URBANISME : LYON VILLEURBANNE

URBANISME : LYON VILLEURBANNE

LA NOUVELLE PETITE UTOPIE DE VILLEURBANNE

À Villeurbanne, 100 ans après l’édification du quartier des gratte-ciel, le grand projet de solidarité urbaine «L’Autre Soie» veut, lui aussi, inventer son utopie, version 21e siècle.

Entre Villeurbanne et Vaulx-en-Velin, dans le Carré de Soie, une friche de 24 000 m2 autour du CCO –le centre culturel– est en plein chantier pour accoucher de L’Autre Soie. Ce grand projet doté de 70 M d’euros a la particularité d’être estampillé «solidarité urbaine». Il a été conçu pour organiser le «vivre et le faire ensemble», et tenter d’apporter des solutions à certains des défis urbains actuels : pauvreté, exclusion, maltraitance et chômage.
Son objectif est d’enclencher des synergies entre politiques publiques du logement, action sociale, culture et développement économique. C’est le CCO, laboratoire d’innovation culturelle et sociale, implanté depuis 50 ans, qui fait office de pivot naturel pour ancrer cette petite utopie autour de lui. L’institution a été aux avant-postes pour remodeler le site et lui greffer de nouveaux usages. Elle coordonne donc l’opération avec le GIE La Ville Autrement.

Perspective bâtiment Patrimonial Autre Soie

UN COCKTAIL VITAMINÉ

La reconversion et expérimentation urbaine prévoit ainsi la création de 278 logements neufs, tout, sauf uniformes : logements sociaux locatifs et en accession à la propriété, hébergements d’urgence pour les sans-abris et les personnes vulnérables, habitat participatif, foyer… L’ancien IUFM bâti en 1926, grand témoin de l’histoire de l’industrie de la soie, sera conservé et rénové pour accueillir, en 2023, un centre parental et à l’étage, une résidence d’étudiants, y compris pour de jeunes réfugiés dont l’exil a stoppé le cursus.
A cette base chamarrée d’habitats, les artisans du projet ajoutent des incubateurs associatifs et culturels, des espaces pensés pour la formation, l’animation et le coworking, des résidences d’artistes, des services et entreprises promouvant le pouvoir d’agir, des structures d’accompagnement social et psychologique, et même un restaurant solidaire. Cette étude grandeur nature recèle bien d’autres ingrédients positifs, incitatifs, visant à créer du lien et des interactions entre chaque composante, et à favoriser l’insertion, en y associant les habitants des alentours.

Lots A et B
Perspective – Vue d’altitude depuis le parc au sud – Autre Soie

SHOW MOST GO ON !

Dans sa nouvelle mouture, le CCO qui reste plus que jamais en activité durant les 3 ans de travaux, pourra tabler notamment sur la salle de spectacle La Rayonne (1050 places), des studios de danse et de création numérique, un amphithéâtre, dispatchés en différents points du futur ensemble. Des événements réguliers et un festival annuel se chargeront d’assurer les échanges avec les habitants, mais aussi avec le reste de la Métropole. D’autant que c’est à Villeurbanne qu’a échu le titre de Capitale française de la Culture en 2022.

URBANISME : LANCY, suisse

URBANISME : LANCY, suisse

LANCY-PONT… BOUGE !

Accolée à Genève, la commune de Lancy est la 3e du Canton. Avec les 15 immeubles du nouvel ensemble Adret-Pont-Rouge, elle va grossir de près de 2000 nouveaux habitants. Et pour que la mayonnaise prenne, que le quartier vive, il faut tout de suite poser les bonnes bases.

Lancy-Pont-Rouge est la deuxième gare du Léman Express en termes de trafic voyageurs. Conséquence directe de l’arrivée de la liaison régionale, de part et d’autre des voies ferrées, c’est tout un morceau de ville qui est sorti de terre en cinq ans : à l’est, un quartier d’affaires et de bureaux ; à l’ouest, un nouveau quartier d’habitations, qui accueillera, à terme, 1800 personnes. Mais pour éviter que la partie habitée, ce champignon urbain, ne pousse de travers, sa conception et son développement ont fait l’objet d’attentions inédites.

