les Z & la mode

les Z & la mode

insta clic ça claque !

A LA RECHERCHE DU MEILLEUR ANGLE, TEE-SHIRT LOGOTÉ AU PREMIER PLAN, LA GÉNÉRATION Z NE VIT QUE POUR L’IMAGE QU’ELLE AFFICHE SUR LES RÉSEAUX. INSTA DANS LA PEAU ET AU DIABLE LES QU’EN DIRA-T-ON ! TOUS LES LOOKS SONT BONS POUR FAIRE LE BUZZ.

Smartphone pour accessoire haut de gamme, les 18-25 ans slident, zooment et scrutent le fashion bon plan. Question d’esthétique sûrement, mais pas que. Si pour leurs parents -la génération X-, le web est une sphère pratico pratique, pour eux, zoner sur la toile est leur passe-temps quotidien, et voir la vie autrement ? Même pas en rêve ! Selfies ultra léchés, follow à tout va, la beauté se joue au nombre de vues et si ça ne like pas, c’est la cata ! “Bouger leur cul le temps d’un verre, photos sur Insta, c’est obligé, sinon, au fond, à quoi ça sert ? Si c’est même pas pour leur montrer… Et puis à quoi bon. T’es tellement seul derrière ton écran, tu penses à c’que vont penser les gens, mais tu les laisses tous indifférents…” Sur ces mots d’Angèle bien taillés, déshabillons le sujet.

TAILLÉE SUR MESURE

Communication cybernétique, culte de l’apparat, les Z s’expriment depuis leur monde virtuel. Et si cette génération m’as-tu vu a la langue bien pendue, pour les X, la mode, c’est avant tout une question de bonne figure : “Je me suis fait un principe, quelle que soit la situation, d’être toujours habillée de façon impeccable pour emmener mon fils à l’école. Surtout pas de survet’ ! On ne sait pas sur qui on peut tomber : un futur client, une personne importante, il faut faire bonne impression, quelle que soit l’humeur du jour, montrer qu’on est respectable et bien dans ses baskets. C’est essentiel !” Pour Julie, 40 ans, chef d’entreprise grenobloise, s’autoriser à montrer une faiblesse ou une émotion ? Sûrement pas. Ce n’est pas dans sa nature… Et si cette génération porte encore les verrous de son éducation, chez les Z, on fait péter les coutures ! “Ils suivent sur les réseaux leur modèle et n’entendent plus rentrer dans un cadre que la société voudrait leur imposer”, explique Sigrid Vincent, conseillère en image à Annecy. “Ils sont auto-centrés et se sentent libres de faire ce qu’ils veulent ! Quand je fais des ateliers mère-fille, la maman va être raisonnable, de peur de mal faire, la plus jeune, en parfaite opposition, à vouloir agir comme bon lui semble, pourvu que ça lui plaise !” Et pour cette génération d’enfants rois, c’est logique. Allergique à la frustration, ils ne supportent ni l’ennui, ni la contrariété et vivent libres comme l’air… Et s’ils peuvent briller par-dessus le marché, c’est parfait !

INSTA STYLE !

Alors tout est bon pour « kiffer ». Influenceurs, blogueurs, séries TV, ils s’identifient et se calquent aux looks vestimentaires des figures stars. “J’adore suivre les influenceuses comme Léna Mahfouf, Léa Elui ou Stormette. Elles sont d’une aide précieuse et une inspiration quotidienne, par les nombreux styles qu’elles mélangent. Ça donne un max d’idées, c’est cool !” confie Lilou, 20 ans à Chambéry. “Et quand je publie une photo, je cherche avant tout à plaire aux gens qui me suivent. Alors j’essaie de faire comme elles…”. Et l’impact est tellement grand, que depuis une dizaine d’années, influencer est devenu un job à plein temps. Et rémunéré ! Discours copiné, partenariat avec les marques, concours à gogo et photos models, se faire plaisir à plaire en gagnant sa vie, what else finalement ? Boulimiques d’informations, obsédés par les pièces phares, les Z allouent des budgets considérables à leur garde-robe 2.0, avec une moyenne de 720 euros par an. Un constat qui n’a pas échappé à Eric Briones et Nicolas André – cofondateur de la Paris School of Luxury et spécialiste des activités digitales et social média – dans « Le choc Z » : “La génération Z n’a jamais regardé la vie sans le prisme d’Instagram. Il lui a forgé l’œil, donné des réflexes, esthétiques surtout, et trans- mis le goût pour une consommation compulsive d’images, sur de longues périodes. Le mouvement perpétuel Z est posé : l’œil enregistre et le pouce scrolle.” Et c’est toute une économie qui s’agite à leurs pieds.

