retour sur la conquête spatiale
américaine par jean revillard

retour sur la conquête spatiale américaine par jean revillard

How to be a nice bicycle astronaut ?

Les carnets de voyage de Jean Revillard, ce photographe suisse atypique, renoncent délibérément aux clichés ethnologiques ou aux paysages cartes postales et jettent un regard amusé sur les coulisses de l’histoire. Focus sur une étape de la conquête spatiale américaine.

Basé à Genève, Jean Revillard sillonne le monde avec son appareil photo, mais ses jardins édéniques prennent forme bien en amont, dans ses rêves et voyages intérieurs.
Son intérêt prononcé pour les dissonances, les anomalies ou encore les aspérités du monde, le porte à travailler sur des sujets souvent âpres, tels l’habitat précaire, les clandestins, ou plus généralement, ce qui est à la périphérie, plutôt qu’au centre. Cette attirance le mène sur des trajectoires imprévisibles, souvent insolites et merveilleuses, développant une esthétique décalée tantôt drôle, tantôt émouvante, mais parfois aussi, tragique ou révoltante.

En 2013, embarqué dans l’aventure Solar Impulse auprès de Bertrand Piccard et d’André Borschberg et dans l’attente de l’autorisation des autorités américaines pour préparer la photo mythique de l’avion solaire sur le Golden Gate à San Francisco, il séjourne de façon providentielle sur l’une des bases, presque en déshérence, de la NASA, le Ames Research Center, à Moffett Field, au cœur de la Silicon Valley.

“Le lieu, aujourd’hui reconverti en pépinière de start-ups de Google sur la mobilité, servait à cette période de dépotoir de prototypes d’avions, et toute sorte d’objets volants ayant servi à la recherche spatiale : carcasses rouillées, réacteurs démantelés, squelettes de soufflerie”, explique-t-il. Ce sentiment d’attente figé dans un décor fantôme est à l’origine d’un carnet de voyage, parallèle à l’épopée de l’avion solaire, témoignage du «voyage dans le voyage».

On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait ou vous défait.

«AMERICAN DREAM»

Dans cette série de clichés intitulée «How to be a nice bicycle astronaut ?», le photographe aventurier, qui nous dévoile son journal intime, enfourche son vélo et devient explorateur, revisitant avec dérision l’imaginaire collectif du rêve américain.

“Coincé dans ce lieu improbable, à la recherche du meilleur spot qu’immortaliserait le Solar Impulse au-dessus du Golden Gate, je me suis projeté dans un ailleurs foisonnant de symboles de la conquête spatiale. Inspiré par les grands photographes américains des années 60 et 70, je me suis déplacé à travers ces lieux contrastés, constitués de hangars gigantesques abandonnés, mais aussi voisins de quartiers sous haute surveillance de l’armée américaine. Aux Etats-Unis, peut-être plus qu’ailleurs, on est en permanence dans une histoire en mouvement. Je me suis trouvé en immersion dans une certaine forme de décadence de l’Etat américain, bientôt remplacé par la grandeur des GAFA, et j’ai alors perçu, de façon très intense, cette manière très particulière de recycler l’Histoire. Cette faculté américaine de passer d’une époque à une autre, sans états d’âme, est très singulière pour un Européen”.

LE VOYAGE : UNE MÉTAPHORE DE LA LIBERTÉ

Dans ce récit de voyage illustré, Jean Revillard promène ainsi son regard amusé sur le patriotisme, les nouvelles technologies et l’innovation, le rêve de puissance et de conquête et se joue des mythes, voire de lui-même !

Devenu anti-héros, n’hésitant pas à se mettre en scène, il parvient à transformer une situation tendue, d’attente, dans un lieu excentré et à la dérive, en une expérience pleine d’ironie, invoquant la créativité et l’expérience du voyage mental. Une apparente légèreté qui dénonce, sans le vouloir, le regard porté par le tourisme moderne, exotique, grégaire, ignorant et superficiel.

LE TEMPS DE GESTATION DES RÊVES

“Il est essentiel de rester libre dans sa tête quelles que soient les circonstances et de formuler les rêves les plus excentriques. Bien souvent, les exprimer, même en pensées, contribue à les faire exister. En 2013, dans ce délire, je me voyais cosmonaute dans un décor en carton-pâte et voilà qu’après 5 ans, survient un dénouement inattendu à ce périple. Je suis aujourd’hui propulsé, aux côtés de Raphael Domjan, à bord du projet SolarStratos, dans la perspective d’un vol que réalisera l’aventurier d’ici quelques mois, dans la stratosphère, à 25 km d’altitude, aux limites de l’espace. Les températures extrêmes à –65oC qu’il aura à endurer nous ont déjà portés cette année sur les traces de Youri Gargarine à Moscou dans l’entreprise Zvezda, l’un des équipementiers de système de survie et combinaisons spatiales les plus renommés. La magie continue, en Russie cette fois. Et soudain les paroles de Nicolas Bouvier, le célèbre écrivain-voyageur suisse résonne comme une vérité presque absolue : «on croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.»

