Immersion au Japon

Immersion au Japon

FOULE DE NOËL

QUAND LES PLAGES IMMACULÉES, LES GRANDS ESPACES ET LA DÉCONTRACTION SONT VOTRE QUOTIDIEN, À QUOI RESSEMBLE VOTRE DÉPAYSEMENT ? A LA VILLE, DENSE, FOISONNANTE, CLIGNOTANTE ET BRUYANTE, ÉVIDEMMENT ! C’EST COMME ÇA QU’EN PARTANT D’AUSTRALIE, VOUS VOUS RETROUVER À PASSER NOËL AU JAPON.

Juliette et Lewis

Pour mettre un point final à 2019, ni dinde ni bûche, ni huîtres, ni pavlova… Cette année, Juliette et Lewis ont opté pour un menu haricots noirs, anchois séchés, racine de lotus et omelette sucrée, soit Osechi Ryori, le repas traditionnel du Nouvel An au Japon. Depuis trois ans, Juliette Sirieys, 24 ans, a quitté Rumilly pour s’installer à Adélaïde, capitale de l’Australie Méridionale (South Australia). Elle est responsable d’un caveau de dégustation dans la région viticole de Mc Laren Vale et vit donc avec Lewis Potter –le cousin surfer d’Harry–, photographe culinaire –mais pas seulement–, grand voyageur et fan de l’Empire du Soleil Levant. En décembre, au sud de l’Equateur, c’est le début de l’été. Pas de givre sur les sapins –en même temps, il n’y a pas de sapins– et Santa se balade en maillot de bains, sa planche de surf à la main. Pour l’esprit de Noël, on repassera ! Les deux jeunes gens n’ont donc aucun scrupule à mettre les voiles et préfèrent s’offrir un billet d’avion pour un trip nippon. Mais quand on habite au bout du monde, on ne s’évade pas comme ça. “Pour ça, l’Europe est fantastique, on passe d’un pays à l’autre facilement. Il y a deux ans, par exemple, on a fait un grand tour en van : France, Italie, Slovénie, Croatie, Grèce, Bulgarie… Ici, tout est loin pour voyager, alors le Japon, dans le même fuseau horaire, c’est finalement assez accessible.” Même à plus de 15 heures de vol.

Shinjuku

AU KART DE TOUR

Après deux escapades là-bas, « Lew » –prononcez lou– a déjà ses marques dans l’archipel et rêve d’y habiter. Mais pour « Ju » –prononcez ju–, c’est une première : “Je m’attendais au monde et à la frénésie, mais moins aux distances. Tokyo est vraiment énorme, plein de petits quartiers qui sont des villes dans la ville, on pourrait passer une semaine dans chacun d’entre eux sans avoir tout vu ! Et visuellement, c’est très graphique, il y a de la lu- mière partout, de la musique dans les rues, on est sollicités tout le temps.” Emportés par la foule, ils marchent, marchent et marchent encore… Plus de 25 km en 4 jours !

Ginza

Mais un soir, ils se laissent pousser des roues. Glissés dans la peau de personnages de jeux vidéo, ils embarquent pour une séance de Mario Kart en live action. Au ras du sol pendant 2 heures, ils font le tour d’Asakusa, un des quartiers les plus touristiques et populaires de la capitale, qui regroupe à la fois son plus vieux temple, la tour la plus haute du monde et les bars dans lesquels les Tokyoïtes se retrouvent en fin de journée. Même sans jouet sous le sapin, on peut retomber en enfance ! Parce qu’au Japon, ce n’est pas à cause du climat qu’on ne trouve pas les marqueurs de Noël, c’est culturel : seuls 2 % de la population sont de confession chrétienne. Il s’agit donc plus d’une fête commerciale importée, comme Halloween ou la St Valentin, que d’une tradition. “Du coup, ce n’est pas un jour férié, mais il y avait quand même un gros sapin illuminé au fameux carrefour de Shibuya (N.D.L.R. : le plus gros de la métropole, que traversent chaque jour plus de 100 000 piétons).

Salle de Pachinko, quartier de Shibuya

IMPRESSIONS, SOLEIL LEVANT

Pour les Japonais, c’est le passage à la nouvelle année qui est la fête familiale la plus importante. A cette occasion, il est de coutume de faire le grand ménage dans les maisons afin de les débarrasser de la saleté des 12 mois écoulés. Au bureau aussi, table rase des conflits et des difficultés rencontrés, chefs et collègues se retrouvent pour des soirées Bounenkai, où le saké aide à se purifier, à absoudre et à littéralement « oublier l’année ». Juliette et Lewis eux, n’effacent pas 2019, mais ils en célèbrent la fin avec des inconnus, “des gens qu’on ne reverra jamais, c’est particulier, mais c’est sympa”, dans une auberge de jeunesse à Kyoto.

Temple de Kiyomizu-Dera – Kyoto

C’est beaucoup plus petit, les bâtiments sont moins hauts et il y a tout un héritage qu’on ne trouve pas à Tokyo, comme le temple d’Inari, le plus grand sanctuaire shinto du Japon, qui se trouve au cœur d’un immense parc. Le soir du 31, des gens qui travaillaient dans l’auberge nous ont emmenés faire un tour des endroits symbo- liques de la ville, principalement des nombreux et magnifiques temples, dans lesquels les familles vont prier à partir de minuit.” Les Japonais sont aussi très nombreux à s’y rendre aux aurores, pour assister au premier lever de soleil, censé porter bonheur pour l’année qui commence.