LA Z MANIA !

Choix multiples, collections capsules ou prix canons, les enseignes font voler les visuels clinquants et multiplient les fringues pour rassasier les appétits changeants. Consommation capricieuse, impatience maladive, il n’est pas de limites pour les faire craquer avec un sweat logoté ou une paire de sneakers au tirage numéroté. Qu’ils revendront aussi sec d’un clic sur stockx.com. Quoi qu’il en soit, shopping entre amis ou achats compulsifs online, les grandes marques s’arrachent les cheveux pour répondre à cette fast fashion ou mode bouge bouge qui sur-stimule les Z et les fait monter au créneau.
Les plateformes en font leurs choux gras: “Amazon permet au Z de rester enfant roi pendant toute sa vie de consommateur. Les produits du monde lui sont accessibles immédiate- ment, sans blabla, aux meilleurs prix et dans des délais de livraison record”, décryptent les auteurs. Une émulation qui semble monopoliser toutes leurs pensées. Cette préoccupation de l’image parfaite, scénarisée dans un monde idéal, ce besoin de plaire, d’exister, ne trahirait-elle pas un besoin bien plus complexe ? A l’image de l’exposition parisienne « Dos à la mode » qui vient prendre le contre-pied du cliché selfie, en ne s’intéressant qu’à l’image vue de dos. L’envers du décor…

Saliha, 40 ans
Sigrid Vincent
Lilou, 20 ans

C’EST TROP MODE !

Parce qu’au-delà de la superficialité bling bling de l’esthétique qui saute au visage, pour les Z, la mode va plus loin. Comme pour la génération X, d’ailleurs. A Annecy, Saliha, 40 ans, nous donne sa version de « vieille jeune» : “pour moi, la mode est une manière de communiquer, d’exprimer un message non verbal et je l’utilise comme un outil. Et peut-être parce que je n’ai pas d’enfant, je me moque du regard des autres. Je porte des couleurs, des tendances passées, et parce que c’est coloré et assumé, les jeunes sont fans de moi ! C’est marrant ! Ce que je porte, je l’aime. C’est mon étendard… C’est de la liberté !
Et c’est cette liberté que l’on retrouve chez les Z, ce moyen d’expression qui les rend fashion addict, mais pas complément fous non plus. “Les Z transforment leur vêtement en un cri et redonnent, de ce fait, une dimension politique”, rappellent Eric Briones et Nicolas André. Et leurs modèles, à l’image de Bilie Eilish, ne manquent pas : “Fière d’être la seule pop star à encore avoir son pédiatre, elle chante une dark pop à l’antithèse de la pop classique acidulée adolescente. Ses sujets récurrents sont la dépression, le nihilisme, l’hygiènisme, la culture goth et surtout une fuck attitude par rapport aux regards des autres (…). Pour Billy Eilish, la mode est un mécanisme de défense, un style boy, badass, pensé contre le slut shaming –sexisme–, fait de superpositions, avec tee-shirt et baggy, trois tailles trop grandes.” La mode comme vecteur de revendication politique, sociétale, générationnel, révélateur de singularité, bien loin d’une beauté uniformisée.

LA MODE ÉMOI

De Greta Thunberg et sa veste «Do you hear me» à Nelia, unijambiste, ou Winnie Harlow, atteinte de Vitiligo, toutes figures du #bodypositive, corps, âmes et stylisme se mettent d’accord pour faire passer des messages forts. Acceptation des différences, mise en exergue des formes, des cicatrices ou des mutilations, les Z tombent les préjugés et placent l’image bien au-delà du look stylé so hype. “J’essaie de m’en inspirer car elles s’assument totalement et passent au-dessus du regard des autres, des critiques et des jugements. Je pense qu’il est important de montrer toutes les particularités de notre corps : les cicatrices, les bourrelets ou autres. Parce que finalement, à partir du moment où on s’accepte, tout est beau et tous les corps sont parfaits”, conclut Lilou. Fringues pour langage, c’est toute une identité qu’ils revendiquent, l’acceptation d’eux-mêmes avant tout, parler choc en restant chic, même combat !

