Sur l’eau : l’Espérance III

Sur l’eau : l’Espérance III

La Fabrick d’Espérance

Il était un petit navire qui n’avait ja, ja, jamais plus navigué… depuis 1930. Et ce n’est pas faute d’avoir largement favorisé l’essor d’Annecy pendant plus d’un siècle. Et puis plus rien. Les bricks se sont cassés du lac… C’est à en perdre ses voiles latines ! Mais quand l’espoir fait vivre, Esperance renaît… Ohé, ohé matelots !

Les voiles latines rayées de la surface du lac… Tel devait être leur destin. Mais contre toute espérance et grâce à l’idée un peu barrée d’un homme et à l’audace -voire l’inconscience- d’une poignée d’autres qui ont répondu : « chiche ! », l’emblématique Espérance revient à la vie… un siècle plus tard. Inespéré…

OH MON BATÔÔÔÔ…

Depuis l’Antiquité, le lac d’Annecy a représenté une voie de circulation plus rapide, plus économique et plus sûre que les mauvaises routes. Il faut dire que les voies sont restées longtemps impraticables du côté d’Angon et en face, au niveau de la pointe de la Puya. Les 2 rives étant compliquées d’accès, ne restait que la voie d’eau”, explique l’historien annécien Philippe Grandchamp. Ainsi, jusque la fin du 18e, les marchandises -raisin, fourrage, bois, tuiles…- étaient transportées à bord de chalands alpins, les «naus». Ces grandes barques à voile carrée, sans gouvernail ni quille, étaient peu maniables : il fallait choper le vent de dos ou sortir les rames et l’huile de coude ! Mais leur fond plat permettait d’accoster n’importe où, même quand les eaux étaient peu profondes. Les naus faisaient donc l’affaire pour les besoins du petit cabotage ici, comme sur le Léman.

DE GALÈRES EN GALÈRES…

Mais au Moyen-Âge, la situation féodale de la région va conduire à donner, à la flotte du Léman, un visage quelque peu insolite et pour le moins unique en Europe pour de la batellerie d’eau douce. Les Comtes de Savoie possèdent, au 13e siècle, la totalité du littoral lémanique. Tout, à l’exception de Genève. Pour en assurer le contrôle et surtout se protéger des attaques bernoises qui convoitent le territoire vaudois, ils vont faire construire une flottille de galères par des charpentiers venus de Méditerranée, les Génois. Ainsi, les rivalités entre Savoie, Genève et Berne entraîneront la construction de véritables armadas, avec batailles navales, pillages et exactions à la clé. Certains navires pouvaient transporter jusqu’à 380 marins et soldats ! Vision surréaliste sur ce lac, aujourd’hui si paisible. Les conflits y feront pourtant rage jusqu’au milieu du 16e siècle. Les galères subsisteront, quant à elles, jusqu’au 18e, en évoluant vers un usage mixte, tout en s’adaptant aux lacs : faible tirant d’eau, flancs larges, immenses voiles latines et pont permettant de charger des marchandises… ou les canons au besoin ! C’est ainsi que l’histoire des barques à voiles latines inscrit ses premiers faits d’armes en terre alpines. “Car jusque-là, on ne les trouvait qu’en Méditerranée sous forme de galères ou en Mer Rouge avec les fameuses felouques. La forme des voiles triangulaires suspendues à une antenne oblique croisant le mat les rendait bien plus maniables que les voiles carrées traditionnelles. Elles sont donc arrivées sur le Léman dans ce conflit contre les Bernois, puis se sont reconverties dans le transport de marchandises”, rappelle l’historien. Jusqu’à faire des petits sur les autres lacs de la région…

Arch. dép. Haute-Savoie

ON NE CASSE PLUS DE BRICKS !

La Révolution, avec l’entrée des troupes françaises en Savoie en 1792, va brasser les cartes, entraînant le départ de toute une population de nobles et de religieux pour Turin. “Jusqu’à la Révolution, Annecy était une ville de couvents, à la fois refuge des catholiques chassés de Genève par le calvinisme, et le bastion de la Contre-Réforme. On en comptait, de mémoire, une quinzaine sur la ville.” Les révolutionnaires débarquant et la religion n’étant plus en odeur de sainteté, les couvents se vident en un tour de main. Et se remplissent aussitôt. On y installe des usines et manufactures qu’il faut maintenant faire tourner.
Et ça tombe bien, car en 1794, c’est l’effervescence : on vient de découvrir deux mines de lignite -un charbon bas de gamme mais charbon quand même-, situées au sud du lac, à Montmin et Entrevernes. Une aubaine pour alimenter en combustible les fabriques nouvellement créées.
Mais encore faut-il transporter ce matériau trop lourd pour les capacités des naus (6 tonnes max). Or, les barques à voiles latines du Léman, peuvent, quant à elles, supporter jusqu’à 40 tonnes ! Et cerise sur le bateau, on peut y entreposer les marchandises directement sur le pont, et pas à fond de cale comme sur les naus. Bien plus pratiques pour la manutention.
Ni une, ni deux, le premier « brick » est fraîchement commandé à Pierre-Joseph Portier, charpentier naval de Thonon. Puis 2, puis 3… Au total, ce sont une douzaine de voiles latines qui sortiront des chantiers navals du Léman de 1794 à 1911 pour tremper leur quille aux eaux annéciennes. Jamais plus de 3 en même temps. L’Innocente, la Belle Etoile, la Dame du Lac, la Charbonnière, la Céleste… C’est Espérance 2 qui ferme le bal, à la tuilerie de St-Jorioz, lève la quille et puis s’en va. L’arrivée du chemin de fer entre Albertville et Annecy, longeant le lac en 1901 (ligne aujourd’hui fermée et transformée partiellement en piste cyclable), la concurrence de la route et l’épuisement du minerai seront fatales aux bricks. Dans les années 30, c’est la claque, elles ont disparu du lac.
Fin de l’histoire.

L’ESPÉRANCE, LE RETOUR

Enfin… du tome 1. Et pourquoi ne pas en écrire la suite ? L’idée a germé dans les sillons des vignes de Veyrier, un matin de mars 2016. “Pierre Lachenal m’a fait venir sur ce site pour me présenter son association «Vignes du Lac». Il s’agissait de voir s’il y avait des synergies possibles entre le vignoble et la Fondation du Patrimoine”, raconte Renaud Veyret, délégué de la Fondation pour la Haute-Savoie. “A l’issue de la visite, il me dit, en sortant une vieille carte postale : Et puis mon rêve, un jour, quand je serai vieux et que je ne saurai plus quoi faire, dans 10 ans quoi (il en avait déjà 70 à l’époque !), ce serait de construire une barque à voiles latines, comme autrefois, pour pouvoir transporter le vin des vignes de Veyrier…” Sur la photo jaunie par le temps, la Comète, grande sœur de Espérance 2. Un rêve farfelu ? Irréalisable ? Sans doute.
Quelques semaines plus tard, le représentant de la Fondation réunit un noyau de chefs d’entreprises avec dans l’idée de monter un club de mécènes. Il se rappelle : “Autour de la table : Mobalpa, Salomon et Botanic. « Soutenir le patrimoine, why not… Mais sur quel projet ? », ils me demandent… Bah, à la Fondation, on a pas mal de bâtiments religieux qui auraient bien besoin… « Ah non, on n’en veut pas ! » Je m’y attendais un peu… Alors on a des châteaux, des maisons fortes ? « Oh, c’est vieillot pour communiquer dessus ! » OK. Et la cinémathèque ? « Déjà vu ! » J’arrivais à court d’idée et je leur lance, un peu au bluff, et puis on a un projet de barque à voiles latines sur le lac d’Annecy… « Mais c’est génial ! En plus, c’est un bateau de marchandises, un projet d’entrepreneurs ! On marche ! »” Les 3 patrons sautent sur le ponton à pieds joints et embarquent dans leur sillage une trentaine de membres de l’APM (clubs de chefs d’entreprises autour du management) sous l’impulsion de Serge Delemontex. 100 000 € sont ainsi débloqués, l’aventure peut commencer. L’association Espérance 3 se jette à l’eau avec, à la barre, Pierre Lachenal, son président, et mise sur un budget d’1,5 million d’euros. Le département et la région sortent alors les voiles (400 000 € chacun), le public est mis à contribution au travers d’une grande souscription (220 000 € seront recueillis par la Fondation du Patrimoine). De quoi se mettre au travail, même si le budget est encore incomplet. L’association emprunte, et espère encore convaincre mécènes et donateurs. L’Agglomération annecienne devrait, quant à elle, en ajouter 100 000 d’ici quelques semaines.

