DESIGN AU JARDIN

DESIGN AU JARDIN

LE FIN DE LA FIN

Barbecue , mobilier , déco , luminaires , vous voilà prêts pour les beaux jours, vous avez pensé à tout. A tout ? Non, non, il y a certainement des choses auxquelles vous n’avez pas pensé… On va vous les souffler.

Singing pool

Après l’enceinte qui éclaire et la lampe qui flotte, voici l’enceinte qui flotte ! On n’arrête pas le progrès, ni l’envie d’écouter de la musique en toutes circonstances. Conçue en partenariat avec un architecte naval pour une marque française qui s’adresse aux grands enfants, cette méduse mélomane permet même, grâce à son pad, de répondre à un appel sans sortir de l’eau. Dispo en 4 coloris. + d’infos : mob.paris

Y’a pas de seau métier

Dans la veine des gadgets qui en jettent, voici maintenant le seau à glaçons qui ne se contente plus de garder le rosé au frais, mais illumine aussi vos soirées d’une de ses 9 couleurs, tout en jouant votre playlist préférée. Festif et décoratif, the Joouly devient quasiment un meuble à part entière… Mais tant qu’il ne préparera pas lui-même les cocktails, je ne cèderai pas. Dispo en 3 tailles : 35, 50 et 65 cm. + d’infos : joouls.com

Balle de cristal

Jouer au baby-foot traditionnel, c’est à la portée de tout le monde. Mais jouer au Teckell Cristallino, ce n’est plus s’adonner simplement à un passe-temps populaire, c’est une expérience exclusive : un terrain en Corian® complètement transparent, des joueurs en alu, des poignées et joints chromés, des filets faits main… On ne sait pas si la balle a été vieillie en fût de chêne ou dorée à l’or fin par contre. Dispo également avec un terrain noir. + d’infos : http://teckell.com

Bar(re) haute

Le meilleur pour la fin. Si là, vous n’en mettez pas plein la vue à vos invités, vous pourrez ranger votre tablier… Accueillez la rolls de l’apéro, la ferrari de la garden party, l’avion de chasse de la classe : le MoBar, un bar extérieur mobile, comprenant une cave à vins, un tiroir réfrigéré, un panier à glaçons et un espace de présentation pour poser cahuètes et saucisson. Mais quand vous en serez là, vous proposerez certainement plutôt des huîtres et du foie gras. + d’infos : dometic.com

Maison d’hôtes : La divine comédie à avignon

Maison d’hôtes : La divine comédie à avignon

CÔTÉ JARDIN

S’il y a bien un endroit où la comédie est une chose extrêmement sérieuse, c’est à Avignon. Alors tapons trois coups, prenons la direction de la ville-théâtre et franchissons ses remparts pour lever le rideau sur une maison au décor opulent, dans laquelle le jardin ne joue pas les figurants.

Les portes cochères sont souvent des promesses de surprise. Une fois leurs lourds vantaux de bois entrouverts, elles révèlent des pépites jalousement préservées des regards passants. Dans le cœur de la Cité des Papes, à deux pas du Palais du même nom, cette porte-là est imposante, mais plutôt simple, d’un gris foncé moderne, très haute et surmontée de balustres. Rien, dans sa sobriété, ne laisse deviner la luxuriance du jardin qu’elle abrite : 2600 m2 de vert en camaïeu, une centaine d’essences différentes et quatre gigantesques platanes séculaires dont la canopée filtre les rayons du soleil provençal. “On a acheté la maison pour le jardin, c’est la pièce principale”, confie Gilles Jauffret, décorateur d’intérieur et propriétaire des lieux depuis 2010. “On a gardé les platanes, qui sont protégés, mais on a enlevé tout le reste.


Cet éden a ensuite été réaménagé en plusieurs espaces, pensés comme autant de niches d’intimité : “ma définition du luxe, c’est de ne pas être les uns sur les autres. Par exemple, je voulais un bassin de nage à l’abri des regards, mais on peut également être tranquille sur la terrasse de l’orange- rie, et la folie [ndlr : petite construction ornementale, parfois romantique, souvent atypique ou extravagante, qui sert d’articulation dans une composition paysagère, ici inspirée par une lampe arabe du XIXe siècle] qui abrite l’espace bien-être, a été conçue pour n’accueillir que deux personnes. Mais il y a aussi, bien sûr, tout ce qu’on attend d’un jardin : les couleurs, les odeurs, avec du jasmin, des lauriers-fleurs, des roses… et les sons. La ville d’Avignon est bercée par ses cloches, et là dans le jardin, il y a toujours, en fond, le bruit de l’eau qui coule et du vent dans la bambouseraie.”