ADRET PONT ROUGE CARTE D’IDENTITÉ
>Nb de logements à terme : 640 dont 80% d’utilité publique
>Nb d’habitants à terme : 1800
>Typologie de bâtiments : une résidence senior, une résidence étudiante, des logements locatifs, des propriétés par étage, une école, un parc.

©Eric Chatelain / Architectes Lopes Perinet Marquet

DIVERSITÉ ET PERMÉABILITÉ

Premier élément, il n’y a qu’un seul pilote aux commandes du projet : la Fondation pour la Promotion du Logement bon marché et de l’habitat Coopératif (FPLC). Sa vocation ? Accroître le parc de logements d’utilité publique (les LUP, à loyers modérés, abordables ou protégés), jusqu’à ce qu’il atteigne 20% du parc locatif du Canton de Genève. Elle acquiert donc des parcelles, puis les développe, collabore à la réalisation des plans d’aménagement des quartiers, avant de les remettre à des coopératives d’habitation ou les revendre à des fondations immobilières cantonales ou communales de droit public.
En 2012, elle se porte acquéreur d’une parcelle de friches ferroviaires de 62 000 m2 à Lancy. “A la base, la FPLC est une petite fondation”, explique son secrétaire général, Damien Clerc. “Nous travaillons plutôt sur des lots de 1000 à 3000 m2, que nous proposons à des coopératives. Là, c’est une première, une sorte de test, et une grosse prise de risque !” Car si elle remet les premiers lots, soit quatre bâtiments, à la commune de Lancy, au bénéfice de ses fondations pour le logement de personnes à revenus modestes et personnes âgées (voir encadré), elle garde la maîtrise d’ouvrage sur six bâtiments et lance un concours d’architecture. “Il n’y avait pas de charte, les architectes étaient assez libres, mais nous avons fait en sorte qu’il y ait une cohérence d’ensemble, dans les aménagements extérieurs aussi, qu’il n’y ait pas de haies par exemple, ni de barrière ou de différence de niveau, mais une véritable perméabilité du quartier.” Parmi ces bâtiments, une résidence étudiante, une coopérative d’habitation et quatre immeubles de logements en Propriété Par Etage (PPE), dont la vente permet à la FPLC de rentabiliser l’opération et d’assurer la diversité des types de logements, donc des profils d’habitants. Car il s’agit bien là d’une de ses préoccupations principales.

© Maitres d’ouvrage FCLPA + FCIL / Architectes, TRIBU architecture sa©Michel Bonvin

COHÉSION ET MIXITÉ

Il y a une volonté étatique de prévoir de la mixité dans chaque quartier à Genève, mais ici, il y a eu des vrais échanges en amont autour du vivre ensemble”, commente Sylvie Fischer, elle-même propriétaire d’un appartement. En 2018, avant même que ne s’installent les premiers habitants, elle contacte la FPLC pour impulser cette dynamique. Son envie rencontre celle des fondations partenaires et aboutit à la création d’une association de quartier, deuxième élément crucial dans le bon développement de ce nouvel ensemble. “Le fait que les maîtres d’ouvrage fassent partie de l’association montre qu’il y a une volonté portée par tous, que ce n’est pas une démarche en réaction contre quelque chose, ou par revendication, comme c’est souvent le cas.
En 2018, après les élections cantonales, un nouveau département de la Cohésion Sociale a vu le jour, avec l’objectif de créer, dans ces quartiers «champignons», une réflexion sur la qualité de vie”, complète Claude Dupanloup, membre de la Fondation pour le Logement des Personnes Agées (FCLPA) et secrétaire de l’association. “Le plan de Cohésion Sociale a donc permis de financer un poste de coordinatrice de quartier”. Un projet-pilote, en test pour deux ans, troisième balise dans cette volonté de donner au nouveau quartier un socle solide.