Tokyo
Tsukiji

MARCHÉS COUVERTS

5 jours et 20 minutes de train plus loin, c’est dans la plus occidentale des villes nippones, Osaka, que Juliette et Lewis se perdent. “C’est un peu la Marseille de l’archipel : alors que les Japonais sont beaucoup dans le contrôle, là, ils étaient plus déjantés, en roue libre, on a croisé des gens ivres dans la rue, ce qu’on n’avait pas du tout vu ailleurs, mais c’est peut-être aussi parce qu’on s’est retrouvés dans des quartiers plus… festifs.” En cherchant le marché de Kurumon Ichiba, le « garde-manger d’Osaka », ils tombent en effet sur un autre quartier très typique : “c’était mignon, poétique, avec des petites maisonnettes, comme des restaurants, et de belles lumières, Lew prenait des photos… Mais on s’est rendu compte qu’autour de nous, il n’y avait que des hommes, et qu’au rez-de-chaussée des maisons, dans des pièces ouvertes sur la rue, il y avait des jeunes filles, très belles, pas nues, mais dévêtues, avec à chaque fois une dame plus âgée qui racolait les passants…” Avec plus de 200 maisons closes, officiellement non autorisées, mais tolérées, Tobita Shinchi est en effet le plus vieux quartier rouge du Japon. Mais malgré la couleur, toujours pas de Père Noël en vue…

photos Lewis Potter

Rose triparizona

Rose triparizona

AMERICAN BEAUTIES

LA RÉALITÉ NUE, LE #NOFILTER, TRÈS PEU POUR CHARLOTTE PILAT. QUAND ELLE VOYAGE, CETTE ANNÉCIENNE DE 27 ANS POSE SUR LE MONDE UNE SUPERPOSITION DE FILTRES, DE NÉONS, DE COULEURS, DONT ÉMANE UNE POÉSIE GRAPHIQUE ET DÉCALÉE… QUI FAIT RENAÎTRE PHOENIX DE SES CENDRES.

Charlotte Pilat

Dépaysement total. C’était le mot d’ordre avant de s’envoler pour Phoenix, Arizona, en novembre dernier. Les Etats-Unis, Charlotte connaissait déjà, surtout la Côte Ouest et notamment la Californie, parcourues avec ses parents quand elle était ado. Mais là, 10 ans plus tard, c’est elle qui choisit l’itinéraire, et elle veut du cactus, de la montagne rocheuse, bref, du désert. Fan de western ? Pas plus que ça. Plutôt d’Emir Kusturica. “Depuis Arizona Dream, c’est un endroit qui titille ma curiosité, et puis tous les films, toutes les séries qu’on regarde, se passent aux US. On a donc quand même tous en tête des clichés, des images, notamment de duels, de cow-boys et d’indiens.” Au programme de ce road trip donc, de l’emblématique, du Grand Canyon et de la Monument Valley, histoire de confronter le mythe à la réalité.
Mais Charlotte et son compagnon de voyage ont aussi chacun leur marotte : pour lui les bowlings, pour elle, les chapelles. “On aime aussi les trucs un peu kitsch, le côté carton pâte, et en Arizona, il y a encore des villes qui sont comme ça, comme des décors de cinéma”.

LA VUE EN ROSE

Si la jeune femme a également repéré les endroits où ils allaient se poser, des tipis en béton ou un motel à l’architecture typique, c’est moins pour la qualité de leurs prestations que pour leur potentiel photogénique. Car la photo fait partie in- tégrante de ce périple. Graphiste et directrice artistique, Charlotte en est passionnée. “Ça conditionne pas mal de mes choix, je pense lumière et couleurs, je cherche différents angles, pour ne pas refaire une photo que j’aurais déjà vue. Je fais le tour, j’entre, je sors, je passe plus de temps à regarder, j’ai l’impression de ne pas être une simple touriste, d’être dynamique, de m’approprier le lieu. Je suis aussi capable de faire un grand détour simplement pour prendre une photo.” Pour capturer, par exemple, la monumentale et quasi extraterrestre Chapel of the Holy Cross de Sedona, construite en plein cœur des Mesas, des plateaux volcaniques lunaires. Mais tout surprenant que soit cet édifice, une chose est sûre, Charlotte ne le voit pas comme nous. Elle le perçoit un peu plus… rose. “Avant, j’aimais beaucoup le rouge, je suis passée au rose depuis mon voyage au Japon, en 2018, où je me suis dit : « fais quelque chose de différent, vas-y à fond ! » Et en Arizona, il y a un point commun avec le Japon, c’est cette extravagance, qu’il n’y a pas vraiment en Europe : on peut tomber sur un énorme donut ou une sculpture de dinosaure géant au bord de la route, ils vont au bout de leur concept. Mais c’est encore plus facile de faire des photos en Arizona, avec ce côté fast-food, pop-corn, ces couleurs… même les trottoirs sont photogéniques. Et désertiques ! Il m’est arrivé d’attendre longtemps que quelqu’un passe, mais il n’y avait personne.” Même en plein centre de Phoenix.