© Jean Revillard

mario colonel au tibet

mario colonel au tibet

Khampa dans l’œil

En 2013, Mario Colonel, photographe chamoniard et auteur de nombreux livres sur le massif du Mont-Blanc, prend en photo une petite tibétaine au regard mystérieux lors d’un voyage. Une photo tellement fascinante qu’il décide, 4 ans plus tard, de partir à sa recherche, et d’en faire un film…

« I miss you, where are you? »… le message qui s’affiche pendant l’interview sur le téléphone de Mario Colonel est celui de la petite Dolma, qui utilise ses premiers mots d’anglais.

Activmag: Vous êtes allé 8 fois au Tibet. Finalement on survit au thé au beurre de yack?

Mario Colonel : (Rires) Si on considère que c’est du thé, c’est l’enfer, si on considère que c’est une soupe, ça va. Le goût est un peu rance; tout dépend du beurre en fait.

Au départ de votre film, il y a cette magnifique photo de Dolma, une petite Tibétaine, de la région du Kham…

En 2013, j’étais dans une fête dans le sud du Kham. C’est là que je l’ai rencontrée. Elle avait 7 ans. Sa maman m’a autorisé à la photographier. Je l’ai revue une 2ème fois, par hasard, et l’ai à nouveau prise en photo. Son regard, boudeur, rebelle, mystérieux, m’avait interpellé. J’ai immédiatement senti que cette photo était différente.

 

Dolma

Et 4 ans plus tard, vous vous lancez à sa recherche et en faites un film: «Dolma, la petite Khampa», avec Bertrand Delapierre. Comment ne pas établir une analogie avec l’histoire de Sharbat Gula, la célèbre afghane aux yeux verts, en couverture du National Geographic en 1984 et retrouvée par son photographe?

J’ai eu cette démarche en tête, sauf que je ne voulais pas attendre 40 ans, comme Steve Mac Curry! Retrouver la petite était le fil rouge du film, mais comme cette quête était incertaine, je voulais aussi en profiter pour présenter le Kham, une région tibétaine sublime et peu connue, que le gouvernement chinois ne met pas en avant.

En regardant le film, on en oublie presque votre quête. Le chemin semble plus important que le but.

C’est volontaire de ma part. Montrer que le Tibet ne se réduit pas à Lhassa. Ces paysages verts, ces couleurs incroyables, l’impression d’être dans les Aravis, dans les Alpes suisses, ou dans les Rocheuses. Pourtant, les habitants ne croisent quasiment jamais de touristes. Quand j’y vais, ils viennent autour de moi et me touchent les poils, comme si j’étais une bête curieuse…

Vous finissez par retrouver Dolma. Comment avez-vous été reçu à votre arrivée?

Sa famille était heureuse de nous voir en dépit d’une situation compliquée. Un père gravement malade, un grand-père à l’agonie, une petite sœur hyper active et avec des jambes brûlées. La maison, sans aucun confort, a été donnée par le gouvernement chinois en échange de l’abandon de l’élevage de yacks. Ils y vivent à 8, doivent aller aux toilettes dans la rue. Ils subsistent sans doute grâce à la vente de ce champignon-chenille, comme presque partout au Tibet. Ce viagra de l’Asie se vend 10.000 euros le kilo, et déstructure toute l’économie traditionnelle.

Votre émotion lors des retrouvailles est évidente…

Oui, et en même temps, j’ai de la retenue et de la distance. Cette petite ne parlait pas un mot d’anglais. Je lui ai juste montré des photos de montagne et un livre sur les vaches des Alpes. Je l’ai laissée m’apprivoiser peu à peu. Elle finit par me parler. Quand je suis parti, elle m’a sauté dans les bras. Ses parents pleuraient. L’émotion était vraiment intense, mais on a choisi de ne pas filmer cette scène.

Dolma et Mario Colonel

Vous ne craignez pas d’être perçu comme le père Noël pour cette famille pauvre?

Le commerce du cœur, le «business compassionnel», est un problème récurrent en Asie. Et je pourrais donner de multiples exemples. Regardez les Sherpas! Cette ethnie représente 1,5% de la population népalaise, et a verrouillé le tourisme, tout en faisant croire qu’ils sont tous pauvres. La famille de Dolma m’a paru sincère. Elle n’a pas encore été confrontée au tourisme de masse. Et puis là, c’est moi qui choisis de l’aider; j’ai gagné de l’argent avec la photo de Dolma, je veux lui rendre cela. Je suis la clef qui peut lui ouvrir des portes. L’emmener à Pékin, lui donner l’envie d’étudier. On va essayer de mettre cela en place à travers l’association que j’ai créée, «les enfants des toits du monde». Je vais y retourner en septembre pour discuter avec la famille, connaître leurs attentes et éventuellement bâtir un projet pour Dolma. Je n’attends rien, mais si dans 10 ans, cette gamine a fait des études, parle anglais, ce sera la plus belle des récompenses!