+ d’infos : « Le choc Z » d’Eric Briones et Nicolas André. Editions Dunod

© Jacob Lund / © ClaudiK / © Djile

Les Z & la mode

Les Z & la mode

Au delà des influences

Il y a 3 ans, elle prenait sa dose d’adrénaline sur Insta, chaque matin au réveil, pour choisir son look du jour ! De clic en story, de follow en selfie, Angélique Thomas, 40 ans, a finalement sauté le pas pour passer de l’autre côté de l’écran et faire la mode et le beau temps.

Et c’est depuis son smartphone et ses quartiers lyonnais, qu’elle me livre sourires et confidences connectées, mais pas que. Parce que si l’influenceuse prend un plaisir certain à faire vivre sa petite communauté de 6,5K, elle n’est pas prête à tout pour faire grimper les compteurs. Bienveillance, estime de soi et message derrière l’image, génération Z, X ou pas… On lève la toile.

Activmag : Pourquoi être influenceuse ?
Angélique Thomas :
J’aime bien la mode et c’est en créant un compte tendance pour la mère d’une amie, que je me suis dit pourquoi pas moi. Ça a été crescendo, mais quand la mayonnaise prend, c’est génial. Je suis toujours touchée par la gentillesse, l’échange et je développe un affect avec les gens qui me suivent, c’est ce qui m’a donné envie de continuer. Parce qu’au-delà de parler mode, c’est riche d’humanité.

Et vous êtes souvent sollicités, notamment chez les jeunes de la génération Z ?
Oui, pas mal ! Mais c’est assez multigénérationnel et je ne veux pas catégoriser les gens dans la mode, ni dans l’âge. Mais pour les filles de 20-25 ans, c’est surtout chercher des conseils, que je leur donne au mieux. Elles me font des retours, m’envoient leurs looks en mp, toujours dans la bienveillance réciproque. L’image est très importante et la mode permet d’avoir une belle estime de soi. Du moment où on se sent bien dans une tenue, on est capable d’affronter plein de choses, la vie, le travail. C’est peut-être un ressenti personnel, mais si je me sens mal habillée, je passe une journée pourrie ! C’est une question de bien-être. Chez les jeunes, la seule différence, c’est le budget. Elles ne peuvent pas s’offrir des super pièces à l’envi et privilégient une gamme d’articles sur des petites marques. Alors elles demandent des avis sur les couleurs ou comment mixer les pièces. Elles ont l’impression d’appartenir à une communauté et c’est important.


Les marques vous sollicitent beaucoup ?
Je ne suis pas un des plus gros comptes d’Insta et loin de là, mais j’ai pu attirer des belles enseignes. Dans le cadre des partenariats, on a une enveloppe assez conséquente pour se faire plaisir, on choisit et on montre à nos abonnés quelques tenues. Je n’ai jamais de rémunération directe, j’ai toujours des cartes cadeaux ou des cadeaux. J’ai aussi bénéficié d’un super partenariat avec les 3 Suisses, qui contre toute attente, m’a permis de redécouvrir la marque. Quand on avait 20 ans, on était catalogue à fond et pas réseau ! C’était mon livre de chevet avec La Redoute, je m’endormais comme un enfant avec son catalogue de jouets pour Noël. Question de génération !


Et à 20-25 ans, est-ce que vous utilisiez la mode de la même manière ?
Je ne crois pas ! Aujourd’hui, on trouve des enseignes de partout. Sur le net, les marques viennent du monde entier et élargissent le champ des possibles. C’est ce qu’on appelle la fast fashion ! Nous, on était vraiment limités. Et puis les réseaux sociaux n’existaient pas et ils ont clairement développé le culte de l’image, en particulier Instagram. C’est multiculturel, il y a beaucoup de mélanges, de mixité et c’est génial. C’est ce qui a permis de développer une identité. On s’affirme avec un look : avant, quand on sortait avec un chapeau, on était regardé comme un extraterrestre, aujourd’hui, on assume et on impose son style !

