un ours bien léché
La cuisine fait partie de son ADN, c’est une évidence. Dans son restaurant l’Ursus, à Tignes, fief de la famille, Clément signe sa propre cuisine, singulière, interprétant le meilleur de son héritage culinaire. Une cuisine griffée Bouvier… Une espèce en voie d’inspiration.
« Je suis né dans une cuisine, entouré de cuisiniers et tous mes souvenirs d’enfance y ont reliés. Autant dire que je ne pouvais pas faire autre chose !”.
La grand-mère de Clément, Mamie Jeanne, était cuisinière réputée en maison bourgeoise à Chambéry, son grand-père assurait les services traiteurs. Clément, pas vraiment passionné par sa scolarité, préférait nettement sécher les cours pour aider en cuisines, vacances et week-end compris, qu’user les bancs de l’école.
Les étoiles Michelin ? Son père, Jean-Michel en a obtenu par deux fois, dans son restaurant l’Essentiel à Chambéry, tout comme son oncle, Pierre Marin, qui affiche une étoile à l’Auberge Lamartine, depuis plus d’un quart de siècle. « Alors forcément, travailler en cuisine, c’était mon destin ».
Reste à l’écrire… Pour lui, c’est alors une évidence : il lui faut partir pour exister, pour se construire, loin de sa Savoie natale, de Tignes où la famille Bouvier a son quartier général. « Je n’en pouvais plus que l’on me parle de mon père, sans cesse, que j’adore par ailleurs. Mais trop, c’est trop ! Ici, je n’étais pas Clément, mais le fils de Jean-Michel Bouvier, le neveu de… La seule issue, s’exiler loin. » Très loin…

Je n’en pouvais plus que l’on me parle de mon père, sans cesse, que j’adore par ailleurs. Mais trop, c’est trop ! Ici, je n’étais pas Clément, mais le fils de Jean-Michel Bouvier, le neveu de… La seule issue, s’exiler loin. Très loin.
NE PAS VENDRE LA PEAU DE L’OURS
A 17 ans, Clément s’envole donc pour New York, où l’attend une place chez Ed Brown. « Là, j’ai vraiment compris que je devais faire mes preuves. En plus, je parlais à peine anglais ! Je travaillais 80 à 100 h par semaine, je ne vivais que de ma passion. J’en ai bavé, mais j’ai adoré !”. Puis, Clément rentre en France et repart, presque immédiatement, avec son père, cette fois, à Shanghai, pour l’exposition Universelle. « Pendant 9 mois, nous avons travaillé ensemble. Ce n’était plus tout à fait une relation père fils, mais un échange de cuisinier à cuisinier. J’ai aimé ces mois passés ensemble parce qu’il me reconnaissait en tant que professionnel. Et puis j’ai tellement appris aussi ».
RETOUR AU BERCAIL
La suite logique, surtout ne pas rentrer dans les cuisines familiales et continuer son expérience. Il commence son périple chez René et Maxime Meilleur (3 étoiles au guide Michelin). « J’ai compris que les Meilleur, père et fils (NDLR : tiens tiens…) étaient un tandem qui se complétait, c’est seulement comme ça que ça peut marcher « . L’étape suivante: les cuisines de Jean-François Piège à Paris. Très vite remarqué, Clément devient sous-chef, à 22 ans. Sous-chef, les premières lettres de noblesse pour un chef.
“Un jour, Guillaume Gomez, chef de l’Elysée, m’a pris pour mon père. Et le pire, c’est qu’il insistait. J’ai détesté ça. Je me suis dit qu’être loin ne suffisait pas visiblement, qu’il fallait que je crée ma propre identité, que je sois reconnu par mes pairs pour ma compétence. Que Clément soit aussi connu que Jean-Michel. Gonflé à bloc, j’étais même prêt, pour ce défi, à revenir sur ma terre, la Savoie. Et y monter mon propre restaurant ! »

Après quelques mois de réflexion, Clément s’installe dans l’un des biens du groupe Bouvier, à Tignes. Il y fait la révolution, sa révolution. Et crée un concept, un restaurant en forêt ou plutôt une forêt dans un restaurant, L’Ursus, au succès immédiat. Il y apporte ses idées, sa propre carte. Ses parents n’ont pas droit au chapitre, même si chaque semaine, ils vont déjeuner chez leur fils, et y vont de leurs commentaires. “Je les prends comme des conseils. Mais chacun reste à sa place, garde sa personnalité !”.
Chacun son domaine de prédilection aussi. Sa mère, Catherine, se partage entre l’hôtel familial et la boutique d’objets déco. Son père, Jean-Michel est bien sûr aux commandes des cuisines des Maisons Bouvier. Et Emma, sa sœur, tient un restaurant de spécialités savoyardes, la «Table de Jeanne». “Nous sommes une vraie famille soudée, avec des identités fortes et très différentes, mais des gènes communs, et ça, on ne risque pas le renier ! »
+ d’infos :
les-suites-du-nevada.com
Ça vous a mis l’eau à la bouche ?
En exclusivité, découvrez la recette de polenta à la crème de cèpes de mamie Jeanne de la famille Bouvier, c’est ici que ça se passe.
Photos : Pierre-Marie Gaury