ENTRER DANS LA LUMIÈRE

De l’espace, de la végétation, du soleil, c’est ce que cherchaient Gilles et son ami Amaury en quittant Paris. Tout en restant à distance raisonnable de cette capitale qui les passionne. Quand ils rencontrent la maison –car c’est bien de cela qu’il s’agit, d’une rencontre– elle est quasiment à l’abandon, après avoir longtemps abrité les salles de classe d’une école de langues. Les murs datent des XVIIIe et XIXe siècle, il faut la repenser entièrement, décloisonner, faire entrer la lumière. “On a commencé par ré-ouvrir la maison sur le jardin. Dans l’ancienne salle-à-manger devenue salon, seule pièce gardée en l’état avec ses passe-plats et ses trumeaux [ndlr : espaces peints] au-dessus des portes, nous avons enlevé les fenêtres et mis des portes-fenêtres. Mais nous les avons ré-utilisées pour délimiter les espaces dans les suites à l’étage.” Ils échangent ensuite l’unique ouverture du jardin d’hiver contre de grandes verrières, dont les carreaux, imitant le verre ancien, donnent le sentiment d’avoir toujours été là. “Tout doit paraître naturel, mais tout est calculé”, sourit Gilles. “Chaque élément a la même force décorative, les couloirs, par exemple, ont autant d’importance que les pièces.”

UN DÉCOR QUI A DU CHIEN

Une verrière, ils en découpent aussi une dans le toit, afin qu’elle éclaire, de manière zénithale la cage d’escalier centrale. Un patchwork de plus de 200 peintures et gravures y racontent Avignon entre les XVIe et XIXe siècles. Ce sont également des toiles, et la passion pour les objets de ces deux grands collectionneurs, qui ont guidé la décoration des cinq suites : des lithographies du Bosphore et des malles anciennes dans la suite Consul ; des gouaches du Vésuve en éruption et un baldaquin majestueux dans la suite Naples ; des vues de la cité lacustre et des fauteuils coquille seventies dans la suite Venise ; des toiles orientalistes et un spectaculaire lit rond dans la suite Aphrodite ou d’anciennes maquettes de bateaux chez Anatole.
Mais tout bouge tout le temps, le décor change en permanence. Et curieusement, je n’aime pas la déco”, ironise Gilles, “je suis entouré d’objets de compagnie, aucun n’est là « pour faire bien ». Tous, au même titre que les tableaux, correspondent à une rencontre, un souvenir, un moment.” Dans une recherche permanente de « justesse et d’équilibre », œuvres contemporaines et morceaux d’histoire se côtoient donc, comme le font aussi les animaux, vrais ou faux. Éléphanteau, buffle ou singes dialoguent avec Simone et Gaston, les Chartreux dont le pelage argenté est parfaitement assorti à celui de Théodule, le placide et impeccable Braque de Weimar, toutou à l’élégance aristocratique.

SCÈNE DE VIE

Quand nos hôtes arrivent, ils sont accueillis par le chien, qui est persuadé de connaître tout le monde, et ça désacralise l’ensemble : on se retrouve comme si on se connaissait depuis 20 ans. Nous sommes tous des personnages avec des rôles, des positions, des façons d’être ; je voulais donc que ce lieu soit un décor de théâtre, car la vie est une scène de théâtre et nous jouons en permanence une douce comédie.” Divine ici, en référence au célèbre poème de Dante. Un voyage entre l’enfer et le paradis, guidé par la raison et la foi, métaphore de cette aventure avignonnaise ? “7 ans de travaux, 7 ans d’emmerdes ! On a refait 90% des espaces intérieurs et, à l’extérieur, on n’a gardé que 10 arbres, on est donc passés par des étapes compliquées…
Mais parce qu’un dénouement heureux, c’est le propre de la comédie : “on a une chance inouïe. Recevoir, c’est une passion. Nous aimons que les gens se sentent bien : on ne se pose pas de question quand on est bien, tout est naturel. Chacun arrive avec un objectif différent, seul ou en amoureux, les étrangers pour visiter la région, les Français pour profiter de la maison. C’est un lieu de rencontres, et les rencontres humaines, c’est essentiel, c’est ce qui nous nourrit.

+ d’infos : http://la-divine-comedie.com

visites de maisons vertigineuses

visites de maisons vertigineuses

LE TOIT DANS L’ŒIL

Prendre des risques, défier le terrain, rechercher le point d’équilibre… Parce qu’une maison n’est pas que quatre murs et un toit, tour d’horizon de ces audacieuses qui n’ont pas la façade frileuse et jouent avec les lois de la gravité.

