la roue tourne !humeur d’hybridée

la roue tourne !humeur d’hybridée

AMBIANCE ELECTRIQUE

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE OBLIGE, CONSTRUCTEURS ET POLITIQUES SEMBLENT AVOIR EU, DEPUIS UNE DIZAINE D’ANNÉES, UN VÉRITABLE COUP DE FOUDRE POUR LES VÉHICULES ÉLECTRIQUES. PRÉSENTÉES COMME LA PANACÉE, CES VOITURES « PROPRES » S’APPARENTERAIENT-ELLES PAS PLUTÔT À UNE NOUVELLE ARNAQUE ÉCOLO ?

74 % de croissance dans le monde l’an dernier. Même Carlos Tavarès, l’emblématique boss de PSA, a mis en garde contre cet emballement. “Le monde est fou… Je ne voudrais pas que dans 30 ans on découvre quelque chose qui n’est pas aussi beau que ça en a l’air”. L’absence d’une réflexion globale sur la question pourrait d’après lui déboucher sur un désastre écologique, sociétal et économique.

WATT IS THE PROBLEM ?

Côté pile en effet, la mariée semble bien jolie. A l’instar de Jésus qui voulait changer l’eau en vin, ou des alchimistes qui prétendaient transformer le plomb en or, les thuriféraires de l’électromobilité promettent de faire de nos agglomérations polluées un « ohm sweet ohm », sans rien changer de nos habitudes de vie.
Un véritable miracle : moins de bruit, zéro émission de CO2, coût d’utilisation plus faible, conducteurs moins stressés, notre bonheur tiendrait à un fil (électrique). Et même à une rallonge financière, puisque les pouvoirs publics multiplient les incitations fiscales pour que les consommateurs succombent à la tentation.
Côté face hélas, les dessous sont moins (verts) reluisants. Au cœur du problème, la batterie notamment. Pour la fabriquer ? Du lithium et des métaux rares, extraits en Amérique latine, en Afrique, dans des conditions parfois dramatiques, dénoncées par de nombreuses ONG. Des ressources fossiles qui finiront par ailleurs, elles aussi, par s’épuiser. Pour la recharger? De l’électricité, produite par des centrales nucléaires ou à charbon. Pas super écolo. Pour la recycler en fin de vie ? Très compliqué ! En fait, comme l’explique le journaliste Guillaume Pitron dans son livre « La guerre des métaux rares », le véhicule électrique, loin de réduire la pollution, se contente de la déplacer à l’autre bout du monde.
Et donc, sur l’ensemble du cycle de vie, un véhicule électrique ne serait pas forcément plus écologique qu’un véhicule thermique. D’autant plus qu’il ne règle nullement la question des émissions de particules fines provoquées par l’abrasion des pneus, du revêtement routier ou des freins. Voiture sans émission de CO2, oui, mais voiture propre, non.

 

… le véhicule électrique, loin de réduire la pollution, se contente de la déplacer à l’autre bout du monde.

L’ÉLECTRIQUE MANQUE DE JUS

Ces critiques n’empêchent pourtant pas les constructeurs automobiles, Tesla en tête, de lancer l’offensive, contraints par les récentes normes antipollution draconiennes de l’UE. Mènera-t-elle dans une impasse ? “Croire que les innovations technologiques vont rendre les déplacements moins polluants est une illusion” estime l’expert Laurent Castaignède.
La voiture électrique peut être une solution d’avenir, à condition qu’elle s’accompagne d’une révolution dans nos modes de déplacements. Car, ajoute-t-il, “ on ne pourra pas tous rouler en voiture électrique. Tout simplement parce que sur la planète, nous n’avons pas les quantités de métaux nécessaires pour que la voiture électrique se substitue au 1 milliard de véhicules qui circule actuellement dans le monde ”. Quoi qu’il en soit, pour l’instant, avec moins de 2 % de véhicules électriques en circulation, une telle perspective reste lointaine.
Je ne voudrais pas plomber l’atmosphère, qui l’est déjà suffisamment lors des pics de pollution, mais la voiture qui fait vroom vroom a encore pas mal de route devant elle avant d’être définitivement envoyée à la casse par l’électrique. Coût trop élevé des modèles, bonus écologique pas suffisamment incitatif, crainte de tomber en rade faute d’autonomie suffisante de la batterie, l’électrique ne turbine pas vraiment. Partir en vacances et devoir s’arrêter 45 minutes pour recharger sa batterie au bout de 400 km n’est guère électrisant en effet. A la différence des Chinois ou des Norvégiens, les consommateurs français continuent à plébisciter le thermique, et ce n’est pas demain la veille qu’ils feront « volt »-face.