A L’ABORDAGE !

Voilà pour les moyens. Le projet ? La reconstitution à l’identique d’un patrimoine disparu, à partir de plans pour le moins sommaires retrouvés de Esperance 2 : même ligne, même gabarit, quant aux couleurs, “on suppose qu’elle était blanche rouge et verte, mais ce n’est pas garanti sur facture, juste une libre interprétation d’une dizaine de photos… en noir et blanc ! C’est la seule piste qu’on a en notre possession. Pour les réclamations, merci de retourner vos greniers, si vous avez des clichés cou- leurs (de 1910 à 1930), on reprend les pinceaux !”, lance en boutade Renaud Veyret, secrétaire général de l’association. D’ici qu’on le prenne au mot… A l’identique sur le rendu, mais pas sur la méthode. “On s’est demandé : si on avait continué à en construire, comment on aurait fait aujourd’hui ? Il s’agit donc d’une réplique, mais avec les technologies et le savoir-faire d’aujourd’hui. On aurait tort de s’en priver. Rien que le lamellé collé devrait lui offrir une durée de vie bien plus longue”, explique Renaud Veyret. “Sur le lac d’Annecy, il n’y a jamais eu de foc, contrairement au Léman et il n’y en aura pas non plus sur Espérance 3. Il y aura en revanche des haubans, qui n’existaient pas, mais que la législation nous impose aujourd’hui, de même pour les garde-corps et les chandeliers ou encore la motorisation qu’on a choisie électrique, alimentée par des batteries (quand sur le Léman, on est au diesel). Construire un bateau à valeur patrimoniale, même identique à l’historique, est plus contraignant qu’une restauration d’un bateau monument historique. Il faut s’adapter aux normes drastiques d’aujourd’hui”, rappelle Philippe Grandchamp, aujourd’hui parrain de l’association. “Il aurait fallu partir d’un morceau de Espérance 2 pour pouvoir prétendre à une rénovation… Or les seules pièces retrouvées sont les mats reconvertis en avant-toit d’une vieille maison de St-Jorioz ! Pas sûr que la propriétaire aurait accepté de défaire sa charpente pour nous permettre de bénéficier de l’ancienne réglementation !!”, sourit-il. Durant près de deux ans, dans les anciennes forges de Cran-Gevrier, 4 charpentiers de marine (voir encadrés) vont ainsi travailler d’arrache-pieds pour faire renaître l’Espérance, rejoints ces dernières semaines par 2 autres et une volée d’artisans (chaudronniers, électriciens, peintres…) sur la dernière ligne droite… Le bateau est maintenant prêt à jeter les amarres du tome 2.

BATEAU SUR L’EAU…

La trame de l’aventure sera patrimoniale, de fait, mais surtout environnementale -il sera l’emblème de la transition écologique, notamment vers une navigation en tout électrique sur le lac- et pédagogique. Mais pas touristique. “Mis à part l’effet carte postale, sa vocation première n’est pas de faire voyager les touristes. Il y aura peut-être quelques sorties publiques, 35 personnes au maximum, mais c’est avant tout un outil de transition écologique. Il accueillera en revanche des missions scientifiques autour des 3 réserves du lac, et surtout des scolaires pour en faire un lieu de pédagogie et de sensibilisation sur la fragilité de l’eau de montagne confrontée aux changements climatiques. De nombreuses animations seront organisées à quai, en lieu et place du Libellule. Pour autant, Espérance 3 jouera de la voile sur tous les grands événements du lac”, assure Jean-Luc Baudin, chargé de la communication au sein de l’association. Espérance 3 quittera les Forges de Cran-Gevrier le 22 juin à 19h pour une traversée périlleuse de la ville : quand on fait 6,70 mètres de large, la circulation devient épique et les ronds-points impossibles à négocier ! Après une mise à l’eau progressive le lendemain aux Marquisats, la barque ira se faire dorer le pont en cale à Sevrier tout l’été (visible du public), pour les dernières finitions, histoire de se faire reluquer la quille au passage… Retour dans le grand bain en septembre pour une inauguration en grande pompe lors des Journées du Patrimoine.
Ohé ohé matelots


VALENTIN, 25 ANS, DE FRANGY – CHARPENTIER DE MARINE

©Frédéric Seux

Si tu étais une partie du bateau ?
Une membrure. Parce que c’est un ensemble, celui des pièces en bois qui forme le squelette du bateau.
Un bois ?
Le chêne, c’est vraiment la matière noble par excellence. Top à travailler.
Un bateau ?
Plutôt un voyageur, pour de grandes traversées. Un bateau pirate, ça m’irait bien !
Ton meilleur souvenir sur ce chantier ?
Quand on a fini de poser la préceinte, le bordage en haut de la coque, on avait ainsi ceinturé le bateau, tout était apparent, on voyait vraiment les volumes se créer. C’était un moment fort.
Le pire ?
Les collages… Il y en a eu beaucoup. On a passé 4 mois à contre-coller… C’est pas l’étape la plus palpitante ! Mais les volumes et les courbures qu’on voulait atteindre l’exigeaient.
Qu’est-ce que tu garderas de ce chantier ?
Beaucoup d’expériences, de confiance en moi et des amis ! C’était vraiment exceptionnel ces 2 années passées ensemble.

PIERRE, 33 ANS, D’AIX-LES-BAINS, CHARPENTIER DE MARINE

©Frédéric Seux

Si tu étais une partie de bateau ?
Une étrave, la partie avant du bateau, celle qui tranche l’eau ! Qui fonce sans se poser de questions.
Un bois ?
Un bois dur. Le chêne me va bien.
Un bateau ?
Un bateau avec de belles formes élancées. Un cotre-pilote ! Ou un cormoran du Finistère. J’ai travaillé dans les chantiers Jezequel, là-bas. Et ils en fabriquaient. Je les trouvais particulièrement élégants, très bien dessinés, parfaitement finis…
Le meilleur souvenir sur ce chantier ?
Avec Valentin, quand on était sur l’étape de bordage. Du printemps à l’automne 2020, on a constitué la «peau» du bateau. Et c’était vraiment un très bon moment.
Qu’est-ce que tu garderas d’Espérance 3 ?
Ç’aura été un chantier ultra formateur sur la durée, et qui nous donne surtout l’envie de continuer dans cette branche-là. Même si c’était dur, et il ne m’a pas dégouté ce chantier, bien au contraire !!! J’ai presque envie d’en faire un autre, là, pour aller plus vite et progresser encore.
Et demain ?
Je vais prendre des vacances, finir mon bateau perso et régater avec les potes du chantier. Etre enfin au contact de l’eau !