LA MAISON PERCHÉE – DUNE HOUSE – DANEMARK – VIKTOR SØRLESS STUDIO – En cours de construction

Photos : Renderings by Bloomimages

Que se passe-t-il quand un architecte travaille pour un passionné de cinéma? “La plupart du temps, nos réunions se terminaient par la projection d’un film. Et c’est particulièrement The Ghostwriter, de Polanski, qui a eu de l’effet sur mon client”, explique Viktor Sørless. Car dans ce thriller, la maison, une vaste construction contemporaine, minérale et plutôt austère, plantée sur une plage battue par les conditions hostiles, donne toute l’ambiance. L’idée ici, sur cette langue de terre danoise qui sépare le fjord Ringkøbing de la Mer du Nord, n’est pas de se protéger des éléments, mais de s’y confronter : surélever l’espace de vie crée donc une galerie dans laquelle le vent s’engouffre ; les larges baies vitrées attendent la pluie ; un toit végétal défie le soleil écrasant de l’été ; et les quatre extrémités de la maison, orientées en direction des points cardinaux, permettent à l’ombre et à la lumière de jouer avec ses volumes tout au long de la journée. Seul face à la nature, dans son refuge isolé sur les dunes, l’occupant des lieux devrait donc avoir largement de quoi se faire des films… http://viktorsorless.com

LA MAISON CROISÉE – CASA CRUZADA – ESPAGNE – CLAVEL ARQUITECTOS – 2015

Photos : David Frutos

À l’origine de cette maison croisée, il y a une question de panorama. Dans ces environs de Murcia en pleine urbanisation, il fallait trouver un moyen de conserver la vue sur la Sierra de la Pila et la Valle del Ricote. La solution? Superposer deux blocs de béton de même dimension, comme deux briques de Lego® de même taille qu’on aurait emboitées, et imposer ensuite une rotation de 35° à celui du dessus. De cette manière, le rez-de-chaussée, tourné vers le jardin, peut être vitré dans toute sa longueur sans rien dévoiler de son intimité ; et les pièces du premier étage -les chambres- s’élèvent au-dessus des constructions qui poussent doucement tout autour, pour profiter des paysages, pile dans l’axe de chacune des extrémités du bloc. Ce décalage entre les deux unités produit un porte-à-faux de 10 mètres, qui, en plus de donner à l’ensemble un spectaculaire effet d’équilibre, génère de l’ombre pour le niveau inférieur et les bords de la piscine. Et pour meubler le tout? C’est la croix et la manière! http://clavelarquitectos.com

LES MAISONS INCLINÉES – KUBUSWONINGEN – PAYS-BAS – PIET BLOM – 1984

Photo : Guido Pijper – Rotterdam Partners
Photo : IrisvandenBroek – Rotterdam Partners

On peut le dire, l’architecte néerlandais Piet Blom (1934-1999) avait un penchant pour les couleurs vives et les formes géométriques expressives. D’abord implantées à Helmond, au sud des Pays-Bas, puis dans la partie historique du port de Rotterdam, ses maisons cubes avaient pour premier objectif de minimiser l’emprise sur le terrain : perchées sur des pylônes hexagonaux, elles permettent en effet de laisser la place, au rez-de-chaussée, à des espace publics urbains et des commerces. Pour ce qui est du dessin, l’ensemble est conçu comme une forêt : chacun des 38 cubes est un arbre, dans lequel on entre par le tronc et dont les sommets, en se rejoignant, semblent former une canopée. Agencés sur 100 m2 et trois niveaux, avec leurs murs inclinés à 54,7° très précisément, ils peuvent aussi être reliés pour former des habitations plus grandes. Pour se faire une idée, un cube-témoin est ouvert à la visite, et il est possible de passer la nuit dans un des cubes-studio ou chambre loués par une auberge de jeunesse. Au-delà du coup d’éclat esthétique, du geste architectural, Piet Blom avait surtout l’intention de donner vie à un village au cœur de la ville. Pour lui, l’architecture ne se résumait pas à “créer un endroit pour vivre, mais à créer une société.http://pietblommuseum.nl http://rotterdammakeithappen.nl stayokay.com

LES MAISONS ENCASTRÉES – HABITAT 67 – MONTRÉAL – MOSHE SAFDIE – 1967

Photo : Jon Evans
Photo : Cramer Miau

Moshe Safdie n’a pas 25 ans quand on lui offre de construire son projet dans le cadre de l’exposition universelle de Montréal, dont le logement est l’un des thèmes. Son objectif, sa quête, son idéal ? (L’architecte israélo-canadien est jeune et fougueux !) Solutionner le problème de la concentration et de l’étalement urbain, démontrer qu’un ensemble à haute densité peut être agréable à vivre, qu’on peut cumuler les avantages d’une maison individuelle privée et d’un immeuble collectif. Son projet initial fait 22 étages, il doit abriter des boutiques et une école. Seule une partie habitable de 158 logements -il en prévoyait 1000- sera finalement réalisée, composée de quinze types d’appartements différents, bénéficiant tous de vues sur la ville de Montréal ou sur le Saint-Laurent, et d’au moins une terrasse privée, située sur le toit d’un autre module. Ces modules de béton pré-fabriqués sont d’ailleurs produits dans une usine construite juste à côté du chantier et imbriqués à l’aide d’une grue. Ce projet unique, financé par des fonds publics, ne fera pas d’émules. Trop cher. Imaginé pour proposer des résidences locatives et abordables, il est aujourd’hui devenu un petit nid de luxe, mais il se visite et fait référence dans le monde de l’architecture. http://habitat67.com