 

ski-blues en station

ski-blues en station

the snow must go on

QU’ELLE SEMBLE LOIN LA GLORIEUSE ÉPOQUE DES «BRONZÉS FONT DU SKI»! UN SKI INDUSTRIEL, UN ENNEIGEMENT ABONDANT, DES STUDIOS « CAGES À LAPINS » REMPLIS CHAQUE SEMAINE PAR DES COHORTES DE TOURISTES DÉSIREUX DE SE GOINFRER EXCLUSIVEMENT DE SKI. DEPUIS DIX ANS, UN VENT MAUVAIS SOUFFLE SUR NOS STATIONS. BLIZZARD-MENT, ALORS QU’ELLES ÉTAIENT LES REINES DES NEIGES, ELLES ONT ÉTÉ DÉTRÔNÉES PAR LES ETATS-UNIS ET L’AUTRICHE. IMPOSSIBLE DE FAIRE L’AUTRUCHE ! POUR RETROUVER L’IVRESSE DU FLOCON, IL VA FALLOIR CHANGER DE MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT. UNE VRAIE RÉVOLUTION !

Pas simple, car, comme l’a dit autrefois Jean-Pierre Raffari, la route est droite, mais la pente est forte, avec une avalanche d’obstacles : changement climatique, nouveaux modes de consommation, concurrence étrangère croissante.

« LA NEIGE, ELLE EST TROP MOLLE »

La glissade est lente, irrégulière, mais inexorable. De 58,9 millions de journées-skieurs en 2008-2009, on est passé à 53,4 millions en 2018-2019. Sur cette dernière saison, tous massifs confondus, la baisse est de 1%. Pour Laurent Reynaud, délégué général des Domaines skiables de France (DSF), “l’explication est multifactorielle”. Et impossible, cette fois, de se réfugier derrière le manque d’enneigement qui était correct. Ou d’invoquer les défauts du calendrier scolaire. Faut-il incriminer la gêne des gilets jaunes, dont la fixation sur les ronds-points aurait fait patiner l’accès aux stations ? La triche de l’Autriche, qui «ress-kille» nos skieurs ? Un coup de Trafalgar des Anglais, qui, avec le Brexit, nous font «mariner» et hésitent à venir godiller? Autre hypothèse, souvent ressassée dans les médias, le prix des forfaits serait dissuasif pour les jeunes et les familles modestes, qui, du coup, déclarent forfait. Le ski alpin, un loisir de riches, réservé aux gros bonnets ? Vieille complainte, mais “il faut briser ce mythe”, affirme Armelle Solelhac, PDG de l’agence Switch, et auteure en 2019, d’une étude fouillée sur «Le management et le marketing des stations de montagne». “Avec un prix moyen de 26,60 euros/jour, la France a un des forfaits les moins chers du monde. Comparons-le au coût d’une place de cinéma à 12 euros ! Et, même pour les grands domaines, si on ramène son coût au kilomètre de pistes offerts, il est moins cher que dans les stations suisses ou autrichiennes”. Du reste, les Etats-Unis n’ont-ils pas réussi à faire progresser leur fréquentation de + 11% l’an dernier alors que leurs forfaits tournent autour de 80 dollars la journée ?

« VOUS SAVEZ CE QUI NE VA PAS MONSIEUR DUSSE ? »

En fait, il faut gratter jusqu’à la sous-couche pour découvrir les lacunes structurelles de nos stations, inhérentes à leurs spécificités culturelles, géographiques, économiques et historiques. Une gouvernance complexe, répartie entre les pouvoirs publics et une multitude d’acteurs privés. Plus facile, en effet, d’élaborer une stratégie et de commercialiser une station aux Etats-Unis ou en Scandinavie, quand le domaine est aux mains d’un seul groupe privé ! Un positionnement, trop généraliste, inadapté désormais aux nouvelles attentes d’une clientèle zappeuse et exigeante. Un sous-investissement chronique. Qualité des services, activités après-ski, facilité d’accès, enneigement artificiel… Nos stations sont loin des standards des concurrents suisses ou autrichiens. Des domaines skiables immenses, mais pas toujours lisibles pour les skieurs. Des charges jugées élevées, un parc immobilier vétuste et un endettement préoccupant complètent ce tableau peu reluisant. Comment préparer l’avenir dans de telles conditions ? Comment anticiper sérieusement le réchauffement climatique, sachant qu’en 2080, 85 % de nos stations auront disparu, et que la fonte du permafrost en altitude rendra impossible les ancrages de grosses remontées mécaniques ? Comment dépoussiérer l’image has-been de certaines stations et renouveler la clientèle vieillissante des baby-boomers ?

