La roue tourne ! La fiat 500

La roue tourne ! La fiat 500

JOUET POUR ADULTES

EN 1957, LES RUSSES LANÇAIENT LA CHIENNE LAÏKA DANS L’ESPACE. AU MÊME MOMENT, JE FAISAIS LA FIERTÉ DES TURINOIS. MOI, LA FIAT NUOVA 500, PETITE FUSÉE TERRE À TERRE, PRÊTE À DÉCROCHER LA LUNE.

Je suis cette jolie poupée tout en rondeur qui fait tourner les hommes en bourrique. On me cajole du regard, mais on ne me dévore pas. Je ne suis pas comme mes amies Giulietta, Aurelia ou Daytona. Elles, sont sexy, sauvages et inaccessibles. Mon charme à moi est plus discret. Je reste à portée de main. Il m’arrive toutefois d’être un peu soupe au lait. Lorsqu’on m’appelle « Topolino » (Mickey Mouse en italien), ça passe crème, mais dès qu’on me traite de «pot de yaourt », je deviens chèvre ! Une fois calmée, je regagne vite mon luxe, mon calme et mon velouté. L’orage est donc vite passé. Maniable et peu contraignante, je sais aussi rentrer facilement dans les clous. En deux coups de volant, on trouve un créneau pour moi. Et avec mon moteur tout doux, vous pouvez être sûr que je ne franchis jamais les limites, au grand jamais !

Edition Kar-masutra designée par Lapo Elkann

A TOY STORY

Je suis née des mains de l’ingénieur Dante Giacosa. Une sorte de Geppetto qui voulait faire de moi une vraie fillette, condamnée à vieillir sans jamais beaucoup grandir. J’ai pris un mètre en 60 ans, pas de quoi faire les gros titres! Vous allez peut-être trouver que j’ai des faux airs de Topolino, une tante qui a fait tourner la tête à Mussolini en 1936. Et pas qu’à lui… Elle connut un tel succès qu’Hitler en était vert de jalousie ! (voir notre sujet Coccinelle). Mais c’était il y a 20 ans…
Avec moi, Fiat voulait surtout couper les ailes des Vespa. Remplacer la guêpe par une puce… Quelle idée de fine mouche ! Alors, ok, avec les Italiens, ça n’a pas été le coup de foudre d’emblée. Pourtant j’avais des arguments sonnants et trébuchants, moins de 500 000 lires pour s’offrir mes services, soit quelque 250 euros (tout de même vingt mois de salaire pour un ouvrier italien), je suis encore taxée de poulette de luxe ! Alors autant y aller carrément… En 1968, on me déshabille ! Une version sans capote pour un plaisir plus grand. Qui pourrait résister ?
Les Européens se jettent alors sur moi. Véritable coup de fouet pour les ventes qui décollent en flèche. Mais la divine idylle est de courte durée. On se lasse de moi et en 1975 je disparais des chaînes de production. Pour me rassurer et sécher mes larmes, le gouvernement italien me classe tout de même au patrimoine national. Comme quoi, entre les spaghettis et le parmesan, j’ai réussi à faire mon trou! Fin de l’histoire.

Intérieur de la Kar-masutra

CLASSÉE X

Mais noooon… Ma popularité n’a en fait jamais baissé. Collectionneurs, fan-clubs et nostalgiques continuent à perpétuer mon mythe dans toute l’Europe. Je deviens une super occas’ ! Du genre flambeuse… Alors en pleine crise, Fiat décide de me relancer, l’année de mes 50 ans.
Le 4 juillet 2007, je signe mon grand retour sur le devant de la piste. Alors, oui, j’ai pris un peu d’embonpoint, la ménopause sans doute!? Mais je compense…
Coloris acidulés, peinture lustrée, je ressemble à un petit bonbon mentholé. So fresh! Un an plus tard, je suis élue voiture de l’année. Et très vite, c’est la débandade ! Mon allure candide excite les artistes les plus fous. On me tire dans tous les sens, on me repeint, on me déforme, on m’équipe de gadgets, on me déguise. Stormtrooper, R2D2, BB8, je cherche un temps le Jedi qui est en moi. Puis c’en est trop, je passe du côté obscur de la fesse. Le designer italien, Lapo Elkann, me dévergonde et me transforme en Kar-masutra. Une position gênante pour moi, qui ai toujours été si sage. Et on peut dire qu’il n’y va pas de main morte ! Il me recouvre de peinture thermochromique afin de dévoiler des images osées lorsque j’ai un peu chaud. Autant vous dire que je ne passe pas inaperçue quand le thermostat s’emballe… Mais il est impensable de rouler dans cette tenue et l’on m’attribue alors le statut d’œuvre d’art. Attachée à ma vertu, j’apparais donc uniquement dans des expositions intimistes.
Par la suite, Fiat continue à s’amuser de mon côté coquin. Nouvelle reine de la débauche, je sors en série X dopée au Viagra. Beaucoup plus grosse, je mesure désormais 4,26m pour une largeur de 1,79m. Plus puissante, plus endurante, je deviens donc plus performante. Lorsqu’on appuie sur mon champignon, on rejoint vite le septième ciel.
Dans ces conditions, impossible de faire mentir le proverbe. Car si l’efficacité ne se mesure pas à la carrure, quand c’est plus long, c’est vraiment bon.