LA MAISON PRÊTE À DÉCOLLER – CHEMOSPHÈRE – ETATS-UNIS – JOHN LAUTNER – 1960

Photo : Chris Lott
Photos : Julius Schulman©J. Paul Getty

James Bond, le Dude du Big Lebowski ou les Drôles de Dames de Charlie’s Angels (version 2003) se sont promenés dans une «Lautner House». Et pour cause, les maisons imaginées par cet architecte californien, spectaculaires et inattendues, sont incroyablement cinégéniques. En 1960, un jeune ingénieur aérospatial le sollicite pour construire sa demeure sur les collines d’Hollywood à Los Angeles : un terrain a priori inaccessible, sur une pente à 45°… mais la vue sur la Vallée de San Fernando y est incroyable !
Lautner arpente les lieux pendant des semaines, de jour, de nuit, de haut en bas et de bas en haut, avant de trouver la solution : pas d’excavation, pas de mur de soutènement, la maison sera posée sur une plateforme, au sommet d’un pilier central. Et pour profiter entièrement du panorama à 180°, elle sera octogonale et très largement vitrée. Avec ses allures de soucoupe volante sur le point de s’envoler, de tour de guet qui veille sur la vallée ou d’arbre-maitre sage et éclairé, la Chemosphère -c’est son nom- a en tous cas marqué son époque. Ses lignes inédites et la solution qu’elle apportait au problème de déclivité lui valurent d’être longtemps considérée comme «la maison la plus moderne du monde». http://johnlautner.org

villes thermales : DIVONNE-LES-BAINS

villes thermales : DIVONNE-LES-BAINS

LUXE, CALME ET… CROUPIERS !

L’eau appelle les liquidités, c’est logique… Autour des bains, il s’agit surtout de celles qu’on mise, avant de les perdre ou de rafler le gros lot à une table de jeu. Le casino est un pilier de l’offre thermale, mais à Divonne, il a fini par lui voler la vedette.

De l’eau, il y en a en quantité dans ce village de paysans et d’artisans. La rivière fait tourner plusieurs moulins, dont celui d’une papeterie. C’est dans cet immense bâtiment que seront installés les premiers thermes. “Ici, pas d’utilisation par les Romains, ni d’usage immémorial des eaux : cela change !” constate Marc Boyer, historien spécialisé dans le tourisme*. “Une date d’intervention et un fondateur reconnu : le Dr Paul Vidart, créateur en 1848 du premier établissement.
À cette époque, la majorité des «eaux guérisseuses» sont chaudes, mais le Dr Vidart voit dans les sources froides de Divonne (4 à 6°C, même en plein été), l’opportunité d’appliquer la méthode Priessnitz (douches, bains, compresses et enveloppements froids) pour traiter des maladies nerveuses. Dans la foulée, il ne bâtit pas un casino, mais un théâtre, considérant les représentations comme faisant partie intégrante des traitements, contrairement aux jeux.

Deuxième établissement thermal construit en 1885 et détruit en 1962. (©racontemoidivonne.com)
©Archives départementales de l’Ain, 5 Fi 143-135
Premier établissement thermal, à droite (1850-1885) et le deuxième, au fond (©racontemoidivonne.com)

ENTRÉE DE (BEAU) JEU

Le succès de la station est quasi immédiat, porté notamment par les visites de Jérôme Bonaparte, frère de Napoléon, ou du Khédive Ismaïl Pacha, vice-roi d’Egypte. Pour satisfaire les baigneurs les plus fortunés, Vidart fait construire une villa-château dans le parc thermal, mais l’hôtellerie dans la commune reste relativement modeste jusqu’à la fin du siècle. “L’autre permanence de Divonne”, note Marc Boyer, “c’est son mode de développement concerté et prudent. Tandis que d’autres stations connaissent de forts à-coups, la ville progresse régulièrement, dans une concertation entre les acteurs : thermes, médecins, mairie, auxquels s’ajoutent au XXe siècle les grands hôtels et… le casino”*.
Il faut attendre 1912 pour que ce dernier soit installé, un peu à l’extérieur du village, dans une villa au nom prédestiné : la Villa Beaujeu. À cette époque, un deuxième établissement thermal, luxueux, de style mauresque, se greffe au premier, devenu hôtel et restaurant. Une vingtaine de maisons, chalets ou meublés accueillent les baigneurs. La Villa Vidart, elle, a gagné deux ailes, pour devenir le premier établissement de luxe de Divonne. Elle est suivie par le Grand Hôtel (1901) et le Nouvel Hôtel (1906), dont la fréquentation majoritairement américaine lui vaudra le surnom de «Chicago».