« QUAND TE REVERRAIS-JE, PAYS MERVEILLEUX ? »

Pour l’heure, face à l’urgence des enjeux, les stations saupoudrent les mesures. Une pincée de festival électro E-Wax ou de «Folie douce» par-ci pour attirer les jeunes, un soupçon de greenwashing par-là, pour se donner une image écolo à peu de frais, avec une dose de digital pour faire «connecté», et une pointe de nouvelles remontées mécaniques à haut débit. Mais, à plus long terme, la réflexion prospective reste encore balbutiante. Les profession- nels du secteur semblent chercher leur salut dans des concepts marketing ronflants, venus du monde anglo-saxon, et promus par Starbucks, Ikea, ou Airbnb.
Ainsi, il ne faut plus «vendre du ski», c’est trop ringard, mais proposer aux touristes de vivre une «expérience» émotionnelle autour de la montagne, personnalisée, unique, en insistant sur la qualité de l’accueil, du service client, et la fluidité des parcours dans la station. Des évidences basiques en somme, mais présentées comme une stratégie révolutionnaire. Elle était même au cœur des échanges, en octobre dernier, lors du congrès des Domaines skiables de France à Besançon. Quand vous avalez votre fondue, après une journée sur les pistes, vous ne mangez pas seulement du fromage, vous vivez en réalité une expérience culinaire. Défense de rire ! Alors, à quoi ressemblera une station de ski dans 50 ans ? Nul ne le sait encore vraiment. Elle reste à construire. Finalement, sur ce point non plus, on n’est pas près de conclure, pas vrai Jean-Claude Dusse ?

© Yevheniia

nostal-chichi

nostal-chichi

jacques a dit

À MOINS DE VIVRE AU FOND D’UNE GROTTE, VOUS N’AVEZ PU RATER, FIN SEPTEMBRE, L’ÉVÈNEMENT LE PLUS IMPORTANT DE LA VE RÉPUBLIQUE. GISCARD VIENT, UNE FOIS DE PLUS, DE TRIOMPHER DE SON ÉTERNEL RIVAL, JACQUES CHIRAC. SI LE PREMIER, À 93 ANS, DÉAMBULE ENCORE, «TOUJOURS DEBOUT, TOUJOURS VIVANT !», DIRAIT RENAUD, POUR LE SECOND, EN REVANCHE, LE « D’ESTAING » A ÉTÉ PLUS FUNESTE. MAIS, ÉNORME LOT DE CONSOLATION, LA DISPARITION DE L’ANCIEN CHEF DE L’ÉTAT A SUSCITÉ DE NOMBREUSES MANIFESTATIONS D’ENTHOUSIASME ET DE QUASI DÉVOTION. ÉTRANGE…

En effet, comment expliquer une telle adoration pour un homme politique alors que celui-ci, de son vivant, a davantage suscité l’indifférence voire l’hostilité que l’enthousiasme ? Ignorance ? Amnésie collective ? Nostalgie ?

CHI RAQUE !

“J’ai la mémoire qui flanche, j’me souviens plus très bien”. Tu m’étonnes ! Pour glorifier à ce point Chirac, faut vraiment avoir la mémoire en Berne ! Genevois pas d’autre hypothèse, à moins que les Français aient confondu avec Patrick Chirac, du film «Camping». Une méprise pourtant impossible. Même si les deux sont un peu roublards, amateurs de filles et prônent une solidarité bon enfant, ils ne portent pas la même tenue de plage. Brégançon est un peu plus classe que le camping des Flots Bleus. Aux esprits frappés d’amnésie, rappelons donc cette phrase de Bernadette, au lendemain de la défaite contre Mitterrand en 1988, “les Français n’aiment pas mon mari”. Un constat au parfum de déception et de fatalisme, certes, mais qui résume bien son rapport chaotique aux Français. Une alternance de sommets de popularité et d’abymes vertigineux. Avec une image loin d’être positive pendant longtemps. Ambitieux, agressif, traître, ou loser après ses deux échecs présidentiels de 1981 et 1988, l’admirateur du Japon et des sumos a souvent été Saké par l’opinion et les humoristes. Dans l’émission satirique «Le Bébête Show», il était «Black jack», un aigle agité et hystérique, ponctuant ses phrases de tics de langages («écoutezzzzz»), ou de vulgarités. Même ambiguïté après son élection en 1995. Du «mangeur de pommes» au «Super menteur» des Guignols de l’Info, des records de popularité en 2003 lorsqu’il refuse la guerre en Irak, à l’effondrement en 2005/2006, et au soulagement quand s’achève enfin le mandat soporifique de celui que Sarkozy qualifiait de «roi fainéant».