COUR(SE) DES MIRACLES

En dehors de ces rendez-vous incontournables, Charlotte et son acolyte essaient surtout de fuir la foule. Et de se perdre. Même si, dans ce vaste pays, tout est loin, que les distances sont démultipliées, et qu’il faut du temps pour s’égarer sur des routes qui n’en finissent jamais d’être droites. C’est en réussissant pourtant à s’éloigner des grands axes qu’ils tombent sur une fête foraine fantôme, sortie de nulle part -en réalité en cours de construction- ou sur une course de voitures sans public ou presque. “La course en soi ne dure que 10 secondes, d’ailleurs, l’idée n’est pas de battre les autres participants, mais plutôt de battre un record. Il y a tout un rituel avant le départ, ils font crisser les pneus, avec beaucoup de bruit et de fumée. Mais avant ça, les pilotes passent un temps fou à attendre, c’est ce que j’ai voulu montrer : ces voitures qui attendent leur tour, pour la course de leur vie. Il y en a un d’ailleurs qui n’est pas parti, il a eu problème de moteur, et c’était la fin du monde.” De cette Amérique immobilisée sous un soleil de plomb, Charlotte tire une série de photos moins roses, mais aux teintes pop, presque glamour, malgré lesquelles le vide du désert environnant est toujours aussi palpable. Le contraste, voilà donc ce qui la mène. Entre la pâleur quasi brûlée de ses arrière-plans et le rouge vif d’une chemise, d’un parasol ou d’un gobelet de coca. Entre la foule et le désert. Entre ici et le Japon. Entre le Japon et les USA. Entre la réalité et le monde selon Charlotte Pilat.

©Charlotte Pilat

Patrimoine d’Arménie

Patrimoine d’Arménie

SEULE EN TREK

30 ANS ET DÉJÀ PLUS DE 30 PAYS TRAVERSÉS… SARAH A DU KILOMÈTRE SOUS LES BASKETS, SORTIE DES SENTIERS FOULÉS EXIGÉE, RENCONTRES INATTENDUES COCHÉES.

Sarah Goudeau

Premier tour du monde en 2015, depuis, Sarah n’a pas raccroché le sac à dos au portemanteau, dès qu’elle peut reprendre le large, elle part. Dernier voyage en date : l’Arménie, suivi de la Géorgie en 2019. Pas forcément la première destination que l’on inscrit sur sa check list, et pourtant…

Monastère Noravank près de Eghegnazor

LONESOME GIRL

Quand je rencontre Sarah, cela fait 3 jours qu’elle a posé ses meubles à Thônes ou quand déconfinement rime avec déménagement. Partie de sa Bourgogne natale, elle commence tout juste une nouvelle vie, à la montagne, révélation sans appel de son dernier périple.
Sarah n’a pas toujours été une baroudeuse, “avec mes parents, nous pas- sions nos vacances d’hiver à La Clusaz et nos étés en Bretagne”, classique. Quelques stages à l’étranger lors de ses études de commerce lui servent de déclencheur : l’Afrique du Sud, Bali, Montréal. Pas mal pour un début. Diplôme acquis, Sarah crée et organise des voyages en Asie, dans une agence durant 2 ans et demi, avant de tout quitter pour partir 10 mois. Quand la copine qui l’accompagne doit rentrer précipitamment en France au bout de 2 mois, elle décide de poursuivre son rêve, seule, tant pis. Nouveau déclic, depuis, Sarah voyage seule avec ses deux sacs à dos préférés, fidèles parmi les fidèles.

Région d’Erevan

Aucun faux bond possible, à part peut-être un craquage de couture. “J’aime l’idée de ne dépendre de personne, d’être totalement libre et de tracer ma route. Être une femme qui voyage seule, cela permet vraiment plus de rencontres, ça éveille forcément la curiosité”. Et pour garantir une immersion totale, elle dort en auberge de jeunesse ou chez l’habitant. Rien de superflu.

Erevan
A Dilidjan

ART-THENTIQUE

Sarah vit (et conte) ses voyages comme une aventurière, appareil photo en bandoulière. Dernier en date donc à l’automne 2019, l’Arménie. “Je recherchais vraiment une destination atypique, peu explorée”. On le sait peu, mais l’Arménie est particulièrement riche sur le plan patrimonial. Son petit territoire est maillé de très nombreux monastères, témoins de la ferveur chrétienne, dont beaucoup sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Le plus souvent isolés, ils jaillissent ici et là au cœur d’un territoire, certes montagnard, mais pas trop escarpé pour pouvoir le parcourir à pied. Première étape : Erevan, la capitale, perchée à près de 1 000 m d’altitude – comme 90% du territoire arménien – dont l’architecture de tuf volcanique ocre et rose décline toute une palette de tonalités chaudes, avec en toile de fond l’impressionnant Mont Ararat qui culmine à plus de 5 000 mètres.

Marché couvert d’Erevan

Une capitale à taille humaine, dans laquelle Sarah prend surtout le temps de déambuler, sans but précis. “Pour moi, les grandes villes ne sont pas forcément représentatives des pays que je traverse, je préfère vite m’en extraire”. Mais avant de reprendre son baluchon, elle fait halte dans un marché couvert, là où l’on capte forcément les odeurs et les couleurs d’un pays. Guirlandes de fruits secs, paniers abondants de fruits aux formes très généreuses, potées de légumes cuits, épices en vrac et senteurs méditerranéennes, le marché tient toutes ses promesses, les petits plats aussi. Des marchands ambulants de fruits, elle en trouvera d’ailleurs un peu partout sur son parcours. Tout comme ces drôles de cahutes de fortune, sous lesquelles les hommes jouent à une sorte de backgammon.