En regardant votre film, on constate avec tristesse la disparition de leur mode de vie traditionnel.

Alors soyons clairs! On a fait un transfert absolu en France depuis 30 ans, pour faire du Tibet un paradis perdu. Mais qui n’a jamais existé. Je ne pense pas qu’avant 1950, c’était le paradis. D’autre part, il n’y a pas un Tibet, mais plusieurs, avec des langues différentes, des rivalités, des histoires différentes. Le Kham est une région particulière, qui a été à la pointe de la résistance contre les Chinois, entre 1950 et 1959, sans l’aide de Lhassa.

Aujourd’hui, le combat politique pour un Tibet libre est terminé. La seule manière de les aider est de leur donner un pouvoir social et économique. Par exemple, les Chinois se déplacent en voiture et les Tibétains en mobylette. Le développement impulsé par la Chine est colossal. Je l’ai constaté au cours de mes 8 voyages sur place. Mais ce n’est pas la Chine qui pousse les Tibétains à abandonner leur mode de vie. C’est le désir de consommation des nouvelles générations, comme partout. J’ai même croisé un jeune lama qui regardait des vidéos «pour adultes» sur son smartphone dernier cri à 500 euros! Je pensais y trouver des saints, j’y ai rencontré des hommes. Et c’est plutôt rassurant finalement.

Vous êtes allé 35 fois en Himalaya, pourquoi?

C’est une nécessité pour moi, car leur rapport à la nature, leurs formes d’interrogations spirituelles me parlent…

Vous privilégiez l’aventure humaine plutôt que sportive…

L’extrême, la performance, ne m’intéressent plus, ni les épreuves sportives qui transforment la montagne en un grand cirque. Je crois davantage aux aventures humaines, à l’enrichissement aux contacts des autres, à l’émerveillement. M’arrêter 3 heures en montagne pour observer un oiseau. Ça doit être générationnel… J’ai commencé la montagne en 78, en pleine culture hippie. La découverte de l’autre était essentielle. Et la marche est un formidable moyen d’aller au contact.

Vous dites que cette photo a changé votre vie…

Au cours de mon parcours, j’ai été épaulé à certains moments par différentes personnes comme Pierre Tairraz. Aujourd’hui, c’est à mon tour de rendre un peu ce que j’ai reçu, de transmettre. Aider symboliquement une petite fille au bout du monde donne du sens. Ça me fait plaisir d’entendre ses messages, de voir qu’elle est contente. Elle s’est mise à apprendre quelques mots d’anglais pour me parler. Modestement, je lui ai peut-être donné l’étincelle de quelque chose, et c’est génial. C’est l’effet colibri, comme dirait un de mes maîtres, Pierre Rahbi.

Quels sont vos projets?

Je repars la voir en septembre, pour bâtir un projet d’éducation avec ses parents. Mais elle fera ce qu’elle veut. Ce n’est pas à moi de décider. Ensuite, je vais me lancer dans le documentaire, avec 3 ou 4 projets de films, sur l’Himalaya, sur les montagnes corses. L’occasion de renouer avec mon passé de journaliste…

+ d’infos :
enfantstoitsdumonde.sitew.
fr

Mario Colonel

l’alaska à vélo avec katia lafaille

l’alaska à vélo avec katia lafaille

L’échappée re-belle

Veuve du grand himalayiste Jean-Christophe Lafaille, disparu sur les pentes du Makalu en 2006, et avec qui elle formait un couple fusionnel, Katia Lafaille aspire désormais à exister par elle-même. Elle met son énergie débordante à tracer son propre chemin. Le dernier en date a mené la Suissesse en Alaska, à vélo…

Katia Lafaille

Déjà auteure de documentaires et du livre «Sans lui» (2007), cette aventurière enthousiaste, un brin sauvage, et au caractère bien trempé parcourt le monde en solitaire, à pied ou à vélo, en autonomie complète. Himalaya, Australie, Etats-Unis, Canada, l’immensité est son terrain d’exploration favori. Une fascination pour les grands espaces, notamment américains, qui colle parfaitement à la peau de cette lectrice assidue de Jim Harrison.

Dernier exploit en date, elle réalise, seule, en août 2017 la traversée de l’Alaska à vélo, de Skagway à Fairbanks. 2000 km, 16.000 m de dénivelé, 17 jours dans le froid, la pluie, l’isolement, au milieu des ours. Sa capacité à endurer les efforts, à avaler les kilomètres, à supporter les heures de selle, à surmonter la peur, à gérer ses émotions, l’étonne elle-même. “Je suis une machine” reconnaît-elle en riant, “mais c’est du mental à 70%”. Conversation passionnante autour d’un café à Chamonix, où cette Suissesse s’est installée il y a 30 ans.

Activmag: Comment est née cette envie de voyages, en solitaire, à vélo?

Katia Lafaille: Le voyage donne un sens à ma vie. Depuis que mes enfants sont grands, je voyage seule. L’Australie, le grand nord canadien en 2016, et puis l’Alaska l’an dernier ont été mes premières traversées en solo. C’est un nouveau chapitre de ma vie qui s’ouvre.