CHI GUEVARA

Son exceptionnelle popularité actuelle paraît donc bien surprenante. Depuis quelques années déjà, il était devenu une icône de tee-shirt, à l’instar d’Ernesto Guevara, le héros de la révolution cubaine, le béret en moins. Chirac sautant la barrière du métro, Chirac clope au bec dans toutes les positions… Aux yeux de ses «Fidel», il incarnait le swag. Une véritable pop star. Et, ultime consécration, un récent sondage paru dans le JDD vient même d’en faire le meilleur président depuis 1958, à égalité avec le Général de Gaulle. «JC» élevé au même rang que Dieu le père de la Ve République ! Incroyable encore il y a quelques années. Manquerait plus qu’il ressuscite ! Quels miracles a donc bien pu accomplir notre nouveau génie national pour mériter une telle vénération ? Son refus de «multiplier les pains» en Irak en 2003 ? Sa tentative «d’apaiser la Tempête» sur la planète qui «brûle alors que nous regardons ailleurs» ? La «résurrection» des essais nucléaires en Polynésie ? «Exorciser» le passé vichyste de la France en reconnaissant la responsabilité de l’Etat dans la déportation des Juifs ? Mais son fameux voyage à Jérusalem suffit-t-il pour faire entrer Chirac dans le Gaulle Gotha ?
C’est oublier que ses convictions n’ont jamais été des paroles d’évangiles. Elles s’apparentaient plus à un Shalom géant qu’à des Shoah politiques bien arrêtées. C’est oublier aussi que, à la différence de son mentor, Chirac manifestait une énergie tellement débordante, qu’il aurait dû fumer 18 joints. C’est oublier enfin qu’il avait été favorable, au moins quelque temps, à l’Algérie française. Regardons la photo de ce jeune officier en Algérie. Il aurait presque pu remplacer Jean Dujardin pour jouer dans OAS 117. N’est pas De Gaulle qui veut. Debré ou de loin, la B-BC ne fait pas le moine.

NOSTAL-CHI

Dans ces conditions, les médias n’en ont-ils pas trop fait dans le tire-larmes ? Emissions spéciales, rétrospectives, momies ressorties de notre Jurassic Park politique. Trois jours durant, la planète médiatique s’est mise en orbite chiraquienne. Journaux, radios, télés ont fait mousser la nostalgie au maximum pour préparer la mise en bière du plus célèbre buveur de villepin-tes de Corona. En réalité, si la mort de ce dinosaure a suscité autant d’émotion, c’est aussi et surtout parce qu’elle symbolise la disparition d’un monde. La fin d’une certaine manière de faire de la politique d’abord. Chirac aurait-il pu mener une carrière aussi «abracadabrantesque» avec les chaînes d’infos en continu et les réseaux sociaux? Vous imaginez «le bruit et l’odeur» repris par Twitter ? Et ses escapades extra-conjugales ? Elles n’auraient pas tenu 48 heures avant d’être éventées !
Enfin, qui aujourd’hui pourrait cumuler, comme lui, 100 ans de mandats électoraux ? La nostalgie Chirac est aussi celle d’une époque moins anxiogène, moins soumise aux injonctions hygiénistes. Ce n’est pas un hasard si les photos les plus partagées sont celles où il apparait cigarette aux lèvres. Finalement, à travers Chirac, ne serions-nous pas tout simplement nostalgiques du «bon vieux temps», plus simple, plus insouciant ? Bref, une époque «sans Chichi» ?

 

+ d’infos : Pour faire un don à la fondation Jacques Chirac qui accueille les personnes handicapées mentales, physiques ou atteintes de polyhandicaps graves :

http://fondationjacqueschirac.fr

©sheridan-portraits.fr

la pomme
plein les écoles

la pomme plein les écoles

la tablette crève l’écran

« TABLEEEETTES ! ELLES SONT BELLES MES TABLETTES ! » VOILÀ CE QUE CRIERAIT ORDRALFABÉTIX, S’IL ÉTAIT AUJOURD’HUI PROFESSEUR ET NON POISSONNIER. ALORS QUE LES ÉCRANS ONT ENVAHI LA MOINDRE PARCELLE DE NOS VIES, L’ÉCOLE ÉTAIT JUSQUE-LÀ LE DERNIER BASTION DU PAPIER ET DU STYLO. HÉLAS, LE VILLAGE GAULOIS RÉSISTE DE MOINS EN MOINS À L’ENVAHISSEUR NUMÉRIQUE. CETTE ANNÉE ENCORE, À LA RENTRÉE DE SEPTEMBRE, NOS CHÈRES PETITES TÊTES BLONDES ONT EU DROIT AU LÂCHER D’IPAD. UN CADEAU EMPOISONNÉ ?