CHOC NATUREL

Après deux jours dans la ville, toujours en mode improvisation, “je me laisse porter par les rencontres et les lieux dont on me parle sur place”, Sarah part en bus et à pied rejoindre deux monastères de la région. C’est là que la voyageuse fait sa première rencontre marquante. “Alors que je marche, trois femmes me font signe, elles me servent du café, des noix et des fruits et, contre toute attente, me font découvrir comment elles font leur pain”. Une sorte de pain pita qu’elles façonnent à la main. Pétrie, étalée sur une plaque puis travaillée et tournée comme une pâte à pizza, avant d’être plaquée sur une sorte de coussin, la pâte est ensuite collée sur la paroi d’un four semi-enterré où elle cuit. Soit 150 pains en 4 heures ! Sacré rendement… et sacrée rencontre. “La plus ancienne n’arrêtait pas de me donner à manger et elle m’a copieusement rempli le sac à dos avant de me laisser repartir ! Inoubliable”.

Après une escale au monastère de Khor Virap perché au-dessus d’une immense plaine de vignes verdoyantes avec le Mont Ararat et ses sommets enneigés en surplomb, Sarah rejoint la petite ville d’Eghegnazor, puis après deux jours de rando de 10 à 15km, le monastère de Noravank perdu au milieu de montagnes à la pierre rouge. “Le paysage me subjugue, les couleurs, ces montagnes rocailleuses et arides et au milieu de nulle part, ce patrimoine extrêmement bien entretenu”. Sur la route qui mène à Goris et au monastère de Tatev, elle croise souvent le chemin de troupeaux d’animaux, des moutons et des chèvres avec des bergers, mais aussi beaucoup de vaches gardées par des hommes à cheval. Elle croise aussi celui d’une jeune adolescente de 16 ans qui propose de lui servir de guide. “Pleine de rêves, ultra cultivée, elle m’a parlé avec passion de son pays sans rien attendre en retour”. C’est ainsi qu’elle découvre le village troglodyte de Khndzoresk qui était encore habité jusque dans les années 1960.

Monastère de Tatev

Sarah reprend la route du Nord pour revenir du côté du Lac Sevan, une véritable mer intérieure qui fait deux fois et demi la taille du Lac Léman (c’est dire !), puis Dilidjan et son parc naturel, appelés la Suisse arménienne (presque comme à la maison) pour ses grands espaces très verts et ses forêts qui contrastent fortement avec les reliefs arides du Sud. C’est tout au Nord, à la frontière avec la Géorgie, près d’Alaverdi et de ses influences nettement plus soviétiques, que Sarah achève son tour d’Arménie avant de poursuivre vers le pays voisin. La Géorgie qui finira de convaincre la voyageuse qu’elle est faite pour vivre à la montagne. Là où j’ai eu la chance de croiser sa route… inspirante.

Lac Sevan

+ d’infos :
Instagram sarahcontesesvoyages

Photos Sarah Goudeau

 

carnet de voyages – backpack family

carnet de voyages – backpack family

s’il suffisait d’un signe…

1er septembre 2018, ils n’ont plus rien. Ils ont vendu maison d’Annecy, frigo, canap’ et ventilo, enfoui leurs rêves dans leur sac à dos, mis des points sur une carte et foncé tout droit, à la conquête de soi, l’émotion pour seul guide… Voyager à l’intuition, drôle d’idée, non ? Et si ça parait tiré du chignon, pour la backpack family, c’est la meilleure des raisons !

Claire et Benjamin Aguirré et leurs filles Maybel et Nell à Moorea, Polynésie française

Faire le tour du monde, pour Claire et Benjamin Aguirré, l’idée baroude depuis toujours. Idée un peu folle avec deux filles de 5 et 8 ans, ils en ont mis du temps pour se jeter à l’eau : “il fallait que tous les voyants se mettent au vert, qu’on soit assez forts pour tout lâcher et partir pendant une année, que Maybel et Nell, soient assez mûres. On part du principe que les enfants nous choisissent, que par ricochet, ils choisissent nos choix, mais on leur imposait quand même quelque chose. Alors, on leur en a parlé tout de suite, on est une équipe, on est la Backpack family !”

Le parc national de Bryce Canyon, États-Unis

LA QUOI ?

La Backpack Family, on vous dit ! Le baluchon et l’amour de la planète toujours sur le dos, le positif dans les tongs. Mais, au-delà de l’exotisme et de la découverte : “la nature nous nourrit, Ben dans ses photos, moi dans mon travail de thérapeute intuitive en développement personnel, nous dans notre mode de vie. Nos filles disent qu’elles sont des aventurières sauvages, c’est dire si la liberté d’être est en nous. Dans la vie, on est souvent mis dans des cases et on refuse ça ! On veut leur montrer qu’on peut réaliser nos rêves, pour qu’elles-mêmes se le permettent.”

Alors la Backpack s’embarque et allie l’utile à l’agréable, partage son projet et secoue les réseaux pour relayer ses initiatives positives pour la planète. Quand le voyage ouvre l’esprit…

Maui, Hawaï

GOOD MORNING FAMILY !

Première étape : les Etats-Unis. Après un petit tour à Salt Lake City, la tribu se met en jambe au cœur des parcs nationaux. Death Valley, Bryce Canyon ou Yellowstone, leur camping-car crapahute, la nature offre ses premiers cadeaux : lacs, grizzlis, terre rouge ou cheminée des fées, la déconnection s’amorce et réveille les sens : “quand on est arrivé, on s’est dit, ça y est, on a un an de découverte et de plaisirs devant nous, c’est fou comme sensation !” Marshmallows grillés sous les étoiles, couchers de soleil sur la coast one, l’océan qui vient les chatouiller, qu’est-ce qu’elle a bon goût cette liberté ! Alors quand le poids de l’histoire amérindienne à Monument Valley empêche Claire de respirer, une petite voix leur dit qu’il est temps de plier bagage et là… aïe aïe aïe !

