Escapade dans le Rhône

Escapade dans le Rhône

Appât de loup

Quand Madame Loup rencontre Monsieur Litt, qu’est-ce qu’ils se racontent ? L’histoire d’une maison d’hôtes, joliment plantée au milieu des vignes, en plein cœur du Beaujolais. Son nom ? Le Lit du Loup, c’est évident !

A une vingtaine de kilomètres au sud de Mâcon, Corcelles-en-Beaujolais a les atours et les atouts d’un beau terroir viticole. A 500 mètres de son château du XIVe siècle, la maison construite en 1850 pour le vigneron du domaine est aujourd’hui celle d’Annick Loup et de François Litt.

DÉVIER DES VIGNES

Avant de s’installer ici, Annick a vu du pays. Cette native de Thoissey, à une dizaine de kilomètres de Corcelles-en-Beaujolais, quitte, à 24 ans, famille et amis pour suivre son mari. Direction la Belgique, Liège précisément, où la jeune Française devient rapidement directrice d’une boutique de vêtements et accessoires haut de gamme. Egalement maman de deux enfants, Annick ne compte pas ses heures, s’implique jusqu’à n’en plus pouvoir. “En participant au développement de cette boutique, j’ai vécu une très belle aventure. Mais j’ai toujours beaucoup trop travaillé. A l’âge de 52 ans, j’ai eu envie de changement. Mes enfants étaient déjà grands, et mes parents toujours à Thoissey avaient besoin de moi. Mon nouveau compagnon saturait aussi de la ville et pouvait trouver dans le Beaujolais de nouveaux débouchés pour exercer sa profession de kiné. A l’époque, pour moi qui voyageais tout le temps, c’était un rêve de travailler chez soi ! Avoir une maison d’hôtes, c’était une façon d’arrêter de travailler tout en gardant du contact humain.

UN NOUVEAU REPAIRE

Annick et François visitent plusieurs maisons dans le Beaujolais et tombent sous le charme de l’ancienne demeure de vigneron. Située sur un terrain de 2 000 m2 en bordure de la route principale du secteur, elle a toujours attiré Annick, qui passe régulièrement devant depuis qu’elle est enfant. “Une dizaine d’années auparavant, j’avais déjà constaté qu’elle avait été toute refaite. Alors quand j’ai vu qu’elle était en vente, j’ai eu naturellement envie de la visiter. Tout le gros œuvre avait déjà été effectué et la rénovation avait été faite en conservant d’anciens beaux matériaux, comme le parquet marqueté. L’esprit de la maison était préservé et elle était viable rapidement. C’était exactement ce qu’il nous fallait”.
Fin mars 2014, le couple s’installe et réalise quelques travaux de peinture et d’aménagement. D’une surface de près de 200 m2, la bâtisse est distribuée sur trois niveaux. Les salon, salle à manger, cuisine, buanderie et salle de détente des propriétaires sont situés au rez-de-chaussée. Et leur espace nuit… au dernier !

DÉCOR’ARTION

Les hôtes sont donc logés au cœur de la demeure, entre les deux étages réservés aux propriétaires. Entièrement consacré à l’activité de maison d’hôtes, le premier comprend une suite familiale avec deux chambres, une grande salle de bains, et sur le même palier une chambre double avec sa salle de bains privative. Là, comme dans toute la maison, Annick a laissé s’exprimer sa passion du design et de la décoration. “Les meubles que nous avons ramenés de Belgique se marient très bien avec les boiseries sablées. Comme il y a 3,50 mètres de hauteur sous plafond, j’en ai profité pour mettre des grands luminaires, de belles pièces italiennes ; et j’ai fait faire des tentures sur mesure. J’ai commencé à décorer la maison avec 24 photos de Serge Anton, un photographe bruxellois. On exposait ses œuvres dans la boutique de Liège et je suis tombée amoureuse des regards qu’il avait photographiés. Nous avons aussi des créations d’Ottmar Hörl, un sculpteur allemand qui a voulu rendre l’art accessible à tous avec ses œuvres en plastique recyclé. J’aime avoir une empreinte contemporaine dans un espace qui a gardé l’âme de l’ancien.” Une alliance réussie qui contribue à faire du «Lit du Loup» un bien joli repaire !