 

La roue tourne ! La range rover

La roue tourne ! La range rover

RANGE LOVER A NOUS LES GRANDES ANGLAISES

ON EST D’ACCORD QUE LES ANGLAIS ONT TOUJOURS EU DES GOÛTS BIZARRES :
LE CRICKET, LES CHAPEAUX DE QUEEN MOTHER, HARRY POTTER ET LES CHEESE CAKES… MAIS CELA PEUT DONNER AUSSI DU GÉNIAL : EN 1966, ROVER REMPLACE SON LAND RUSTIQUE PAR UN CARROSSE TOUT-TERRAIN… SO BRITISH !

Le bébé est baptisé Range Rover, toujours solide, mais maintenant confortable grâce à une suspension dotée de ressorts hélicoïdaux, qui permet aux grands propriétaires terriens en veste de tweed de ménager leurs lombaires en sillonnant leur domaine. Mais attention lectrice, on est loin de la limousine very classy de la version actuelle. A l’époque, c’est une carrosserie 3 portes, dont l’intérieur est conçu pour pouvoir être nettoyé au jet d’eau par le gentleman farmer, ou par son palefrenier habilité à panser les 156 chevaux de son V8 d’origine Buick. Une cavalerie qui lui permet d’ailleurs de belles performances sur route, autant qu’en hors-pistes !

Il est beau, il est costaud et il sent bon le sable chaud…

La clientèle aisée va très vite s’élargir au fil des ans et des évolutions. Surtout que la position haute, donc dominante du conducteur, plaît à tous ceux qui veulent s’afficher : et oui, à cette époque, la richesse ne se cache pas! Ce sont les années « com’ », et le Range Rover a l’idée géniale de participer et encore plus de gagner le 1er rallye Paris-Dakar en 1979! Exploit réédité en 1981 sous les couleurs de VSD! Le ciel, même, lui ouvre ses portes en 1982, quand le pape Jean-Paul II l’empruntera pour visiter le Royaume-Uni, sans parler des versions luxueuses créées avec le magazine Vogue. (On attend la version rose d’Activmag !)

Les générations passent…

En 1994, pas de révolution stylistique entre les mains de BMW qui rachète Rover : la riche clientèle est fidèle et chez ces gens-là, Madame, on ne change pas les codes – à part sur la calandre – on modernise juste les traits devenus classiques! Puis la valse des V8 sous le capot continue, quand Ford reprend le bébé en 2001. Enfin en 2008, c’est Tata Motors qui fait la bonne pioche : le SUV est dans l’air du temps et l’aura du roi des 4×4 est au sommet ! Bois précieux, cuirs, technologie et électronique, le raffinement est poussé à l’extrême, nonobstant le fait que cet élégant salon est capable de grimper aux arbres ou de traverser la Manche à la nage – «OhmyGod !» – ce qu’il ne fera jamais car il est bien trop civilisé…

 

La roue tourne ! Un p’tit coup de rétro

La roue tourne ! Un p’tit coup de rétro

ON A L’AGE DE SON STARTER

DES SILHOUETTES FAMILIÈRES, DES NOMS QUI SONNENT COMME DES PRÉNOMS, CES VIEILLES COPINES QUI JOUENT ENCORE DU KLAXON APRÈS PLUSIEURS GÉNÉRATIONS S’ACCROCHENT À LEUR JEUNESSE… COMME NOUS ?