Selon vous, il y a un style, une tendance ?
Il y en a toujours, mais qui s’étalent dans la longueur et se mélangent. La veste à carreaux, les épaulettes, l’imprimé sauvage, durent beaucoup plus longtemps. On a toutes un style défini dans lequel on pioche, et on a la liberté d’en sortir. On peut très bien porter du chic pendant des semaines et finalement faire un petit look rock, personne ne nous juge et je dirais même mieux, les abonnés adorent le changement ! Ça génère toujours plus de like. Quand on reste dans la même lignée, ils se lassent.


C’est un peu la « tendance Z » ce changement récurrent du coup… Comment s’adapte la conso ?
Je vois deux choses. La montée des petites créatrices qui imposent un style et proposent des pièces récurrentes, qualitatives et en petites séries. Quand on se les offre, on a l’impression d’avoir une exclusivité. On est toujours fières de les porter et elles feront toujours du buzz parce que c’est de la création et que les gens aiment avoir des pièces exceptionnelles et pas que de la fast fashion. Et à côté de ça, on veut un éventail large et du renouveau permanent, se faire plaisir sur des E-shop où des magasins comme Zara, qui renouvellent leurs collections tout le temps. Ils ont tout compris à l’ère du temps !

Ce culte de l’image et de la conso excessive est éphémère selon vous ?
La fast fashion n’est pas terrible écologiquement parlant, et cette prise de conscience calme un peu l’engouement général. Beaucoup de filles que je suis dur les réseaux reviennent à l’esprit friperie et achètent leurs vêtements d’occasion. J’avais été sollicitée pour une collaboration où tout était reconditionné en interne, et finalement, ça permet de se faire plaisir avec des pièces qu’on voit revenir avec surprise, parce qu’il faut bien dire que la mode se réécrit constamment. Je n’aurais jamais pensé revoir les plateformes shoes, les Creepers, je portais ça à 20 ans ! Et les blouses blanches indémodables des années 70 ! C’est fou ! Pour l’anecdote, j’ai une vieille photo de ma maman au bord de la plage, elle porte une blouse blanche ample, un jean un peu bootcut, des cheveux longs au vent. C’est multi-générationnel, c’est intemporel et ça s’inscrit parfaitement dans notre temps.

Et du coup, pensez-vous qu’influenceuse puisse être un vrai métier ?
A mon échelle non, parce que je travaille à côté, mais de manière générale, oui. Et je ne vois pas comment ça pourrait s’arrêter. Au final, quels que soient les âges, nous sommes de plus en plus connectés et même quand on ne veut pas, on l’est forcément. Pour l’influence, c’est pareil. On arrive à avoir envie de certaines choses, sans se souvenir vraiment du pourquoi, on s’impacte les uns les autres, impossible d’en être autrement. Alors bien sûr, les choses évoluent, avant on dévorait les pages de mode des magazines et catalogues avant d’acheter, maintenant c’est transposé au virtuel, aux influenceurs, mais réellement, c’est à la même chose, parce que c’est s’influencer finalement, influencer les autres, comme la mode, un éternel recommencement.

  • d’infos : Instagram : @ang_e_lik

COIFFURE EN DOUCE ALCHIMIE

COIFFURE EN DOUCE ALCHIMIE

POUR LE MEILLEUR ET POUR LA PIERRE

QUAND GYPSOPHILE, ROSES EN TISSUS OU PERLES NACRÉES SE CRÊPENT LE CHIGNON, FANNY GARCIA, ELLE, FAIT BRILLER LES CHEVEUX DES MARIÉES À SA FAÇON. HALTE À L’ACCESSOIRE RENGAINE, LA CRÉATRICE LYONNAISE ÉPINGLE SES BARRETTES EN PIERRE DANS NOS CRINIÈRES, ET ÇA ROULE !