+ d’infos : http://lelitduloup.com

Photos : Baudouin Litt

Escapade en savoie

Escapade en savoie

Chambres hautes

Entre montagne et campagne, la famille Hirst a posé ses envies et ses outils ! Adrian, Karine, leurs enfants Noa et Mae, le chien Joshi, le chat Harry, les poules, les canards et les oies, composent la tribu qui (re)donne vie à une ancienne ferme baujue.

A cheval sur les deux Savoie, le Massif des Bauges se décline en une verte palette de sommets, de forêts et de prés. A une trentaine de kilomètres de Chambéry, Aix-les-Bains et Annecy, Aillon-le-Vieux en est l’un des paisibles hameaux.

LOVE BOAT

Avant d’atterrir là, les quasi cinquantenaires ont parcouru la terre. Native du Berry, Karine réalise tôt ses rêves de voyage en travaillant dans les domaines de l’aviation et de la navigation. En 2003, sur un yacht privé, la jeune femme croise la route d’un autre employé… Britannique, Adrian a aussi un parcours atypique. A l’origine dans l’enseignement, il a fait le choix de larguer les amarres, flottant sur les mers du globe au gré de ses jobs. Les deux se ressemblent par leur esprit plutôt aventurier et leur envie d’aller jusqu’au bout de leurs désirs.
Etoffée par l’arrivée de Noa et Mae, la famille s’ancre en région genevoise, où Adrian reprend une fonction d’enseignant. Après quelques années en milieu urbain, le duo aspire à une vie plus proche de la nature et veut voir grandir les enfants dans la verdure.

VERS LE VERT

En 2015, Karine et Adrian se mettent donc en quête d’une nouvelle habitation. “On n’avait pas défini de lieu précis. On souhaitait juste être à une heure maximum de Genève, pour faciliter les déplacements d’Adrian jusqu’à son lieu de travail. Au départ, on voulait une petite surface, mais on a finalement eu un coup de cœur pour cette ferme typique de 450 m2, sur 1,6 hectare de terrain. On ne connaissait pas du tout les Bauges et on est tombés amoureux de l’endroit en même temps qu’on achetait la maison !”. L’idée d’y créer des chambres d’hôtes s’impose immédiatement. “Je venais de démissionner de mon travail dans l’aviation privée et je voulais me reconvertir. Grâce à nos anciennes professions, on avait tous les deux l’expérience du service haut de gamme qui collait bien à ce projet. Et puis la ferme a abrité pendant des années un Café Concert. C’est une maison qui a besoin de vivre, de recevoir du monde. On ne se serait pas vus rester juste tous les quatre dedans”.

FERME À OUVRIR

La famille pose ses bagages dans les Bauges en mai 2016 et se met à l’ouvrage. La maison de trois étages est saine, mais vieillotte et mal conçue. Il faut passer par l’extérieur pour aller d’une pièce à l’autre, ouvrir une trappe et utiliser une échelle pour changer de niveau. Bref, il faut tout refaire ! Sans se décourager devant l’ampleur des travaux à réaliser (et face à un certain scepticisme de leurs proches !), Karine et Adrian commencent par la partie logement, avant de se consacrer à l’aménagement du côté chambre d’hôtes. “Il a fallu enlever tout ce qu’il y avait à l’intérieur de la maison, casser des murs, fermer des ouvertures et en créer d’autres, refaire les fenêtres, l’escalier extérieur, les terrasses, la plomberie, l’électricité, tout repeindre. Depuis le début, je savais exactement ce que je voulais faire, mais on a dû aussi s’adapter. On voulait par exemple intégrer plus d’écologie, mais cela n’a pas été possible pour des raisons budgétaires et parce que la bâtisse ne s’y prêtait pas.