45 ans et toutes ses jantes, lustrée, pimpante, la Golf est toujours là. Mais contrairement à nous qui avons traversé les mêmes décennies, elle semble avoir rajeuni… Idem pour la Fiat 500, la Ford Mustang ou la Mini, quant à la Porsche 911, c’en est presque indécent, le temps semble n’avoir sur elle aucune emprise. Alors que nous sommes tentés par le silicone, elles deviennent des icônes. Mais comment font-elles pour durer?

CHÂSSIS ET NOSTALGIE

“Soit une voiture a une ligne, une histoire et un nom mythique, à l’image de la 911, qui reste la sportive la plus universelle, fidèle à son concept de base avec ses six cylindres à plat et leur bruit rauque typique ; soit elle représente une époque et parle aux acheteurs”, explique Nicolas Defosse, directeur de GT Spirit, leader français du négoce de voitures de collections, basé dans l’Ain. “Les gens ont adoré la Coccinelle par exemple, alors quand vous faites une New Beetle, ils y retournent, c’est ça le néo-rétro, vous vendez de la nostalgie et du souvenir. Et quand c’est bien fait, ça marche : le meilleur exemple, c’est la Fiat 500, cohérente avec l’idée d’origine, petite, marrante, pas chère et fiable. Mais c’est aussi une facilité pour les marques de surfer sur les réussites du passé, un peu comme ces vieilles gloires du disco qui ne sortent plus de nouveaux titres, mais enchaînent les best-of et les remixes. Avec la Golf, par exemple, Volkswagen vit sur une image, parce que les trois lettres GTI parlent à des gens de mon âge, des quadras-quinquas, mais ils ne font rien pour recréer le mythe.”

ÂGE D’ORAISON ?

A tel point que les plus nostalgiques reviennent carrément aux modèles d’origine. La cote des voitures sorties dans les années 70 ne cesse de monter, mais reste accessible. D’après une étude de la Fédération Française des Véhicules d’Epoque (FFVE) parue en 2015, en France, 2/3 des 800 000 véhicules de collection – ils doivent avoir plus de 30 ans et ne plus être produits – valent moins de 5 000 euros. “La moyenne d’âge des collectionneurs a baissé. Ils ont entre 30 et 50 ans, et ont envie de retrouver des sensations ou de s’offrir la voiture dont ils ont rêvé ado.” Parce qu’eux aussi, peut-être, n’ont pas envie de vieillir…

©S.Kobold

 

La roue tourne ! La mini austin

La roue tourne ! La mini austin

THE SHOW MUST GO ON

MINI TAILLE, MAXI SUCCÈS ! AVEC SON LOOK AU CARRÉ ET SES 61 ANS AU COMPTEUR, LA MINI ROULE ENCORE DES MÉCANIQUES. ICÔNE POP ROCK TOUJOURS BRANCHÉE, LA PETITE DAME DE FER N’EN A PAS FINI DE RÉGNER…

Les Anglais l’adulent ! En rouge incendiaire, bleu électrique ou vert pomme à croquer, cette diva des temps anciens ne cesse de surprendre ses sujets. La véritable queen, c’est elle ! Le joyau de la couronne qui brille dans le monde entier ! Pas de sang royal dans le réservoir, mais un ingénieur anglo-grec comme père créateur. Dans les années 50, Sir Alec Issigonis a pour mission de séduire les classes populaires. Urbaine, légère et économique sur le papier, la lilliputienne de la British Motor Corporation a tout pour plaire. Elle est d’ailleurs commercialisée sous 2 marques différentes : Austin et Morris. Mais voilà, en 1959, lors de son entrée sur le marché, la Mini est bien trop chère pour un confort discutable. Elle fait davantage figure de produit d’exception et attire alors le showbizz. Steve McQueen, Eric Clapton, Mick Jagger, David Bowie ou encore les Beatles, tous n’ont d’yeux que pour elle. La Mini s’impose comme un accessoire de mode pop, snob et personnalisable à souhait. George Harrison en fait, lui, une incroyable œuvre d’art psychédélique. Too much ? Pas pour la télé anglaise ! Elle apparaît en 1967 dans le téléfilm « Magical mystery tour », dans lequel les Beatles s’essaient à la comédie. Un coup de strass et paillettes inespéré qui dope sa popularité et permet de relancer les ventes.