CYRIL, 34 ANS, DU NORD, PRÈS DE LILLE, CHARPENTIER DE MARINE

©Frédéric Seux

Si tu étais une partie de bateau ?
Un bordé qui glisse sur l’eau. C’est ces planches qui forment la coque externe du bateau.
Un bois ?
Le chêne, c’est local, agréable à travailler et ça sent bon. Quand je fais du chêne, je suis content.
Un bateau ?
Les bateaux que j’aime particulièrement, ce sont les Smacks, des vieux voiliers de pêche traditionnels des côtes sud de l’Angleterre. Des bateaux assez puissants avec de superbes lignes. Ou je serais un dragueur de fond dans le sens où j’ai une énergie au long cours. Sur des projets de 2 ans, je n’ai pas le sentiment d’arriver essoufflé.
Ton meilleur souvenir sur ce chantier ?
La pose des galbords, le bordage le plus près de la quille, les pièces les plus difficiles à étuver. Un beau travail d’équipe !
Le pire ?
Le ponçage des peintures ou les collages…
Qu’est-ce que tu garderas de ce chantier ?
Une opportunité incroyable. C’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de se voir confier un tel chantier. On a hâte de le voir maintenant sur l’eau… Même si ce sera la fin d’une aventure.

AMAURY, 21 ANS, DE VENDÉE, SUR LE CHANTIER DEPUIS JANVIER 2021

©Frédéric Seux

Je suis entièrement novice. Je venais de finir un BTS en gestion et protection de la nature. Et je suis tombé ici un peu par hasard. Mais j’y ai pris goût, et je pourrais bien rester dans ce domaine.
Si tu étais une partie de bateau ?
Je serais la quille !
Un bois ?
De l’if. Un bois magnifique que j’aime travailler.
Un bateau ?
Un vieux voilier avec un gros équipage, qui aurait bien baroudé…
Le meilleur souvenir ici ?
Quand on a fini de poser le pont. La dernière latte. C’était gratifiant.
Le pire ?
Le pire… c’est quand j’ai mis à l’envers tous les petits bouchons en bois sur le pont. Ça m’a pris une demi-journée pour tout recommencer ! C’est le métier qui rentre (rire) !!
Qu’est-ce que tu garderas de ce chantier ?
Quelle expérience ! Et quelle fierté !

CÉLIA, 33 ANS, DE PARIS SUR LE CHANTIER DEPUIS JANVIER 2021

©Frédéric Seux

J’ai aucune expérience dans ce genre de chantier. Depuis 8 ans, je suis plutôt une voyageuse ! J’apprends des métiers sur ma route, en fonction de là où je tombe, Asie, Océanie, Amérique Centrale ou Europe… Mais avec le confinement, je me suis retrouvée bloquée en France, et je suis tombée sur l’annonce de ce chantier qui recherchait même des débutants. Et me voilà !
Si tu étais une partie de bateau ?
Les voiles forcément ! Pour partir au gré du vent.
Un bois ?
Du mélèze. C’est celui que j’ai le plus travaillé ici.
Un bateau ?
Un petit voilier de mer… intimiste.
Le meilleur souvenir du chantier ?
Les phases collectives, où on était tous sur une même tache. Celle du collage du pont par exemple. Cette énergie de groupe, où il faut envoyer, où il y a du rythme, une dynamique et un changement de visuel en 2 jours !
Le pire…
Les bobos…
Qu’est-ce que tu garderas d’Espérance 3 ?
Le savoir-faire, l’apprentissage du bois et cette équipe !
Et demain ?
Me lancer dans une transat cet hiver. Direction les îles !

JÉRÔME, 32 ANS, DE TOURS CHARPENTIER DE MARINE, CHEF D’ÉQUIPE

©Frédéric Seux

Ton dernier fait d’armes ?
Avant de venir ici, j’ai eu la chance de travailler 3 ans aux côtés d’Hubert Stagnol sur un superbe voilier dessiné en 1889 par l’Écossais Watson, avec des élancements vertigineux devant, derrière. Un bateau qui est parti pour Singapour. Ultra kiffant !
Si tu étais une partie de bateau ?
Une vis ! Il n’y a pas de pièces superflues sur un bateau, de même pour une équipe. Le principe même du bateau en bois, c’est que toutes les pièces se soutiennent entre elles.
Un bois ?
J’adore l’acacia. Il permet de très belles réalisations autant en tradi qu’en régate ou en yachting. Et le symbole de l’acacia est super fort, l’éternel espoir, l’immortalité…
Un bateau ?
Une hirondelle de la Manche… Comme le Marie-Fernand (1894). Ces cotres-pilotes connus pour aller chercher la performance, en vitesse surtout. Superbes !
Le meilleur souvenir du chantier ?
Le jour où on a levé la quille, Pierre, Valentin et moi. On devait attendre un camion grue, des membres de l’association, des photographes… Et on était prêt. Et Valentin nous a lancé : “Merde, on le fait pour nous !?” On était assez créatifs pour mettre un bout de bois de 900kg sur 3cales ! Et à 3, on l’a fait. Un moment vraiment intense. Qu’est-ce que tu en garderas ?
Le souvenir d’une équipe fabuleuse. J’ai énormément appris à son contact.
Et demain ?
Vacaaaaances !

Et du côté du Léman…

De cette époque, seuls 2 bateaux ont été sauvegardés. A Lausanne, la Vaudoise, le dernier brick construit en 1932 à Meillerie, navigue aujourd’hui sous les couleurs de la Confrérie des Pirates d’Ouchy. Et à Genève, la Neptune, construite en 1904, a été sauvée de la démolition en 1974.
Ils ont été rejoints par 3 nouvelles voiles latines : à Thonon le 11 juin 2000, par la Savoie, réplique d’une barque construite à Genève en 1896 et démolie en 1945 sur les lieux-mêmes qui verront sa renaissance, puis de l’Aurore, une cochère reconstruite à St-Gingolph et de la Demoiselle à Villeneuve qui sillonnent aujourd’hui les eaux du Léman.

Vivement hier !

Envie de full boules déjantées, de cochonnets tourmentés,
Envie de déhanchés effroyables sur des rythmes improbables,
De terrasses bondées, de soirées dévergondées,
De siffler la fin du bal masqué, de voir des sourires édentés…

Vivement hier qu’on se touche !

Envie de nos cafés à s’esclaffer, de nos bouclages, de nos craquages,
Envie de retrouver ma team recavée, les mots dentelles de Mel,
Les contes en flag de Mag, quitter le purgatoire, crier Victoire !
Les bureaux sans So ni Po, j’y divague, tout ça n’est qu’une sale blague.

Vivement demain qu’on remette une cartouche !

Envie encore d’entendre mon père râler qui trop vite s’en est allé,
Envie de voir mes poussins pousser sans barrière ni horaires,
De pouvoir rêver de lendemains lessivés au teint ravivé,
De toi, mon tuteur, mon hacœur, mon lover enjoliveur d’humeur…

Vivement ce soir ta bouche !

On ne va pas en faire tout un fromage !