FAIT(E) MAISON

Après plus de deux ans et demi de labeur acharné, les propriétaires terminent enfin la maison d’hôtes et d’événementiel Chapamama. Au rez-de-chaussée, l’ancienne étable s’est transformée en séjour avec cheminée. Au premier étage, la lumineuse salle modulable de 50 m2 jouxte la chambre Wood de 25 m2. Au deuxième, «Forêt» et «Montagne», 18m2 chacune, se partagent l’espace sous les toits.
Attenant au séjour, avec une entrée indépendante, le duplex de 33 m2 se compose d’une chambre, d’un salon avec mezzanine et d’une salle de bain. Illuminée et actualisée, la maison a gardé des atouts de sa personnalité d’origine. “Nous avons fait la majorité des meubles, comme les têtes de lit en bois, avec des matériaux trouvés ici. Pour les tables rondes, on a «saucissonné» un gros tronc et ajouté des pieds. Les tables de la grande salle étaient à l’origine un escalier qu’on a transformé. Les lampes du duplex ont été réalisées avec des tuyaux de plomberie, etc… On a créé un intérieur très zen, intemporel, pour que tout le monde s’y sente bien. Tout cela s’est fait sans vraiment réfléchir. C’est la maison qui nous a portés.” Se laisser porter. Saisir les occasions. Des «marques de fabrique» de la fa- mille Hirst.
Nous avons beaucoup changé de parcours dans nos vies. Je pense qu’on n’en serait pas là si on avait tout calculé ! Il n’y a pas de coïncidence… Il faut faire attention à ce qui se passe autour de nous, saisir les opportunités et essayer. Ce n’est pas marrant sinon, ce n’est pas la peine de vivre ! Et même si on se trompe, il y a toujours une solution et on apprend. Nous on ne peut pas rester dans notre zone de confort. II faudra revenir dans cinq ans ! Il n’y a rien d’écrit pour le moment, mais il y aura quelque chose de nouveau, c’est certain…

+ d’infos : http://chapamama.fr

Photos : Karine Hirst

chouchou de chef : la forge des montagnes

chouchou de chef : la forge des montagnes

A la forge des bras

Dans son atelier biscornu accroché Aux Chapelles, Stéphane Thomat forge ses couteaux, comme on forge un homme. Le regard perdu dans les reliefs de La Plagne, libre comme l’air, il vit à sa manière, entre inspiration hasardeuse et charbons ardents, chaud devant !

©Céline Bouchayer

« L’artisanat, l’humain et l’art de vivre, Stéphane représente tout ça à la fois. Ses couteaux ont vraiment une âme, quelque chose de différent…”, lance Maxime Meilleur, chef triplement étoilé de La Bouitte à Saint-Martin-de-Belleville en Savoie. De quoi aiguiser notre curiosité… C’est en forgeant qu’on devient forgeron, dit le diction. A 45 ans, les coups d’épée dans l’eau, il a donné. Stéphane sait aujourd’hui ce qu’il veut. Battre le fer, là, en pleine nature, marteler et griffer à l’envi, tailler son métier sur mesure et jouir de la vie. Et c’est depuis sa forge, à quelques lacets de Bourg-Saint-Maurice, qu’il m’accueille, le visage encore griffonné à la suie.

©Julien Gaidet

ETATS DE L’ÂME

Et il entame direct. Il ne peut pas dire d’où lui vient cette passion, elle transpire depuis toujours. “J’ai été très proche de l’univers médiéval fantastique quand j’étais gamin. Conan le Barbare, les dragons, les jeux de rôles… La forge y est au centre, le lieu où on fabrique les armes aussi. C’était emblématique pour moi et ça l’est toujours.” Alors Stéphane bricole très tôt, un peu comme tous les intrépides. Il se confond dans un imaginaire qu’il chérit, mais n’en oublie pas le pragmatique pour autant. Il s’oriente dans la com’ et la trentaine pointant, quitte Toulouse, sa ville natale, pour s’installer en 2009, aux Chapelles, en Savoie. “Ici, c’est la maison de mes grands-parents où je passais tous mes étés. Je ne me suis pas foulé en fait, je suis venu vivre sur mon lieu de vacances ! J’y ai des souvenirs forts, des grands moments de bonheur…” Et si les montagnes réchauffent son quotidien désormais savoyard, quelque chose lui manque. “A mon arrivée, je me suis occupé de la communication digitale de La Plagne, mais je ne m’épanouissais pas. A cette époque, je faisais déjà des couteaux pour la famille, pour des amis, à mes heures perdues, et puis je me suis dit que tout ce temps passé devant l’écran, pourquoi ne pas le passer à forger, dans un atelier.” Son lieu de vie s’y prête, alors feu !