PAR MAGALI BUY

Quand les mariées se font coiffer, elles ont souvent des peignes fleuris, des accessoires très fifilles et je trouve dommage de voir toujours les mêmes choses. Ça faisait un moment que je réfléchissais à une alternative qui permette une mise en beauté de A à Z et l’idée m’est venue.” Façon Petit Poucet et au compte goutte, Fanny, ses 27 ans en bandoulière, sème alors ses cailloux partout…

JETER LA PIERRE

Parce que pour elle, les pierres ont une signification bienveillante et particulière : “J’ai passé une période compliquée où j’ai associé thérapie et soin par les pierres pour remonter la pente. Qu’on y croit ou pas, pour moi, c’est l’alchimie parfaite.” Bracelets en labradorite, collier en jaspe ou bague en agate indienne, les bijoux nature sont partout. Et même si les vertus ne sont pas scientifiquement reconnues, aucun risque à les porter non plus. Alors dévier la tendance et planter le girl power dans ses anglaises, en plus d’être beau, si ça calme le stress de la bague au doigt… y’a plus qu’à !!!

JOYAUX DE LA COURONNE

Quartz titane ou quartz rose, Fanny habille diadèmes et pièces maîtresses du cristal laissé à l’état naturel. Symbole de pureté et d’apaisement, il épouse sa volonté d’authenticité : “J’aime que ce soit simple et pas fouillis, les pierres se suffisent à elles-mêmes. Elles diffusent de l’énergie avec délicatesse, réconfortent et sécurisent et c’est cette plénitude que je cherche à transmettre. Après, le côté brut et imposant a ses limites pour certaines femmes, je le conçois parfaitement.

PLAN B

Si sa collection principale a un petit côté Game of Thrones ou déesses de l’antiquité, la créatrice adoucit les mariées plus discrètes avec des kits équilibres, amour ou succès. 3 épingles assorties pleine de promesses, qui remettent tresses et buns perchés d’aplomb. Aventurine orange, citrine ou œil du tigre… Obsydienne, opale ou améthyste, invitent confiance, persévérance et intuition dans nos chignons, force est de constater qu’on en pince !

+ d’infos : http://www.doucealchimie.com

mariée en Valérie Pache

mariée en Valérie Pache

les robes qui donnent des ailes

AVANT, C’ÉTAIENT DES PARACHUTES. APRÈS, CE SONT DES ROBES, À LA FOIS DÉLICATES ET FORTES EN CARACTÈRE, CONÇUES POUR LE MOUVEMENT, LA LIBERTÉ, LES GRANDS ESPACES. ENTRE LES DEUX, IL Y A EU LE GRAIN DE FOLIE DE VALÉRIE PACHE !

PAR ESTELLE COPPENS

©Charlotte Cavaleiro – Danseuse Fiona Wagner

« J’ai ça pour toi, ça t’intéresse ?”, lui lance un matin une voix masculine, au téléphone. “Oui”, s’entend répondre Valérie Pache depuis sa maison chamoniarde. Certainement parce que pour cette styliste formée à Paris, ayant vécu à Bordeaux et à Lyon avant de regagner sa vallée natale, “chaque chose a un sens même si l’on n’en saisit pas immédiatement la portée.” Et puis la jolie brune a horreur de ce qui est perdu. Le soir même, dix toiles de parachute en fin de carrière atterrissent dans son salon. L’ami en question appartient à la fédération française de parachutisme. Réaction de son entourage ? Rigolade générale. “C’est moche, qu’est-ce que tu vas bien pouvoir faire de ça ?
Les moqueries contrarient la couturière qui y puise un supplément de motivation, elle qui, depuis ses débuts, a toujours cherché à ennoblir les matières recyclées. “Ça se tente, on verra bien où cela nous mène”, décrète-t-elle à l’instinct. En 2009, ses premières robes «volantes» fabriquées à partir d’anciennes voiles de parachute voient le jour. A même cette matière première pas banale, Valérie sculpte des créations en volumes, d’une féminité gracile et intrépide, balançant entre mythe et réalité. Au salon parisien Ethical Fashion, la même année, ses pièces uniques font sensation. La maison de couture artisanale Valérie Pache décolle.