(A toi, papa, tu l’aurais aimé, celui-là…)

J’étais beau-fort, des pattes d’ours, un cœur de lion, mais, par un caprice des dieux, un soir, j’ai glissé sur la chaussée aux moines.
D’égoutté, me voilà déjà emballé. J’étais pourtant pas pressé.
Toute la bande des Saints était là pour m’accueillir, Félicien, Marcellin, Moret, Nectaire et même Honoré. “Mmm. Pas sûr que ce soit de bon agur, tout ça…”
Ce qui devait être un curé nantais, vu sa tête de moine, s’avança… Il se faisait appeler Petit Billy. J’avais toute une bactérie de questions à lui poser.
– Je vous en brie… me dit-il, sans doute enrhumé.
– J’ai leerdammer, hein ?
– Rouy, on peut le dire.
– C’est étrange, moi qui pèse d’habitude une tomme, je me sens tout affiné…
– Et oui, ici, corps, emmental, tout est allégé !
– Je savais mon temps comté, je suis un vieux pané de la dernière pluie, mais êtes-vous bien sûr que c’était mon tour ?
– Appenzeller que c’est la bonne heure, oui.
– Ah… et cheddar, là, pour demander un peu de rab ?
Le voilà kiri.
– Tartare donc… Et où sommes-nous ?
– Entremont et maroilles, entrammes et pouligny Saint Pierre, plus exactement au palet du Maursois.
– Hum… Salers sympa, cantal la déco, je ne suis pas sûr d’être fan, c’est assez rustique. A vrai dire, ça casse pas des briques, si je peux me permettre, tout ce bleu…
– Avec le temps, vous apprécierez le camaieu, bleu de Termignon, de Gex, de Bresse, des Causses, d’Auvergne…
– Marbleu, n’en jettez plus !
C’est à cet instant que je reconnus Madame Loïk et sa silhouette rondelé. Elle était pourtant passée soumaintrain, si mes souvenirs sont bons. Elle faisselle qui m’a pas vu… C’est curieux, devant cette belle des champs, moi qu’on surnommait le roquefort, je ne sens plus trop ma bûche… P’tit Louis, face à ce nouveau munster, vint m’éclairer :
– Vous verrez, elle est encore mimolette, votre briquette, mais bientôt elle sera toute fondue !
Je lait cru, il avait l’air sancerre.
– L’époisses ! Plus de baby’belle… 
– Banon. Mais vous verrez, il y a d’autres plaisir qu’au (chab)lis, et en abondance ! Ça chaumes pas ici !
– Une vie sans c’edam, c’est pas une vie…
– Ça y est… ça rentre…
– Mais tout s’explique : il y a erreur sur la personne !!! Sans vouloir vous offenser, moi, je crois en Gouda !
Le per’sillé par le toupin de ce trou du cru, ne trouva rien à r’étorki.

Mec plus-ultra : Stéphane De Groodt

Mec plus-ultra : Stéphane De Groodt

Mot(d’au)teur !

Hier pilote de course, aujourd’hui acteur, comédien, chroniqueur, auteur, réalisateur… Pour Stéphane De Groodt, la vie est un jeu de rôles, de mots et de p’tites voitures ! Rencontre à fond la gomme.

Mon homme à moi, en tout bien tout donneur, il me parle d’aventures… Et à 54 ans, il en a au compteur ! Sur les circuits, les planches, les ondes, sous les projecteurs dedans, dehors, devant, derrière, faut suivre !! Et à un rythme aussi effréné que son débit, il va la couler, sa Brel ! Mais non, à l’aise partout, il maîtrise, connaît la lune comme sa poche. Une vie rêvée qu’il pilote comme les voitures de courses qu’il a fait rugir pendant 15 ans, à fond ! Vous avez dit moteur ? En plein tournage du prochain film de Jean-Pierre Jeunet, dans les starting blocks pour nous dévoiler, sur scène, «  Qui est monsieur Smith  ?  », avant d’enchaîner en «  Compagnie des femmes » un road movie poétique de Pascal Thomas, et de faire pétiller «  Champagne  !  » de Nicolas Vanier, un film chorale dont le tournage est prévu au printemps, tout en travaillant sur l’écriture de son premier long métrage à lui, Stéphane De Groodt est à bloc, toujours, la tête dans les étoiles, la pédale scotchée au plancher… Après 4 lapins, de quoi remplir mon clapier pour l’hiver, il est enfin à moi, mon héros des mots…

Activmag : Quel genre d’enfant étiez-vous ?
Stéphane De Groodt : J’étais un gamin très solitaire. J’étais assez gros, ce qui me complexait. Et ce complexe est devenu un moteur. Il fallait que je change mon physique pour pouvoir rentrer dans une voiture de course, qui était un de mes rêves, et je voulais me faire accepter des autres. Les faire rire, comme Louis de Funès, apparaissait un bon moyen. Et c’est ce qui a développé mon envie de devenir comédien également. Du coup, par ce complexe, je me suis très vite projeté dans un autre monde, un monde de grands.

L’école et vous, une grande histoire de désamour ?
L’école académique, ce n’était pas pour moi. Je préférais celle de la vie, des rencontres, de l’observation, j’avais besoin d’apprendre, mais pas assis sur un banc. J’étais dyslexique, incapable d’intégrer de la théorie. Encore aujourd’hui, je ne maîtrise pas les termes techniques du français, alors que l’écriture fait partie de mon métier. Je fais les choses à l’instinct, à l’oreille, à l’intuition.

Vous rêviez beaucoup, notamment d’aller sur la lune…
Je voulais surtout aller au bout de mes rêves, faire quelque chose qui soit hors norme. En fait, j’avais la gourmandise de tout vouloir faire, pompier, pilote, comédien, aller sur la lune, et pourquoi je ne pourrais pas tout faire ? Aujourd’hui encore, au restaurant, je veux prendre toute la carte ! A Disney, monter sur toutes les attractions. C’est comme à vélo, quand on arrête de rouler, on tombe. Ma vie est comme ça, comme sur un vélo.

… ou comme dans une voiture ? Vos premières courses, ado, vous les avez passées dans une baignoire baquet, c’est pratique pour se faire mousser ?
En tout cas, c’était pratique pour m’habituer à rouler sous la pluie ! Mais dans cette baignoire, le ridicule ne tuant plus, avec la combi et tout l’attirail, j’avais surtout la sensation d’être installé dans une voiture de course, couché dans le même espace exigu. Je me projetais… et ces projections sont devenues des buts, dans tous les domaines.

A 18-20 ans, hormis une brillante carrière de faiseur de raviolis, quels rêves nourrissiez-vous ?
Déjà, je nourrissais les gens, je nourrissais donc quelque chose  !!  (rire) J’adore la cuisine et faire des pâtes, pour gagner mon indépendance et me payer mes cours de pilotage, c’était un moment heureux. Les raviolis, c’est le symbole de ma liberté !!

Le week-end coureur automobile, le soir vous preniez des cours d’impro, vous aimez vous mettre en danger ? Vous exposer ?
C’est primordial pour vivre ! Sans exposition, il n’y a pas de lumière, y’a rien. C’est Brel qui m’a poussé là dedans : faut se lever, faut y aller, faut se planter. Et se planter, c’est bien, ça repousse après ! Si vous ne faites pas d’erreur, c’est que vous ne vivez pas. Chercher ses propres limites, les explorer, c’est essentiel pour moi. Rien qu’hier, avec des amis, on a eu un grand débat sur la liberté d’expression. Cette liberté, pour exister, elle a besoin d’un cadre, de limites. Au-delà, c’est l’anarchie. Ces limites, il faut les trouver pour expérimenter ensuite sa liberté.

Le débat tournait autour de Charlie ?
Exactement.

Et votre point de vue sur le sujet ?
C’est d’autant plus sensible pour moi que je suis dans un métier lié à l’expression. Mais être libre de s’exprimer, ce n’est pas forcément pouvoir dire tout ce qu’on veut. On ne vit plus dans la même société qu’il y a un siècle ou même 20 ans. Elle est hyper connectée. Et les propos que vous tenez ne sont plus diffusés qu’à un cercle restreint, ils touchent un public tellement plus large, et par là-même n’ont plus la même valeur. L’autre a aussi son importance. Je trouve que ce n’est plus de l’expression quand ça devient de la provocation.