COORDINATION & VIE DE QUARTIER

Depuis septembre 2020, date des premiers emménagements, Odile Magnenat tient donc une permanence 2 fois par semaine. Elle répond aux questions sur les avancées des travaux, sert d’interlocutrice principale entre les habitants et les services communaux, coordonne les animations. Une première grande fête a déjà eu lieu cet été et une première assemblée générale s’est tenue mi-octobre. “Tout ce qui y a été évoqué, comme l’ouverture des commerces le week-end, ou la signalétique piétons/cyclistes, s’accompagne de solutions. C’est un endroit qu’il faut faire vivre, mais tout le monde a envie d’y mettre du sien, de «faire quartier»”, s’enthousiasme la coordinatrice.
D’ici l’année prochaine, les cinq derniers bâtiments du programme seront livrés et investis par 600 habitants supplémentaires. Après ses abris vélos recouverts de lierre, ses liaisons piétonnières, ses 146 essences d’arbres et ses noues paysagères, le quartier de l’Adret accueillera un élément ultime et fondamental dans la création du lien social : une école.

RÉSIDENCE L’ADRET : UN HABITAT SENIORS NOUVELLE GÉNÉRATION
Dans le quartier de Pont-Rouge, on veut mélanger les origines, les statuts sociaux, les générations, et c’est certainement entre les murs de la résidence Adret, construite par la Fondation Communale pour le Logement des Personnes Agées (FCLPA), que cette dernière volonté est la plus flagrante. Dans le même bâtiment cohabitent en effet des seniors, logés dans un habitat «évolutif» soumis au barème HLM, et des étudiants, qui s’engagent à consacrer chaque mois 5h de leur temps à une présence régulière auprès des anciens ou à des tâches d’intérêt général. Les 143 logements sont plutôt petits, afin d’inciter les gens à vivre dehors et à se rencontrer, dans les espaces imaginés à cet effet comme la terrasse, la salle polyvalente, les ateliers ou le salon-lavoir. Pour accompagner les parcours de soins, le bâtiment propose les services d’un centre de santé, d’un cabinet de physiothérapie et d’une Unité d’Accueil Temporaire et de Répit (UATR), sorte de maison de convalescence, de 8 lits ; il abrite également une crèche de 56 places et un restaurant, ouvert au public, qui propose de la livraison de repas à domicile pour les locataires.

Photo : Eric Chatelain / Architectes Lopes Perinet Marquet

URBANISME en chablais

URBANISME en chablais

DES NOUVELLES DU CHABLAIS

Pôles structurants du Bas-Chablais, les villes de Bons-en-Chablais, Douvaine et Sciez sont identifiées, dans le Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUi), comme des «polarités principales», amenées à accueillir une part majeure du développement démographique. Où en sont-elles aujourd’hui ?

SCIEZ SE MET EN CONFORMITÉ

173 000 €, c’est le montant de la pénalité annuelle dont doit s’acquitter la nouvelle municipalité, déclarée en état de carence par la préfecture de Haute-Savoie. En effet, sur les trois dernières années du mandat précédent, seuls 11 logements sociaux ont été agréés au lieu des 126 imposés par la loi SRU. “On reprend donc certains projets”, explique Cyril Démolis, le jeune maire élu en 2020, “et on demande au moins 40% de logements sociaux sur les nouveaux programmes, voire 100% sur les plus petits de 20-25 logements. Mais il ne faut pas faire n’importe quoi, sinon, dans 15 ans, on est une cité dortoir !” D’ici 2025 donc, un projet de renouvellement urbain, derrière la mairie, accueillera 57 logements, une résidence seniors, un parc urbain et 400m2 de surfaces commerciales ; la dent creuse en contrebas de l’église verra pousser 100 logements dont 50% aidés, avec également des espaces verts, un parc public, des déplacements piétons ; et 120 à 130 logements, ainsi qu’une crèche de 20 berceaux seront construits à Bonnatrait.
Pour répondre aux besoins de service directement liés à cette croissance, le nouveau groupe scolaire des Crêts devrait également ouvrir en 2025 -l’ancienne école sera récupérée par les associations locales-, les travaux de l’école de musique, dont le permis est signé, devraient commencer en janvier prochain et le nouveau gymnase, à côté des terrains de tennis en cours de couverture, devrait être livré en juin 2022.