©MiniJohn Lennon dans la mini psychedelic de George Harrison, 1967 ©Mini

TRIOMPHE MINIATURISÉ

«Tout est mini dans notre vie», chantait Jacques Dutronc. Et il n’avait pas tort ! La petite voiture s’immisce jusqu’à l’intérieur de notre garde-robe. La mini-jupe, ça vous parle ? La styliste Mary Quant chérit tellement la Mini 1000 qu’elle en donne le nom à son invention. Sur sa lancée, elle réalisera même le design de l’intérieur de la Mini en 1988. Sièges rayés noir et blanc, tableau de bord rouge, la Mini Quant revendique une identité féMINIne chic et choc. Une sorte de Mini Boop qui en a sous le capot. Trop glamour ? Jamais !
La Mini sait aussi afficher une allure plus sportive pour s’éclater sur les circuits. Deux bandes blanches, un moteur boosté. L’ingénieur de Formule 1, John Cooper, la transforme en coureuse intrépide. Dans les années 60, elle décroche trois victoires au Rallye de Monte-Carlo. De quoi lui attirer les regards des fous du volant. C’est qu’on se sent grand dans une Mini ! Et même pousser des ailes… En 2015, le cascadeur anglais Alastair Moffat établit le record du monde de stationnement parallèle serré en marche arrière, à savoir un créneau de l’espace en ne laissant que 34cm entre la voiture avant et celle de derrière. Et les femmes ne sont pas en reste ! En 2012, 28 gymnastes britanniques s’entassent dans une Mini Cooper. Qui l’eût cru ?

 

PROBLÈMES MINIMES

La Mini pulse, la Mini rock, mais la Mini tracasse aussi. En Isère, Philippe Paget, président du club Mini Maniac Alpin, tempère. Pédalier décalé par rapport au volant, essuie-glaces montés du mauvais côté, mécanique capricieuse et suspension illusoire, la petite Anglaise possède tout de même son lot d’imperfections. “Son plus gros défaut, c’est la carrosserie qui rouille. Sur les anciennes Mini, il n’est pas rare de pouvoir regarder la route à travers le plancher parce qu’il manque 10 cm2 de tôle”, s’amuse le passionné.
Des déficiences corrigées depuis 2001 par BMW, mais qui tourmentent encore les collectionneurs. Bichonner sa Mini old school reste alors primordial pour lui éviter de terminer couverte de lichen. Un mot d’ordre : prenez soin de votre caisse à savon, sinon la Mini mou(s)se ! Son point fort, en revanche, est un centre de gravité très bas qui offre une formidable tenue de route. “Les personnes qui montent dans une Mini pour la première fois ont toujours le sentiment de piloter un kart. Cela donne une impression de conduite très particulière, plus ludique”, explique Philippe Paget. Au-delà de son côté pin-up, la minuscule fiancée des stars est donc adorée pour son pep’s et sa vitalité. Comme quoi, tout n’est pas toujours une question de taille !

Le club Mini Maniac Alpin en vadrouille

+ d’infos : http://minimaniacalpin.fr

©Mini

 

La roue tourne ! Porsche 911

La roue tourne ! Porsche 911

OUVRE-MOI TA PORSCHE…

… ET FAIS CRISSER LES PNEUS ! ALORS OUI, ON PEUT FAIRE SES COURSES OU EMMENER LES ENFANTS À L’ATHLÉ EN 911. MAIS ON NE VA PAS SE VOILER LE JOINT DE CULASSE : QUAND ON S’ASSIED À BORD DE LA SPORTIVE PAR EXCELLENCE, C’EST SURTOUT POUR LA FAIRE MONTER DANS LES TOURS.

« La 911 est la seule voiture au volant de laquelle on peut rentrer d’un safari en Afrique pour aller au Mans, puis se rendre au théâtre ou évoluer sur l’asphalte new-yorkais”, c’est Ferdinand Anton Porsche, 2e du nom, dit «Ferry», qui résume le mieux l’ADN de cette sportive, qu’il voulait compacte et facile à utiliser au quotidien, luxueuse, mais pas m’as-tu-vu.
Depuis plusieurs années déjà, il réfléchissait à la succession de la mythique 356, sur laquelle il avait travaillé avec son père, Ferdinand Porsche, le fondateur de la marque. Mais c’est la 3e génération, avec, au dessin, son fils Ferdinand Alexander, dit «Butzi», et au bureau d’études son neveu Ferdinand Piëch – on avait décidément autre chose à faire que se creuser la tête pour trouver des prénoms dans cette famille!–, qui concrétise son projet.