JACKPOT !

À la fin du XIXe siècle, la Société des Bains a ouvert son capital à des investisseurs extérieurs à la famille Vidart. Parmi eux, les Goudart, des diamantaires propriétaires du moulin David -toujours visible au centre du village- qui, transformé en usine électrique, alimentera les thermes et les grands hôtels jusqu’à la fin des années 1990. Sous leur impulsion, après la Première Guerre, de gros investissements sont lancés pour faire de Divonne une station mondaine : un terrain de golf est inauguré en 1931, en même temps que l’hôtel du même nom, bâti en lieu et place de la Villa Vidart.
Cette orientation luxueuse perdure après-guerre, orchestrée par l’ancien résistant Marcel Anthonioz, maire de la ville 30 ans durant. Il transforme le Château de Divonne en hôtel-restaurant de grand standing, entreprend le rachat des biens de la Société des Bains et l’ouverture d’un casino, dans un ancien hôtel en 1954, le premier avait fermé au milieu des années 30. Ce nouvel édifice redessine entièrement le cœur de la commune, il en devient surtout le poumon économique.
Son ouverture correspond au début d’une forte croissance de la population divonnaise, relativement stable depuis plus d’un siècle. La proximité de la Suisse, où les casinos sont longtemps interdits, en fera le 1er de France jusqu’en 2000 ; avec ses 300 salariés il est, aujourd’hui encore, le plus gros employeur du Pays de Gex. Supplantant même les thermes, dont le rôle dans l’économie locale est à l’image de leur situation géographique : ils sont éloignés de la place centrale en 1962 et installés dans un nouveau bâtiment. Bâtiment qui accueille désormais l’Hôtel de Ville et ce, depuis 1990, date à laquelle le complexe thermal a une 4e fois déménagé dans un nouvel établissement, un peu plus éloigné encore.

Casino de Divonne (©mairie de Divonne)

À COURT THERMES

Aujourd’hui, s’il reste encore quelques belles villas”, conclut le maire Vincent Scattolin, “avec la proximité de Genève, la croissance de l’emploi, la forte pression démographique et foncière, on a vu peu à peu disparaître les caractéristiques de la ville thermale. Par le biais d’une charte architecturale, nous voulons donner à la ville un nouvel essor, lié au thermalisme : c’est un travail de dentelle, de matériaux, de détails, comme imposer un jardin devant les nouveaux bâtiments afin de l’aérer, favoriser la présence de l’eau en ville, être attentif aux toitures, remettre des marquises… Nous allons aussi engager la rénovation des thermes, pour faire de cette architecture fonctionnelle des années 80, un endroit chaleureux, accueillant, adapté aux besoins des curistes et aux nouvelles contraintes environnementales. Le tout pour redonner son lustre à la ville.

*Le Thermalisme dans le Grand Sud-Est de la France (Marc Boyer – Presses universitaires de Grenoble – 2005)
Avec l’aide d’Annie Grenard, historienne locale

+ d’infos : http://racontemoidivonne.com

VILLES THERMALES : EVIAN-LES-BAINS

VILLES THERMALES : EVIAN-LES-BAINS

HAUT LES BAINS !

Plus besoin de se déplacer jusqu’aux bords du Lac Léman, où que vous soyez dans le monde, l’eau d’Evian arrive jusqu’à vous. Mais à l’origine, le mouvement était inverse : on se déplaçait du monde entier -de toute l’Europe en tous cas- pour profiter des bienfaits des thermes d’Evian-les-Bains.

Etablissement Thermal début XXe siècle ©Archives municipales d’Evian, 1 Fi 3650
Établissement thermal devenu Palais Lumière aujourd’hui ©Elenarts

