de toutes les matières…
C’est la soie qu’elle préfère… Le foulard, Sophie Guyot en a fait son étendard. Mais attention, rien à voir avec cette chose figée pendue au cou d’une tante à moustaches croisée aux grandes occaz. Sus au monopole du carré bourgeois ! Avec cette créatrice lyonnaise, docteur ès teintures, l’écharpe en soie en voit de toutes les couleurs, de toutes les longueurs, et prend même de drôles de plis….
Sophie Guyot incarne la Lyonnaise d’Epinal : aussi discrète que volontaire. Elle a cette autorité naturelle. Nul besoin de monter le son. Idem pour son atelier des Pentes de la Croix-Rousse pas tape à l’œil pour un sou. C’est une fois à l’intérieur que celui-ci en prend pour son grade. Festival technicolor. Des dégradés de bleus, de verts, de jaunes… Pourtant, quand ils débarquent chez elle, les futurs objets textiles et écharpes ne sont encore que d’anonymes tissus blancs qui attendent leur heure en tournant en rond sur des rouleaux. Car avant de passer entre les mains de Sophie Guyot, la soie est immaculée. “La teinture est ma première compétence”, acquise au lycée La Martinière Diderot, puis en Angleterre, pays qui dispose d’équipements extra pour jouer les apprentis sorciers. La Jurassienne a même été peaufiner son art de la couleur en Mauritanie, un an durant. “J’ai été émerveillée quand j’ai découvert ce qu’avec un simple bout de tissu, du fil, une aiguille et une bassine, ces femmes parviennent à créer”. La quadra autodidacte est désormais à la tête d’un sacré arsenal de techniques : teintures à motifs, réservés, plissage à l’aiguille inspiré du Shibori, qui transforme les lieux en ode au froissé adoptant moult nuances.

LE NÉCESSAIRE TRAVAIL SUR SOI DES LYONNAIS
Avec les années, ses collections se sont étoffées en termes de formats, – “les grandes veulent des grandes écharpes, les petites… des petites !”. Depuis 4 ans, les hommes ont même leurs produits ad hoc. Ceinture noire en objets de cou, Sophie Guyot essaie d’introduire de la diversité dans ses supports en soie. Mais “à Lyon, c’est compliqué. Tout le monde a un grand-père, un oncle qui a travaillé dans la soie, et donc une image ancrée par rapport à cette matière. Le satin est trop brillant. La bourrette de soie ne passe pas non plus… On reste cantonné au carré de soie et à la cravate, alors qu’ailleurs, on est plus ouverts à l’expérimentation”.
Ses grandes pièces ouvragées, à l’image de plastrons aux usages polyvalents, séduisent hors capitale des Gaules. Une expérimentation menée pour l’exposition «Révélations» au Grand Palais, à Paris, en 2017, lui a notamment «permis de sortir de la routine, d’approfondir les savoir-faire employés pour la production plus commerciale». Du travail de précision. Une école de la patience constituée d’une effarante série d’étapes. Ses robes sur mesure ont également beaucoup de gueule. Mais se font rares. “Trop de boulot, sachant que mon métier au départ, c’est le textile, pas la mode. Et on n’imagine pas les heures qu’un tel vêtement réclame !” Qui, forcément se répercutent…
Or la mauvaise compréhension aujourd’hui, c’est précisément souvent le prix. Il faut expliquer, ce que Sophie Guyot, qui croit aux valeurs du fait main et de la pièce unique, prend le temps de faire. Y compris aux clients arborant un sac siglé qui qualifient ses plissés de «chers» alors qu’ils ont déboursé une fortune pour un symbole à la chaîne. Quand on lui demande si elle ne s’est pas lassée en 17 ans de métier, la réponse est claire : “J’aime ce que je fais. Je trouve toujours des idées. Je ne suis pas arrivée au bout. Même pas au milieu”. D’autres questions ?
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sophieguyot.com
Photos : pHstudio