BONS FAIT UNE PAUSE ET RÉFLÉCHIT

En quelques années, Bons-en-Chablais a changé de physionomie et c’est rien de le dire. L’urbanisation croissante de la ville a d’ailleurs souvent été pointée du doigt. Et s’il reconnait que la municipalité ne peut malheureusement pas tout maîtriser, le nouveau maire, Olivier Jacquier, a tout de même tiré le frein à main. “Il y a une forte tension sur l’eau potable, l’école craque, il n’y a pas d’espaces pour les jeunes… La ville pousse, mais il n’y a pas forcément de vie après le travail, il y a toute une dynamique communale à créer, c’est un des enjeux de ce mandat”, pendant lequel la population bonsoise pourrait passer de 6000 à 8500 habitants. “Pour le moment, nous n’accordons donc plus de permis pour de grands ensembles et ne réaliserons pas la 3e tranche du quartier des Prés de la Colombière, afin de rendre cet espace aux habitants. On doit anticiper la ville de demain, dans le sens du bien vivre, des déplacements verts, de la préservation du patrimoine.
Accompagnée par le CAUE 74, la commune s’est donc lancée dans une étude d’une année, pour aboutir à un schéma directeur, mais certains besoins sont déjà clairement identifiés, comme l’agrandissement du groupe scolaire, la re-dynamisation du centre-bourg -plusieurs commerces de bouche vont occuper les arcades du nouveau quartier des Prés de la Colombière, la municipalité souhaiterait également voir s’y ouvrir une brasserie- et la création d’un centre de santé. “Nous aimerions opter pour une solution publique avec des médecins salariés, généralistes et para-médicaux, sur une parcelle achetée par la mairie en 2014, mais avant la construction du bâtiment, ils seront installés dans un local de 400m2 au pied du nouvel ensemble.

DOUVAINE DENSIFIE

On ne va plus consommer de foncier agricole, alors que nous avons vocation à accueillir encore du monde, puisque nous sommes un des pôles à densifier”, résume Claire Chuinard, maire de Douvaine. “On part donc plus sur du renouvellement urbain en centre-ville, mais pas dans le cœur historique, pour des petits collectifs sur 1000-1500m2 de terrain. Et on ne délivre plus de permis de construire individuels.” Comme Sciez, mais dans une moindre mesure, la municipalité doit mettre l’accent sur le logement social : “on est à 16% sur les 25 attendus par la loi SRU et pour rattraper un point, c’est dur ! Mais ça nous intéresse aussi de pouvoir loger des gens qui n’y arrivent pas, il n’y a pas forcément que des frontaliers, ici.
Côté services, Douvaine espère voir démarrer, en 2023, la construction de la piscine intercommunale, un projet de Thonon Agglomération sur un tènement, à côté du collège, qui appartient déjà à la communauté d’agglo. Projet sur lequel la commune s’adossera pour faire bâtir son nouveau gymnase. Dans le même temps, elle rénove d’anciens et fait construire de nouveaux terrains de tennis couverts et lancera l’édification d’une nouvelle bibliothèque-ludothèque à côté de la Mairie. Elle a également rassemblé son pool de médecins dans la maison médicale qui sera inaugurée fin novembre.

VISITE DE MAISON… ET D’HISTOIRE

VISITE DE MAISON… ET D’HISTOIRE

HÔTEL RESTAU

Un hôtel particulier, en plein cœur du quartier historique de Chambé, des poutres centenaires, des plafonds voûtés et du parquet racé… de quoi donner du caractère à une rénovation éclairée.

Avoir un coup de foudre pour un bâtiment vieux de plusieurs siècles, c’est un peu comme tomber amoureuse après 45 ans : on se doute que l’objet de nos désirs a vécu plusieurs vies -sinon c’est louche…-. Si, depuis sa rénovation en 2014, Marie-Elisabeth est la première propriétaire de ce 180m2 à deux pas du Château des Ducs de Savoie, elle sait donc bien que l’endroit, à l’origine très bourgeois, s’est ensuite encanaillé pendant plusieurs années, qu’il a ensuite connu une période presque trop rangée, avant de retrouver finalement sa superbe.