Avant, j’emmenais mes enfants avec moi, en trek au Népal sur mon sac à dos ou dans une carriole derrière mon vélo aux Etats-Unis. Les pauvres! (rires) Ce qui me plaît dans le vélo, c’est le fait d’avancer sur de longues distances. A pied, le rythme est différent. Et être seule, c’est ne compter que sur moi. Etre libre. Boire, manger, dormir. Un rendez-vous avec mes instincts primaires. Partager avec quelqu’un adoucirait l’épreuve.

Nenana, Alaska – Etats-Unis
Dawson City – Canada

Et votre passion pour les grands espaces ?

Je suis fascinée par les grands espaces désolés, la nature sauvage, brute, sans confort. L’Alaska était un rêve, nourri par des livres, comme «Into the wild», par des auteurs américains comme Jim Harrison ou David Thoreau. En fait, je ne suis pas née à la bonne époque. J’aurais adoré vivre aux Etats-Unis vers 1880/1900.

Moose Creek
Chicken Town

Du coup, vos voyages sont plus des rencontres avec vous-même qu’avec les autres…

C’est vrai que je choisis des endroits où il y a peu de monde. Allergie à la foule sans doute! J’ai croisé un Suisse en Alaska sur son vélo. Il était soulagé de me parler car la solitude lui pesait. Un bon moment, certes, mais je lui ai gentiment expliqué que j’allais poursuivre ma route seule. J’ai échangé avec des personnes formidables en Alaska, prêtes à tout pour vous aider dans cet environnement hostile. Ces rares rencontres m’ont vraiment touchée.

Swiss chocolate entre Suisses

Le voyage fait grandir paraît-il…

Je dirais que le voyage m’a fait réfléchir. En Alaska, j’ai vu des familles d’une extrême pauvreté, qui se douchent au camping, parce qu’elles vivent dans des roulottes ou des cabanes misérables, sans confort, à 200 km de Fairbanks. Leurs seules ressources financières sont les aides de l’Etat. Alors quand je rentre, j’essaie de diminuer mes besoins, de moins consommer. Aucune culpabilité, mais juste la volonté de ne pas faire n’importe quoi. J’ai emmené mes enfants au Népal aussi pour ça, pour les confronter à la réalité.

Je sais que vous n’aimez pas qu’on vous pose cette question… mais je brave l’interdit… Ressentez-vous parfois la peur au cours de vos périples solos?

La peur existe bien sûr, des hommes mal intentionnés, des ours, des chiens errants qui vous poursuivent en meute. Cela m’est arrivé plusieurs fois, c’est vraiment impressionnant. Mais il ne faut pas se laisser dominer par la crainte. Il faut rester dans l’analyse de la situation. Alors je suis hyper attentive, quasiment animale, tous les sens en éveil, prête à dégainer mon spray au poivre si besoin. J’observe, je suis prudente quand j’installe un lieu de bivouac. Je respecte les us et coutumes des pays que je traverse, pour ne pas me faire remarquer. Jamais je pourrais me dire «ne va pas là-bas, tu vas avoir peur». Sauf, à la rigueur, pour l’Afghanistan et le Pakistan. Cela dit, je me suis sentie moins en danger dans mes voyages que dans certains endroits ici en France.

Conrad Lake – Canada

Le voyage donne un sens à ma vie.

Bivouac d’urgence en Alaska – Etats-Unis

Ressent-on une appréhension du retour, un post bike trip?

Il y a deux choses horribles, la fin et le début. Mais pour des raisons différentes. La fin, c’est une grande gifle. En arrivant à Fairbanks, j’ai pleuré. Un vrai sentiment de vide. Le retour est physique, mais pas mental. L’impression de ne jamais atterrir complètement. Il me faut un mois pour me sentir présente à 80%…

Voyager apporte des réponses ou soulève plutôt des questions?

Je suis partie en 2016 au Canada avec un sac de questions, et je suis revenue… avec ! (rires) Parce qu’on est occupé par plein d’éléments concrets, où mettre la tente, éviter les ours, le ravitaillement, on ne pense pas toujours à autre chose. Mais quand je reviens, je me sens plus sage, plus libérée, mais aussi en décalage avec la société, du fait de mon mode de vie. Avec une seule envie, repartir! J’ai envie de dire à tous ceux ou celles qui n’osent pas entreprendre quelque chose, voyage ou autre: «allez-y, lancez-vous, toute expérience est bonne à prendre de toute façon!»

Denali highway, une ligne droite qui fait mal!

LES QUESTIONS tête dans le guidon

Un film? Boyhood, sur le temps qui passe, un thème qui me parle.

Un livre? Shantaram. J’aime le réel dans les livres, pas la science-fiction. Quand je lis, il faut que j’en ressorte cultivée. Sinon, j’ai le sentiment de perdre mon temps.

