california dreamin’
Un peu de la Californie en Isère. Voilà ce qu’avaient en tête la vendéenne Karine et l’Isérois Frédéric Aguiard quand ils ont commencé à réfléchir à la construction de leur maison. L’image mentale est assez nette. Le résultat aussi.
« On savait ce que l’on voulait : une maison de type californienne, dans la veine des réalisations de Richard Neutra qu’on adore, dotée de grands espaces vitrés”. Et, chose absolument non négociable, de plain-pied, ces quadras ne voulant sous aucun prétexte entendre parler de maison à étages.
Ça, c’était sur le papier. Et la copie de Vincent Bressy (WorkSpaces Architecture) est pile dans le cahier des charges. La belle demeure en forme de «L» s’étire donc sur 250 m2 . Un volume peu courant que Karine décrit avec humour: “Il faut être vif pour répondre au téléphone de la maison”. La pièce de vie principale, qui englobe cuisine, salle-à-manger et salon, s’amuse sur 85 m2 , barbotant dans la lumière généreusement diffusée par les 12 mètres linéaires de baies vitrées.
Même les angles de la maison sont transparents. Sachant que la face arrière de la bâtisse, qui abrite la partie nuit, est elle aussi inscrustée d’une verrière qui répond à la face avant de l’habitation. Bref, une enveloppe magique à vivre, qui dissimule bon nombre de pièges techniques que l’ingéniosité de l’architecte est parvenue à déjouer.
CRÉATURES APPRIVOISÉES
L’intérieur n’est pas avare en surprises, lui non plus. La raison à cela ? Karine et Frédéric, qui pilotent un bureau de textile, se révèlent être de véritables cadors de la chine et de la transformation de meubles. Surtout, ils ont cette autodérision, cette touche d’humour qui leur permet de débrider leur imagination. Si, si. Vous en connaissez beaucoup des billards qui font office de plan de travail de cuisine et qui ont l’ouverture d’esprit d’accueillir des plaques vitro-céramiques ? Quand le couple a déniché cette pièce, il y a fort longtemps, il savait déjà ce que serait sa future vocation. “Toute la cuisine est bâtie autour du billard”.
Et puis, les lieux sont peuplés de créatures, de sculptures aux styles différents : dans le couloir, une déesse de la vigne est posée à même le sol, non loin d’une nonne coincée dans sa bulle de dévotion et d’une racine d’arbre sculptée en forme de tête de bovidé, quand, dans le séjour, un angelot potelé et enthousiaste veille sur une banquette. Autant de trésors exhumés au cours de séances de chine qui mettent en valeur la modernité de pièces à l’autre bout de l’échiquier décoratif, à l’image du très géométrique fauteuil Facett des frères Bouroullec. L’aspect clinique du contemporain ne passera pas par Saint-André-le-Gaz !
DE LA CHINE À LA CRÉATION D’OBJETS DÉCO
Karine et Frédéric Aguiard ont d’ailleurs créé leur propre marque d’objets de décoration en petites séries, «Coutumes» : bougeoirs (celui très réussi en verre laqué blanc de la table à manger, c’est eux), luminaires et mobilier. Mobilier certes, mais à doses homéopathiques, puisque que Karine et Frédéric fabriquent tout eux-mêmes de A à Z, sans confier la moindre étape à des artisans. “On chine et on transforme beaucoup de choses”. Une forme de recyclage de luxe.
Frédéric possède une formation de modéliste-tailleur. Qualité qui lui permet de retapisser n’importe quel fauteuil ou canapé sans pester pendant l’ouvrage. Dans la partie salon, les deux fauteuils noirs et blancs exfiltrés de chez Emmaüs moyennant 10 euros pour l’esthétique de leurs pieds et accoudoirs malgré un revêtement en tissu brun des plus ingrats, illustrent le coup de main du tandem. Dossier abaissé, assisse élargie, nouveau garnissage… Idem, pour les tabourets retravaillés à l’aide d’une assise en billot. Ou encore ce panier à grain en métal qui a repris du service en suspension dans l’une des chambres de ce vaisseau de verre.
DES AS DE LA PEINTURE
Mais ce n’est pas tout. Les portraits de l’habitation, notamment la magnétique béguine, religieuse belge du séjour, n’ont en revanche pas été chinés. C’est Karine qui a dégainé ses pinceaux, “dans une démarche rigoureusement non artistique, mais décorative !”, soutient cette ancienne des Arts appliqués, qui désirait avant tout des sujets de grand format dont l’austérité sache néanmoins tenir compagnie à la monumentale table en sapin (une ancienne table de kermesse longue de 4 mètres).
Bon, bon. La couleur, c’est son domaine. Donc la peinture, un talent de plus, un ! A telle enseigne que les peintures employées pour laquer les murs de gris chauds, et de gris uniquement, sont aussi faites maison ! Le couple s’est en effet associé à Pure & Paint, une marque de peintures végétales et écologiques à 99 % en plein développement, qui sera d’ailleurs présente au prochain salon Maison & Objet. “Ce nouvel axe de travail nous conduit à prendre en charge des chantiers de décoration, chose qui nous ravit”. California dreamin…
Photos : Sabine Serrad