Vous vivez tout à fond la caisse ! Diriez-vous que vous êtes un brin excessif ?
Vivre à fond la caisse, je trouve ça assez raisonnable au final ! Y a tant à explorer…

Explorer, aller au bout de vos rêves, c’est votre moteur. Vous rêvez encore ?
Ce serait un vrai cauchemar que de ne plus avoir de rêves. De ronronner. Il m’est arrivé un soir de ne plus avoir le trac avant de monter sur scène. C’était pas possible  ! Le lendemain, je me suis mis en danger, pour ne plus être confortable. Je ne supporte pas l’idée que deux jours se ressemblent. Alors oui, je nourris l’envie de réaliser un film, d’écrire une pièce de théâtre, de grandir comme père attentif auprès de mes filles. Tous les jours, on peut devenir quelqu’un de différent ! Ça ne me quittera jamais cette notion de devenir…

C’est comme à vélo, quand on arrête de rouler, on tombe.
Ma vie est comme ça, comme sur un vélo.

De vos 30 ans, vous retenez quoi ?
30 ans, pour moi, c’est une rupture à tous les niveaux. Une rupture amoureuse, l’amorce de la fin de ma carrière automobile pour me consacrer à celle d’acteur. J’étais au milieu du gué à 30 ans ! En fait, j’aurais aimé avoir 50 ans à 30 ans ! Je suis beaucoup plus heureux de ce que je suis aujourd’hui, qu’à cette époque… mais avec 20 ans de plus !

Ecriture, théâtre ou cinéma, dans quel exercice vous vous éclatez le plus ?
J’ai pris conscience que j’étais d’une impatience terrible. Je dois être dans l’action constamment, sinon je tombe du vélo ! J’adore le cinéma, mais je ne supporte pas d’attendre. Et le cinéma, ce n’est que ça… J’aime initier les choses, du coup, forcément, j’adore l’écriture, parce que c’est moi qui tiens la plume et qui suis maître du temps, d’où mon envie de réaliser, d’inscrire mon propre tempo. Du coup, ça dépend du degré de mon impatience… Après, je suis fou de théâtre. Vous êtes là, vous jouez vous ressentez l’énergie du public… C’est intense.

Théâtre et pilotage, même adrénaline ?
Carrément. Vous savez, je ne fume pas, je ne prends pas de drogue, mais je suis complètement camé à l’adrénaline. C’est moins cher  ! Et moins mauvais pour la santé, paraît-il. Mais c’est une vraie drogue. J’ai besoin de vibrer, d’être excité par la vie et c’est vrai que le théâtre, comme la course, c’est excitant ! Y a de l’enjeu, du risque, il faut faire preuve de créativité, ne jamais se poser. C’est pareil dans une vie de couple. Même si on décide de passer jour et nuit avec la personne qu’on aime, il faut réinventer la relation. Au tout début de l’histoire avec ma femme, alors que le ciel était dégagé, je lui ai dit : ce serait bien qu’on ait la force de décider, quoi qu’il arrive, de déménager tous les 4-5 ans, pour avoir une nouvelle circulation des émotions et de changer de métier tous les 4 ans, de renouveler les choses, pour les réinventer, toujours…

Vous jouez avec les mots, vous jouez les rôles qu’on vous confie, vous jouez aux petites voitures, grandeur nature… Vous ne seriez pas un joueur invétéré ?
J’aime le jeu, tant qu’il n’est pas de hasard… J’aime provoquer le hasard, mais je n’aime pas qu’il me provoque. Je n’aime pas être soumis à lui, comme dans un casino. Ne plus être maître de mon destin, c’est perdre ma liberté… Moi, quand je joue avec les mots, mais pareil pour le reste, c’est beaucoup de travail. Desproges disait que faire rire est une affaire sérieuse…

D’où vous vient cette écriture, entre « absurdie » et une certaine logique ?
Ça me vient de l’impro. Quand j’ai découvert qu’on pouvait visiter le monde autrement, dans notre tête. L’absurde ne part pas de rien. C’est raconter quelque chose d’existant, mais d’une autre manière. C’est se jouer de la réalité. Puiser dans son imaginaire.

Bah finalement, vous l’avez fait votre voyage sur la lune ?
Oui, et j’ai pris un abonnement ! Je fais des aller-retour constamment.

Pour avoir bien observé vos chroniques, je dirais que vous empruntez votre technique au mot-decin légiste : vous commencez par ausculter les mots, vous les disséquez avant de les recoudre à votre sauce, souvent dans le désordre…
C’est exact. On ne comprend jamais aussi bien un appareil électrique qu’en le démontant et en le remontant ! Pareil pour la peinture, les objets, les mots, une pièce de théâtre, pour mieux en appréhender les rouages, entrer dans la tête de l’auteur, se noyer dans l’encre des mots pour en découvrir tous les secrets. J’adore ça ! Et je suis toujours surpris de découvrir que l’association de tel mot avec un autre va donner un mot nouveau… C’est un vrai trésor. Cette recherche est très amusante et excitante. C’est pas tant le jeu de mots qui est ludique, mais c’est de jouer avec eux.

C’est pas un peu le bazar dans votre tête ou vous rangez de temps en temps ?
Plus que le bazar, c’est très bruyant. Je me parle constamment, sans être schizophrène pour autant, mais c’est un vrai dialogue animé dans ma tête, entre moi et moi : je me juge, je me jauge, je me coupe la parole, me confronte à moi-même souvent et ça me sauve de bien des tourments… Donc oui, c’est le bazar et encore plus quand je m’engueule !

Les livres, post chroniques, c’est un peu la session de rattrapage pour le public… Une seconde chance pour tout comprendre ?
En fait, c’est Muriel Beyer, éditrice chez Plon, qui un jour me dit : « je voudrais éditer tes textes », et je ne comprenais pas bien pourquoi. Pour moi, c’était le comédien qui racontait des histoires avec une rythmique et « le comprenne qui pourra » effectivement. Je ne cherchais pas à faire quelque chose de didactique, ou que ce soit absolument intelligible. C’était un exercice de style qui acceptait, dans sa version rythmée, de laisser sur le bord de la route quelques jeux de mots qui ne seraient pas perçus ou compris. Peu importait, c’était mon plaisir de sortir l’histoire comme ça. Et elle a insisté… Elle y croyait et l’avenir lui a donné raison. Les livres ont très bien marché.

Chevalier des arts et des lettres en 2015, sacrée revanche pour quelqu’un qui n’a aucun diplôme…
Je ne suis pas très revanchard de caractère. Etant un cancre à l’école, jamais je n’aurais pu imaginer recevoir une quelconque distinction dans ce registre. Cette reconnaissance, que ça vienne de la France, moi petit Belge, m’a vraiment ému.

Les femmes de votre vie, il y en a eu pas mal…
C’est vrai. D’ailleurs, je dédicace mes livres ainsi : « à ma mère qui a fait de moi un fils, à ma femme qui a fait de moi un mari, à mes filles qui ont fait de moi un père et à ces femmes qui ont fait de moi un homme. » En fait, les femmes jouent un rôle primordial dans ma vie.