Un plaisir? J’adore le vin, Malbec, Bourgogne, vins toscans. S’il y a un vignoble là où je passe, c’est la cerise sur le gâteau! En Alaska, j’avais un peu de vin, pour le soir. En pédalant je pensais au verre qui m’attendait. Ça boostait mon moral.

Une devise? Dans le monde de l’esprit, c’est en faisant faillite qu’on fait fortune, (Christian Bobin).

Un grand bonheur? La fin d’une étape.

Un paysage? La rivière dans le Yellowstone, les bisons, et mon fils Tom qui pêchait.

Une valeur essentielle? Le respect.

Un élément naturel que vous détestez? Les moustiques ! Dès qu’on s’arrête ou qu’on ralentit dans les côtes, c’est l’enfer!

Un péché inavouable? Une tranche de pain au beurre salé au sel de Guérande.

Une colère récente? La trahison d’un ami.

Dans 10 ans, comment vous imaginez-vous? J’ai du mal à me projeter! La vie est tellement fragile. J’ai longtemps eu peur d’être une épouse aigrie (rires). Je me verrais bien en train de faire un tour du monde… avoir une cabane au Etats-Unis, une ici, et aller de l’une à l’autre.

Quel est votre état d’esprit? Libre. Dans mes choix, dans ma vie, tout tourne de cette idée.

©Katia Lafaille

jérémy bernard 
au pakistan

jérémy bernard au pakistan

la vallée des immortels

Skieur dans l’âme et photographe jusqu’au bout des spatules, le savoyard Jérémy Bernard vient de dévaler et shooter les spectaculaires sommets pakistanais. Une mission pro, doublée d’une belle aventure perso.

Jérémy Bernard

L’Ardèche, c’est joli. Mais un peu plat pour faire du ski. Parce qu’ils aiment la montagne et pour permettre à leur fils de se livrer à sa passion de la glisse, les parents de Jérémy migrent aux Ménuires. Fan de compétition, l’écolier se lance à fond. Ce sera l’inscription au club local, puis en filière ski études, ouvrant tout droit la voie au monitorat. Quelques années après son arrivée, Jérémy commence l’enseignement de sa discipline aux Ménuires. Sa vie semble se dessiner sur une pente toute tracée. Jusqu’à ce que le hasard lui fasse rencontrer en 2006 un photographe implanté dans la station.

OUVERTURE DE CHAMP

“Dominique Daher cherchait un assistant. J’ai commencé comme ça, puis j’ai acheté mon propre appareil », dévoile Jérémy. « Je suis parti quelques temps à Whistler au Canada pour enseigner le ski et j’en ai profité pour me perfectionner en photo.

A mon retour, Dominique – qui avait déjà un beau carnet d’adresses – m’a pris sous son aile et je me suis peu à peu lancé dans le métier. Au départ j’ai surtout fait des photos de ski, puis avec les années et l’expérience, je me suis tourné vers l’outdoor dans son intégralité: VTT, escalade, kayak, running, parapente, etc… J’ai découvert le goût du voyage et de la rencontre avec les autres, et c’est surtout ce qui me motive aujourd’hui. Je ne m’interdis rien”. Alaska, Amérique du Sud, Iran, Chine, Japon, Groenland, Norvège, Islande, Guatemala, Europe, Amérique du Nord, Liban, Arabie Saoudite… Jérémy parcourt la planète, tout en poursuivant sa collaboration avec Dominique.

En février 2016, il fonde avec lui et deux autres associés «Neufdixième», une plateforme alternative d’information sur internet, qui vise à montrer “l’envers du décor, ce qu’on ne voit pas dans les médias”. Et dans ce domaine-là, au Pakistan Jérémy est servi…

 

On peut penser que ce pays est un territoire dangereux, uniquement peuplé de talibans! Or, les habitants que nous avons rencontrés sont adorables.

DES SOMMETS D’HOSPITALITÉ

“Ce qui m’a surtout frappé dans cette partie du Pakistan, c’est l’ambiance et le sens de l’accueil des gens. Avant d’y aller, on peut penser que ce pays est un territoire dangereux, uniquement peuplé de talibans! Or, les habitants que nous avons rencontrés sont adorables. Ils parlent plutôt bien l’anglais et nous ont ouvert les portes de leur maison pour nous montrer leur vie si particulière”, explique Jérémy.

Ils vivent à 2600 mètres d’altitude, sur les terrains pierreux de l’ancienne route de la soie, entourés de montagnes qui culminent à 7000 mètres. Ce sont surtout des paysans qui cultivent la terre. Il peut faire étonnamment chaud là-bas. Lorsqu’on y était, les températures à 2600 mètres étaient les mêmes qu’en France à 1000 mètres! Et il y a beaucoup d’arbres et de verdure. Les locaux ont mis en place des systèmes de récupération de l’eau du glacier et de la rivière qui coule au fond de la vallée. Il y aurait dans l’eau des minéraux très bon pour la santé, ils utilisent le sel des montagnes et mangent beaucoup de fruits et de fruits secs. Ils vivent loin du monde moderne, de l’industrialisation et de la malbouffe. Ils ont le minimum pour vivre, mais de qualité. Ce sont des gens heureux et en très bonne santé. La Hunza est d’ailleurs surnommée « la vallée des immortels »”.