Ferdinand Porsche avec Ferdinand Alexander Porsche et Ferdinand Piëch en 1949

SOMEONE PLEASE CALL 911

Courbes fluides et ligne de toit « fastback » qui descend de manière ininterrompue jusqu’au coffre, un petit coupé 2+2 – avec deux sièges à l’arrière – est donc présenté en grandes pompes au Salon de Francfort en 1963.
Il a été baptisé 901 et déclenche quasiment une crise diplomatique. Car volontairement ou non, la firme allemande roule sur les plates-bandes d’un autre constructeur : depuis plusieurs modèles déjà, 203, 304, 403, c’est Peugeot, en effet, qui a déposé toutes les dénominations à trois chiffres avec un 0 au milieu… La 901 est déjà en production, les sigles et la documentation technique édités, Porsche décide donc de ne changer qu’un chiffre plutôt que de créer un nouveau nom. Son bolide s’appellera 911. Certains, et ça brise un peu le mythe, le surnommeront « la Grenouille », en référence à la forme de ses phares, tout ronds, qui rappellent les yeux de l’amphibien.

911 Carrera 4S Coupé et 911 2.0 Coupé de 1964

ELLE EN FAIT TOUT UN PLAT

Mais sous son capot, à l’arrière, la 911 donne plus dans le félin que dans le batracien. Pour faire tourner son moteur, ce sont 6 cylindres qui carburent à plat et font son identité sonore : si le profane peut reconnaître la 911 à sa silhouette, le connaisseur, lui, l’identifie les yeux fermés, au ronronnement rauque et nerveux typique de ce « Flat 6 ». “C’est la contrainte initiale du dessin de la voiture qui a obligé les ingénieurs à trouver une solution pour intégrer les 6 cylindres à plat, explique Jean-Pierre Vespa, directeur commercial de Porsche Annecy, c’est un moteur d’une extrême complexité, difficile à loger…” Et pas toujours simple à exploiter dans tout son potentiel: “les premières 911, il fallait les tenir, avoir l’âme d’un pilote… Elles étaient puissantes, performantes, mais elles n’avaient ni direction, ni freinage assistés.” Il fallait donc savoir anticiper certaines situations, surtout dans les courbes, où, en cas d’accélération trop brutale, l’arrière alourdi par le moteur avait tendance à glisser. Certains conducteurs plaçaient même des sacs de sable dans le coffre pour lester l’avant et la rééquilibrer. “Elle a un toucher de route particulier, très précis, on est en contact direct avec le bitume, commente Alain Cornier, Président du Porsche Club de Savoie, cette spécificité de comportement lui a toujours donné un petit côté élitiste, et c’est aussi ça qui plaisait aux gens”.

Porsche 911 Speedster

AUX PORSCHE DU PARADIS

Mais même avec ces défauts de jeunesse, la 911 connaît un succès immédiat. Ultra performante sur circuit -2/3 tiers des 30 000 titres remportés par Porsche, toutes disciplines confondues, le seront par la 911 ! – elle bat également des records de vente: le seuil du millionième exemplaire, franchi en 2017, fera d’elle la sportive la plus vendue au monde. Côté papier glacé, son volant passe entre les mains de célèbres passionnés qui construisent le mythe: Paul Newman met sa 935, une des versions course de la 911, sur le Podium des 24h du Mans. Pour échapper à la presse et à la police, Steve Mc Queen fait ajouter, sur le tableau de bord de sa 911S, un interrupteur éteignant les feux arrière, rendant ainsi sa plaque d’immatriculation illisible ; et le grand chef d’orchestre Herbert Von Karajan fait modifier sa 911 Turbo RS pour l’alléger et la booster, et en toute humilité, fait remplacer sur l’aileron le nom du modèle par son propre nom.

911 Carrera 4S Coupé et 911 2.0 Coupé 1964

NO LI-MYTHE ?

