenaient la température tous les jours, faisaient des contrôles fréquents… Et les petits bonheurs, c’était de voir mes enfants, de passer des moments avec eux.

Est-ce qu’il y a des petits bonheurs que vous tenez de votre enfance ? Pouvez-vous nous livrer «Trois souvenirs de ma Jeunesse» (2015) ? Enfin… de la vôtre ?
C’est bien de prendre tous les titres comme ça, parce qu’avec le cinéma, j’ai l’impression d’avoir des vies supplémentaires ! Trois souvenirs de ma jeunesse ? Fatalement, il y en a qui sont liés à Cruseilles, le petit village où j’ai vécu pendant 14 ans, où il y avait 1000 habitants, et où j’ai des souvenirs de jeunesse importants, à la fois le sport, la nature, la montagne… Le foot aussi était très important pour moi, parce qu’outre le plaisir de pratiquer, c’était la possibilité de se réunir. Dans un village, il y a des gens qui appartiennent à des milieux très différents, des fils de paysans, d’épiciers, de fonctionnaires, dont j’étais… Le foot nous permettait de nous rassembler le dimanche, on avait l’impression de faire une Coupe d’Europe à chaque fois, même si on se déplaçait dans le village à 3 km ! Le 3e souvenir important, capital pour moi, c’est quand j’avais 10-11 ans, en 6e au collège de St Julien-en-Genevois, et que j’ai découvert le théâtre grâce à une professeure qui nous a emmenés voir une pièce, elle en montait aussi. Ça a été un vrai déclic, l’ouverture sur un monde très riche, très intense, très vivant. J’ai ensuite continué le théâtre parallèlement à mes études.

Quand on parle de ces premières années, de «l’Enfance de l’Art» (1988), on pense souvent à quelque chose de léger, mais au début, vos choix n’ont pas été faciles à imposer…
Ici, à Annecy, c’était inimaginable, pas seulement pour la famille, mais aussi pour l’entourage, de se dire : “je tente l’aventure”. Mais j’ai fait des études, les diplômes comptaient beaucoup dans les années 70, ça rassurait… On m’a ensuite proposé un poste d’assistant de philologie à la fac d’Oran en Algérie, et j’ai dit : “non, je suis incapable d’enseigner” et là, je suis allé à Paris faire du théâtre. C’était un grand saut, mais je n’avais rien à perdre ! C’était le moment, à 23 ans, où on a envie de donner toute son énergie et si ça ne marche pas, ça ne marche pas, j’ai les diplômes, je ferai autre chose. J’avais l’impression de m’accorder enfin la possibilité de vivre ma vie, de faire ce que j’aimais le plus. Ce n’était pas facile, mais l’obstacle ne m’a pas freiné. Je me suis engouffré dans cette possibilité-là, cours, conservatoire, Comédie Française, j’y suis allé à fond et j’étais content. Il y a toujours des situations dans la vie où on n’est pas assez courageux, mais du coup, je me dis tout le temps que quand on a envie et qu’on va au bout de ses intentions, de ses rêves, on a une chance d’y accéder ou d’avancer.

C’est un «Chemin Solitaire» (1990), cette carrière d’acteur ?
Oui, c’est vrai, telle que je l’ai imaginée, c’est un chemin solitaire. Ça correspond peut-être à mes origines de fils unique, je me suis accommodé de la solitude très vite. C’est aussi excitant, parce que vous ne devez rien à personne, et c’était un peu la manière dont nous, les apprentis acteurs, on «consommait» le métier. Mais c’est un chemin d’autant plus solitaire que c’est totalement imprévisible, on dépend tellement des rôles qu’on nous propose, des films, de leur succès… Tout cela est très aléatoire, c’est les montagnes russes ! Il faut bien s’accrocher à sa passion pour pouvoir tenir le coup face aux aléas professionnels.

Malgré tout, ce sont aussi beaucoup de rencontres. Sur quelles collaborations, vous êtes-vous dit : «Ah, le Beau Mariage» (1982) !
Avec Alain Resnais, je le dis tout de suite, sur « Mélo ». J’avais déjà travaillé avant avec lui, mais Mélo, c’était vraiment l’idéal de ce que j’imaginais dans le rapport avec le metteur en scène, avec une très grande écoute de sa part, la possibilité de jouer toutes les nuances que je désirais exprimer, la séduction, l’émotion… C’était vraiment un très beau rôle, quel que soit le destin du film -il a été apprécié par la critique-, j’avais l’impression de rencontrer quelqu’un avec qui je pouvais faire le métier comme j’en rêvais.

Et avec «les Acteurs» (2000) ou actrices ?
Oui, avec les actrices, Sophie Marceau ou Géraldine Pailhas, Charlotte Rampling, ce sont de belles rencontres… Je parle beaucoup de femmes, là, mais Niels Arestrup aussi… Evidemment, quand on a une belle partition, c’est encore plus excitant ! Sabine Azema, Pierre Arditi, je ne peux pas les oublier, Fanny Ardant… Mais ce qui est beau, c’est qu’à tous les âges, vous pouvez avoir des rôles qui vous correspondent et vous permettent de vous confronter à des jeunes générations, il y a une sorte de brassage, de rencontres multiples, avec des gens de tous les univers, de tous les âges, qui est vraiment enrichissant.

