CONSTRUIRE CHEZ PIERRE, PAUL, JACQUES…

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ON CASSE LA BARAQUE ?

Autorisation de construire sur le terrain d’autrui : quand la confiance se fourvoie dans l’appréciation juridique de la bonne foi.

Après l’expérience du confinement, Gauthier et Véronique ont envie de changer d’air et de pouvoir se dégourdir les jambes sans attestation en cas de nouvelle crise sanitaire. Une maison avec jardin en Haute-Savoie les fait rêver, mais le budget ne suit pas : c’est soit la maison, soit le terrain, mais pas les deux. Heureusement, tante Alice est là, et bienveillante.
Elle a toujours apprécié Gauthier, son fidèle neveu et lui donne son accord pour la construction de leur habitation sur une grande parcelle qu’elle avait conservée, à l’époque, pour ses enfants. Leur rêve devient réalité : ils peuvent commander et faire installer leur chalet en kit.
Malheureusement, la lune de miel entre les voisins tourne vite court et tante Alice n’apprécie finalement guère de ne plus jouir de sa vue sur le lac. Elle demande au couple de partir en remettant le terrain en l’état.
Paniqués en recevant une assignation en justice, Gauthier et Véronique se décident à consulter un avocat. Ils entendent réclamer le remboursement des frais occasionnés par la construction.

DOUCHE FROIDE

Le juriste leur explique le régime particulier des constructions réalisées entièrement sur le fonds d’un tiers.
En principe, ce qui est construit sur le sol appartient au propriétaire du sol (art. 552 C. Civ.). Les choses se corsent lorsque le constructeur n’est pas propriétaire du sol. Les amoureux découvriront à leurs dépens qu’ils ne sont, non seulement pas propriétaires de «leur» chalet, mais que tante Alice peut leur imposer sa démolition, à leurs frais. Aux termes de l’article 555 alinéa 1 du Code civil : ”Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever”.

IL ÉTAIT UNE FOI…

Si le propriétaire souhaite conserver l’édifice, le constructeur a-t-il droit à une indemnité ? Et s’il en demande la destruction ? Tout dépendra de la bonne foi du constructeur.
La Cour de cassation a récemment statué en jugeant que le constructeur autorisé par le propriétaire n’est pas de bonne foi, laquelle s’apprécie par référence à l’article 550 du Code civil : elle concerne celui qui possède comme propriétaire en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices (Cass. 3e civ., 15 avr. 2021, n°20-13.649). Dans cette espèce, un père avait justement construit, avec l’accord de sa fille, une maison sur un terrain appartenant à sa progéniture. Après avoir quitté les lieux, il a réclamé en justice le remboursement de sa construction. En réponse, la demoiselle a revendiqué la démolition aux frais de son père. Elle a obtenu gain de cause.
La situation du constructeur sur le sol d’autrui est donc précaire. En cas de bonne foi du constructeur, le propriétaire ne peut imposer la destruction à ses frais. S’il conserve l’édifice, il doit indemniser le bâtisseur. En cas de mauvaise foi, le constructeur perd tout : la maison, et il doit supporter les frais de démolition.
En accordant aveuglément confiance à tante Alice, sans chercher à sauvegarder leurs intérêts par une convention réglant le sort des constructions projetées et autorisées par elle, Gauthier et Véronique auront profité du terrain de famille à leurs risques et périls.
La prudence ne prévient pas tous les malheurs, mais son défaut ne manque jamais de les attirer.

Par Maître Mélanie Grimonet, Avocate.

©lassedesignen

mon notaire, mon partenaire

mon notaire, mon partenaire

UN PROJET IMMOBILIER ? BORDEZ-VOUS !

Pas de transaction immobilière sans notaire ! Ce professionnel du droit est le garant de votre sécurité juridique, de votre information la plus complète et de la bonne exécution de toutes les formalités qui entourent l’opération.

Vous avez un projet immobilier, il est indispensable de prendre conseil auprès de son notaire le plus en amont possible. Devenir propriétaire est une étape importante qui nécessite réflexion et maîtrise.
Le notaire vous posera toute une série de questions pour connaître votre projet, votre situation personnelle et vous conseiller en conséquence. Parfois, il est peut être judicieux de constituer une société pour associer ses enfants à l’acquisition, éviter une indivision, optimiser la fiscalité…
En fonction de votre projet : achat pour habiter, achat pour louer, location à plusieurs… le notaire devra s’assurer de la faisabilité de votre projet. A chaque situation sa solution.
Le notaire rédige l’avant-contrat (compromis de vente ou promesse), et constitue ensuite le dossier qui lui permettra de rédiger l’acte de vente. Il est présent parfois plus en amont : un notaire peut même être mandaté par un propriétaire immobilier pour trouver un acquéreur. Cette activité de négociation s’exerce dans le respect d’une déontologie spécifique à la profession.