Big Island, Hawaï
Tortue verte, Hawaï

ALOHA

C’est le kiffe total ! Bienvenue à Hawaii! “On a passé un mois à Maui, sous le charme de cette terre qui vous accueille comme à la maison. Une telle sensation de fluidité, d’harmonie et de bonheur, c’était incroyable.” 

Il fait chaud et humide, mais la Backpack mord dans le vif et mouille la chemise. Noix de Macadamia, avocat, tomato tree, papayes ou plantes médicinales, ils grattent la terre dans une ferme de permaculture à Kula, découvrent les dessous d’une végétation généreuse, le privilège de communier avec une nature nourricière : “on est en lien avec elle et si on la traite avec amour et respect, si on lui parle, elle nous répond”, explique Claire.

Une fleur d’hibiscus à l’oreille, l’odeur des frangipaniers pour parfum et collier de graines autour du cou, les voilà à la mode du coin et ça leur va bien ! Ils restent 6 semaines à dévorer paysages, pokebowl et shave ice, s’occuper des tortues vertes – honu – protégées et menacées, saluer le phoque moine égaré, vivre au rythme des traditions ancrées. “Si vous aviez vu leurs danses, ils sont en fusion avec les éléments, c’est tellement beau.” Une histoire de vieil Hawaïen à Kayalulu Beach, la rencontre d’une raie manta à la tombée du jour, du volcan Haleakala aux longues traversées en canoë sur Big Island, ils auraient pu rester encore, si leurs visas n’expiraient pas. Les signes ont parlé, it’s time to go away ! Et soudain…

Ferme en permaculture « Fairyland Farm », Hawaï
Lahaina, Hawaï

PATATRA !

C’est le drame ! En Nouvelle Zélande, le baromètre déglingue leurs émotions, avec 20 degrés en moins et la technologie qui bat de l’aile, c’est la dépression : “Il y a eu plein de bugs, mon ordinateur est tombé en panne, Claire n’a pas mis le nez dehors 5 jours durant, pendant que je bataillais à le réparer. On a quand même fini par visiter Oakland, mais la ville, ce n’est pas notre truc.” 

Et si les vents sont contraires, oyé oyé moussaillons, Benjamin en a sous les talons : “Partir à Tahiti était mon rêve et j’avais cette idée de poser nos valises là-bas. La Nouvelle Zélande ne démarrait pas top, alors on a décidé d’y aller direct. Au même moment, j’ai reçu le message d’un pote qui nous proposait d’y garder sa maison pour Noël, c’est dingue !” Plus tôt que prévu. Ils sautent l’Australie, font le tour des terres du nord, partent à la rencontre d’un guérisseur Maori, dévalent les dunes de Cap Reinga le cœur léger et c’est le gong, direction Papeete !

Bora Bora, Polynésie française
Moorea, Polynésie française

‘IA ORA NA

Couronnes de fleurs, ukulélé et sourires en paquet, il a beau être minuit, en Polynésie, l’art de vivre est toujours au rendez-vous. “On a été reçu en grande pompe, avec douceur et bonheur, qu’est-ce qu’on était bien ! ” Ici, ils sont chez eux, ils en ont l’intuition profonde. Contre un mois au départ, ils vont en rester 5, à garder une maison, puis une autre, l’air de rien, ambiancés par la coolitude des tahitiens : “Ils disent toujours bonjour ou salue d’un hand loose, – signe du surfeur – ils n’ont ni filtre ni barrière, tout le monde se tutoie, c’est juste top. Après, il faut avouer qu’on a un petit choc quand on arrive. On nous montre les lagons et la nature incroyable, sauf que Papeete est une île charmante, mais un peu sale. On ne s’y attend pas.

Maupiti, Polynésie française
Bora Bora, Polynésie française

Si ici, on vit trente ans en arrière, on est ouvert à tout et surtout aux autres, et la Backpack va en faire, de belles rencontres. Elle va aussi adopter un bébé corail pour aider à repeupler le récif, plonger dans les eaux claires de Bora Bora, déambuler sous les palmiers de Mahina, parce que des plages comme dans les livres, bien sûr qu’il y en a : “On a fait les îles Sous le vent dont Maupiti qui fait 11 kilomètres de circonférence. Les gens y vivent à l’année, l’océan pour voisin, c’est hors du temps !” Et quand on parle hors du temps, comment oublier cette grande dame à l’héritage intact, celle qui va leur réserver le plus beau cadeau qu’il soit…

Hushine, Polynésie française

MADAME LA MARQUISE…

Les îles Marquises, ce sont les vraies valeurs, la simplicité, le contact avec l’autre, le partage, sans parasite aucun. On a été accueilli en enfants du pays, avec chaleur et amour pur. Ils vivent de musique, de bonne bouffe, il n’y a pas de marque, pas de magasin. Seules deux petites boutiques où on trouve de tout.”

L’île reste une terre sauvage, méduses, faune ou vagues violentes, ici, la nature ne s’apprivoise pas, elle se vit dans son jus. On chasse le sanglier, on mange du uru – fruit de l’arbre à pin -, on pêche du poisson d’exception. Mangue, avocat, coco, fruit de la passion et cueillette à foison, c’est un vrai festin, mais on n’en fait pas tout un plat. Et quand Mama Tahia, 80 ans, guérisseuse de génération en génération, leur livre ses secrets, ils plongent au cœur de l’histoire, celle des Tikis et d’Upeke, des ruines qu’il en reste, et tombent au cœur de l’authentique. “On trouve peu de destination où tout est resté pur, un lieu où on est libre d’être soi…” et finalement, s’il suffisait d’un signe ?