AU CHARBON !

Il prend alors un congé sabbatique de 11 mois pour trancher dans le vif du sujet et tente le tout pour le tout : “J’avais déjà fait une formation diplomante sur la forge médiévale, pour appréhender les bases, sa conduite et l’utilisation du charbon. J’ai appris à faire des pointes courtes -pour les clous-, des pointes longues, torsades, carreaux d’arbalète, pour finir avec un petit couteau celtique (une lame dont l’acier se prolonge pour former le manche). Mais en dehors de ça, j’ai tout appris tout seul, en forgeant…” Comme quoi… les dictons ont du bon. Enclume, forge et coup de marteau et go, go, go.

ESPRIT BIEN FORGÉ

Stéphane achète son matériel petit à petit, se familiarise avec le travail du bois pour ses manches et du cuir pour les lanières. Il forge encore et encore et inonde les marchés artisanaux. “J’ai fait mon stock et je suis allé partout, tester mon produit. J’avais 11 mois pour me décider, et ça a marché ! ”. La communication digitale peut accrocher son tablier, la Forge des Montagnes est née. Il vend alors ses couteaux, dagues et lames en tous genres par bouche à oreille et dans quelques boutiques du coin. Le forgeron trouve ainsi son équilibre entre un imaginaire fantastique qu’il martèle sur l’enclume et la liberté de s’évader en pleine nature dès que ça lui chante. Et c’est en 2018 que la vie lui sert un joli cadeau, quand sa route croise celle du chef Maxime Meilleur : “ j’étais passé livrer une boutique et il était là, un de mes couteaux entre les mains. Il a demandé au commerçant à me rencontrer… Ça tombait plutôt bien ! J’étais là… Il a aimé mon travail et voulait des couteaux de table pour son restaurant. Je ne savais même pas qui il était, et je lui ai répondu que de toute façon, je ne faisais pas de série ! Mais il a tellement insisté qu’il a fini par éveiller mon esprit créatif. Alors on s’est mis à travailler sur le sujet à la condition de me laisser honorer les commandes en cours, j’en avais bien pour deux ans ! Aujourd’hui, sur les 80 pièces commandées, il en reste 30 à livrer… J’ai mis un an à développer le prototype, pas moins de 9 essais avant d’arriver au bon ! Maxime et René Meilleur ont une grande culture de l’objet local traditionnel et on partage cette passion. Leur couteau a beaucoup de détails et porte leur griffe…

©Cécile Bouchayer

LAME D’UN GUERRIER

Et si Stéphane y passe beaucoup de temps et d’énergie, le plaisir se lit sur son visage. Avec son côté brut, nature et un peu écorché vif qu’il cache sous son bonnet de laine, le forgeron s’éclate à prendre le contre-pied des finitions industrielles et très lissées et c’est sûrement ce qui donne autant de consistance à ses lames. Et même si sa patte est indéniable, la différence est là : “au niveau de la forme, de la taille, on voit tout de suite que c’est un travail artisanal et je crois que c’est ce qui a plu à Maxime. Pour moi, le luxe ne se mesure pas à l’argent, mais à cette liberté de vivre comme on veut, face aux montagnes, un luxe nature, une inspiration insatiable. Ce qu’on trouve à la Forge des Montagnes, on ne le trouve pas partout…

Le mot du chef : Maxime Meilleur

Dès notre première rencontre, on a parlé de sur mesure, de pièces uniques. Je voulais un couteau savoyard haute-couture, il n’avait jamais fait ça, alors on a travaillé ensemble. Ces couteaux racontent toute notre vie. Il y a la griffe de la Croix de Savoie, des incisions qui représentent la montagne et ses 3 vallées, le pied, évocateur de la patte de chamois et le bois bien spécifique, issu de charpente de fumoir en chêne vert, symbole de notre métier de cuisinier. Quand vous croisez le chemin de personnes comme ça, qui ont la passion et l’exigence du travail bien fait, c’est vertueux. Et nous, ambassadeurs, on se doit de mettre en valeur ces artisans. Au final, c’est un vrai plaisir d’apporter notre territoire unique sur table !