Quelles sont les vérifications et formalités effectuées par le notaire ?
Pour préparer l’acte de vente, le notaire et ses collaborateurs rassemblent de multiples pièces qui leur permettent d’effectuer de nombreuses vérifications : identité des parties, état hypothécaire du bien, documents d’urbanisme, diagnostics obligatoires… S’y ajoutent de nombreux documents spécifiques lorsque le bien est en copropriété. Il revient au notaire de purger les droits de préemption qui peuvent se présenter, notamment celui dont bénéficie la commune. Tous ces éléments lui permettront de rédiger le projet d’acte de vente qu’il vous transmettra avant le rendez- vous de signature.

Quels sont les délais pour signer la vente ?
Ils peuvent paraître longs, mais l’efficacité de l’office notarial n’est pas forcément en cause ! Les délais sont liés au temps nécessaire à l’acquéreur pour obtenir un prêt, à la possible levée d’hypothèque ainsi qu’aux différents droits de préemption, à l’obtention d’un permis de construire aussi par exemple. Obtenir certaines pièces administratives peut également prendre du temps. Il faut généralement compter de deux à trois mois pour signer l’acte authentique à l’office du notaire. Mais le notaire n’est pas le seul à travailler. De votre côté, il conviendra de faire toutes les démarches pour obtenir votre prêt, et de penser à assurer les biens.

Comment se déroule la signature de l’acte de vente ?
Le jour de la vente, le notaire donne lecture de l’acte, auquel il est encore possible d’apporter des corrections ou des précisions. Aujourd’hui, dans 85 % des cas, l’acte de vente est numérique. La signature sur tablette permet d’éviter de parapher chacune des pages de l’acte et de consacrer davantage de temps aux questions de chacun. L’acte sur support électronique est immédiatement enregistré dans un fichier centralisé très sécurisé mis en place par la profession notariale. Une fois l’acte signé, le nouveau propriétaire se voit remettre les clés et l’office se charge de verser le prix de vente au vendeur (après déduction éventuelle du prêt à rembourser) : la vente est dite parfaite !

+ d’infos : http://notaires.fr

J’AI LE DROIT ?

J’AI LE DROIT ?

ON CASSE LA BARAQUE ?

Autorisation de construire sur le terrain d’autrui : quand la confiance se fourvoie dans l’appréciation juridique de la bonne foi.

Après l’expérience du confinement, Gauthier et Véronique ont envie de changer d’air et de pouvoir se dégourdir les jambes sans attestation en cas de nouvelle crise sanitaire. Une maison avec jardin en Haute-Savoie les fait rêver, mais le budget ne suit pas : c’est soit la maison, soit le terrain, mais pas les deux. Heureusement, tante Alice est là, et bienveillante. Elle a toujours apprécié Gauthier, son fidèle neveu et lui donne son accord pour la construction de leur habitation sur une grande parcelle qu’elle avait conservée, à l’époque, pour ses enfants. Leur rêve devient réalité : ils peuvent commander et faire installer leur chalet en kit. Malheureusement, la lune de miel entre les voisins tourne vite court et tante Alice n’apprécie finalement guère de ne plus jouir de sa vue sur le lac. Elle demande au couple de partir en remettant le terrain en l’état.
Paniqués en recevant une assignation en justice, Gauthier et Véronique se décident à consulter un avocat. Ils entendent réclamer le remboursement des frais occasionnés par la construction.

DOUCHE FROIDE

Le juriste leur explique le régime particulier des constructions réalisées entièrement sur le fonds d’un tiers.
En principe, ce qui est construit sur le sol appartient au propriétaire du sol (art. 552 C. Civ.). Les choses se corsent lorsque le constructeur n’est pas propriétaire du sol. Les amoureux découvriront à leurs dépens qu’ils ne sont, non seulement pas propriétaires de «leur» chalet, mais que tante Alice peut leur imposer sa démolition, à leurs frais. Aux termes de l’article 555 alinéa 1 du Code civil : ”Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever”.