+ d’infos : www.labackpack-family.com

Atelier de fleurs aux Marquises

Ecole Sainte Anne, HIva Oa, Marquise
HIva Oa, Marquises

Photos : Benjamin Aguirré, La Backpack Family

carnet de voyages – mongolie

carnet de voyages – mongolie

nomade no maître…

Passer 6 mois en Mongolie dans 5 familles différentes, seul,
 sans caméra ni interprète… Serait-ce le pitch de la énième saison de « voyage en terre inconnue »? Eh bien non. Lui s’appelle Patrick Dolbeau et son but était de vivre le quotidien des mongols
 en immersion totale, 24 heures par jour! Décalé, non? Frédéric Lopez va en faire un urticaire géant…

Patrick Dolbeau

Imaginez-vous débarquant à Bayamkhongor, dans le désert de Gobi au sud de la Mongolie, saluant votre hôte et sa femme qui vont partager avec vous leur yourte de 10m2 durant un mois. Patrick l’a fait, muni de son sac de couchage et de quelques mots d’usage, sans connaître ni les codes ni les coutumes, il doit s’habituer à tout : la nourriture, le logement, la chaleur et le travail. Les journées sont passionnantes, mais harassantes : “Je suis arrivé au moment de la tonte des chameaux. Et je ne voulais pas passer pour un con!” 

Alors il apprend à les attraper au lasso, à les faire tomber, leur attacher les pattes, puis couper, presque ras la peau, leur poil très fin avec des ciseaux chinois de mauvaise qualité aux anses trop larges qui blessent les doigts. Le challenge est de taille. C’est le plus gros troupeau de la région : 1500 chameaux et 1000 moutons! Patrick se retrouve même un jour à leur tête en plein désert pour changer de pâture – il a appris à monter à cheval en 3 jours, des ampoules plein les fesses et les pieds touchant presque le sol – avec une seule consigne : tu vas dans cette direction… “C’était extraordinaire! Pas de points de repères, l’impression de mener l’Arche de Noé”.

Leçons de vie à la dure…

C’est aussi une belle expérience humaine. Son hôte est un homme très simple, bien que riche, généreux, fournissant nourriture et vodka aux hommes, payant l’école pour les enfants, sans rien demander en retour. Il finance également des canaux d’irrigation et une ferme de production de légumes afin que d’autres familles puissent mieux vivre.“J’ai découvert l’importance de la famille en voyant ses filles prendre un mois de vacances pour participer à la tonte, bien que l’une soit directrice de banque et l’autre pharmacienne à la capitale.” Et ses souvenirs de remonter à la surface en pagaille: après un gros orage, la végétation se met à pousser quasiment à l’œil nu et le paysage aride devient vert en quelques heures, ou cette fois où, en pleine nuit, 2 roues du 4X4 crèvent et qu’ils les réparent en glissant un morceau de bouteille de Coca entre le pneu et la chambre à air, puis regonflent le tout à l’aide d’une pompe à vélo! “C’est leur quotidien, ils réfléchissent et trouvent toujours une solution”.

Ils sont surtout très loin des contingences de la modernité: “Eux vivent pour vivre, pour assurer leurs besoins fondamentaux.” Le reste… “Ils ne savent pas où est l’Europe. D’ailleurs, ils pensaient que les Français habitent dans des yourtes. J’avais honte, car eux sont à 6 dans 10m2, un poêle au milieu, on dort par terre, juste un coin cuisine, c’est la préhistoire…

Que diable est-il venu faire dans cette galère ? 

Pourtant, c’est bien ça qu’il cherche, Patrick : “La vie moderne va trop vite. Je voulais tester une existence comme à l’origine ! J’ai vu que la Mongolie était un des pays où l’on vivait le plus en retard”. Mais alors, c’est quoi le déclencheur ?

Sa vie bascule à 38 ans avec la maladie, une hépatite C, gros problème au foie. “Il te reste 3 mois”. Lui, cadre hyperactif chez un grand du luxe, jonglant avec les 5 continents, doit se soigner. “La vie, c’est comme un train, ça roule à 200 à l’heure, sauf que, quand tu es malade, tu tombes du train et tout le monde t’oublie”. 3 ans de traitement, puis il arrête de travailler en 2006. Passe 3 ans à Lyon, s’y ennuie et décide de venir habiter à Saint-Gervais, dans le chalet du grand-père. “Soit je faisais du social et du sport, soit je regardais les Feux de l’Amour et comme je n’avais pas vu les 5000 premiers épisodes, j’ai choisi de bouger!”.

C’est en rencontrant Charles Hedrich, l’aventurier local aux fabuleux exploits sportifs, que le déclic se fait: “Si lui y arrive, je dois pouvoir, moi aussi”. En 2015, il le suit pour une traversée du Désert d’Atacama, en totale autonomie, 1300 km dans le désert le plus haut et plus aride du monde! “C’est une question de volonté, de mental. Moi, je ne le fais pas pour la performance, mais pour rencontrer les gens et me prouver que je n’ai peur de rien”. Il y prend goût et enchaîne, entre autres, la Rivière gelée du Zanskar et la traversée du Groenland d’Ouest en Est. Et puis ces fameux 6 mois en Mongolie entre juin et novembre : “C’est une vie inimaginable pour nous, ça remet les idées en place. Dans notre société d’abondance, on se plaint en permanence. Là-bas, ils ne possèdent pas grand-chose et pourtant leur existence a un sens!

