faire voeu de tout bois
«Dur comme du bois». Et pourquoi pas souple, flexible et élastique comme du bois ? Parce qu’ils n’ont pas peur de dézinguer de grands principes, deux jeunes ingénieurs, installés à Meythet, en périphérie d’Annecy, ont mis au point une nouvelle matière, à base de bois donc, dont on peut presque tout faire…

Ce n’est pas parce que son grand-père était scieur que Cyril Jiguet travaille le bois. Il n’a jamais pensé devenir menuisier ou ébéniste. Au contraire même, “si on avait été plus immergé dans ce milieu, avec une approche plus classique, ce n’est pas sûr qu’on aurait eu cet œil neuf, qu’on aurait pensé à tout ça”. «Tout ça», c’est emmener le bois là où on ne l’attend pas, donner à cette matière, vue comme rigide et périssable, des propriétés insoupçonnées. Une idée née en 2016 dans un garage à Cluses et dans les cerveaux même pas trentenaires de Cyril évidemment, et d’Arthur Escoffier, alors tous deux élèves ingénieurs à Polytech Annecy-Chambéry. Cette voie, ils l’ont choisie parce qu’elle pousse à rechercher les moyens de réaliser ce qu’on ne sait pas encore faire et implique des défis permanents. Justement, adeptes de glisse, ils se sont fixés, comme première ambition, de remplacer le plastique dans les montures de leurs masques de ski. Pour en faire un objet plus responsable, le bois semble tout indiqué

PONTES À ESSENCES
Ils partent donc de feuilles de bois, ultra-fines, comme taillées dans un billot par un taille-crayon géant, et assemblées, compactées avec une quantité minimum de colle. “C’est la même démarche que pour la fibre de verre, les mêmes théories et les mêmes moyens de production. Sauf que ça n’avait jamais été fait avec le bois”, sourit Cyril Jiguet. “L’idée, c’était aussi de sortir de la production de masse, de proposer quelque chose de personnalisé et de plus propre.” Un positionnement que les deux jeunes concepteurs ne présentent d’ailleurs pas comme un choix, mais, au vu des enjeux environnementaux actuels, comme une obligation. Le Weden, puisque c’est ainsi qu’ils le nomment, sera donc éthique ou ne sera pas. Pour être cohérents, ils choisissent des colles sans dégagement gazeux, moins polluantes, des essences de bois autochtones dès que possible, françaises ou européennes en tout cas, et des sous-traitants locaux.
Le résultat ? Un rendu très élégant, dont les courbes surprenantes restent sobres, le toucher vivant ; un stratifié souple à mémoire de forme, plat, extrudé ou en 3D, déformable en flexion ou en torsion, un multiplis aux potentialités infinies qui peut être associé à d’autres fibres, de lin, de bambou, de laine ou de pierre, selon les propriétés techniques ou esthétiques recherchées ; une matière innovante surtout dont la création est récompensée par tout un tas de prix galvanisants pour les deux jeunes entrepreneurs.


KNOCK ON WEDEN
En août 2017, le Weden sort donc de son garage de la Vallée de l’Arve pour intégrer de plus grands locaux dans le bassin annécien et conquérir d’autres espaces d’expression : il devient lacet de champagne, tabouret, bain de soleil, cache-extincteurs, étui à lunettes ou couverture de carnet… “Il faut éduquer le public à ce nouvel usage du bois, cette nouvelle façon de le travailler, et, par conséquent, aux possibilités de l’intégrer dans de nouveaux univers”, s’enthousiasme Cyril Jiguet. Une voie prometteuse, qui n’en est encore qu’à ses balbutiements, touchons du Weden !