IL ÉTAIT UNE FOI…

Si le propriétaire souhaite conserver l’édifice, le constructeur a-t-il droit à une indemnité ? Et s’il en demande la destruction ? Tout dépendra de la bonne foi du constructeur.
La Cour de cassation a récemment statué en jugeant que le constructeur autorisé par le propriétaire n’est pas de bonne foi, laquelle s’apprécie par référence à l’article 550 du Code civil : elle concerne celui qui possède comme propriétaire en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices (Cass. 3e civ., 15 avr. 2021, n°20-13.649). Dans cette espèce, un père avait justement construit, avec l’accord de sa fille, une maison sur un terrain appartenant à sa progéniture. Après avoir quitté les lieux, il a réclamé en justice le remboursement de sa construction. En réponse, la demoiselle a revendiqué la démolition aux frais de son père. Elle a obtenu gain de cause.
La situation du constructeur sur le sol d’autrui est donc précaire. En cas de bonne foi du constructeur, le propriétaire ne peut imposer la destruction à ses frais. S’il conserve l’édifice, il doit indemniser le bâtisseur. En cas de mauvaise foi, le constructeur perd tout : la maison, et il doit supporter les frais de démolition.
En accordant aveuglément confiance à tante Alice, sans chercher à sauvegarder leurs intérêts par une convention réglant le sort des constructions projetées et autorisées par elle, Gauthier et Véronique auront profité du terrain de famille à leurs risques et périls.
La prudence ne prévient pas tous les malheurs, mais son défaut ne manque jamais de les attirer.

J’ai le droit ?

J’ai le droit ?

Goûtons voir si le vin est bon !

Amateur de vin, cet article va vous intéresser ! Saviez-vous que vous êtes en droit de déguster une bouteille de vin avant de l’acheter ?

Par Maître Florian Prele

L’article 1587 du Code civil dispose que : «A l’égard du vin, de l’huile, et des autres choses que l’on est dans l’usage de goûter avant d’en faire l’achat, il n’y a point de vente tant que l’acheteur ne les a pas goûtés et agréés.»
Il y a donc certaines choses qu’on est dans l’usage d’acheter après dégustation et le vin en fait partie. Ainsi, si un commerçant vous propose une bouteille de vin pour un prix qui vous convient, vous êtes -étrangement- en droit de goûter pour agréer les qualités gustatives, olfactives et visuelles. La renonciation à la condition de dégustation doit provenir de l’acheteur. La vente est alors considérée comme pure et simple. Il faut comprendre par là que la vente est acceptée par les deux parties. La condition de dégustation est donc normalement sous-entendue dans la vente de vin. Tant que cette condition n’est pas remplie, il n’y a pas de véritable vente.

DEUX CONDITIONS VINE QUA NON

La dégustation doit être faite par l’acheteur lui-même et il doit donner son approbation.
Ce concept juridique trouve son origine dans le droit romain. A cette époque, il était prévu, pour le commerce des vins en gros, que l’acheteur déguste afin de vérifier la qualité de la marchandise souvent altérée par des problèmes de moisissure ou d’aigreur liés à une mauvaise conservation.
Sous l’ancien Régime, ce système évoluera vers un double contrôle. L’un, discrétionnaire intervenant avant la conclusion du contrat, l’autre, intervenant lors de l’enlèvement du vin et servant à vérifier la qualité du produit. Une fois les vins dégustés, la vente était réputée parfaite.

J’espère que vous ne vous êtes pas arrêté avant la conclusion parce que vous pourriez avoir quelques soucis. Ne partez pas en courant dans votre grande surface ouvrir la meilleure quille du linéaire !
En cas de problème et de procès, il appartient au tribunal d’apprécier s’il y a, ou non, dérogation à la condition de dégustation. En outre, cette loi permet de demander à goûter. Elle n’autorise pas à goûter sans permission puisqu’il s’agit de le faire quand l’usage le permet. Cette loi datant de 1804, il était d’usage de livrer le vin ou l’huile en barriques. Il était donc plus facile de goûter avant d’acheter. Aujourd’hui, si on ouvre une bouteille de vin au supermarché, elle devient invendable, il est donc normal de ne pas le faire.

Cette disposition législative laisse penser que l’agréage du vin est une condition substantielle et impérative à la perfection d’un contrat de vente de vin. Or, tel n’est pas le cas et la jurisprudence décide depuis longtemps qu’il s’agit là d’une règle supplétive de la volonté des parties. Cela signifie que les parties peuvent décider de s’affranchir de la condition de l’agréage pour considérer que la vente du vin est parfaite dès que l’accord est intervenu sur les volumes et le prix.

©Анна Демидова-Volodymyr

Coups de pouce

Coups de pouce

Etudiants, quelles aides ?

De nombreuses aides financières sont mises en place pour soutenir les étudiants : bourse sur critères sociaux, aide au mérite, aide à la mobilité, aide d’urgence… Des dispositifs permettent également aux parents de profiter d’avantages fiscaux.