« Evian n’est pas qu’une bouteille« , avait l’habitude de dire Marc Francina, maire de 1995 à 2018, d’une ville qui existait, en effet, avant la découverte de ses sources. “À la fin du XVIIIe siècle, c’est d’ailleurs la 2e ville du Chablais, un gros bourg rural, tourné vers son arrière-pays, avec des maisons aristocratiques, une bonne bourgeoisie, des médecins, des juristes, des notaires…”, décrit Françoise Breuillaud-Sottas, docteur en histoire à l’Université de Savoie. Et son aventure thermale commence à… Amphion. Les eaux ferrugineuses renommées de ce hameau voisin attirent en effet la noblesse de France, d’Angleterre et de Savoie, mais elle est hébergée à Evian. Parmi eux, le Comte de Laizer, homme de science officiellement curiste, noble auvergnat fuyant en fait la Révolution Française, qui souffre de calculs rénaux. Il réalise que ce n’est pas l’eau d’Amphion qui lui fait du bien, mais celle qu’il consomme au quotidien, plate et faiblement minéralisée, issue de la source du jardin de son logeur, M. Cachat. Il l’encourage à l’exploiter. À la veille du XIXe, ce dernier embouteille et achemine donc son eau, souvent gratuitement, en même temps qu’il installe chez lui quelques baignoires. Mais le premier véritable établissement thermal est construit en 1826, rue Nationale, à l’emplacement de l’actuelle Buvette Cachat, par un homme d’affaires genevois qui lui rachète l’exploitation. Il comprend l’Hôtel des Bains, des appartements, un salon pour le jeu, la conversation, la lecture de journaux et la musique. Il communique avec une galerie longue où ont lieu les bals*. Comme le veut l’époque, les distractions font partie intégrante de la cure.

Terrasse de la Buvette Cachat aujourd’hui ©Michal Ludwiczak
et au début du XXe siècle ©Archives municipales d’Evian, 1 Fi 5778

ROYAL DE LUXE

Avec la découverte de nouvelles sources à proximité (Bonnevie, Corporeau, Cordeliers…), l’activité thermale prend de l’ampleur. La ville aussi, qui s’urbanise par touches successives autour de son cœur médiéval. En 1856, elle compte quatre grands hôtels qui s’avèreront vite insuffisants : au moment du rattachement de la Savoie à la France, le nombre de curistes dépasse en effet le nombre d’habitants ! Bientôt sont aménagés un jardin anglais (1862), la jetée du port (1864), les quais (1865), ainsi qu’une promenade qui relie les différents éléments de la cité*. De nouveaux hôtels poussent en front de lac et le Baron de Blonay, maire de la ville, impulse la création de structures d’accueil municipales, dont un théâtre, et le casino installé dans son propre château. En parallèle, la nécessité de répondre aux exigences d’une clientèle aisée favorise la construction de palaces. À l’image de l’Hôtel Splendide (agrandissement et surélévation, en 1898, de l’Hôtel des Bains), avec sa vue sur le lac et la Dent d’Oche, rendez-vous d’une société triée sur le volet, qui accueillera notamment Gustave Eiffel, Sarah Bernardt ou Marcel Proust ; ou plus tard (1909), le Royal sur les hauteurs de la ville, marqué par le style anglo-normand qui fait fureur à cette époque dans les établissements de la côte normande*. Comble du luxe et de la modernité, au sous-sol, un vestibule conduit à la station du funiculaire : transportant une clientèle aisée vers le centre-ville et les thermes, l’engin, qui dessert aussi le Splendide et l’Ermitage, fluidifie la circulation de bas en haut de cette station construite à flanc de coteaux.

BOIRE OU SE DIVERTIR, IL FAUT CHOISIR !

La station progresse plus vite que l’établissement thermal”, raconte Françoise Breuillaud-Sottas, “qui, même rénové, reste assez basique, avec une cour et des bâtiments très simples. Il accueille à la fois les activités de soins et la buvette, où l’on écoute de la musique, où l’on rencontre des gens. Il devient alors difficile d’accueillir tout le monde. Mais il est racheté par des banquiers français, qui investissent massivement et sollicitent des architectes parisiens renommés pour faire venir du monde.” En 1905, les anciens thermes sont donc démolis pour laisser place à la Buvette Cachat, temple de l’eau, qui reste un lieu de convivialité et de mondanités, avec ses salons et ses concerts. Toute l’hydrothérapie, elle, a été transférée dans un nouvel établissement, sur les quais : une construction en béton armé, dont la façade de briques et de pierres est surmontée d’un dôme, sur une tour carrée de 30m ornée de céramique. Ces nouveaux thermes modernes (piscine chaude, mécanothérapie, électrothérapie) peuvent assurer plus de 1 200 soins journaliers*. Ils ont été dessinés par Ernest Brunnarius, à qui l’on doit également le Splendide. Mais suite à sa disparition dans une avalanche, c’est son collaborateur Jean-Albert Hébrard qui mène le projet à terme. Il concevra ensuite les plans du Royal et ceux du nouveau Casino, bâti sur l’ancien, avec ses allures de «grosse pièce montée byzantine, évoquant la Sainte-Sophie d’Istanbul», comme il est encore présenté aujourd’hui sur son site internet.

Promenoir de la Buvette Cachat, début XXe siècle ©Archives municipales d’Evian, 1 Fi 5959

DE EAU EN BAS ?