©Charlotte Cavaleiro – Danseuse Fiona Wagner

SKY IS THE LIMIT…

Parachute ou parapente, après mille vols, ces tissus techniques ne sont plus sécuritaires : interdiction formelle de planer. Direction le rebut. Mais la relation de confiance que la Savoyarde a su tisser pour obtenir l’autorisation de les recycler ouvre de nouvelles perspectives. Difficiles à obtenir, la partie couture de ces étoffes vintage n’est pas du gâteau non plus. Il faut démonter chaque voile une par une. Compter 2 heures facile pour un parachute de survie. Vient ensuite l’opération de nettoyage, tic-tac, tic-tac… En revanche, Valérie saute la case «teinture» car les voiles gardent la couleur de leur première vie. Ensuite ? “Ensuite, justement, je me laisse guider par la couleur pour créer et je laisse vivre.” Jeux de transparence, de masse, surpiqûres, fronces, longues traînes : “façonner cette matière est jubilatoire, ça rattrape tout.” La soie naturelle s’invite parfois dans les compositions. A chaque voile sa robe, à raison d’une dizaine de toilettes par an. Les modèles s’inspirent de la puissance des éléments de la vallée du Mont-Blanc, “un terrain de jeu magnifique”, évoquent la pureté d’une nature fragile, menacée.

© Hlo Photography – Modèles Agathe Petrini & Elodie Chan
© Hlo Photography – Modèle Agathe Petrini

CRÉATRICE PAS TERRE À TERRE

Dans le sillage des robes volantes et évènementielles, il y a eu des créations incrustées des fameux cristaux de la vallée, des robes amphibies, clignotantes, de princesse avec jupon en tulle, et des robes de mariée, sur mesure ou à louer. Les grandes boutiques se montrent plutôt frileuses à les diffuser. Qu’importe, Valérie Pache est du genre à l’aise sur les chemins des crêtes. D’ailleurs, au fil de ses pièces uniques, cette autre aventurière des aiguilles prend conscience que sa production confidentielle lui convient bien. Même si les fins de mois sont, elles aussi, sportives. Avec peu de moyens, Valérie soulève des montagnes. Elle fédère autour d’elle une communauté artistico-athlétique, conquise par son univers de rêve et de défi cousu main. Vidéastes, photographes, circassiens, parapentistes, musiciens et même un PDG l’aident à concrétiser ses idées de mises en scène poétiques et culottées. Dont le coup de maître de la créatrice écologique : réexpédier dans le ciel les voiles transformées en robes. Les vidéos de trapézistes drapées de sa marque fendant l’air avec grâce, pendues au bout de parapentes valent le coup d’œil. “J’aime être à tous ces confluents : mode, sport, MLF, arts, environnement…”, se réjouit celle qui a été invitée à la Biennale de Venise, à la COP 21 pour une performance avec Laurie Lubbe, danseuse virevoltante de l’équipe de France de soufflerie, habillée par ses soins.

© Benjam Picture – Modèle Mary Zanco

HÉROÏNES DU QUOTIDIEN

Son dernier pari ? Intégrer le vestiaire de tous les jours. Soit dix ans d’évolution pour arriver au prêt-à-porter. “Un jour, j’ai fabriqué une grande cape en toile de parachute. Pourquoi ? Mystère. On a 10 ans à nouveau”. Les capes sont à passer sur des robes en maille taillées dans le coton et le velours bio mettant en valeur la silhouette. Genre : faussement sages. Même éloge de la féminité qui accomplit inlassablement de petits miracles sans attendre d’applaudissements. L’esprit de jeu demeure, consigné dans les accessoires : cape, longs gants, capeline, loups. Les modèles portent des noms de pierres, pour mieux souligner leurs supers pouvoirs. Ceux des vêtements, comme ceux des femmes…

à la mode de chez nous

à la mode de chez nous

bouton d’or

LAURIE ANN NGUYEN, STYLISTE LYONNAISE POUR ENFANT, N’EST PAS TRÈS À L’AISE AVEC L’EXERCICE DE L’INTERVIEW ET NE S’EN CACHE PAS DU TOUT. UNE BARBOTEUSE ANTI STRESS ENTRE SES MAINS, ELLE ROULE EN BOULE L’HISTOIRE DE SON 16 RUE SAINT GEORGES DANS SA GORGE… ET QUE D’ÉMOTION !