La bourse sur critères sociaux (BCS), délivrée par le CROUS aux étudiants de moins de 28 ans, accorde une exonération des droits universitaires et de sécurité sociale, ainsi que 10 mensualités par an d’un montant annuel de 5 679 € maximum. Son montant dépend de la distance entre le domicile des parents et le lieu d’études, les revenus des parents et le nombre d’enfants à charge.
Une aide de 1 000 € est accordée aux étudiants boursiers ayant une licence et souhaitant effectuer un Master 1 dans une autre région. L’aide à la mobilité internationale de 400 € mensuels, répartie sur 2 à 9 mois, concerne les étudiants boursiers souhaitant partir à l’étranger dans le cadre de leur cursus. Quant à l’aide Erasmus, elle reprend le même principe pour des études ou un stage au sein de l’Espace Economique Européen et certains pays hors EEE. Son montant est compris entre 150 à 400 € par mois selon le projet.
On peut également citer l’aide au mérite, les aides au logement, l’aide aux étudiants qui préparent un concours de la fonction publique, le prêt étudiant garanti par l’État, ou encore des aides pour les étudiants ayant un enfant à charge… La plupart d’entre elles se cumulent.

Les aides SOS

Les étudiants de moins de 35 ans en situation de rupture familiale peuvent obtenir une aide d’urgence auprès du CROUS. Celle-ci prend deux formes : ponctuelle en un seul versement d’un montant maximum de 2 571 €, ou annuelle, versée mensuellement, pouvant atteindre 5 679 €.

Et pour les parents ?

Le parent propriétaire a la possibilité de donner congé à la fin du bail, à son locataire, afin de loger son enfant. Les parents peuvent rattacher à leur foyer fiscal leur enfant étudiant de moins de 25 ans et profiter d’une réduction d’impôt de 183 € et d’une augmentation du quotient familial ou d’un abattement maximum de 5 959 € sur leurs revenus et par personne rattachée lorsque l’étudiant est marié, pacsé ou chargé de famille, pour les dépenses engagées. Ou, à la place du rattachement, les parents ont la possibilité de déclarer une pension alimentaire versée à leur enfant étudiant, pour les dépenses prises en charge. Son montant maximal est de 5 959 € par étudiant.
Votre notaire pourra vous conseiller sur la meilleure option à prendre, mais aussi vous informer, par exemple, sur les donations (somme d’argent, immobilier en pleine propriété ou en usufruit) ou sur le marché de la location immobilière.

+d’infos : http://notaires.fr

Jeunes et bons

Jeunes et bons

Sortir de taire

Novembre 2018. Quartier de Mcleod Ganj à Dharamshala, nord de l’Inde. Naomi est attablée au Snow Lion devant un thé. Une jeune femme entre, s’assied en face d’elle et dans une sourire lumineux lui lance : «who are you ?». 3 heures plus tard, Naomi sait que Robin vient de donner un sens à sa vie !

Naomie

18 juin 2019, la voilà caméra au poing à Saint-Jean-Pied-De-Port avec, devant elle, 35 jours de marche -et quelque 800 km- jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle, pour mettre en images le parcours de 20 jeunes femmes indiennes, les Krantikaris, filles de prostituées du Quartier Rouge de Mumbaï. Les jeunes femmes viennent de jouer, à Genève et Paris, une pièce de théâtre sur leur parcours, et ont décidé de profiter du déplacement pour entreprendre le fameux pèlerinage.
Pour Naomi, ce court-métrage -«Our odyssey is red»-, sera le premier d’une série avec, pour fil conducteur, «Des violences contre les femmes à la guérison par l’art.» Elle sourit : “Mais c’est surtout un moyen de parler égalité. On crée des projets artistiques pour sensibiliser, ouvrir la conversation, et on se concentre sur des histoires inspirantes, pleines d’espoir.

Magique hasard

Mais revenons à cet automne 2018, où tout a commencé. Naomi, 23 ans, fraîchement diplômée en Droit International, a des fourmis dans les jambes : “en fait, j’adore être ailleurs !”. Là voilà donc, sac au dos, quittant Allonzier-la-Caille pour une ONG en Inde protègeant les droits des Tibétains ! Ado, c’était déjà son truc de valoriser les différences. Stop aux stéréotypes ! Un petit caractère «chiche, je le fais ?» forgé face à l’autorité d’un père aimant, mais exigeant et des valeurs humaines métissées d’Asie transmises par sa mère vietnamienne. Et voilà que cette rencontre improbable avec la jeune et bouillonnante Robin va donner une nouvelle dimension à son périple.