50 ans et 8 générations après sa création, la 911 a connu de nombreuses évolutions, mais pas de révolution : elle est restée fidèle à son concept de base, ne s’est jamais reniée. “C’est cette continuité qui a fait le mythe, résume Alain Cornier, et la culture Porsche. Sa dimension familiale aurait pu disparaître avec le passage à la grande série, mais il y a toujours un lien privilégié entre l’usine et les propriétaires, comme dans les 1res années, et ça, ça tient un peu du miracle !” Faudra-t-il aussi un miracle pour que les aficionados acceptent l’arrivée de l’électrique sous le capot de leur sportive préférée ? La marque au cheval cabré travaille déjà à la conversion de ses berlines, pour préparer le terrain. Mais qui dit électrique dit moteur quasi mutique… Screamin’Jay Hawkins aurait-il fait la même carrière s’il n’avait pas crié et Joe Cocker s’il n’avait pas fumé? Privée de sa gouaille, la 911 pourra-t-elle donc perdurer? “C’est un gros défi, reconnaît Alain Cornier, mais en 1997, quand il a fallu passer du refroidissement à air au refroidissement à eau, ça a été un scandale aussi, et puis ça s’est apaisé.”
Quel que soit son avenir, la 911 est de toute façon déjà entrée dans l’histoire de l’automobile… et par la grande Porsche !

©Porsche AG

 

La roue tourne ! La Coccinelle

La roue tourne ! La Coccinelle

LOVE COX

C’EST L’HISTOIRE DE LA PETITE BÊTE QUI MONTE, QUI MONTE… ET QUI FAIT BIEN RIGOLER. POURTANT, AVEC HITLER POUR PATERNEL, L’HUMOUR NE COULE PAS DE LA POMPE. LA COCCINELLE A NÉANMOINS RÉUSSI LE TOUR DE FORCE DE DEVENIR LA VOITURE LA PLUS POPULAIRE DE TOUS LES TEMPS ! HIPPIE, FAMILIALE, BRANCHÉE, CITADINE OU TAXIS À MEXICO CITY, LA COX, C’EST VRAIMENT QUE DU BONHEUR !

Parce que tout dictateur qui se respecte veut épater la galerie, à savoir le reste du monde, avec son industrie nationale, quoi de mieux qu’une voiture pour rouler des mécaniques ? Mussolini a sa Fiat, Hitler commande donc, dès 1934, son joujou à un certain Ferdinand Porsche qui planche depuis quelques années déjà sur un prototype de voiture « populaire ». Le Führer entend faire de «son» carrosse LE fleuron du régime national socialiste, qu’on se le dise, un redoutable outil de propagande. Et pour assurer le coup, Hitler pose ses exigences : elle devra être spacieuse, performante et pas gourmande, robuste et le prix ne devra pas dépasser 1 000 reichsmarks. Et un mars? Bigre… La pression monte.
3 prototypes voient ainsi le jour en 1936. Economie oblige, la structure est en partie constituée de bois ! Sa rondeur déconcerte… “Porsche a inventé l’œuf !” ironise Opel… Rira bien qui rira le dernier… Le bruit du petit 4 cylindres, l’espace étonnamment grand pour une si petite voiture – 2 portes mais 4 vraies places –, une technique à contre-courant des modes, un châssis à suspension à quatre roues indépendantes… Si les retours sont élogieux, le chancelier exige des essais grandeur nature pour valider les choix techniques de Ferdinand. Qu’à cela ne tienne : les 3 protos vont ainsi sillonner les routes allemandes par tous les temps aux mains de S.S. spécialement choisis pour maltraiter les voitures. Des prédispositions ? Les résultats dépassent les espérances les plus folles : l’auto se révèle d’une robustesse à toute épreuve, capable de passer n’importe où et dans n’importe quelles conditions. Les lignes de crédits s’ouvrent, les choses sérieuses peuvent commencer. L’ingénieur se fait plaisir, revoit sa copie à la hausse, pousse le moteur, bannit le bois, mise sur un châssis tout acier, peaufine les détails… Et au bout de 4 ans, la Volkswagen est enfin née. Reste encore à la construire et à la vendre.

 

UN RATÉ À L’ALLUMAGE

Le Führer a le marketing dans le sang. Il imagine alors un mode de financement pour le moins original. Elle sera distribuée uniquement aux membres du parti national-socialiste –effet bœuf pour l’exclusivité– tout ceux en tout cas qui auront acheté suffisamment de timbres de 5 reichsmarks à coller sur un carnet d’épargne (pour atteindre une valeur totale de 1 200 reichsmarks), et Hitler invente le KissKissBankBank avant l’heure. Et ça marche ! Plus de 300 000 albums panini remplis et pas la moindre auto à l’horizon ! Avec l’entrée en guerre de l’Allemagne, l’argent récolté est réquisitionné pour les dépenses militaires. Dommaaaage…
Le conflit mondial retardera le lancement de la « KdF Wagen » – pour Kraft durch Freude, « la force par la Joie » en référence à l’une des institutions du régime nazi dédiée aux loisirs–, l’usine étant, quoi qu’il en soit, elle aussi réquisitionnée par l’armée. La production industrielle ne démarrera réellement qu’en 1948.
Le site et la voiture sont proposés à Ford au titre de réparation de guerre, mais le constructeur américain refuse : cette auto n’a aucun avenir ! Les Britanniques et les Français sont du même avis. Euh… y’en a qui doivent s’en mordre les doigts, non ?