Parce que, pendant qu’on arrose à tout-va les écoles de «e-trucs» et de «I machins», les experts, les chercheurs, les médecins ne cessent de nous mettre en garde contre les dangers des écrans. Dès lors, au lieu de se réjouir, ne faudrait-il pas plutôt être allergeek à cette invasion ?

ORDI-MATEURS

En fait, depuis que les écrans ont fait leur apparition à l’école, d’abord avec la télévision, puis les ordinateurs jusqu’aux tablettes, le débat n’a pas cessé entre ceux qui voient dans l’informatique un outil pédagogique exceptionnel et ceux qui souhaitent la bannir des salles de classe. Ces derniers, perçus comme d’horribles réacs réfractaires à la «start up nation», semblent à présent perdre le combat, face à la générosité dispendieuse de l’Etat et de collectivités locales «techno béates», et face au lobbying actif et productif de la firme californienne Apple, qui réussit à fourguer à bon prix à l’Education Nationale des tablettes que plus personne n’achète. Quand François Hollande a lancé son «plan Tablettes» en 2015, on pensait naïvement que les mioches feraient plus de sport et allaient bosser leurs abdos. Que nenni ! Dès l’école maternelle, le papier et le stylo sont devenus ringards, ramenés au rang de silex préhistoriques. Fini le tableau noir-peinture rupestre et la salle de classe qui ressemble à une grotte de Lascaux, ou à un campement Amish coupé du monde moderne. Place aux univers connectés où l’ordi règne en maître Dell-lieux. Voir ces petits entonner «pomme de reinette et pomme d’applis…», c’est vraiment Cro-mignon !

ARME DE DISTRACTION MASSIVE

Une étrange utopie techno-pédagogique semble ainsi saisir parents, enseignants, élus. Observons les premiers, si fiers lorsque leur progéniture, dans sa poussette, frotte un smartphone avec davantage de dextérité qu’eux-mêmes ! Ecoutons les autres promettre monts et merveilles pour combler les lacunes de l’école. Motivation et concentration accrues, amélioration des performances, travail en groupe, pédagogies actives ou ludiques, adaptation au rythme de chacun, ressources pédagogiques enrichies… Et, cerise sur le gâteau, plus besoin de trimballer ces manuels scolaires trop lourds qui flinguent le dos des ados. N’en jetez plus, on rase gratis ! Tous les chemins de la réussite scolaire mènent au CD-Rom ou à la Ram, si les mômes ont des trous de mémoire. Un outil miraculeux, capable de changer, non l’eau en vin, mais le cancre en polytechnicien. Des arguments identiques à ce qu’on pouvait entendre il y a 30 ans, quand les télévisions entraient dans les classes. A l’époque, on allait voir ce qu’on allait voir ! La vidéo, interactive et ludique ferait des élèves des génies. Résultat : les performances de l’école n’ont manifestement jamais été aussi médiocres. A présent, avec l’informatique, rebelote ! Quand on voit par exemple qu’une bonne partie des ordinateurs des étudiants ouverts pendant les cours, servent surtout à rester connectés aux réseaux sociaux, plutôt qu’à prendre des notes, on peut douter de l’efficacité pédagogique de ces outils soit-disant magiques.

ECRAN DE FUMÉE

Il suffit d’ailleurs de lire les dernières études PISA sur le sujet, notamment celle de 2015, qui constate l’absence d’amélioration des résultats scolaires pour les pays qui ont investi massivement dans les nouvelles technologies. Autrement dit, le lien entre performances scolaires et équipement informatique n’est pas prouvé. Et particulièrement pour les collégiens de la Corrèze qui ont été arrosés d’Ipad dès 2008 par le Conseil Général présidé alors par… François Hollande ! Dès lors, le choix du tout-numérique est-il rationnel ? En gros, pour plagier le célèbre discours de De Gaulle sur l’Europe, suffit-il de sauter sur sa chaise comme un cabri en criant «Ipad, Ipad, Ipad», pour résoudre les problèmes d’apprentissage ? Cet Apple au secours s’apparente à la course affolée d’un canard sans tête. On interdit les portables à l’école, mais en même temps on pilonne les écoles de tablettes. Cherchez l’erreur ! Personne ne sait par quel bout prendre la question scolaire, alors on se rue frénétiquement sur l’illusion technologique. La montagne informatique risque bien d’accoucher d’une souris.