Parmi elles, Maïtena Miraben et Caroline Roux sur Canal+ ?
Sans Maïtena et ses réactions, ça n’aurait pas fonctionné de la même manière. Il y avait une vraie alchimie. Mais c’est vrai que ça a démarré avant, avec Caroline. Et même si on ne se voit plus, un vrai lien est resté, on communique souvent via les réseaux. L’histoire a commencé avec elle, à la matinale, et je ne l’oublierai jamais. Et avant encore, c’est Christelle Graillot, dénicheuse de talents pour Canal, qui m’a poussé à faire des essais pour la chaîne. Elle sentait quelque chose sans savoir quoi exactement, pour de la pige, pour devenir animateur, chroniqueur ? 10 fois elle m’a demandé, 10 fois je lui ai dit non. J’avais 40 ans, j’étais comédien, j’allais pas recommencer les castings pour une autre voie ! Et elle a tellement insisté que j’ai cédé. Et ça a tout changé pour moi. Alors oui, ces femmes ont fait de moi ce que je suis. Je leur dois tellement. Ma femme Odile particulièrement, qui a toujours eu un regard important sur mon parcours, terre à terre, pertinent, qui m’a accompagné pendant 20 ans. Certes, on n’est plus ensemble aujourd’hui, mais elle compte beaucoup pour moi.

Bon, dans le tableau il y a quand même quelques hommes… Un Jacques Brel par exemple ?
Il a bouleversé ma vie ! C’est le mari de ma mère – un puits de sciences qui a beaucoup contribué à mon éduction -, qui m’a fait découvrir Brel. L’éducation, c’est parfois juste mettre entre les mains un disque qui change tout. Ce fut une ampoule qu’on a allumée. Dans sa manière de parler de la vie, de chanter l’amour, sa force, son émotion, et sa droiture. De renoncer à la scène quand il a eu le sentiment d’avoir tout dit, pour ne pas se répéter… Alors qu’il n’avait pas 40 ans et qu’il était au sommet… C’est rare une telle authenticité, une telle honnêteté. Il y a des chansons de lui que j’écoute aujourd’hui pour la cinquantième fois, j’ai toujours les larmes aux yeux, les poils qui se hérissent. Il est inscrit dans ma chair.

Les pilotes aussi vous ont « guidé » ?
Et comment ! Je pense notamment au pilote belge Jacky Ickx, ou à Ayrton Senna, Villeneuve, des chevaliers des temps modernes, des héros flamboyants qui allaient sur la lune ! Cette fameuse lune… dont parlait si bien Brel, l’inaccessible étoile… Cette quête pour s’élever.

De tous vos films, lesquels ont joué un rôle particulier dans votre vie ?
« Le Jeu » de Fred Cavayé, j’ai adoré ce film et j’ai le sentiment qu’il a changé mon statut dans le métier. Il y en a un autre que j’aime particulièrement et qui va bientôt sortir, c’est « Tout nous sourit » de Mélissa Drigeard avec Elsa Zylberstein (NDLR : ils ont reçu tous les 2, pour ce film, le prix d’interprétation au Festival International du Film de Comédie de l’Alpe d’Huez), c’est un film qui compte pour moi et qui j’espère comptera pour les téléspectateurs quand il pourra enfin être vu en salle…

Vous êtes en plein tournage du prochain long métrage de Jean-Pierre Jeunet, Bigbug, une comédie satirique et futuriste sur l’intelligence artificielle…
C’est une aventure extraordinaire de pouvoir travailler avec quelqu’un comme Jean-Pierre Jeunet, qui vit avec, dans, par et pour le cinéma. La seule personne avec qui j’ai vécu ça auparavant, c’est Claude Lelouch. Ce sont des enfants, en fait ! Ils ont cette capacité à créer des univers à part, à nous faire rêver… Chaque plan que Jeunet imagine pour son film, vous pouvez l’imprimer et le mettre au mur sous cadre ! C’est magnifiquement pensé. C’est vraiment une superbe expérience que je vis là !

Il y a eu Stéphane le pilote, le comédien, l’acteur, l’auteur, le chroniqueur, le réalisateur, vous êtes encore nombreux dans votre tête ?
(rire) Euh… il y en a un autre qui est en train de poindre… Je travaille sur le développement d’une application. J’ai décelé un manque dans un secteur très particulier et elle devrait combler ce vide, mais j’en dis pas plus…

Et puis il y a Stéphane le papa… Quel genre de père êtes-vous ?
Un père transi et contrarié de ne pouvoir être plus présent pour ses filles. Je ne les vois que les week-ends. C’est terriblement frustrant. D’un mois sur l’autre, l’évolution physique, celle de leur caractère, de leur regard sur les choses, au-delà de l’amour que je leur porte, les enfants apparaissent comme le point de référence de ce temps qui passe trop vite. Et dans ce temps qui nous échappe, j’essaie de faire de mon mieux, avec le sentiment d’être souvent maladroit. Comme je ne peux pas les aider scolairement, je n’ai pas le bagage pour ça, j’essaie de leur insuffler le goût du risque, de l’humour, cette forme d’intelligence qui va avec. On ne peut pas être foncièrement drôle sans être intelligent et inversement. Et l’humour est une jolie carapace qui protège et impose de prendre du recul sur les choses. C’est ce genre de graines que je sème auprès de mes filles…

© Sylvain Lefevre/Getty Images / DR

mec plus-ultra : Aimé Jacquet

mec plus-ultra : Aimé Jacquet

Aimé, c’est plus fort que tout

12 juillet 98, coup de sifflet final d’un France Brésil d’anthologie, le pays tout entier compte jusqu’à trois ! Et exulte avec les Bleus ! On est champion, on est champion Mémé !! Aimé Jacquet brandit la coupe à s’en arracher les bras, mieux qu’accrocher une étoile au maillot, il décroche celle de toute une vie et fait la Ola!

Certains tombent dans le chaudron petit, d’autres naissent avec un ballon dans les pieds, lui, fait le doublé ! De St Etienne, à Bordeaux en passant par Lyon, Aimé Jacquet en a vu des verts et des bien murs ! Et quand il arrive en 1994 à la tête des Bleus, c’est tout un savoir qu’il met en jambes pour courir au bout du rêve. Sens de l’analyse, tactique surprise, persévérance, dérision, motivation et passion hors norme, ses discours font trembler les vestiaires et résonnent comme jamais, mais qu’importe, dans le bleu de ses yeux, il y a la victoire, le bonheur à pleine coupe. Retour sur un parcours complètement foot… Sous une bonne étoile, et quelle étoile… Sacré Mémé !

Activmag : Votre surnom, Mémé, ça remonte à quand ?
Aimé Jacquet :
A l’école ! A l’époque, pour les diminutifs, on n’allait pas chercher bien loin… J’étais en colère contre mes parents qu’ils aient pu m’appeler Aimé ! Ça donnait Mémé, ça faisait vieux !

Et pourtant, quel joli prénom !
Oui, c’est vrai, vous avez raison… Mais je ne le voyais pas de cet œil, petit…

Après avoir joué, tout gosse, dans le club de votre village, Sail sous Couzan, dans la Loire, vous avez démarré votre carrière en 1960 chez les Verts, comme footballeur fraiseur…
C’est vrai, j’ai fait partie de la dernière génération qui cumulait foot et travail. Du coup, il fallait jongler avec les horaires de l’usine qui tournaient -soit je m’entraînais le matin, soit c’était le soir-, avec les séances d’entraînement. Mais au bout d’un moment, mon entraîneur m’a demandé que je choisisse mon camp. Il voulait que je m’entraîne le matin avec les professionnels. Et mon meilleur copain, Roger Merle s’est sacrifié pour moi, il a bossé tous les matins pour que je puisse jouer. C’est grâce à lui que j’ai pu commencer ma carrière.