Tout le monde à Chambéry connaît l’Hôtel de Morand. Une famille aristocrate locale s’y établit et lui donne son nom au XVIIe siècle. En 1786, après une cour longue de 6 ans, qui lui vaudra le surnom de «Madame Prudence», Françoise-Marguerite de Morand épouse le célèbre sénateur savoyard contre-révolutionnaire Joseph de Maistre, dont la statue trône sur la place du Château. Voilà pourquoi tous les Chambériens connaissent Madame de Morand et son hôtel. C’est peut-être aussi parce qu’avec son passage entre deux rues et ses ferronneries travaillées, il fait partie des visites du patrimoine de la ville. Ou encore parce que la Mairie de Chambéry y avait installé, au début des années 90, ses services du personnel. Ou simplement parce que, 20 ans plus tard, il a fait la Une de la presse régionale au moment de l’expulsion des squatteurs qui avaient investi ses étages désertés. Quoi qu’il en soit, tout le monde à Chambéry connaît l’Hôtel de Morand.

PASSER AU PRÉSENT

Quand Marie-Elisabeth s’y installe, en 2015, l’ensemble a été entièrement restauré. C’est Patrick Bellemin, marchand de biens, passionné d’histoire et d’antiquités, qui en a fait l’acquisition quelques années plus tôt. “Une poutre du XVIIe avait cédé, tout le bâtiment avait été évacué et abandonné depuis plus d’une décennie”, raconte-t-il. “Il fallait prévoir de gros travaux de structure, refaire des dalles, à la fois pour la solidité de la construction, mais aussi pour la sécurité incendie. Le tout en préservant les plafonds à la française, car les architectes des bâtiments de France nous imposaient de les conserver. C’était une rénovation extrêmement complexe et lourde, on a dû retirer près de 200 tonnes de gravats.” Avec l’aide de l’architecte Benoit Chambre, spécialisé dans la réhabilitation de bâtiments anciens, ils étudient les archives, retrouvent des plans vieux de quatre siècles, s’attellent “à faire revivre ce lieu, le faire revenir un peu comme à l’origine”. A l’origine, justement, le rez-de-chaussée abritait des boutiques de menuisier, cordonnier, serrurier et autres tourneurs. Madame de Morand, elle, occupait le deuxième étage et louait le reste de l’immeuble. Aujourd’hui, Marie-Elisabeth vit au premier. Ce qui frappe, pour un appartement de 180 m2 qui n’a pour horizon que les immeubles de l’autre côté de la rue ou les rideaux du voisin d’en face, sur la cour, c’est sa luminosité. Les immenses fenêtres -quatre dans le salon !- jouent parfaitement leur rôle, aidées par les hauts plafonds d’origine, dont les poutres apparentes structurent le vaste volume du salon. En suivant leurs lignes, on découvre d’ailleurs de charmantes imperfections : rares, en effet, sont les angles de cet appartement qui soient vraiment droits ! C’est l’avantage de l’ancien, rien n’y est standard.

MATCH DE VOÛTES

Deux traits singuliers finissent de dessiner la morphologie particulière de ce logement multi-centenaire. Dans la chambre principale, première surprise : une voûte en pierres, incrustée dans le mur au-dessus du lit. Elle laisse imaginer une ancienne ouverture sur le bâtiment mitoyen : “on parle de XVIIe, mais les bases sont certainement plus anciennes”, commente Patrick Bellemin, “dans le local à vélo au rez-de-chaussée, par exemple, il devait y avoir une cuisine, car il reste une énorme cheminée du XVe siècle !” Dans la petite chambre qui donne sur la rue et dans sa salle de bain attenante, deuxième surprise : des plafonds avec voûtes croisées d’ogive. A la place de ces pièces devait aussi se trouver une cuisine, dont le plafond en pierres aurait empêché la propagation du feu en cas d’incendie. C’est en tous cas l’hypothèse du marchand de biens. Vestige du passé également, le parquet de l’actuelle cuisine, presque-Versailles-mais-pas-tout-à-fait, ménage lui aussi ses effets : assemblé en carrés, ses diagonales ne sont pas entrelacées comme on les attendrait, mais les veines du noyer, aux teintes très contrastées, dessinent des motifs irréguliers et incroyablement modernes. Au siècle précédent, une cheminée réchauffait la pièce. Il n’en reste aujourd’hui que la dalle foyère -la plaque de pierre, scellée dans le sol, qui sert à protéger le parquet des projections de braise-, mais encore faut-il la deviner… Dans la plus pure tradition de Chambéry, ville du trompe-l’œil, Patrick Bellemin l’a peinte lui-même aux couleurs du bois. Marie-Elisabeth, elle, y a installé une déco sobre, pimentée par les pièces-souvenirs rapportées de ses années en Asie. C’est certainement ce qui a fait qu’elle se sente bien ici, car elle aussi a eu plusieurs vies…

+ d’infos : http://espaces-atypiques.com (en vente à Chambéry)

Photos : Lilian Chapel pour Espaces Atypiques

URBANISME : LYON passe au vert

URBANISME : LYON passe au vert

FEUILLE DE ROUTE

Plus de végétal et moins de béton dans les espaces publics, mais une densification urbaine quand même, des projets plus solidaires, Lyon et sa Métropole voient désormais la vie… en Verts.