+ d’infos : http://laforgedesmontagne.com

Design à table : Lauriane J Création

Design à table : Lauriane J Création

Plats du jour

Quand Lauriane met le couvert, elle touche du bois la perfection… De ce qui allait être jeté, une assiette renaît ; de ce qui allait être brûlé, un saladier apparaît. Epurés et parés à être utilisés, ses objets du quotidien sortent de son atelier en deux (ou trois) coups de cuillère à pot…

La révélation, Lauriane Josselin, 35 ans, originaire de Lyon et désormais installée à Aime en Savoie, l’a eue lors d’un stage en menuiserie il y a 4 ans. “Avant, je travaillais dans la vente et le spectacle, et puis je me suis lancée dans un CAP en menuiserie, mais il me manquait le côté artistique dans cette formation. Quand mon père, qui travaille le bois depuis toujours, m’a emmenée avec lui sur un stage de tournage, j’ai vraiment eu le sentiment que c’était cela que je voulais faire : réaliser des objets utiles et beaux, décoratifs, mais que l’on peut utiliser tous les jours.” Même si les artisans qu’elle a rencontrés à l’époque lui disent : “la vaisselle en bois, ça ne se vend pas !”, Lauriane n’en démord pas et n’a pas l’intention de faire tout un plat de ces remarques… Ah si, en fait ! Sa première pièce : un saladier qu’elle a gardé précieusement. A travers son travail artisanal, elle aimerait changer l’image que l’on peut avoir de la vais- selle en bois, traditionnelle, savoyarde… et montrer qu’elle peut être jolie et design.

UN PETIT TOUR… À BOIS

Une des bases de son projet : travailler uniquement avec des chutes de menuiserie, du bois destiné à être brûlé ou jeté. Quand il est question d’environnement, Lauriane n’y va pas avec le dos de la cuillère. “C’était important, pour moi, de donner un sens écologique, travailler avec du déchet. J’ai eu la chance de rencontrer Matthieu, de la menuiserie ETS Chevalier, qui partage les mêmes valeurs que moi. Beaucoup de bois récupéré vient de son entreprise et il m’a même fait une petite place pour que j’installe mon atelier dans sa cave.” C’est dans cette grotte presque douillette que Lauriane crée ses pièces : bols, assiettes, plats, cuillères à miel, planches, bougeoirs, bientôt des couverts mi-bois mi-céramique et aussi des luminaires sur mesure pour des chalets. Utilisant du bois non traité, elle n’est parfois pas au bout de ses surprises : “je peux travailler un long moment sur une pièce et me rendre compte que le bois est mangé, mal séché et fendu… ce sont les aléas du métier !” Chêne, frêne, cerisier, tilleul, noyer… chaque essence a ses caractéristiques et dévoile ses secrets en plein tournage. Recouvert d’une couche d’huile spéciale, homologuée contact alimentaire, l’entretien à la maison est simple, juste avec de l’huile de colza et un petit chiffon. “J’ai aussi commencé à travailler le bois brûlé pour des objets de décoration, cela fait ressortir ses caractéristiques et donne du relief aux pièces.

SECONDE VIE

Toutes ces pièces sont uniques, et elle le revendique : ras le bol de la série ! “Ce qui me plaît, c’est l’idée de fabriquer un objet utile et le côté déco. La vaisselle, on peut la mixer, la changer, la voir ou pas, c’est un bel objet en bois, qui se garde à vie…” Des projets plein la tête, elle bûche dessus pour des architectes et autres restaurateurs… La passion de la déco chevillée au corps, elle a à cœur d’échanger, partager… Mais pas question pour autant de finir ramassée à la petite cuillère. Quand elle n’est pas dans son assiette, elle se ressource dans son cocon familial, change les meubles de place, invite des copains… Un petit tour et c’est reparti, direction son atelier. Chouette, de nouvelles chutes ! Chut… Il est temps de passer à la création. Entre authenticité et naturel, décoration et écologie, Lauriane n’a pas fini de plancher…

+ d’infos : http://lj-creation.com
instagram : lauriane.j.creation

Design à table : la poterie du grand pont

Design à table : la poterie du grand pont

La terre en l’air

Certains passent du coq à l’âne, Jean-Pol Bozzone, lui, plutôt de la coupe au bol. Aucun rapport, me direz-vous et pourtant, jeux de mots et calembours s’entrechoquent gaiement dans son atelier de poteries zen. Entre pots, plats et coupelles, un vase tintinnabule façon carillon japonais, l’heure est aux confidences infusées.