Après, le football est devenu entièrement professionnel, ça change la vie ?
Forcément, c’est mieux de pouvoir se consacrer entièrement à son sport. On se prépare mieux. Pour moi, les horaires étaient compliqués, c’était 4 heures du matin midi, ou midi 20 heures. Ce n’est pas compatible avec un métier qui demande une exigence athlétique, suffisamment d’heures de récupération, une alimentation adaptée… J’ai cumulé pendant deux ans, avant de devoir faire 21 mois d’armée en Algérie. Vous vous rendez compte, j’ai dû arrêter le football pendant 21 mois ! Et l’armée finie, c’était tout à refaire ! L’usine et les entraînements… Et l’entraîneur, là, m’a dit de prendre des risques et de quitter mon travail. Mais même si c’était dur, c’était une belle période pour moi. Les copains de l’usine étaient très solidaires, fraternels. J’étais entouré, ce sont des années heureuses. Pour autant, j’ai été bien content de quitter mon job pour me consacrer entièrement au foot. C’était pas une vie ces horaires !

Mais les salaires de pro n’étaient pas ceux qu’on connaît ?
Ouh la, non, rien à voir… On touchait très peu ! Et on était liés à vie avec le club qui pouvait faire de vous ce qu’il voulait, vous transférer à l’autre bout de la France si ça le chantait, vous envoyer jouer pour Boulogne, sans vous demander votre avis… (NDLR : Raymond Kopa parlera de «joueurs esclaves» en 63, qui lui valut 6 mois de suspension et déclencha la révolte des joueurs contre le contrat à vie. En 67, il sera reconnu comme illégal). J’ai vraiment vécu toute cette transition vers la professionnalisation du foot, telle qu’on la connaît aujourd’hui, avec notamment le passage au «contrat à temps», en 1969, qui mettait fin au contrat à vie. Et j’ai eu la chance de vivre cette évolution dans un grand club, à Saint-Etienne, qui, à cette époque-là, dominait tout le foot français. Je jouais aux côtés d’internationaux comme Patrick Revelli, Dominique Rocheteau, Jean-Michel Larqué, Salif Keita…

Avec l’AS St-Etienne, vous remportez 4 années de suite le championnat de France et 2 coupes de France. Vous avez 30 ans. Que retenez-vous de cette période ?
J’ai connu deux monde, celui des paysans, magnifique, avec mon père, boucher de campagne, et le monde ouvrier, fantastique de solidarité. Mais les plus beaux moments de ma vie ont été ceux en tant que footballeur à Saint-Etienne. C’est beaucoup de sacrifices, mais quel bonheur de jouer… C’est bien mieux que d’être entraîneur, je peux vous le dire !! (rire)

Vous raccrochez les crampons après un passage par Lyon à 34 ans…
Oui, c’était le bon moment ! J’avais été gravement blessé, avec une rupture du talon d’Achille. Je suis resté 20 mois sans jouer, ça a stoppé ma carrière. Et j’ai voulu devenir entraîneur pour rendre au football ce qu’il m’avait apporté. Je suis parti dans cet esprit-là.

Vous n’aviez joué que 2 matchs en équipe de France, ce n’est pas trop frustrant ?
Oh non, c’est déjà beaucoup compte tenu de mes qualités !! J’ai bénéficié de l’aura de mes collègues, pour tout dire. Quand j’ai été sélectionné, on était 6 ou 7 de Saint-Etienne dans l’équipe de France… Je devais être le 7e en choix ! (rire) Non, j’ai été très fier et heureux de jouer 2 matchs, 2 grands matchs même, contre l’Allemagne et l’Espagne. Je m’en souviens encore… Vous savez, le but de tout joueur, c’est d’être sélectionné en équipe de France. Et puis j’y suis resté un peu plus d’un an… Alors ces 2 matchs, j’y tiens !

C’est le principe de la folie des grands événements, selon que le ballon finit dedans ou au-dessus, vous êtes un héros ou un zéro !

Vous avez fait le bonheur des Girondins dans les années 80…
Oui, et juste avant, j’avais entamé ma carrière d’entraîneur à Lyon, chez l’ennemi de toujours. Autant vous dire que j’ai été apatride pendant quelques années ! (rire) Et après, j’ai eu une belle opportunité sur Bordeaux et ça a été 9 ans fantastiques ! Avec de beaux succès, mais vous savez, on est un grand entraîneur que quand on a de grands joueurs et j’ai eu la chance d’en avoir de tous grands ! Alain Giresse, Jean Tigana, Marius Trésor, Patrick Battiston, Bernard Lacombe… tous des gars qui étaient en équipe de France sous l’époque platinienne…

Et en 94, en pleine crise après les éliminatoires de la coupe du monde, on vous demande de prendre la succession de Gérard Houllier. Vous devenez sélectionneur des Bleus, vous le vivez comme une consécration?
Oh ça oui! Et j’ai pas hésité, je leur ai dit: pas de problème, je vais y aller ! Le projet est trop beau et je connaissais alors parfaitement tout le football français, tous les joueurs, leur parcours, je les avais accompagnés pour certains. C’était donc pour moi une grande chance et un honneur de prendre l’équipe de France.

Et vous le vivez comment, ce moment ?
Je dois vous dire que l’équipe de France, ce sont les années les plus dures, les plus redoutables de ma vie. Ça a été infernal. C’était le chaos. Il a fallu repartir de zéro. Remettre l’équipe de France en route. Et puis, on a fait un bon championnat d’Europe en Angleterre…

En 96, la France arrive même jusqu’en demi-finale de l’Euro. Echouer aux portes de la finale, c’est le verre à moitié plein ou moitié vide ?
Oh, on était déjà tellement contents d’arriver dans les 4 finalistes, qu’on a apprécié ! Mais on avait atteint nos limites à ce moment-là. Et ça nous a permis, durant deux ans, de bien préparer la coupe du monde.

Arrive 98, l’heure de la revanche. La pression était au rendez-vous !
Elle était immense. Deux ans d’enfer ! Mais alors vraiment l’enfer ! Il y avait beaucoup de problèmes, beaucoup d’incertitudes et beaucoup d’attentes. Mais je m’étais bien entouré. On a fait le parcours dans la dureté, mais on l’a fait avec beaucoup de professionnalisme et de responsabilité, c’est ce qui nous a permis d’aborder la coupe du monde avec un capital de sécurité et de confiance assez important.

On dit alors qu’il n’y a pas 1 sélectionneur, mais 67 millions ! Que de concurrence !
C’est normal, c’est le jeu. Et dans ces cas-là, faut pas trop écouter, il faut avoir une bonne ligne de conduite et la respecter ! Si vous l’avez, les joueurs vous suivront, fidèles et confiants.

Dans ces moments sous tension, com- ment arrive-t-on à décompresser ? Pendant ces deux ans de préparation, j’ai été sous pression tout le temps. Pas de repos, ni de plaisir ! Ce fut intense. Mais sélectionneur, c’est aussi un beau métier. C’est travailler avec l’humain, associer des talents, c’est surtout manager les hommes, et c’est ce que j’aime. Et à ce moment-là, je connaissais parfaitement mes joueurs, je savais exactement ce que je voulais faire, restait juste l’incertitude des blessures, des absences, des fautes, tout évolue et il faut s’adapter sans cesse, mais c’est passionnant.

La demi-finale, contre la Croatie, vous a donné des suées…
C’est qu’on avait tellement peur de manquer cette finale… On en a tellement manqué par le passé, ça nous restait en travers de la gorge, y avait toujours ce spectre qui rodait…

Comment avez-vous remobilisé vos troupes pour le jour J ?
C’est pas que le jour J, c’était tous les jours ! Par une écoute, par les bons mots, par les décisions en tant que chef qu’on doit prendre et s’assurer que tout le monde suit, que tout le monde adhère. J’ai été dur, féroce même, mais quand on a des décisions à prendre de ce calibre, on a quelque chose d’inhumain. On doit faire abstraction de ses émotions. Mais quand on a des relations extrêmement sincères, directes, sans langue de bois, ça se passe très bien avec les professionnels. Ils respectent tout, du moment qu’on a les arguments pour éclairer ces décisions. Pour cette finale, on était dans un climat de tension, d’excitation et de confiance. On a abordé ça avec une détermination fantastique. C’est un des plus beaux moments de ma vie professionnelle.