On ne vous apprend rien : à Lyon, Les Verts ont remporté, aux dernières élections municipales, la Mairie centrale et la Métropole. Si certains chantiers de l’ère précédente continuent à dérouler leurs infrastructures programmées, comme à la Part-Dieu -construction d’une tour supplémentaire, agrandissement de la gare et du centre commercial-, les impétrants ont mis le holà ou revu à la baisse plusieurs grands projets. L’époque est à un rééquilibrage au profit de la vie de tous les jours et des habitants, plutôt qu’une ambition vers un plus grand rayonnement de Lyon.
Ce que souhaite la majorité municipale et métropolitaine, c’est ourler de verdure une agglomération qui, par ailleurs, connaît une crise de croissance et donc d’identité. Avec cette délicate ligne de conduite à tenir : densifier la ville, tout en augmentant la part de la nature dans les communes du Grand Lyon. Fer de lance de cette politique équilibriste, un PLU-h revu et corrigé prévoyant notamment des constructions moins denses et la création d’espaces végétalisés dans tout nouveau projet d’aménagement urbain, sans qu’il soit encore spécifié dans quelles proportions. Il s’agit d’éviter des opérations immobilières telles que celle de l’ancien Centre Livet, entre la Croix-Rousse et Caluire-et-Cuire, qui a conduit à la bétonisation de la parcelle. Quid de l’habitat individuel qui disparaît à vue d’œil au profit d’immeubles ? Il crée pourtant des respirations en ville, et participe au patrimoine architectural et historique lyonnais.

Mail et jardin paysagé, Sathonay ©Laurence Danière

CURE COMPLÈTE DE CHLOROPHYLLE

Début 2021, La Métropole de Bruno Bernard a voté les 44 M d’euros de son «plan Nature», qui comprend plusieurs angles d’attaque. Objectif principal : développer la canopée, soit le couvert végétal du territoire, car entre températures caniculaires et qualité de l’air médiocre, la Métropole finit par suffoquer. Principaux alliés désignés : les arbres. Grâce à l’ombre qu’ils procurent, mais aussi à l’humidité qu’ils restituent, ces géants agissent comme climatiseurs naturels, en plus de piéger le carbone durant leur croissance. La désimperméabilisation de terres est également au programme. Les secteurs débarrassés de leur bitume permettront aux eaux de pluie de rafraîchir elles aussi l’ambiance, tout en alimentant les nappes phréatiques.

Le Bois de Sacuny sentier promeneurs ©Thierry Fournier

BAINS DE FORÊTS URBAINES

Dans les zones ciblées comme étant insuffisamment boisées, des forêts urbaines seront plantées. C’est déjà le cas entre l’aéroport de Bron et la porte des Alpes où 2000 arbres, 6000 arbustes se sont enracinés. A la pointe d’une ZAC, à Sathonay-Camp, un arboretum d’une centaine de sujets est apparu. Les Verts ont à cœur de bichonner la périphérie, oubliée selon eux par les politiques précédentes de développement économique et territorial. Les parcs, les sentiers de rando feront aussi le plein d’essences pour augmenter le nombre d’arbres en zones urbaines et péri-urbaines…
En plus des traditionnels arbres d’alignement qui tracent des perspectives, les élus ont commencé à ajouter des traits d’union champêtres de plus petites tailles dans les interstices -arbustes, haies et parterres. Autant d’abris pour la biodiversité qui enjolivent le décor. D’ailleurs, dans l’espace public, les friches, les terrains inoccupés seront transformés en prairies temporaires ou pérennes, buffets garnis fleuris destinés aux pollénisateurs. Douze parcelles appartenant à la Métropole se sont ainsi ensauvagées en 2020.