Il m’attend au bout du chemin, non loin d’un vieux corps de ferme accroché au village de Seythenex. Enroulé dans son grand tablier, il a ce petit côté feng shui qui met tout de suite à l’aise, et ça, c’est du bol ! Une tasse de café pas lisse dans mes mains plus loin et voilà qu’il lance les festivités, entre Higelin, Brassens ou Gainsbourg qu’il entonne sans arrêt, tourner autour du pot ? Ça va pas, non !

LES PIEDS DANS LE PLAT

Alors quand je me mets à lui parler vaisselle… Banzaï ! : “Je ne suis pas fabriquant de vaisselle ! Je suis potier. Il faut comprendre mon métier pour choisir des pièces chez moi. On est dans la slow poterie, une poterie zen. C’est une poterie, sans poterie, c’est la matière, le geste, le rythme. C’est pour ça qu’on est très proches des cuisiniers. Parce qu’ils sont fascinés par l’art de la coupe. Et moi, je suis dans cette démarche. Enlever et enlever encore, pour arriver à l’essentiel. Aucune virtuosité technique, mais du ressenti, la mémoire de la main, l’amélioration par la pratique en continu.” Inspiré pour par le raku -technique d’émaillage japonais utilisé pour les bols de la cérémonie du thé- son travail est avant tout une communion entre l’homme et la nature, une médiation profonde avec les énergies, celles qui poussent, portent et guident les esprits réceptifs dans une tasse, une coupelle et même une assiette, mais sûrement pas un service entier sérigraphié !!! Hug, partage et calumet de la paix ! C’est ça ?

MISE À PLAT

Le Raku, c’est accueillir le hasard. Mais c’est aussi maîtriser les matières avec respect. Aucune ne réagit de la même façon. Il y a les terres du petit feu, celles du grand feu. Les premières restent ouvertes post cuisson et ont besoin d’une couverture vitreuse qu’on appelle l’émail, pour être étanches et utilisées dans l’alimentaire. Les autres, sont auto cérames et fermées après cuisson. On ne cuit pas une terre cuite comme on cuit une porcelaine. On ne fera jamais de fines tasses à thé dans la brique !” C’est sûr ! Mais bon, s’il y a la méthode, le reste est dans vos mains, si je comprends bien : “Pour faire de la poterie, les fondamentaux sont les mêmes. Avoir une terre homogène pour éviter les tensions, bien la préparer, la faire sécher et tirer, laisser les énergies se rééquilibrer avant la cuisson. Il faut comprendre la terre, son rythme, savoir être à l’écoute de son évolution. Avant l’heure, c’est pas l’heure. Après l’heure, c’est trop tard ! C’est du ressenti. Savoir à quel moment s’arrêter de la travailler. C’est comme un aliment en cuisine, comme du sucre, un caramel. C’est un terrain de jeu, un moyen d’expression.” A croire qu’il fait ça depuis toujours. Et pourtant.

Jean-Pol Bozzone avec Laurent Petit

COUP DE BOL

40 ans à Charleville-Mézières, un boulot de VRP qui l’emmène partout. Il atterrit en Rhône-Alpes il y a 22 ans, où il achète, par hasard, son premier bol raku : “Il a des émaux d’une secte Chan, à l’origine des codes du raku japonais. Pour mon boulot, je parcourais la France profonde et quand je voyais une poterie, je m’arrêtais. J’ai une culture d’amateur en quelque sorte.” En 2009, les premiers changements s’opèrent, il bosse de la maison et devient graphiste, mais l’envie de créer fait déborder le vase. Il rencontre Thierry Sivet, céramiste de renom : “On écoutait du rock et on parlait poterie, sans jamais en faire. Lui, c’est un Mozart, un surdoué. C’est un peu mon Jiminy Cricket ! C’est chez lui que j’ai fabriqué mon petit four, le grand, c’est l’ancien de son père, c’est affectif et one again… Rien de mieux que ça !” Et s’il a tant d’attache, c’est aussi parce qu’il sort d’un épisode torturé et qu’il s’en va chasser ses maux avec des pots, comme on le ferait avec des mots.