Vous vous êtes vu dans «Les Bleus dans les Yeux» ? Comment vous vous êtes trouvé dans ce rôle, avec le recul ?
J’ai été un peu surpris… On était tellement concentrés qu’on avait oublié qu’on était filmés ! Mais c’est la réalité. Vous êtes dans la réalité du terrain, de l’intime d’une équipe, du vestiaire. Ce fut un excellent moyen de montrer au public que rien ne se fait au hasard, que c’est pas en sifflotant qu’on arrive là ! C’est du travail tous les jours, du relationnel, de l’écoute… Et beaucoup d’exigence.

Pour vos joueurs, vous représentiez la figure paternelle, vous avez même passé un noël en famille avec eux à Tignes, en 97…
Forcément des liens se sont tissés. Et depuis 98, nous nous voyons chaque année. C’est la première fois, que ça ne se fait pas, avec ce Covid, mais sinon, on se retrouve toujours tous ensemble au moins une fois l’an. On a d’ailleurs créé une association, et à travers elle, on organise des matchs amicaux au profit de personnes en difficulté.

Le 12 juillet, vous passez de sélectionneur critiqué à héros national adulé, comment vit-on cette soudaine sacralisation ?
Bah écoutez, il valait mieux que ça se passe comme ça pour moi, hein !? C’est le principe de la folie des grands événements, selon que le ballon finit dedans ou au-dessus, vous êtes un héros ou un zéro ! C’est pourquoi il faut garder son humilité dans des évènements de cette dimension. Ça ne tient pas à grand chose au final…

Tout de suite après le match, j’ai connu, comme beaucoup d’entre nous, une des plus grandes émotions de ma vie, cette communion, toute la France qui descend dans la rue, toutes LES France… quels que soit l’âge, l’origine, le milieu social, la religion, le sexe… Tout le monde dans une même joie, une même fraternité. Vous vous attendiez à de telles effusions ?
On a été d’autant plus surpris que nous avions vécu un mois dans une bulle, totalement déconnectés de la société. Quand on a vu le bonheur des gens, ça nous a transcendés.

Il n’y a que le foot qui peut faire cet effet-là ?
Le sport en général peut réunir une nation. En cas de succès, il a cette capacité d’effacer toutes divergences, opinions politiques, couleurs de peau… Le sport aplatit tout, les crises, les tensions, il annihile tout, pas forcément dans la durée, mais au moins un moment. Je crois que tout le monde sait où il se trouvait le 12 juillet 98. Ce fut un incroyable moment de partage.

A l’époque, vous avez été blessé par les journalistes, de l’Equipe en particulier, vous avez cicatrisé ?
Pas tant que ça à ce moment-là. J’ai fait en sorte de me protéger. Je faisais des conférences de presse très courtes. J’avais décidé de ne plus leur laisser de place. J’ai été extrêmement attaqué, mais ça fait partie du jeu, on n’est pas obligé d’être d’accord toujours. Et dans ces cas- là, on peut attaquer le professionnel, mais pas l’homme et ils le savent qu’ils ont fait une très grave erreur. La ligne a été franchie. On n’attaque jamais l’homme… Mais ça a été une révélation pour moi, ça a participé à mon cheminement.

Au lendemain de la victoire vous avez dit : ma vie, désormais, va être belle. L’a t’elle été ?
Elle a été très belle puisque derrière, j’ai pu me consacrer au football amateur, en devenant directeur technique national et j’en suis très fier. On est alors le patron de tous les entraîneurs de France, amateurs ou pro, et on peut agir pour fait évoluer la pratique au plus près de la base… Je suis fier notamment d’avoir relancé le football féminin en 99.

Après cette incroyable épopée, vous avez choisi de vous installer à Annecy. Pourquoi ici ?
En fait, je viens depuis 1963 à Thônes préparer mes saisons, été comme hiver. Et avec ma femme, on a toujours aimé la région et on s’était dit qu’après le foot, on viendrait bien habiter à Annecy. Et c’est chose faite depuis 2008. J’ai beaucoup de chance d’être là…

20 ans après, voilà 2018… vous la vivez comment cette nouvelle coupe du monde ?
Oh bah très bien !!! (rire) Sans pression. C’était formidable ! En plus, je connais un peu l’entraîneur, voire parfaitement. Alors lui, c’est un très grand, je peux vous le dire ! Et nous, on était tellement heureux de voir cette nouvelle équipe, elle était joyeuse, audacieuse ! J’ai vraiment apprécié de suivre cette Coupe du monde. Elle m’a procuré beaucoup de bonheur.

A quoi ressemble aujourd’hui la vie d’Aimé Jacquet ?
Je profite de la vie !! J’observe de près le foot au niveau régional, je suis proche des éducateurs et des enfants. J’aime leur contact, ils sont très respectueux des anciens, de l’esprit sportif que j’essaie de leur communiquer… Nous, les anciens, on a un devoir de transmettre. Et c’est pourquoi on me trouve encore souvent sur le bord des terrains, hors confinement…

Pas pour applaudir le Fécé à Annecy en tout cas ! Un club SDF, depuis que le parc des sport a été fermé pour rai- son de sécurité… Il vient tout juste de trouver un stade de substitution, celui des Fins, jusque-là utilisé pour le rugby. Vous suivez le FC Annecy en national 1 ?
Oui, ça a été un coup dur pour cette équipe qui marche bien pourtant. Mais elle fera face. Le club en a connu d’autres… Il a d’ailleurs une sacrée histoire : Annecy a connu de très belles heures avec le foot. Il y a 60 ans, le FC Annecy était Champion de France, faut pas l’oublier ! J’ai même joué contre cette équipe avec Les Verts, j’avais 19 ans. Il y avait une TRES grande équipe à Annecy… Alors, oui, on peut partager un stade avec d’autres sports comme l’athlétisme ou le rugby… Mais passé un certain niveau, ce sera plus compliqué. Faudra les séparer ! Mais notre région est tellement ancrée dans le sport, qu’on va y arriver.

Vous êtes marié, vous avez 2 enfants, ils ont fait du foot ? Ou ils ont été vaccinés ?
Mon fils a joué un p’tit peu, sans plus, mais chacun à un chemin de vie différent, c’est bien normal. Ma fille est dans l’enseigne- ment, mon fils dans l’éducation aussi…

Ils sont dans la transmission, comme vous au final ?
Ah oui… Exactement, vous avez raison !

Comment ils l’ont vécu votre carrière, les hauts et les bas, à vos côtés ?
Quand ça va, tout va, forcément, mais pour eux, ça n’a pas été facile tous les jours, quand j’ai été dans la tourmente… Heureusement, ma femme les a protégés autant que possible. Là-dessus, elle a été impeccable !

Si c’était à refaire ? Tout à l’identique ?
Oh oui… Pour l’ouvrier fraiseur parti de Saint-Chamond, j’ai pas à rougir de mon parcours…

Ça représente quoi une étoile sur un maillot ?
Une vie bien remplie, des rencontres incroyables, des personnes de qualité qui m’ont beaucoup appris et autour desquelles j’ai construit ma vie. C’est tout ça, une étoile sur un maillot…

photos : Thomas Bianchin / Thomas pictures / Jean Paul Thomas / Icon Sport via Getty Images

Pin It on Pinterest