La petite yourte au fond de la prairie

Patrick va ainsi changer de famille tous les mois, parcourant ce pays 3 fois grand comme la France pour 3 millions d’habitants, dont la moitié vit dans la capitale. Les expériences seront toutes différentes. Ainsi, dans le nord, chez des éleveurs de rennes et de yacks, il apprend à faire du fromage et aide son hôtesse pour les tâches ménagères, ce qui n’est pas le genre de la maison! 

La femme, là-bas, est une esclave : elle est la première levée à cinq heures, elle allume le feu, sort vérifier que le troupeau va bien, prépare les 2 repas : le thé au beurre salé le matin et la viande bouillie pour le soir. Ensuite elle va trimer toute la journée, traire les bêtes, gérer les enfants, travailler le cuir de mouton ou couper le foin. Elle n’a pas le droit de s’éloigner de la yourte.” 

Alors que l’homme, lui, vaque à ses occupations, va voir ses voisins pour discuter et pratiquer le sport ou fléau national, se saouler à la vodka : “Les hommes y passent leur temps et leur argent, c’est facilement 2 litres par jour et ça fait 75°!

Dans chaque famille, il fait tout comme eux : marcher 10 km pour ramener 2 bidons de 20 litres d’eau trouble -“Impropre à la consommation, pourtant je n’ai jamais été malade” – ramasser chaque jour, pour le poêle, 2 grands sacs de bouses sèches, 1 pour la journée, et 1 stocké pour l’hiver aux températures allant jusqu’à -50°, égorger un animal, couper l’herbe de 10 cm avec une serpette – “il faut être patient pour faire une botte” – emmener pâturer le troupeau de 500 moutons : “les enfants le font tout seul à partir de 5 ans”. Il se lave toutes les 3 semaines – “avec l’eau sale de la rivière”, apprend à démonter et remonter la yourte en 3 heures : “il faut implanter les meubles avant, et chacun sait ce qu’il a à faire”.

Il partage aussi les fêtes rituelles, assiste aux tournois de lutte – “drôle quand ils sont bourrés” – à une séance de soins par un chaman en transes : “très impressionnant”, et le summum : il emmène sur son poing un aigle pour chasser – “fascinant, tu sens battre son cœur, tu le caresses, le bruit des ailes est majestueux, puis il fond sur sa proie! Inoubliable!

Ces gens vivent en autarcie complète, pas d’électricité, pas de téléphone, ils n’ont rien, pas de médecin, pas de commerces, ils font du troc, leurs moutons, leurs chameaux ou leurs rennes sont leurs seules richesses : “Si on a besoin de viande? On tue une bête, on mange tout, sauf les yeux. Au début, j’étais un peu difficile sur les morceaux, mais après, quand t’as faim…”.

Des moments pas si faciles pour lui : se nourrir d’un bol par jour d’eau, de farine et de mouton bouilli : “J’ai perdu 18 kg, mais le corps s’habitue et rentrer aurait été un échec et puis je n’allais pas me plaindre!”. La rudesse de leurs journées fait qu’ils sont usés, et à 50 ans, ils en paraissent 90. “En Mongolie, quand tu meurs la famille dépose ton corps à même le sol à 200 m de la yourte, aux bons soins des animaux qui le dévorent.

Au final, qu’est-il venu chercher? “Un monde plus sensé, plus pensé, ils ne courent pas après le temps. Ce qui se passe dans leur pays ? Ils l’apprennent par le bouche-à-oreille, par l’étranger à qui on offre un bol de thé au lait, leur hospitalité est incroyable. On se sourit et chacun repart. Et en stop, la première voiture s’arrête.”

Fin de séjour où Patrick tourne Kazak

Séquence émotion le jour de son départ, son hôtesse Kazak, qui appréciait son aide et sa présence, se jette dans ses bras en pleurant : “Elle m’a dit qu’en 1 mois, je lui avais dit plus de fois merci qu’elle n’en avait entendu en 40 ans.”

Puis il faut penser au retour, et rouler quelques jours dans le Transsibérien va lui permettre de se reconnecter avec le monde moderne : “avec regret, ces gens sont authentiques et vrais, leur cœur est si grand ! J’ai mûri !”. Retour à la civilisation.

Il lui faudra 3 semaines pour redormir dans son lit et 2 mois pour manger « normalement ». Le plaisir de retrouver les siens, et une nouvelle philosophie : “Je réfléchis avant d’acheter, je sais qu’il y a une solution à tout problème, que de l’autre côté de la montagne, il y a des choses à découvrir et surtout qu’il faut aller au bout de ses projets…” Et dans sa tête le chant magique et envoûtant du vent de la steppe!

+ d’infos : www.secret-planet.com
l’agence qui a aidé à la préparation de ce voyage

carnet de voyages
–  pôle nord –

carnet de voyages – pôle nord –

nomade des glaces

LA BANQUISE NE LE LAISSE PAS DE GLACE, LES PAYSAGES GELÉS LUI RÉCHAUFFENT LE CŒUR, IL S’ENFLAMME DÈS QU’ON LUI PARLE DU PÔLE NORD… ALBAN MICHON, EXPLORATEUR DE L’EXTRÊME, PASSIONNÉ DES RÉGIONS POLAIRES ET DE PLONGÉE SOUS-MARINE, A PARCOURU L’ANNÉE DERNIÈRE LE MYTHIQUE «PASSAGE DU NORD- OUEST». UNE FAÇON POUR LUI D’ALERTER LE GRAND PUBLIC SUR LE SUJET CHAUD-BOUILLANT DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE…

Alban Michon

« En 2015, je suis tombé sur un reportage à la télévision montrant un groupe de tou- ristes chinois en train de faire un barbecue géant avec DJ et champagne sur la banquise du Pôle Nord. Un choc… J’étais au même endroit en 2010 et c’était très différent, accessible au prix de beaucoup d’efforts à l’époque. Quelques années plus tard, avec la fonte des glaces, l’endroit est devenu abordable en brise-glace. J’ai alors voulu repartir à l’aventure pour montrer ce monde polaire qui change si vite.”