Evian connaît donc une croissance fulgurante et se retrouve au rang des premières stations thermales en quelques décennies”, résume Françoise Breuillaud-Sottas. “C’est peut-être la seule à avoir toujours misé à la fois sur l’activité thermale et sur l’eau en bouteille. A la base, c’est la renommée de la station qui fait acheter de l’eau et avec les bénéfices engrangés par la Société des Eaux, qui lui verse des loyers et des intéressements (pour les thermes, le Casino, l’exploitation des sources…), la ville peut valoriser la station, remettre du luxe, des hôtels… C’était un cercle vertueux. Toutes les infrastructures ont donc été créées juste avant la Première Guerre. La fréquentation culmine dans les années 20, mais après la crise de 1929, puis la Deuxième Guerre, il est difficile de relancer l’activité. Le thermalisme n’a plus le vent en poupe. Jusque dans les années 90, Evian devient «la Belle Endormie»”.

Etablissement de bains et les hôtels Splendid, au 2nd plan, et Royal en arrière plan, au début du XXe siècle (©Archives municipales d’Evian, 1 Fi 3728)

SE REMETTRE DANS LE BAIN

Comme dans les autres stations thermales, avec le changement de clientèle de l’après-guerre, les grands hôtels sont convertis en résidences (L’Hôtel du Parc) ou détruits (le Splendide). Une nouvelle buvette, imaginée par l’architecte thononais Maurice Novarina et le designer Jean Prouvé en 1956, regroupe l’ensemble de l’offre thermale. Les anciens thermes, eux, dont la façade principale, le hall d’accueil et le vestibule sont classés, ont été restaurés entre 2004 et 2006. Rebaptisés «Palais Lumière», ils abritent désormais une médiathèque, des salles d’exposition et un centre de congrès et illustrent le souci de la ville de préserver son patrimoine thermal. “Le thermalisme est encore bien présent dans l’esprit des gens. Les premières questions des touristes sont souvent : où sont les thermes ? Où se trouve la source ? Ils sont d’ailleurs toujours surpris de la voir en libre-service”, s’amuse Josiane Lei, maire d’Evian, en pleine révision de son Plan Local d’Urbanisme (PLU). “Il nous reste beaucoup de maisons remarquables (celles des Frères Lumière, dans laquelle se trouve l’Hôtel de Ville, le Petit Châtelet, la Sapinière…) que nous allons continuer à protéger, en réfléchissant plus en termes de périmètre, voire de quartier, plutôt que de parcelles, pour éviter les aberrations. La restauration de la Buvette Cachat est actuellement en cours, intérieur et extérieur, avec l’intention de supprimer la circulation des voitures entre le bâtiment et la source, de l’autre côté de la rue, pour que cette place redevienne, comme elle l’était avant, un espace de promenade, de rencontre ; et nous espérons sauver le cèdre bi-centenaire qui la surplombe, celui-là même à côté duquel Proust s’est fait photographier ! Les travaux du Casino ont également commencé cet automne. Ils devraient lui redonner sa noblesse et se terminer par la rénovation du petit théâtre. Car même si aujourd’hui, on dit souvent Evian tout-court, l’idée est de remettre «-les-Bains» dans Evian.”

*Architectures d’Evian, un patrimoine source d’avenir – Claire Eggs – CAUE74 – Janvier 2007

+ d’infos :
Evian, aux sources d’une réussite, 1790-1914 (Françoise Breuillaud-Sottas-Edition du Vieil Annecy-2008)
Evian mondain, l’âge d’or du thermalisme -Catalogue de l’Exposition à la Maison Gribaldi (Silvana Editoriale-Parution 2018.)

Photo : Toit de la Buvette Cachat et cèdre bi-centenaire, vus depuis la source (©Evian tourisme & congrès -cl. Pascal Leroy Sémaphore)

villes thermales : challes-les-eaux

villes thermales : challes-les-eaux

UN CHALLES DANS LA GORGE

Quand il s’est avéré que sa source malodorante avait des vertus guérisseuses, notamment pour les problèmes respiratoires et ORL, cette petite commune de la cluse chambérienne n’a pas hésité à changer de nom, d’identité, pour assumer son héritage sulfureux et sauver des voix.

L’établissement thermal au début du XXe siècle (© Archives départementales de Savoie, 2FI 36)

Le 12 février 1872, il y a exactement 150 ans, le village rural de Triviers prend en main sa destinée thermale en se faisant rebaptiser «Challes-les-eaux». Depuis plusieurs décennies déjà, un homme, le Dr Domenget, se bat pour faire reconnaître les propriétés de ces fameuses eaux de Challes : leur forte odeur d’œuf pourri trahit une teneur exceptionnelle en soufre. Bues, frictionnées, utilisées en bains ou en gargarisme, elles soigneraient tous les maux ou presque. Jusqu’à présent, elles étaient seulement embouteillées et acheminées par convois de mulets vers Aix ou Chambéry. Mais en cette année 1872, La Société des Eaux, formée de notables savoyards, obtient le changement de nom de la commune et achète le château des Comtes de Challes qu’elle transforme en hôtel. Dans les dix années qui suivent, elle fait construire l’établissement thermal, un édifice sommaire inspiré des chalets suisses, ainsi que le casino, bâti sur pilotis à l’emplacement des marais.