Plantation d’arbres à St Priest ©ESoudan

AUTOROUTES À BESTIOLES

En s’appuyant sur la trame bleue et verte du PLU-h, l’idée est de pousser la logique jusqu’à relier certains espaces naturels entre eux via un réseau de corridors écologiques, sorte de métro sûrs et rapides pour les vertébrés et invertébrés peuplant nos cités. La restauration d’un peu plus de 10 «continuités écologiques» est visée grâce à la suppression d’obstacles, la création de passages à faune et la maîtrise foncière. Dernier grand axe de travail du plan Nature, «la reconquête écologique» c’est-à-dire la végétalisation des copropriétés collectives publiques et privées. Un gisement à exploiter puisque selon la Métropole, «70 % de la végétation métropolitaine, hors champs cultivés et forêts, relève du domaine privé». A vos bêches !


Image : Thierry Fournier

DEUXIÈME FOI

DEUXIÈME FOI

SACRÉES RECONVERSIONS

A Catillon-Fumeton, dans l’Oise, l’église est devenue mairie : Don Camillo se retournerait dans sa tombe ! Partout en France, des lieux de culte, désertés, changent d’affectation et, à défaut de révélation, doivent trouver une nouvelle vocation… Si Dieu le veut.

Un restaurant et une galerie dans une chapelle… Un hôtel dans le couvent. La reconversion des Capucins, à Annecy, fait grand bruit. Désacralisé en 2013, l’édifice était pourtant déserté depuis longtemps. Mais une église n’est pas qu’un lieu de culte, dans un quartier ou un village, c’est également un repère. “Elle a une valeur patrimoniale”, résume Arnaud Dutheil, directeur du CAUE 74, “ce n’est pas qu’un bâtiment isolé, elle appartient à un ensemble qui forme une identité historique. Et plus la transformation est radicale, plus c’est difficile. Il est compliqué de toucher au sacré.” La tendance n’est pourtant pas récente. Pendant la Révolution Française, de nombreux lieux de culte ont été transformés en greniers à pain, prisons, hôpitaux ou caves viticoles. Beaucoup ont également «travaillé» pour l’industrie textile, comme ce fut le cas de l’Eglise des Italiens, au cœur de la capitale haut-savoyarde, transformée au XVIIIe siècle en fabrique d’indiennes, tissus de coton peints ou imprimés, qui employa jusqu’à 360 personnes. Elle abrita ensuite un dépôt de charbon, une boulangerie et même des logements.

A Ugine, l’église du Sacré Cœur des Fontaines est devenue Curiox.

TOMBÉES DU CIEL

Aujourd’hui en France, une trentaine d’édifices sont transformés chaque année. Pour l’être, ils doivent d’abord passer par la case «désacralisation», soit une messe, donnée après approbation de la désaffection par le diocèse, quand le bâtiment répond à trois conditions : la non-célébration du culte pendant plus de six mois consécutifs ; l’insuffisance d’entretien mettant en péril la conservation de l’édifice et la sécurité du public ; le détournement de l’édifice de sa destination cultuelle. Depuis 1905, 277 édifices religieux auraient été désacralisés, ne représentant finalement que 0,6% des plus de 40 000 églises et chapelles françaises. Se pose ensuite la question de leur destruction ou réaffectation. Plus un territoire a été préservé des guerres, mais aussi de la croissance démographique ou financière, plus ses églises sont anciennes. Autant dire qu’elles sont donc rares sur le nôtre ! Et plus une église est ancienne, plus son contenu spirituel est fort et ses volumes difficilement adaptables. Elle a donc toutes les chances d’être protégée par une inscription aux monuments historiques. Mais à toute règle, il y a des exceptions. A Etrembières (74) par exemple, Notre-Dame-de-la-Paix, construite par Maurice Novarina entre 1964 et 1967, a été classée en février dernier. La commune, qui souhaitait en assurer la sauvegarde, l’a rachetée après sa désacralisation en 2009, et y prévoit l’installation d’un espace culturel. La re-qualification reste le meilleur moyen d’éviter la destruction.