L’ÉCRAN MET LES ENFANTS À CRAN

Est-il également judicieux pour l’institution scolaire d’exposer encore plus les enfants aux écrans ? Les effets psycho-sociaux sont pourtant bien établis. Addiction, dépression, agitation, difficultés de concentration, manque de sommeil, impact sur le bien-être et les fonctions cognitives. Une véritable expérience de décérébration, estime le chercheur Michel Desmurget dans «La fabrique du crétin digital». En fait, comme le souligne l’étude Pisa, pour sortir certains élèves de l’échec, “les pays doivent avant tout améliorer l’équité de leur système d’éducation”. Autrement dit, dépensons l’argent public judicieusement, en fonction des besoins pédagogiques réels, plutôt que dans des tablettes et des logiciels. Et n’oublions pas, l’écriture à la main reste essentielle pour le bon fonctionnement de nos neurones. Bref, gardons nos stylos, notre cerveau aura bonne mine.

goldorak, candy et albator
sont dans un bateau…

goldorak, candy et albator sont dans un bateau…

fulguro mise au point

Si le 43e festival du film d’animation d’Annecy, ce mois-ci, met à l’honneur, à juste titre, le Japon, on oublie que les premières séries animées japonaises qui débarquent en France à la fin des années 1970, ont été étrillées par la critique. Jugés violents et abrutissants, les goldorak, candy, ou albator, ont pourtant fait entrer la culture nippone en France et marqué toute une génération de gamins! Opération réhabilitation !

« Il traverse tout l’univers, aussi vite que la lumière… Qui est-il? D’où vient-il? Formidable roboooooot des temps nouveauuuuuuux”. Vous êtes prêts? Transfert! Vous avez 6 ou 7 ans. Sortie des classes. Entre le goûter et les devoirs. Giscard est président, et Goldorak débarque à la télé, sur «récré A2» d’abord, puis sur TF1. Arrimage en 1978 !

GOLDORAK, LE TSUNAMI DU PAF

L’arrivée de Goldorak est une véritable révolution. Une lame de fond qui emporte tout sur son passage. La série, plutôt secondaire au Japon, connaît en France un succès foudroyant. Une part d’audience de 100 %! La chanson du générique interprétée par le jeune Noam se vend à 4 millions d’exemplaires. Le robot aux cornes jaunes et au pantalon à pattes d’eph’ métalliques fait même la Une de Paris Match en janvier 1979, et devient un phénomène culturel. La France entre tout de go dans l’ère du manga, avec ses codes et son esthétique.

Goldorak

Un épisode complet de Goldorak, soit 25 minutes, revenait en effet à 20 000 francs, contre 30 000 francs la minute pour un dessin animé produit par la TV française !

A première vue, le dessin n’est pas très beau, le scénario plutôt répétitif et inconsistant. Bref, de l’animation à la truelle. Mais dans les cours d’écoles, ça électrocute avec de la Cornofulgure, ça bourre-pif au Fulguropoing, ça bastonne à l’AstéroHache ! Du dessin animé beaucoup plus wok’n roll que les gentilles bluettes diffusées jusque-là. Ça marche tellement bien qu’AB, le producteur français, achète – au poids ! – des kilos d’autres séries nippones. La sucrée Candy, le ténébreux Albator, le flamboyant Capitaine Flam… Y en a pour tous les goûts ! 

Et 10 ans plus tard, rebelote, avec Pokémon et Dragon Ball Z. Une invasion fondée sur des impératifs économiques. “Si pendant une dizaine d’années, les enfants ont regardé plein de dessins animés japonais, c’est parce qu’ils coûtaient moins cher aux chaînes fraîchement privatisées, telle que TF1, que les productions françaises”, explique Matthieu Pinon, l’auteur de l’ouvrage «Histoires du manga moderne». Un épisode complet de Goldorak, soit 25 minutes, revenait en effet à 20 000 francs, contre 30 000 francs la minute pour un dessin animé produit par la TV française !