EAU LES CŒURS !

Très vite, les infrastructures se révèlent insuffisantes pour accueillir les milliers de curistes. Dans les premiers temps, des omnibus à chevaux ramènent joueurs et noctambules jusqu’à la gare de Chambéry. La population s’implique progressivement dans l’accueil et les commerces, mais ne délaisse pas tout de suite ses terres. On construit des maisons plus solides, des villas bourgeoises, le centre du village se déplace vers la Route Nationale et l’établissement thermal. Les taxes pleuvent sur les panneaux publicitaires, l’eau exportée, les égouts, les spectacles, les chiens (!), pour financer les équipements, la voirie, l’eau potable… et l’ensemble école-mairie, qui sort de terre en 1888**.
L’activité ne prend une dimension véritablement commerciale qu’au tournant du siècle. De nombreux hôtels poussent alors dans ce bourg où il n’y avait au départ qu’une pension, la Pension Terrasson. Elle devient l’Hôtel de France, alors que le château de Triviers se transforme en Hôtel d’Angleterre. Aucun de ces nouveaux établissements ne fermera pendant la Grande Guerre. Le casino, lui, d’abord converti en hôpital militaire, accueillera ensuite les soldats américains en permission, à l’entrée des Etats-Unis dans le conflit.

PAS SI SULFUREUSE…

Comme partout, l’activité est ralentie par cette crise mondiale, mais Challes semble tarder à sortir de sa torpeur, comme le constate le Dr Vincent, médecin local, dans son guide en 1922 : “Challes est un éparpillement dans la verdure de bâtiments posés au hasard. Elle n’est pas une ville d’eaux. On attendrait un urbanisme classique, de larges avenues, des palaces majestueux ; on trouve des rues de village avec des maisons modestes. On découvre des hôtels posés dans la campagne, des vieux thermes séparés du casino par un petit lac (et le pire), Challes a la réputation d’une station où l’on s’ennuie.”*
C’est à cette époque qu’une riche famille du Beaujolais repend les rênes de la société et lui donne donc une nouvelle impulsion. Elle transforme la station, en même temps que la commune réalise des investissements considérables : rénovation de la voirie, éclairage public, adduction d’eau, ramassage des ordures…
Elle lance aussi la modernisation du casino et une première rénovation des thermes, qui gagnent une verrière, puis une deuxième en 1938, pour en doubler la superficie.
Spécialisés dans les problèmes ORL, les vedettes de l’époque, Louis Jouvet, Tino Rossi, Michèle Morgan, viennent y prendre soin de leur voix.

Le Casino au début du XXe siècle (© Archives Départementales de Savoie)
Le Casino aujourd’hui (© Mairie de Challes)

À BOUT DE SOUFRE ?

La Seconde Guerre Mondiale laisse plus de traces que la Première. La quasi-totalité des 19 hôtels que comptait Challes au temps de son âge d’or, détériorés par les réquisitions, ne rouvriront pas. Ils seront détruits -l’Hôtel de l’Europe a été rasé pour devenir la Place de l’Europe- ou transformés en appartements -Hôtel d’Angleterre, des Bains, Bristol… -. Depuis 1965, le lycée hôtelier s’est installé dans les murs des hôtels Beauséjour et Chateaubriand, seul subsiste le Château des Comtes de Challes. “Dans les années 90, les propriétaires voulaient le vendre”, raconte Julien Donzel, adjoint au Maire en charge de la culture, de l’animation et du devoir de mémoire. “Mais le Maire de l’époque ne voulait pas de projet immobilier ou d’entreprise, et comme il fallait un hôtel 3*** pour conserver l’agrément «ville thermale», c’est grâce à cela que nous avons pu le garder. Il y a aussi deux hôtels plus récents et le camping, le seul de l’agglomération chambérienne, construit pour les curistes il y a 40 ans. Si le thermalisme n’est plus aussi important que dans les années 30-40, voire 80, et que le nombre de curistes a chuté –ndlr : ils représentent aujourd’hui 35 % de la clientèle -Challes reste une station thermale de proximité, mais elle s’est tournée vers le tourisme de loisirs, pour devenir le poumon vert du sud de l’agglo.

*Le Thermalisme dans le Grand Sud- Est de la France – Marc Boyer – Presses universitaires de Grenoble -2005
**La reine du soufre, Challes-les Eaux à travers les siècles – André Dumollard – La Fontaine de Siloé -1993

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