Ancienne chapelle du XIIe à côté de Lyon, devenue habitat individuel. ©Studio Erick Saillet

INSPIRATION CULTU(R)ELLE

Comme Notre-Dame-de-la-Paix, la majorité des églises démolies et fermées datent d’ailleurs du XXe siècle, souvent de l’après-guerre. Ce sont les premières vendues par les diocèses. Plus fonctionnelles, elles sont pourtant plus faciles à convertir.
A Ugine (73), l’Eglise du Sacré-Cœur des Fontaines, est devenue Curiox, Centre d’Art Contemporain, en 2019. “C’était une église un peu spéciale, construite par Claude Fay en 1959, à la demande des ouvriers des aciéries”, raconte Agnès Chevalier-Gachet, adjointe au maire en charge des projets culturels. “L’usine a fourni les parcelles et ils ont contribué financièrement à sa construction. Pour sa rénovation, on voulait garder les caractéristiques du lieu : on a conservé les matériaux bruts tels qu’ils avaient été pensés par l’architecte, ainsi que les boisseaux, même si les vitraux ont été détruits. Un module central, suspendu, permet de régler les problèmes d’acoustique, de chauffage et même d’éclairage. La grande ouverture vitrée, en façade, facilite le dialogue entre l’intérieur et l’extérieur. Quand les gens d’ici passent la porte, il y a une charge physique et émotionnelle, une intensité, ils sont contents de voir revivre ce lieu.

Ancien couvent de la Visitation à Thonon-les-Bains. ©Annik Wetter

RETOUR À LA VIE

Pour leur seconde vie, la plupart des bâtiments religieux donnent donc dans le service public, comme l’ancien couvent de la Visitation à Thonon-les-Bains ou l’église de Jujurieux dans l’Ain, repensés en espaces culturels. Seuls 2% s’encanaillent et vivent la nuit. La transformation en habitation par des particuliers, elle, assez récente, reste confidentielle. “Il y a de grosses contraintes comme le positionnement des vitrages par exemple”, explique Arnaud Dutheil, du CAUE 74. “Mais ce sont les mêmes contraintes que pour un château médiéval : a priori, on ne l’achète pas pour boucher les douves et raser les créneaux : on fait avec. Dans une église, une des qualités, c’est le travail de l’espace et de la lumière ; si on cloisonne et qu’on remet des étages, on perd cette qualité ; il faut travailler l’espace.” C’est exactement ce qu’a fait l’architecte d’intérieur Stéphane Millet quand on lui a confié la rénovation d’une chapelle du XIIe siècle, à côté de Lyon : “l’idée, c’était de retrouver les volumes d’origine, les éléments forts. C’était une petite église de campagne, sans fioritures, mais la structure et les voûtes étaient encore là. On n’a pas cherché à faire du sacré pour le sacré, avec des croix et des vitraux, on a même tout fait pour l’oublier, mais quels lieux ont ces volumes, ces pierres ? Il est là, le sacré.
Il serait dommage de ne pas en profiter. Avec le regroupement des paroisses, un tiers des églises actuelles pourraient être réaffectées dans les décennies à venir, il devrait donc y avoir de plus en plus d’occasions de passer une soirée à l’autel…

A QUI APPARTIENNENT LES EGLISES ?
Depuis la loi de 1905, dite de séparation des églises et de l’Etat :
– En dehors des cathédrales qui appartiennent à l’Etat, la propriété des édifices antérieurs à 1905 est concédée aux communes, à qui échoit également l’obligation de les entretenir. Si une commune veut démolir une église, elle doit soumettre à l’évêché, qui a toujours la jouissance des lieux, un devis détaillé de leur restauration complète, ainsi que la proposition de la construction d’un «oratoire» ou «lieu de mémoire», moins cher.
– les édifices construits depuis 1905, eux, demeurent la propriété d’associations diocésaines – ou de particuliers, le cas échéant.

Image : Chapelle et couvent des Capucins, Annecy ©Geronimo Architectes

Sources :
– Vademecum N°3 : «Les Lieux de Culte – Conserver, restaurer, valoriser et reconvertir» par le Patrimoine Auralpin. 2017
– «Réflexion sur la reconversion des lieux de culte au cours de l’histoire» Philippe Cieren – Pierre d’Angle, le magazine de l’Association Nationale des Architectes des Bâtiments de France. Décembre 2014

Pin It on Pinterest