PAR MAGALI BUY

« 16 rue Saint Georges, c’est l’adresse où je suis née, celle où j’ai grandi et j’en garde des souvenirs merveilleux. Une poignée de boutons glanée à la mercerie du coin, les dimanches au marché de la création la main dans celle de mon père, les fêtes de famille, déguiser mes cousines, rire aux éclats, j’en ai tellement…” Et dans ses yeux comme dans ses mots, ça a l’air plutôt sympa ! La découverte des arts et des tissus au bout de sa rue, le regard qui pétille, la richesse d’une culture moitié France, moitié Vietnam, transmise par des racines qu’elle cultive dans ses collections. “Faire de la mode pour enfant rend hommage à l’éducation que mes parents m’ont donnée, cette maison du bonheur où j’ai vécu des moments magiques. Depuis peu, mon père l’a mise en vente et pour qu’elle reste gravée à jamais, j’ai donné son nom à ma petite entreprise.

LES P’TITS MOUCHOIRS

Mais avant d’en découdre avec sa ligne du 16 rue Saint Georges, la jeune femme fait ses premiers pas, bien loin de là. “J’ai travaillé dans l’industrie pharmaceutique pendant une dizaine d’années, puis j’ai eu ma fille et mon fils, et j’ai commencé à me poser des questions sur l’avenir, à me demander si je devais suivre cette voie ou pas.” Et la réponse a claqué du doigt. Une amie lui offre un livre de couture et lui sert sa madeleine de Proust sur un plateau. “Petite, j’adorais coudre, ce cadeau symbolisait un retour de passion et je trouvais ça touchant.” Et puis ça tombe bien ! La jeune maman ne trouve pas son bonheur dans les boutiques, alors quand on a tout sous la main et qu’on aime faire fines broderies et petits points, faut pas se priver ! Les vieux réflexes reviennent, les robes tournent et les barboteuses gigotent, ses modèles plaisent et ne tardent pas à faire boule de neige chez les copains… Février 2019, bye bye la pharmacie, place à la mode pour bambins !

C’EST MOI LE PATRON !

Et Laurie Ann fonce ! Elle dessine et fait ses patrons, se perfectionne à l’huile de coude et met même ses enfants à contribution : “Je fais les tests sur eux et à force, je prends l’habitude d’ajuster les tailles. J’ai les prototypes que je décline en fonction des commandes, mais je ne crée rien d’avance, il est hors de question de surproduire.” Non seulement la styliste ne fait que des mini séries, mais surtout, elle est allergique au gaspi. Elle recycle ses chutes en lingettes ou petits produits pratiques, respecte environnement et éthique de production, ça lui va bien comme ça et pour les textiles, c’est pareil : “J’utilise des tissus Oeko-tex pour la majorité, des cotons confortables et sains pour la peau des petits, c’est le plus important, je ne me vois pas faire autrement.” Qu’à cela ne tienne !

T’IMPRIMES ?

Cape de bains, gigoteuse, bloomer ou tunique réglable, à 34 ans, la jeune femme s’affirme et décline ses modèles, de la naissance au 8 ans. Sa tendance ? Only 16 rue Saint Georges, évidemment : “Je regarde ce qui se fait et je vois bien que la mode répond à une ligne de conduite particulière. Mais moi, je fais ce qui me plaît, au coup de cœur. C’est le tissu qui m’inspire l’idée, surtout les fins de série qui permettent de proposer une originalité qu’on ne voit pas ailleurs.” Liberty ou jaune curry, vert amande, blanc lin ou plumetis d’or pour l’origine orient, Marie Pearl, Eve, Olivia et toute la bande, donnent le ton d’une collection bucolique, aérienne, poétique et un peu espiègle. Gambader culottes courtes en chantant “je porte, je porte la clé de Saint Georges…” Quoi de mieux finalement?

un sac désiré à mon image

un sac désiré à mon image

APPELEZ-MOI DESIREE…

DU PEPS, DU ROCK, UN PEU D’IMPERTINENCE ET NOÉMIE CREYX MET L’ACCESSOIRE À SAC. ALLERGIQUE AUX ESPRITS CARRÉS ET TENDANCES TOUTES FAITES, LA CRÉATRICE LYONNAISE DE RUE DÉSIRÉE DONNE LA SIENNE, FLASHY ET PLEINE DE TRALALA, ET NOUS PASSE LE BAG AU BRAS.