IMAGES ET PARTAGE

«Des immortels» qui souffriraient de la conséquente diminution de fréquentation de leur vallée, une réalité depuis les attentats du 11 septembre 2001. “Ils sont tristes de ne plus recevoir de touristes. Ils aiment accueillir et partager, et ne veulent pas qu’on dise qu’il n’y a que des terroristes chez eux”. Jérémy, lui, le sait. Il garde en mémoire de précieux moments d’échanges et de convivialité largement immortalisés sur ses clichés…

+ d’infos :
jeremy-bernard.comneufdixieme.com

photos : Jérémy Bernard

de hanoï aux hmong,
le vietnam en contrastes

de hanoï aux hmong, le vietnam en contrastes

sur les traces des hmong…

Si l’ethnie viêt représente plus de 85% de la population vietnamienne, une cinquantaine d’ethnies minoritaires sont recensées dans le nord du pays. Parmi elles, les Hmong, un peuple d’agriculteurs perdu dans les montagnes frontalières de la Chine. Parti à leur rencontre, je vous embarque?

Hanoï, point de départ de mon périple. Des dizaines de milliers de scooters occupent la chaussée et s’entrecroisent dans un apparent chaos défiant toutes les références occidentales de la sécurité routière. Avec, ou plus souvent sans casque, adultes, bébés endormis, femmes enceintes s’entassent sur les deux roues jusqu’à cinq personnes, quand ce ne sont pas d’improbables et volumineux chargements allant du matelas 2 places au cochon vivant. A cette valse étourdissante sur la chaussée répond un joyeux et coloré désordre sur les trottoirs où s’étalent au ras des pots d’échappement de minuscules échoppes, de bouchers, poissonniers, primeurs, restaurants, petits métiers.

Je pars arpenter le quartier traditionnel des 36 rues et corporations qui semble tout droit sorti d’un autre temps. Regarder vivre cette fourmilière en sirotant une «Hanoï» ou une Tiger – les très désaltérantes bières locales -, installé sur de petites chaises en plastique à un carrefour est une expérience qui à elle seule pourrait mériter de passer plus de 12 heures entassé en classe économique.

UNE ETHNIE MINORITAIRE

Pourtant, le complet dépaysement est encore à venir. Cap sur Sa Pa, la ville emblématique du Nord du pays. Pour s’y rendre, la façon la plus rapide est d’emprunter le très exotique train de nuit qui relie Hanoï à Lao Cai aux confins du pays, à deux kilomètres de la frontière chinoise. Il est environ 21h00 heure locale, quand j’embarque. A bord, tout semble dater de l’époque coloniale, à part sans doute la climatisation poussée à bloc. Mon compartiment offre un confort relatif et une température quasi polaire qu’aucun dispositif ne permet de réguler. Impossible de passer une nuit entière dans ce frigo.

Je finis par condamner l’arrivée d’air froid avec un oreiller maintenu par ma valise. Le train s’ébranle dans la nuit. Les premiers kilomètres s’effectuent au pas, ce qui me laisse le loisir d’observer les faubourgs encore animés de Hanoï avant de tirer le rideau pour la nuit.

Le jour est à peine levé quand nous sommes réveillés par les haut-parleurs du wagon qui hurlent de la musique traditionnelle revisitée sur un beat occidental. A peine descendu du train, je grimpe dans un taxi, direction Sa Pa. Pendant un moment, la voiture longe la rivière qui fait office de frontière avec la Chine, l’ennemie héréditaire. La région est sauvage, dangereuse même à en croire le chauffeur. Conséquence de la politique de l’enfant unique et du manque de femmes dans l’Empire du Milieu, des groupes mafieux tentent régulièrement d’enlever des jeunes filles dans les villages alentours afin de les vendre de l’autre côté de la frontière pour les marier.

Sa Pa n’est qu’une vitrine un peu caricaturale aux allures de réserve indienne pervertie par l’afflux de touristes, notamment sud-coréens. Le principal intérêt de la ville est qu’elle est le point de départ de treks tout simplement étourdissants.

Très rapidement, nous quittons la plaine pour nous engager sur une route sinueuse tracée par les Français sur le flanc de la montagne. Sous l’époque coloniale, Sa Pa, station climatique à 1600 m d’altitude, accueillait la bourgeoisie hanoïenne et les officiers français en villégiature pour fuir les étouffantes chaleurs des périodes de moussons. Aujourd’hui, elle est le passage obligé pour partir à la rencontre d’une des ethnies minoritaires du Vietnam, les Hmong. Souvent persécuté et sédentarisé de force, ce peuple aux vêtements colorés conjugue une ruralité d’un autre temps et des traditions ancestrales. Mais Sa Pa n’en est qu’une vitrine un peu caricaturale aux allures de réserve indienne pervertie par l’afflux de touristes, notamment sud-coréens. Le principal intérêt de la ville est qu’elle est le point de départ de treks tout simplement étourdissants. Après plus de 48 heures de voyage, je touche enfin du doigt mon rendez-vous en terre inconnue.