On dit souvent que le cinéma est « Une Affaire de Famille » (2008), votre fils est comédien, est-ce qu’un jour vous tournerez avec lui ?
Ma fille aussi, elle est plutôt dans le théâtre… J’ai tourné avec lui récemment dans un film avec Jérôme Commandeur, qui s’appelle «Attention au Départ». J’étais très étonné la première fois que je l’ai vu, parce qu’il était le dernier, Léo, à manifester l’envie d’être comédien. Il ne voulait pas faire comme son père… Donc il a fait du droit, il a été journaliste sportif et puis tout d’un coup, le voilà comédien ! Il ne m’a rien dit, il a suivi un cours, fait ses démarches tout seul. Je l’ai découvert dans une pièce à Avignon il y a 3 ans, et il était vraiment très bien, j’ai eu l’impression de voir un comédien que je ne connaissais pas. J’espère qu’on tournera ensemble, mais il essaie vraiment de faire son chemin sans avoir à se mettre dans mon sillage… C’est peut-être moi qui vais me mettre dans le sien.

On parle souvent des différentes voies qu’ouvre le cinéma, dans le couffin de «Trois Hommes…» (1985), vous n’avez pas trouvé qu’un bébé, mais aussi une nouvelle voie, la comédie. Est-ce que c’est un registre dans lequel vous êtes plus à l’aise, est-ce que c’est votre terrain de jeux favori ? Oui, vraiment ! Quand j’étais au conservatoire, avec Nathalie Baye, on passait beaucoup de scènes de comédie, et quand je suis sorti, j’ai tourné avec des auteurs comme Truffaut, j’étais sur des rôles plutôt graves. «Trois Hommes et un Couffin», c’était une surprise agréable, qui correspondait à mes rêves de toujours. Je sortais de « l’Amour à Mort » et les producteurs, les distributeurs ne voulaient pas de moi. Mais Coline Serreau connaissait les acteurs, elle savait que c’est selon la partition qu’on est drôle ou pas. J’étais vraiment ravi quand on me l’a proposé, parce que j’adore le dynamisme de la comédie, la légèreté, la surprise.

Et avec «Amélie Poulain» (2001), c’était un peu le fabuleux destin d’une voix, avec un X…
Ça me surprend toujours. Je suis sensible à certaines voix, celles de Jean-Louis Trintignant, Delphine Seyrig, Gérard Philippe… Il y a des voix comme ça qui me reste en mémoire et que j’adore entendre, qui sont si particulières, qui racontent une personnalité. Mais sa propre voix, c’est difficile à définir…

Pour quel rôle avez-vous eu l’impression de sortir «Le grand Jeu» (2015) ?
Probablement quand il y a les plus grands écarts à faire, que ce soit Staline ou ce rôle dans «Tout s’est bien passé». Mais, vous parliez de comédie, j’étais ravi de tourner «Tanguy» avec Etienne Chatilliez, de jouer avec Jean-Pierre Jeunet dans «Mic-Macs à Tire-Larigot», ou dans les comédies de Pascal Thomas avec Catherine Frot. A chaque fois, il y a un endroit où on peut se dire : “tiens, je peux faire de choses que je n’avais pas faites avant, exprimer ce que je n’ai pas encore eu l’occasion d’exprimer”.

Est-ce que cette passion du jeu, c’est «l’Amour à Mort» (1984), ce sera jusqu’au bout ?
Ah oui, ça c’est sûr ! Et si le cinéma doit s’arrêter pour une raison ou pour une autre, le théâtre sera toujours là. Parce qu’on n’a pas besoin de beaucoup de choses, ce sont des textes, de la lumière, une salle, des spectateurs… Le cinéma, c’est plus technique, il y a du matériel, des équipes, de l’argent… Mais au théâtre, la magie peut avoir lieu, ça, ça me rassurera toujours. J’ai connu des metteurs en scène qui pensaient qu’ils allaient mourir avec la télévision, le cinéma tout ça, mais non pas du tout, ça reste toujours une envie pour les spectateurs de voir des acteurs leur raconter une histoire.

Qu’est-ce que vous aimeriez laisser de vous, dans votre «Boîte Noire» (2021) ?
J’aimerais encore faire plein de choses ! J’aimerais bien des rôles surprenants, dans cette boîte noire, des entreprises dans lesquelles je serais partie prenante du début jusqu’à la fin, j’aimerais que la vie dure longtemps…

Et jusqu’à présent «Tout s’est bien passé» (2021) ?
Oui, même si, encore une fois, comme le disait Odette Laure, montée sur la scène des César une année où elle n’en avait pas eu : “le César, ça ressemble bien au métier, c’est doré, mais il y a des creux et des bosses !

FAN DE

Le dernier film qui vous a fait vibrer ? Je pense à ce film allemand, «la Vie des Autres» ou «Fury Road», avec Charlize Théron, que j’ai vu à la télévision récemment, parce que c’est un déploiement d’originalité, de spectaculaire… Je peux passer d’un extrême à l’autre.

L’acteur ou actrice qui vous touche ? Je suis toujours touché par Catherine Deneuve, parce que j’ai tourné avec elle et j’aime bien aller voir ses films.

Le morceau que vous chantez sous la douche ? «Résiste» de France Gall.

Quel est l’artiste dont vous adoreriez avoir une création chez vous ? Magritte.

Le dernier auteur que vous avez dévoré ? En ce moment, c’est Jean Meckert, «Les Coups» c’est très beau.

Un personnage politique avec lequel vous aimeriez débattre ? Débattre… Ils sont tous plus forts que moi, je ne pourrais pas tenir le coup.

Un personnage historique que vous admirez ? Philippe Semmelweis, un médecin hongrois, qui a découvert le microbe 50 ans avant Pasteur et qui s’est battu jusqu’à la mort pour convaincre ses contemporains de sa découverte.

Un super-héros dont vous auriez aimé avoir les pouvoirs ? James Bond, mais on ne me le proposera jamais…

Photo haut de page : Patrick Swirc

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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