APPRENTI-SAGE

Il glane du b.a.-ba chez Marie-Noëlle Leppens, sculptrice, et s’enferme dans son atelier pour penser : “Tout plaquer pour devenir potier et donner le meilleur de moi-même, quel sens ça pou- vait bien avoir ? Je devais comprendre qui je voulais devenir. C’est là que je me suis consacré à la cérémonie du thé, avec l’intuition que ça aiderait à nourrir ma pratique. Elle consiste à faire le meilleur thé possible, avec simplicité et équilibre, respect et humilité, un moyen de tout dire dans la matière, le geste le rythme… Et le premier maillon, c’est le potier. Donc le bol, comme le Graal, prend une valeur spirituelle absolue.” Et c’est peut-être ce subliminal qui a touché Laurent Petit -chef 3 étoiles du Clos des Sens à Annecy- un lundi de juin 2016. “Il faisait un temps pourri, j’étais grippé et j’en avais marre quand j’ai vu arriver 4 zozos en anorak, complètement trempés. Je les accueille et leur présente mon raku. Il y en avait un plus curieux que les autres, il n’avait pas l’air de m’écouter et pourtant, dès qu’il posait une question, il était dedans ! Au bout de 10 minutes, j’ai vu l’enfant dans ses yeux, ça lui parlait !” Ipso facto, ils commencent à travailler ensemble : “Je suis allée chez Laurent, il a tourné un artichaut dans son jardin avec son couteau japonais pour me montrer le geste, je lui ai exposé comment faire un décor. J’ai invité toute son équipe chez moi, pour dresser les assiettes, c’est important d’entendre la démarche. On se pose la question de l’espace quand on décore aussi…

TERRE À TERRE

Terre des Bauges, de Toscane, sable des écrins, pigments et nature power, l’ingrédient principal des pièces de Jean-Pol est avant tout sa communion avec la matière et avec la vie, le moment où il décide de faire un vase strié, une coupelle granulée, un plat alambiqué, un soliflore éraillé… Tant que c’est équilibré et que ça raconte, me direz-vous ! Poterie de l’émotion, du hasard et de l’humilité, attention pas de bévue, rien ne naît de ses mains dans le superflu : “On est dans la méditation, la pleine présence. Quand on dit l’essentiel, on n’a pas besoin d’autre chose. Le reste c’est de la convention sociale.” Alors quand il sent qu’il a tout donné, il s’arrête, met un poinçon pour dire « j’admets. J’ai donné tout ce que j’avais à donner ». Inutile de tourner autour du pot…

+ d’infos : http://lapoteriedugrandpont.blogspot.com

©Marc Dufournet

design à table : Myriam Monachon

design à table : Myriam Monachon

Service gagnant

Peintre créative, Myriam Monachon est bien dans son assiette ! sans en faire tout un plat, elle remet sans cesse le couvert pour ranimer des objets du passé et décorer la vie.

Des dizaines d’assiettes en piles, côté face, dans l’atelier de peinture, des palmiers stylisés quasi grandeur nature sur les murs de l’espace couture et trônant au cœur du garage, un four à poterie qui carbure ! A Challes-les-Eaux en Savoie, la maison que Myriam Monachon tient de sa grand-mère a été agrandie et transformée au fil des années pour laisser place à l’univers de la créatrice. Un monde peuplé d’œuvres artistiques variées, qui envahit peu à peu l’existence de cette éducatrice de profession.