DES PAYSAGES
À COUPER LE SOUFFLE

Sac au dos, je presse l’allure pour sortir de Sa Pa au plus vite. En vingt minutes à peine, je quitte enfin la civilisation. Là, c’est un autre monde qui s’ouvre. Au programme, 7 heures de marche et nuit chez l’habitant dans un village isolé en pleine montagne. Je ne connais pas la véritable difficulté du parcours. Mais je remarque que mon guide fera route en mocassins. Ce qui a tendance à me rassurer… un peu. L’appréhension laisse vite la place à la contemplation et à l’émerveillement. Le sentier que nous empruntons chemine à travers les somptueuses rizières en terrasses et les hameaux perdus en bordure de forêt ou plus bas, le long de la rivière.

Sculptée à la seule force des bras, la montagne et son savant système d’irrigation en cascade offre un spectacle à couper le souffle. Les nuances de couleurs qui s’étendent sur une palette allant des ocres profonds aux verts les plus lumineux en fonction des cultures et de leur maturité jouent avec les reflets du soleil dans des tableaux renouvelés à chaque détour du sentier. Aujourd’hui, le riz a officiellement supplanté la culture du pavot généralisée à l’époque coloniale dans cette région qu’on appelait autrefois le «grenier à opium de l’Indochine française».

Après trois heures de marche, nous arrivons devant un pont suspendu qui enjambe la rivière que nous suivons depuis plusieurs kilomètres. Les planches sont disjointes et l’ensemble a sérieusement tendance à tanguer sur notre passage. Pas le choix, il faut traverser. En contrebas, une femme et un enfant font la lessive à la rivière. Plus loin une poignée de gosses en guenilles chahutent joyeusement sur le chemin caillouteux qu’ils empruntent chaque jour pour se rendre à l’école. Au détour d’un hameau, nous tombons sur un groupe de femmes en habits traditionnels en train de broder des étoffes.

Devant un groupe de trois maisons isolées, un vendeur ambulant propose des poissons… vivants. Deux grosses barriques en plastique pleine d’eau qui ont été fixées de part et d’autre de sa moto à la place des sacoches font office d’aquarium. A l’intérieur des poissons agonisent… mais restent vivants, donc frais. Partout, les Hmong travaillent la terre inlassablement sous le regard flegmatique de buffles qui prennent visiblement plaisir à patauger dans les rizières, embourbés jusqu’au ventre. Loin des flux touristiques, le contact est toujours simple, parfois chaleureux.

En fin de journée, nous atteignons un village plus important. C’est là que nous passerons la nuit chez l’habitant. Au milieu de la pièce principale en terre battue trône un foyer surmonté d’une casserole noircie par le feu de bois et l’âge. La maîtresse de maison s’affaire déjà pour préparer le repas du soir que nous prendrons avec toute la famille. Nos hôtes ont mis les petits plats dans les grands. Au menu, un poulet que le chef de famille tue pour l’occasion accompagné de mille petites choses parfois indéfinies, certaines succulentes, d’autres beaucoup moins. Je me sens au bout du monde. A l’étage, quelques matelas alignés à même le plancher accueillent les rares touristes qui s’aventurent jusque-là. Je suis très rapidement attrapé par le sommeil. D’autres aventures m’attendent le lendemain…

+ d’infos : Ce voyage à la découverte des Hmong a été organisé de A à Z par un guide local francophone, The Minh Hoang : the_discoverysapa@yahoo.com.

©EugeneF, Hanoï photography, Kagemusha, Olivier Vacherand

fabien scotti 
chez les gagaouzes

fabien scotti chez les gagaouzes

Les dits Gaga…ouzes

Avec un nom qu’on dirait tiré d’un album de tintin et une histoire de mélanges, la Gagaouzie est moldave, mais également roumaine, un peu russe, un peu turque aussi. Attiré par les destinations imprononçables et les expériences inédites, le jeune photographe suisse et polyglotte Fabien Scotti est allé y faire un tour.

Fabien Scotti

Fabien Scotti a du sang latin dans les veines. Mais ses gènes transalpins ne le font parler ni fort, ni avec les mains. Ils ne le font pas parler beaucoup d’ailleurs. Ce trentenaire genevois observe plus qu’il ne discoure, mais quand il le doit, il peut dialoguer en français, en anglais, en italien donc, un peu en allemand, mais surtout en chinois et en turc.

Voilà tout le paradoxe de ce garçon concis : en matière de voyages, c’est principalement la pratique des langues qui guide ses envies. Les langues et leur écriture, leur aspect graphique. C’est la raison pour laquelle il s’engage dans un master en études asiatiques, qui lui donne plusieurs occasions de découvrir la Chine – c’est à ce moment-là, lecteurs attentifs, que vous vous interrogez sur le lien entre la Chine et la Moldavie, pensant que nous vous avons enduit d’une bonne couche d’erreur dès le chapeau de cet article… mais vous allez comprendre.