Candy

UN ROBOT PAS MÉNAGÉ(R)

Cette entrée massive de la culture japonaise dans les foyers français séduit, certes, des millions de fans, mais se retrouve rapidement accusée de tous les maux. A l’école le marmot multiplie les couacs et distribue des claques? C’est la faute à Goldorak! Il oublie ses affaires encore et ne fait aucun effort? C’est la faute à Albato ! Parents inquiets, psys alarmés, intellos effrayés, politiques dépassés, tous se succèdent pour dénoncer la violence de ces séries, qui rendraient les enfants dépendants et agressifs. La chercheuse Liliane Lurçat publie en 1981 «A cinq ans, seul avec Goldorak». L’humoriste Guy Bedos surnomme le robot «Gueule de rat». Ségolène Royal, jeune députée, juge ces séries «médiocres, mauvaises et laides». Télérama les assimile à des «japoniaiseries». Des attaques qui visent aussi, plus généralement, le déferlement des produits commerciaux asiatiques, dans un contexte très nippophobe. C’est, par exemple, à cette époque, que le gouvernement socialiste de Pierre Mauroy bloque les importations de magnétoscopes japonais. Un Japan bashing oublié aujourd’hui, mais aussi virulent que celui que subit la Chine actuellement.

Ces détracteurs n’ont pas complètement tort. Certaines séries, comme «Ken le survivant» ou «Nicky Larson», sont réellement violentes. Mais si, au Japon, elles sont diffusées tardivement pour un public ado, en France, elles sont balancées sans discernement à 18 heures, pour des gamins de 6 ans. TF1 doit même embaucher des psys pour les adapter au jeune public. Séquences coupées, doublages farfelus et improvisations délirantes dans certains cas, avec des références au Japon gommées la plupart du temps. Les fans, de leur côté, hurlent à la censure !

Nicky Larson

IL NE FAUT PLUS SAKÉ
CES SÉRIES JAPONAISES

Rétrospectivement, ces critiques apparaissent à côté de la plaque. Aveuglés par l’incompréhension et les préjugés idéologiques (voire la xénophobie), les censeurs n’ont pas su y voir la richesse des thèmes exposés, les références au passé du Japon, comme le traumatisme nucléaire. Sauver la Terre de la destruction, protéger l’environnement, la nostalgie, le tragique, la mort, la souffrance, des héros vulnérables… On est très loin des enjeux basiques de Scooby-Doo ou de Bambi! Sarah Hatchuel, auteure d’une thèse sur Goldorak, explique: “Pour la première fois, en tant qu’enfant, j’ai eu l’impression qu’un dessin animé nous prenait au sérieux”.

Les fans restent nombreux aujourd’hui, à l’instar de cette entreprise de ferronnerie de Thiers, dans le Puy-de-Dôme, qui a eu l’idée d’installer, en décembre dernier, un Goldorak de 7 mètres de haut à l’entrée de la ville, à la grande surprise des habitants. Mais au-delà de la nostalgie, on mesure, 40 ans plus tard, l’impact considérable de séries qui ont gagné en respectabilité. Elles ont ouvert la voie à la culture japonaise, aux mangas, aux jeux vidéo, et à des films d’animation de grande qualité.

Finalement, la génération biberonnée aux dessins animés «débilitants» ne s’en est pas si mal sortie! Les quadras nostalgiques peuvent assumer leurs goûts passés sans peur du Candy-ra-t-on !

Dragon Ball Z

Albator © Toei Animation, Goldorak © Toei Animation, Candy © Kyoko Mizuki, Nicky Larson © Sunrise, Dragon Ball Z © Akira Toriyama,

lyon-turin hors voie

lyon-turin hors voie

Stop ou encore ?

CE N’EST PLUS UN TRAIN, MAIS UNE ARLÉSIENNE ! SORTIE DES CARTONS VOICI 25 ANS, ET RALENTIE PAR DES ANNÉESDE POLÉMIQUES ET DE CONTESTATIONS, LA LIAISON FERRÉE TRANSALPINE LYON -TURIN SEMBLAIT POURTANT, ENFIN, PARTIESUR DE BONS RAILS DEPUIS LA SIGNATURE DE L’ACCORD FRANCO-ITALIEN EN 2017.
PATATRAS ! LES RÉCENTES DÉCLARATIONS HOSTILES DE LUIGI DI MAIO, CHEF DU M5S ET VICE-PREMIER MINISTRE ITALIEN, REMETTENT TOUT EN QUESTION, AU RISQUE DE DYNAMITER DÉFINITIVEMENT UN PROJET D’ENVERGURE EUROPÉENNE.

Une véritable bombe à fragmentation! Ces propos ont en effet non seulement envenimé un peu plus les rapports avec la France et agacé l’Union Européenne, qui finance en partie, mais ils ont aussi semé la zizanie au sein de l’exécutif italien, car l’autre vice premier ministre, Matteo Salvini, chef de la Lega, est, lui, très favorable au projet.

L’ITALIE N’A PAS DE THUN’ELLE !