EN VOITURE SIMONE !

La petite voiture du peuple, première production de Volkswagen, démarre sur les chapeaux de roue ! Pas chère, maniable et robuste, elle a tout pour plaire sur le papier. Mais son allure déroutante n’est pas au goût de tout le monde. Certains la trouvent même tellement laide qu’ils la surnommeront «Käfer», comprenez : cafard… Le premier choc visuel passé, le cafard entre dans les foyers et par la grande porte. Surtout que pendant ce temps, en France, on roule en grosse Peugeot 402, voire en Renault Novaquatre, et aux Etats-Unis en imposantes Ford. Forcément, la Coccinelle ne passe pas inaperçue.
L’Allemagne d’après-guerre a besoin de devises. On décide donc très rapidement de l’exporter. Si les premiers clients allemands sont enfin servis, la plus grande partie de la production part ainsi massivement pour les Etats-Unis. Son succès y est phénoménal. Surtout auprès des femmes qui, bénéficiant des Trente Glorieuses, réclament leur propre voiture. Coquette et super maniable, la Coccinelle fait mouche! Et devient la première auto à s’imposer outre-Atlantique.
Comme par magie, les conditions sulfureuses de sa naissance sont vite oubliées au profit de son incroyable réussite: elle représente le miracle économique allemand d’après-guerre.
Son épopée hippie dans les années 60, à grand renfort de couleurs psychédéliques, achève son image de voiture trop cool. «Beetle» le scarabée en Angleterre, «Bug» l’insecte aux Etats-Unis, «Codok» la grenouille en Indonésie, «Maggiolino» le hanneton en Italie, ou encore «Cucarachita» le petit cafard en Hongrie et bien sûr Coccinelle au pays du coq, partout elle roule sa bosse. Construite ou montée dans 20 pays et exportée dans plus de 150, dont l’URSS, la Coccinelle ne connaît pas de limite. En 1972, elle pique même le record mondial de modèles vendus à la Ford T. Un succès favorisé par le cinéma et l’apport des studios Disney, dès 1968, et de leurs 4 films à la gloire de Herbie, Choupette dans la version française.

CHRONIQUE D’UNE RÉSURRECTION ANNONCÉE

Ce n’est qu’en 1978 que sa production cessera en Europe. Face au design italien en vogue, le look de la Cox ne fait plus rêver. Elle sera alors produite au Mexique et au Brésil : elle fait toujours figure de best-seller dans les pays émergents. Juillet 2003, fin de la production du modèle d’origine, rideau ! Plus de 21,5 millions de Coccinelles ont vu le jour, qui en fait la 4e voiture la plus vendue de tous les temps, derrière la Toyota Corolla, le pick-up Ford série F et la Golf, qui lui a succédé. Mais dès 1998, surfant sur la vague rétro, Volkswagen décide de «ressusciter» le mythe – pas encore mort pourtant –, et sort une version aux lignes modernisées. Le succès de la New Beetle est lui aussi au rendez-vous, plus d’1,2 million d’exemplaires vendus entre 1998 et 2010, au point que le constructeur allemand attendra 2012 pour en proposer une nouvelle version, appelée sobrement Beetle, fabriquée, elle, à 500 000 exemplaires.
Mais voilà un an, dans un contexte du dieselgate et de baisse des ventes, le constructeur choisit de sacrifier sa star pour se concentrer sur les voitures familiales plus grandes et sur les véhicules électriques. Et en juillet dernier, l’ultime exemplaire sort de l’usine mexicaine de Puebla. La Cox prendrait-elle enfin sa retraite, à l’âge de 81 ans ? Les fans ne veulent pas y croire et espèrent une éventuelle nouvelle résurrection. Car comme les cafards, cette voiture a la peau dure !

©Volkswagen AG

 

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