EXT’ASIE

En Chine donc, il prend le temps de se perdre dans la région autonome du Xinjiang – prononcez Sin-Kiang – à la frontière Nord-ouest du pays, foyer des Ouïgours dont il apprend la langue par curiosité. “Je pensais qu’elle ressemblerait au mongol, mais c’est une langue d’origine turque. Et les Ouïgours sont musulmans. Pour moi qui aime les endroits surprenants, là-bas, on a l’impression d’être au Moyen-Orient alors qu’on est en territoire chinois!”

Si comme moi, lecteurs, vous manquez cruellement de culture historico-géographique, vous vous dites : Wouah, les Turcs sont donc remontés jusque-là! Avec la simplicité de ceux qui en connaissent beaucoup mais savent faire court, Fabien Scotti remet les choses dans le bon ordre: “Les Turcs, à l’origine, sont un peuple nomade originaire d’Asie, des plaines de Mongolie à celles de l’Asie centrale, et ils ont connu un vaste mouvement d’émigration vers l’ouest. L’Anatolie, la Turquie actuelle, est donc leur point d’arrivée, pas de départ.” Une frange d’entre eux pousse même jusqu’aux Balkans, en laissant quelques poches de population sur leur chemin, notamment en Bulgarie et Moldavie, d’où la Gagaouzie. Nous y voilà.

LE TURC MÈNE À TOUT

C’est dans le cadre de son master, au cours d’un séjour de 4 mois en Turquie – où il en a profité pour se mettre au turc – que Fabien Scotti entend parler pour la première fois de la Gagaouzie. “Un ensemble d’enclaves turkophones dans un pays roumanophone, qui ne sont pas musulmanes pour autant, mais catholiques orthodoxes, et pro-russes, alors que la Moldavie, depuis qu’elle a quitté le giron soviétique en 1991, fait tout pour se rapprocher de l’Union Européenne… le mélange a suffi à m’intriguer!”

En 2017, il s’y aventure donc, un peu à l’aveugle, sans vraiment de point de chute sur place, ni d’encouragement. “Dans le bus entre Bucarest et la frontière moldave, les gens me demandaient ce que j’allais faire là-bas, dans la région la plus pauvre de la Moldavie, elle-même le pays le plus pauvre d’Europe. “Pourquoi tu ne vas pas plutôt à la plage en Roumanie?” me disaient-ils. Alors oui, c’est un pays très rural, mais je n’ai pas vu la misère dans les rues, il n’y a rien de glauque, les gens sont rapidement accueillants, et encore plus une fois qu’on parle leur langue.”

La Gagaouzie, les gens me demandaient ce que j’allais faire là-bas, dans la région la plus pauvre de la Moldavie, elle-même le pays le plus pauvre d’Europe. « Pourquoi tu ne vas pas plutôt à la plage en Roumanie?

A LA CROISÉE DES MONDES

De rencontres en rencontres, Fabien trace son chemin. “Je suis parti sans feuille de route ou plan précis, mais au gré des contacts, j’ai été amené dans différents endroits. Les Gagaouzes sont une petite communauté de 140 000 personnes, alors les gens se connaissent, ils sont liés.”

Il finit par poser son sac, à Comrat, la capitale gagaouze, chez une vieille dame qui héberge des volontaires d’une ONG. De là, il gravite en vélo et découvre la réalité de cet incroyable mélange d’influences : les amulettes à l’effigie de la vierge, les coupoles dorées des églises orthodoxes, les bustes d’Atatürk, les projets financés par l’Union Européenne, ceux soutenus par les Etats-Unis, ou les drapeaux russes, voire soviétiques, qui poussent sur les bus et les ambulances.

VESTIGES ROUMAINS

Et puis il s’arrête dans un club de boxe, qui, comme la lutte ou l’haltérophilie, sont des sports très pratiqués en Gagaouzie. Il sympathise avec l’entraîneur, moitié ouzbek, moitié moldave, qui accompagne de jeunes sportifs, mais aussi une boxeuse. “Il n’y a pas assez de pratiquantes femmes en Moldavie, elles vont donc participer au championnat roumain voisin. Elles ne peuvent le faire que si elles ont la nationalité roumaine, mais il suffit d’avoir un grand-parent roumain pour en faire la demande. Or, la Moldavie était roumaine jusqu’en 1944. Presque tous les Moldaves ont donc un grand-parent roumain!”.

Avec tous ces mélanges, le sentiment d’appartenance nationale reste donc assez flou pour les Gagaouzes. Mais Fabien Scotti a décidé de continuer à l’explorer. Et en ayant, à ce sujet, tant de choses à raconter, il va bien finir par aimer parler…

+ d’infos :
fabienscotti.com

photos : Fabien Scotti

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