Retour à la caste départ

Robin a co-fondé l’ONG Kranti à seulement 24 ans ! Virée de l’armée américaine pour cause d’orientation sexuelle, avec le feu en elle et le besoin de créer quelque chose de beau, elle avait noté qu’à Mumbaï (ancienne Bombay), les ONG aident certes les prostituées du Quartier Rouge, mais ne leur donnent pas la possibilité de vivre à l’égal des autres femmes. En Inde, bien que les lois soient progressistes, le système archaïque des castes existe toujours ; pas d’échappatoire au système, sauf par l’éducation. Naomi constate : “Là-bas, les femmes n’ont pas accès à l’éducation de façon égalitaire. Les filles de travailleuses du sexe sont souvent refusées par les écoles qui considèrent qu’elles finiront comme prostituées et donc n’ont nullement besoin d’éducation. Et si tu es intouchable ou musulmane, comme ces filles de prostituées, tu n’as droit qu’aux emplois de forçats dans les mines ou comme domestique, ce qui fait que les plus marginalisées, pauvres ou transgenres, n’ont souvent pas d’autres choix que de basculer dans la prostitution pour survivre.”

Naissance ou renaissance

L’ONG Kranti récupèrent donc ces filles à partir de 10 ans, puis s’en occupe, leur offre les outils pour se découvrir une passion, un avenir. Elles deviennent alors souvent des actrices de changement social. Ainsi, Shweta, passionnée de percussions, va maintenant dans les quartiers difficiles où la musique devient un moyen de communiquer avec les enfants. Et Naomi de raconter : “Il y a aussi Tanyia, violée par son beau-père pendant 5 ans, elle est devenue hôtesse de l’air et partage son amour de la Zumba en allant apprendre aux gamins comment se libérer par la danse. Ou encore Tara recueillie à l’âge de 16 ans, une intelligence vive, c’est la première fille des quartiers rouges à être acceptée, avec une bourse scolaire à l’étranger, à Washington ! Inespéré…
La Maison des Kranti accueille de 10 à 20 jeunes filles de tous âges. Ici, tout le monde s’occupe de tout le monde. “Elle essaie de les remettre dans le système scolaire, mais en interne, l’ONG a créé la Kranti school qui leur permet d’apprendre différemment, avec pour socle la méditation, la compréhension du monde et la bienveillance.” Elles en sortent enfin gorgées d’amour, épanouies et autonomes.

©Sébastien Farcis

Quel message !

Et voilà ces «Krantikaris» (les « Révolutionnaires ») sur «Le Chemin». 25 km par jour. C’est beaucoup pour ces filles non entraînées. La pluie, la chaleur, les ampoules, le corps qui proteste - l’une des filles a la tuberculose et suit un traitement douloureux, mais avance à son rythme -, le manque de moyens, mais aussi les joies de la marche et du collectif, la débrouille pour manger et dormir avec du théâtre, du chant et de la danse improvisés dans les villes traversées, une aide sollicitée avec le sourire. “Elles donnent beaucoup !” Et elles touchent en plein cœur. La solidarité est partout. Et l’aventure est belle. “On marchait avec les sacs de lentilles et de riz, de quoi se faire des plats basiques, et un jour, on rencontre un jeune homme en difficulté, sans argent pour payer son lit. Elles se sont débrouillées pour lui payer ! Elles qui galèrent… «Si tu as besoin, nous on a ce qu’il faut maintenant», elles ont ensuite marché avec lui plusieurs jours. Il a été transformé, c’était extraordinaire !”
Naomi filme de l’image, des émotions et de la parole. Mais aussi le sac trop lourd qu’on allège, les charges émotionnelles déposées qui nous encombrent : de quoi a-t-on vraiment besoin dans la vie ? L’expérience a changé Naomi : “je pensais être une fille avec de la tchatche, parfaite pour devenir avocate dans les ONG, sensibiliser, aller au devant des gens, expliquer, et puis au final, j’ai découvert la liberté et la joie d’être dans l’observation, en osmose. J’ai beaucoup appris d’elles. Leur histoire m’a touchée, ce sont des femmes fortes qui ne se présentent jamais comme des victimes, elles veulent juste dénoncer les discriminations de couleurs, de milieux, de genres, et redonner espoir. C’est le combat de leur vie, leur histoire, c’est aussi un peu la nôtre et ce premier film en est juste un témoignage. D’où le nom de notre collectif : Hers is ours !”

+d’infos : http://kranti-india.org
startsomegood.com/hers-is-ours

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