“Un trou inutile dans une montagne !”. Pour le ministre des transports, Danilo Toninelli, la Di «Maio-nnaise» lugduno-turinoise ne prendra pas! Le M5S craindrait-il l’invasion d’un nouvel Hannibal, à l’instar de celui qui avait autrefois traversé les Alpes avec ses éléphants pour battre les légions romaines? En fait, c’est surtout le coût de l’opération qui fait «piémonter» les populistes sur leurs grands chevaux. Estimée à 26 milliards d’euros, dont 8 rien que pour le tunnel de 57 km au cœur du dispositif, elle ne serait jamais rentable, si l’on en croit le dernier rapport commandé par le ministre. L’addition, partagée à 40% par l’Europe, 35% par l’Italie et 25% pour la France, fait bondir le M5S. Hors de question de faire la Manche pour creuser un nouveau tunnel, surtout qu’il existe déjà deux percées, par Modane, et par Chamonix. Tout ça pour relier les deux métropoles en deux heures par TGV, au lieu de 4 heures aujourd’hui. Le jeu n’en vaudrait pas la chandelle. Un argument financier guère étonnant de la part d’un mouvement dont le fonds de commerce est le gaspillage de l’argent public et la lutte contre les grandes infrastructures coûteuses.
Cet énième rebondissement sera-t-il le coup de grâce pour un projet colossal contesté depuis ses débuts des deux côtés de la frontière?

LE TUNNEL DU FRÉJUS AMUSE LA GALERIE

Cela fait, en effet, une vingtaine d’années qu’une coalition d’opposants, plutôt confuse et hétéroclite, rassemblant pêle-mêle, par-delà les clivages politiques, des écologistes, des syndicats agricoles, des élus comme les maires de Grenoble Eric Piolle ou de Turin, Chiara Appendino, réussit à retarder la mise en œuvre du chantier, qui avance à un train de sénateur. Les plus bruyants ont sans doute été les militants du mouvement No TAV («non au train à grande vitesse»), qui s’étaient illustrés, dans la vallée de Suse, par de nombreuses actions, parfois violentes, au début des années 2000. Outre le coût démesuré du projet et son inutilité, ces antis dénoncent les dégâts environnementaux, les nuisances locales, les expropriations, et préconisent la modernisation de la voie ferrée actuelle, par le tunnel du Fréjus, sous utilisée. Présentée comme plus économique que la nouvelle ligne de 270 km, cette solution cristallise les oppositions et alimente une guerre des chiffres. Entré en service en 1871, trop haut en altitude, trop pentu, cet ouvrage serait inadapté aux gros convois modernes, plus lourds et plus longs, rétorquent les partisans du projet. Une nouvelle ligne serait donc indispensable! D’autant que les Suisses ont pris une avance importante, en inaugurant le tunnel du Gothard, à basse altitude et long de 57 km, tandis que deux autres sont en cours. Les chiffres sont sans appel. La part du ferroviaire dans le transport de marchandises entre la France et l’Italie n’est que de 8%, contre 70% entre l’Italie et la Suisse. En Europe, les liaisons ferrées Nord-Sud ont clairement pris l’avantage sur un axe Est-Ouest fantomatique. Une absurdité, quand on songe que la France est le second partenaire économique de l’Italie. En somme, les trains sont à l’Est, les camions et leur cortège de nuisances à l’Ouest!

LE BOUT DU TUNNEL ?

N’est-il donc pas nécessaire de développer le ferroutage afin de désengorger des routes savoyardes saturées de CO2, de renforcer l’intégration économique européenne, et d’assurer la sécurité? Rappelons-nous le tragique incendie du tunnel du Mont-Blanc, en 1999, causé par l’incendie d’un poids-lourd… “Les Alpes françaises n’en peuvent plus de voir des camions”, expliquait Elisabeth Borne, la ministre des transports, en février dernier. Du côté de la France et de l’UE, cette liaison est indispensable, comme l’était le tunnel sous la Manche autrefois. Stigmatisé à l’époque pour son coût exorbitant, il est aujourd’hui une affaire rentable. Peut-on raisonnablement remettre en cause 4 traités franco-italiens et stopper des travaux entamés? Auquel cas, il faudrait rembourser les sommes déjà engagées par l’UE. Caprice trop coûteux ou investissement pour le futur? Les positions des uns et des autres semblent difficilement conciliables. Pour l’heure, l’Europe est suspendue à la décision du gouvernement italien qui devrait intervenir en mai. Espérons que ce chantier ne sera pas sacrifié sur l’autel des petites «combinazione» politiques. Il mérite mieux que cela.

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