J-C de castelbajac show devant !
Créateur de mode, designer, auteur, costumier, peintre, performer… Jean-Charles de Castelbajac est l’un des artistes les plus surprenants du paysage français.
Pionnier, ce grand curieux a devancé bon nombre de créateurs avec ses détournements de matières, ses associations de logos et d’œuvres d’art, ses collaborations tous azimuts, notamment avec le géant isérois du ski rossignol… l’inventeur du poncho à deux places et autre pull à six manches célèbre cette année son cinquantenaire de création.

«Il n’y a pas d’idées sans être deux». Cette citation de Montaigne qui accompagne la communication de la nouvelle exposition de Jean-Charles de Castelbajac visible à Paris jusqu’au 17 mars(1) pourrait tout aussi bien résumer le parcours de cet homme singulier.
“Dès l’âge de 17 ans, je me suis dit : Quitte à apprendre, autant apprendre de la source ! Je suis toujours allé vers les êtres qui m’interpellaient. Ces rencontres me nourrissaient car ces personnes n’avaient pas des traits communs avec moi. C’est peut-être le brutalisme de ces différences qui a fait naître la richesse de nos entretiens, de nos souvenirs. Encore aujourd’hui, cela me fascine de voir des êtres talentueux utiliser un vocabulaire qui est aux antipodes du mien, cela me challenge. Le talent des autres me plaît comme des fruits mûrs sur un arbre!”


ASSOCIATIONS DE BIEN-FAISEURS
De Malcom McLauren à Laurent Voulzy, en passant par Beth Ditto, Beyoncé et Alizée ; de Weston à Cachou Lajaunie, en passant par K-Way, Swatch, Ligne Roset, Courrèges, Coca Cola light…, Jean-Charles de Castelbajac repousse sans cesse au plus loin ses limites, «toujours en quête du trouble plus que du glamour».
Collaboration plus locale, celle qui le lie à un célèbre équipementier isérois remonte à près de 18 ans. “Cela me fascine de voir Rossignol transformer mes idées en merveilles de technologie alors que je leur donne des choses très compliquées. Leurs vêtements airbag par exemple, j’adore ça ! Ce sont des vêtements au service de l’humain.” Alors qu’il dit s’être récemment mis au sport, «ce territoire où l’on crée des choses exceptionnelles» l’inspire de longue date. “Tout vient du sport”, résume-t-il.


LA BEAUTÉ DANS L’ACCIDENT
Se laissant volontiers guider par son instinct, Jean-Charles de Castelbajac refuse cependant de réduire la création à l’acte lui-même. “Je raconte des histoires. Je suis préoccupé par le sens, c’est ce qui guide mes œuvres, ma démarche.”
Une démarche qui s’appuie aussi sur un imaginaire fertile, une manière singulière de considérer le monde qui l’entoure. “Enfant, je trouvais la beauté là où personne ne la voyait. Pour moi, une boîte d’allumettes dans un caniveau pouvait être la plus belle embarcation qui descendait la forêt amazonienne! Quand je suis sorti de pension, je voyais des choses que d’autres ne voyaient pas. Et surtout, je voyais la beauté dans l’accident, dans ce qui n’était pas parfait aux yeux des autres. C’est peut-être ça la meilleure définition de l’audace, du téméraire, de l’aristocrate. Est-ce que ce n’est pas montrer le chemin aux autres? Montrer ce que d’autres ne savent pas voir? Est-ce que ce n’est pas là ce que j’aurai réussi de mieux dans ma vie?”


LE BEAU BIZARRE
Et de revenir à la force de son instinct : “Quand je vois qu’il va y avoir une grande exposition au Metropolitan museum sur l’influence des vêtements de la religion catholique sur la mode, je me souviens qu’en 1997, quand j’ai habillé Jean-Paul II, je ne me suis pas posé de question. Je devais le faire. Ça, je l’ai appris d’un artiste dadaïste, Raoul Hausmann : il ne faut pas avoir peur du regard des autres. C’est la clé. Il ne faut pas rester assis face à votre feu de bois à dire «Ah ouais, j’aurais bien aimé…»
Ça ne marche pas. Le monde ne marche pas comme ça. Il faut au moins essayer, et tant pis si on échoue. Et puis, avec mes cinq décades de créativité, je me suis forgé une culture très personnelle. J’ai une immense pinacothèque du beau-bizarre en moi! Je n’ai même pas à programmer ce que je vais faire. Cela s’impose à moi dès que je suis face à un challenge. C’est ma réponse. Il n’y en a jamais deux, toujours une seule.”

IL EST TEMPS D’ÉCRIRE LE FUTUR !
C’est cet instinct, doublé d’une grande curiosité, qui l’a aussi conduit à devancer bien des créateurs. “Depuis gamin, j’ai soif d’accident esthétique, d’appropriation, de détournement, de réinventions, de renaissance. Les serpillières, les bandes Velpeau, les couvertures ; les logos ; les bandes dessinées… c’était pour expérimenter de nouvelles limites, et sans doute régler quelques comptes avec mon enfance.”
C’est dans cet esprit que Jean-Charles de Castelbajac envisage l’avenir. Des idées de collaborations, il en a plein! “J’adorerais travailler avec Apple, avec Yann Maus ou encore Yann Arthus-Bertrand. Ce sont ces hommes-là qui m’intéressent aujourd’hui.”
Outre le lancement de son site internet officiel auquel il tient beaucoup(2), plusieurs projets avec la Chine, l’Amérique du Sud et une envie de revenir à la mode ou plutôt “à une anti-mode ultramoderne” ; ce touche-à-tout de génie semble plus enthousiaste que jamais. “Nous (les créateurs, ndlr) sommes devant une merveilleuse autoroute ! Il y a plein de choses formidables à faire : des vêtements techniques, écologiques, habités d’une conscience cognitive… Il est temps d’écrire le futur ! Un futur confortable, chaleureux, qui facilite le vivre ensemble.”
(1) « I want! – The empire of collaborations », galerie Magda Danysz
(2) jeancharlesdecastelbajac.com


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