PAR MAGALI BUY

Noémie Creyx

Quand j’arrive dans son atelier de Villefranche-sur-Saône, elle travaille en catimini, sur un nouveau modèle sans couture, façon origami. Parce que Noémie est comme ça, l’originalité en bandoulière, un rien provoc’, toujours prête au farfelu et hors de question qu’on lui impose un style. “Du fun, de la légèreté, ne surtout pas se prendre au sérieux, j’aime ce qui interpelle et ce qui dénote, le moment où la femme prend de la carrure, girl power !” Et quoi de plus important que d’être en harmonie avec soi finalement ? Pochette à paillettes, parka jaune ou baskets violettes, montrez qui vous êtes !

RAS LE CABAS

Mais à 40 ans, sous ses airs affirmés et un peu grande gueule, il y a surtout une personnalité restée dans les années 80, fan de Grease et Punky Bruwster, une identité sensible et décalée qui défend ses convictions depuis toujours : “Je me souviens qu’au collège, j’aimais mettre des jeans avec des robes par-dessus, on me disait souvent que je ne devais pas m’habiller comme ça, que ça ne se faisait pas. Et pourquoi donc ?” Croyez-moi ou pas, elle n’a pas franchement opté pour un col droit !

VIE DE BALUCHON

Et c’est avec volonté et instinct, qu’elle a bourlingué, avant d’atterrir devant sa vieille Singer dépoussiérée. “La couture n’est pas une vocation, le côté artistique, oui. J’ai eu un bac arts plastiques, j’ai bossé dans l’évènementiel et le spectacle, avant de tout abandonner pour partir en Slovaquie suivre le père de mon fils. Je ne connaissais rien ni personne, j’avais peur de m’ennuyer, alors j’ai emmené une machine à coudre…” Et là, c’est le coup de foudre ! Elle pique et surpique, brode, découvre le cuir. Elle suit les tutos et met les mains dans le cambouis comme elle dit : “C’était en 2009, j’étais jeune maman. J’ai commencé à faire des turbulettes. Je les voulais à la Lady Gaga avec des pics en molleton, des épaulettes et des jolis plastrons. Je faisais attention aux tissus et quelle infinie possibilité !

DANS LA POCHE !

Mais l’affaire n’est pas dans le sac. Il y a deux ans, exit la mode pour baby, l’idée lui prend de faire un disco bag pour sa sœur, un baluchon à doublure déjantée qui fait waouh. Marin musclé nu à moitié, Alice et son lapin pressé, imprimé façon Frida Khalo ou floral funky pop, si l’extérieur claque et fait briller, l’intérieur réserve bien des surprises ! “J’ai commencé par un exemplaire, puis les copines ont réclamé, alors j’ai récidivé. Du bleu, du rouge ou du mordoré, j’utilise des couleurs brillantes et acidulées, je peux personnaliser les broderies et le coton de la doublure, c’est kitch, parfois à la limite du mauvais goût, mais là est l’originalité, j’adore !” Et si Noémie se laisse aller à quelques délires visuels, aucune crainte : elle s’adapte aussi aux esprits plus réservés.

LA TÊTE DANS LE SEAU

Sacs seau ou disco, pochettes ou petite maroquinerie, chacun trouve son bonheur au coin de sa Rue Désirée et elle en fait une priorité : “J’ai choisi ce nom parce que je voulais un rapport à la ville, au fait d’occuper l’espace et de s’y sentir parfaitement bien. Au départ, j’ai tenté les stations de métro comme Wagram ou Abbesses, mais soit ça existait, soit personne ne connaissait. Puis l’idée de la rue est venue et j’ai trouvé celle-là, en bas des pentes de la Croix Rousse. Cette notion du désir, si importante dans l’ère du body positif, tombait parfaitement. Souvent, je me surprends à dire qu’il faut être sa propre étoile, que personne ne va nous dire quoi faire ou comment être, ni réussir à notre place. Si on a envie de porter un sac brillant, on le fait, tout simplement !

+ d’infos : http://www.ruedesiree.fr

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