Moniteur passionné de plongée à tout juste 18 ans, il achète l’école de plongée sous glace de Tignes 4 ans plus tard. Devenu une référence dans ce domaine, il entreprend différentes expéditions (plongées sous la banquise en 2010, aventure en kayak sur la côte Est du Groenland en 2012…). Fort de ces expériences, à 40 ans, début mars 2018, il se prépare à emprunter ce fameux passage du Nord-Ouest.
Ce trajet qui relie l’océan Atlantique à l’océan Pacifique est un enjeu économique et politique majeur, permettant de raccourcir (de quelque 6000 km tout de même !) le trajet maritime actuel entre l’Europe et l’Extrême Orient. Englacé toute l’année, ce passage est emprunté l’été par les bateaux de marchandises lors de la fonte de la banquise. “A cause du réchauffement climatique, la glace fond de plus en plus chaque année. Je voulais attirer le regard du grand public sur ce phénomène qui contraint les Inuits à changer leur mode de vie et montrer ces paysages magnifiques et majestueux qui vont disparaitre…”

PÔLE D’ATTRACTION

Après une halte au village inuit de Kugluktuk, pour préparer le matériel, le tester et optimiser son rangement pour qu’il prenne le moins de place possible, c’est parti pour une traversée seul sur la glace, à pied, à ski ou même en kite. Les débuts furent très compliqués : résister au froid jusqu’à -55°, dormir dans une tente minuscule où il fait à peine -30°, être potentiellement entouré d’ours, faire attention de ne pas passer à travers la glace avec les deux traîneaux de 170 kilos… “L’homme n’a rien à faire là, il faut s’adapter. J’ai bien mis 15 jours à prendre mes repères. Au fur et à mesure de mon avancée, j’ai découvert des paysages extraordinaires, retrouvé une certaine liberté, savouré le vrai luxe d’être seul avec les aurores boréales.”
On pourrait le prendre pour une tête brûlée, mais il n’a juste pas froid aux yeux. Quoique… à force de jouer avec le feu, sa cornée a gelé pendant 3 jours ! Heureusement, grâce à une pommade ophtalmologique, tout est rentré dans l’ordre. Bref, Alban a eu très chaud !
Mais attention de pas avoir « trop » chaud non plus. Sur la banquise, il faut apprendre à ne pas transpirer, pour ne pas geler. De quoi tout de même se faire quelques sueurs froides… Pour effrayer les éventuels animaux sauvages, Alban a embarqué une carabine : “En aucun cas pour tuer, juste pour faire peur aux ours et me protéger. C’est obligatoire quand tu pars du Canada. J’ai aussi mes balises de détresse, mon pistolet d’alarme à fusée rouge… Tous les deux jours, j’essaye de donner des nouvelles par GPS, mais difficile par des températures extrêmes de charger ses batteries !”

SANG-FROID À TOUTE ÉPREUVE

Seul sur cet itinéraire, quelle ne fut pas sa surprise de croiser un jour une meute de 12 loups arctiques, à 200 mètres de lui. Après un échange de regard, chacun a poursuivi sa route… La solitude aurait pu lui faire froid dans le dos, mais ce sentiment, Alban l’affectionne tout particulièrement. “Je sais que je marche sur un fil, je ne peux pas me permettre d’être déconcentré. Toujours sur le qui-vive, c’est épuisant. Mais il faut savoir se dépasser, c’est compliqué, difficile, mais pas impossible !” Après quelque 500 km de marche, il arrive au premier village. Le temps de refaire le plein de carburant pour son réchaud, il repart récupérer son matériel de plongée et retrouver son photographe, Andy Parant de Tignes, à Cambridge Bay. Même si cela ne faisait pas partie de la finalité du voyage, c’est comme ça, plonger sous la glace depuis ses débuts dans le lac gelé de Tignes, il ne peut pas y résister ! ”Un challenge technique car mon matériel avait gelé et il a fallu que je fasse un trou dans deux mètres d’épaisseur de glace. J’ai mis 7h pour enfin me plonger dans le monde sous-marin… J’avais tout de même une mission scientifique dont l’objectif était de prélever du plancton.”

Au bout de 62 jours, Alban a dû s’arrêter. “Mi-mai, les conditions devenaient trop dangereuses avec la fonte des glaces. J’ai alors écourté l’aventure Arktic. Je suis explorateur, je n’ai pas besoin de faire un exploit.” Un an plus tard, il vient de sortir son livre « L’itinéraire d’un nomade des glaces » relatant son périple givré. Une façon de partager sur papier glacé “cette chance incroyable d’avoir été là, seul, dans le silence le plus pur qu’il soit… et de montrer qu’il est possible de vivre ses rêves. En plus, si j’arrive à passer le message de la protection de l’environnement et du changement climatique…”

 

+ d’infos : http://albanmichon.com

©Andy Parant et Alban Michon

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