ARTS ET MÉTIERS

C’est acquis, c’est inné, depuis toujours, la quarantenaire porte en elle l’amour de la création au sens large. “Petite, j’adorais les bijoux et je peignais des coquillages avec le vernis à ongles de ma mère ! J’ai aussi appris à tricoter et à coudre avec des femmes de mon entourage. Je suis une dyslexique contrariée par le système scolaire et l’art m’a toujours permis de m’en sortir, même si je n’ai pas pu en faire mon métier. Je voulais devenir décoratrice d’intérieur, mais il y a 35 ans, avec ce choix, on n’était pas pris au sérieux…” Une vocation contrariée, mais le choix d’une profession intimement liée à l’histoire familiale et aux convictions bien ancrées de Myriam: “Je ne supporte pas l’injustice, la bienveillance est pour moi indispensable. Mes deux grands-mères sont issues de la DDASS, c’est sans doute ce qui m’a donné envie d’aider les gens mis de côté. Et en tant qu’éducatrice, je suis dans la relation, qui est aussi une forme de création dans le lien, au final.

AU PIED DU MUR…

Dans le domaine pictural, Myriam est venue à la création par un de ces petits détours dont le destin a le secret. “Quand j’ai restauré la maison de ma grand-mère, je voulais une fresque murale. Comme je n’avais pas les moyens de me la payer, j’ai décidé d’apprendre à peindre pour la faire moi-même ! Et c’est comme ça que tout a commencé. Pendant plus de 20 ans, j’ai pris des cours de peinture avec Bernadette Rosaz-Grange, qui est devenue une amie. Elle m’a permis de me former à la technique et à la pratique avec des peintres du monde entier. Elle m’a fait gravir les échelons, les uns après les autres, en m’encourageant à toutes les étapes de mon évolution”. 2014, c’est le tournant. Cette année-là, Myriam participe avec Bernadette à une exposition à Chambéry…

Un artiste qui vit seul dans son coin ne grandira pas.

Il est nécessaire de partager.

Tout seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin…

OS… ER !

Formée à la peinture sur porcelaine, la créatrice relooke un service de vieilles assiettes avec un dessin de squelette. Et l’ouvrage ne passe pas inaperçu! “En voyant ce motif, des personnes de mon entourage ont trouvé cela morbide. Beaucoup ont pensé que je n’allais pas bien, on m’a même suggéré d’aller voir un psy ! Alors je suis allée creuser au niveau symbolique et j’ai trouvé que la tête de mort évoque la renaissance. Ça m’a rassurée, et comme le service a été tout de suite vendu, je me suis dit que j’avais bien fait de créer ce que je sentais, qu’il fallait que je me lâche. Jusque-là, je n’aurais pas osé, j’étais dans la retenue. Maintenant je me sens stable émotionnellement. Un mélange de maturité manuelle et intellectuelle m’a permis d’arriver à ce résultat”.

MÉMO’ART

Confortée par ce premier succès public, Myriam se met à peindre différentes illustrations et inscriptions sur de la vaisselle ancienne qu’elle chine ici et là. Têtes de mort, Playmobil®, palmiers, pins parasol, remontées mécaniques, «vieux à la plage» et autres proverbes revisités s’immiscent dans les motifs préexistants des porcelaines anciennes. Ses créations sont peu à peu exposées et commercialisées dans la boutique de créateurs Métropole B à Chambéry, puis chez des brocanteurs, dans des magasins de déco un peu partout en France. En parallèle, la créatrice répond aussi à une demande de sur-mesure. “On m’amène, de temps à autre, le service reçu de la grand-mère pour lui donner une seconde jeunesse à l’occasion d’un mariage ou pour tous les jours. Ce que je fais avec la vaisselle, c’est la restauration du souvenir, une transmission d’histoire, en somme.
Une histoire, ou plutôt des histoires, que cette «curieuse de tout et de tous» raconte aussi sur d’autres types de matériaux. Murs, vêtements, tissus, tableaux… aucun support ne l’arrête ! Myriam envisage même de se lancer dans la peinture sur linge de maison. Et si elle est aujourd’hui à titre individuel «tout ce qu’elle a toujours voulu être», la peintre n’en occulte pas pour autant l’importance du collectif. “Mon rêve serait d’ouvrir dans le coin un concept store avec d’autres créateurs. Un artiste qui vit seul dans son coin ne grandira pas. Il est nécessaire de partager. Tout seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin…” Avis aux art-mateurs…

+ d’infos : Insta : myriammonachon / Facebook : Myriam Monachon

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