DEUXIÈME FOI

3 Nov 2021

SACRÉES RECONVERSIONS

A Catillon-Fumeton, dans l’Oise, l’église est devenue mairie : Don Camillo se retournerait dans sa tombe ! Partout en France, des lieux de culte, désertés, changent d’affectation et, à défaut de révélation, doivent trouver une nouvelle vocation… Si Dieu le veut.

Un restaurant et une galerie dans une chapelle… Un hôtel dans le couvent. La reconversion des Capucins, à Annecy, fait grand bruit. Désacralisé en 2013, l’édifice était pourtant déserté depuis longtemps. Mais une église n’est pas qu’un lieu de culte, dans un quartier ou un village, c’est également un repère. “Elle a une valeur patrimoniale”, résume Arnaud Dutheil, directeur du CAUE 74, “ce n’est pas qu’un bâtiment isolé, elle appartient à un ensemble qui forme une identité historique. Et plus la transformation est radicale, plus c’est difficile. Il est compliqué de toucher au sacré.” La tendance n’est pourtant pas récente. Pendant la Révolution Française, de nombreux lieux de culte ont été transformés en greniers à pain, prisons, hôpitaux ou caves viticoles. Beaucoup ont également «travaillé» pour l’industrie textile, comme ce fut le cas de l’Eglise des Italiens, au cœur de la capitale haut-savoyarde, transformée au XVIIIe siècle en fabrique d’indiennes, tissus de coton peints ou imprimés, qui employa jusqu’à 360 personnes. Elle abrita ensuite un dépôt de charbon, une boulangerie et même des logements.

A Ugine, l’église du Sacré Cœur des Fontaines est devenue Curiox.

TOMBÉES DU CIEL

Aujourd’hui en France, une trentaine d’édifices sont transformés chaque année. Pour l’être, ils doivent d’abord passer par la case «désacralisation», soit une messe, donnée après approbation de la désaffection par le diocèse, quand le bâtiment répond à trois conditions : la non-célébration du culte pendant plus de six mois consécutifs ; l’insuffisance d’entretien mettant en péril la conservation de l’édifice et la sécurité du public ; le détournement de l’édifice de sa destination cultuelle. Depuis 1905, 277 édifices religieux auraient été désacralisés, ne représentant finalement que 0,6% des plus de 40 000 églises et chapelles françaises. Se pose ensuite la question de leur destruction ou réaffectation. Plus un territoire a été préservé des guerres, mais aussi de la croissance démographique ou financière, plus ses églises sont anciennes. Autant dire qu’elles sont donc rares sur le nôtre ! Et plus une église est ancienne, plus son contenu spirituel est fort et ses volumes difficilement adaptables. Elle a donc toutes les chances d’être protégée par une inscription aux monuments historiques. Mais à toute règle, il y a des exceptions. A Etrembières (74) par exemple, Notre-Dame-de-la-Paix, construite par Maurice Novarina entre 1964 et 1967, a été classée en février dernier. La commune, qui souhaitait en assurer la sauvegarde, l’a rachetée après sa désacralisation en 2009, et y prévoit l’installation d’un espace culturel. La re-qualification reste le meilleur moyen d’éviter la destruction.

Ancienne chapelle du XIIe à côté de Lyon, devenue habitat individuel. ©Studio Erick Saillet

INSPIRATION CULTU(R)ELLE

Comme Notre-Dame-de-la-Paix, la majorité des églises démolies et fermées datent d’ailleurs du XXe siècle, souvent de l’après-guerre. Ce sont les premières vendues par les diocèses. Plus fonctionnelles, elles sont pourtant plus faciles à convertir.
A Ugine (73), l’Eglise du Sacré-Cœur des Fontaines, est devenue Curiox, Centre d’Art Contemporain, en 2019. “C’était une église un peu spéciale, construite par Claude Fay en 1959, à la demande des ouvriers des aciéries”, raconte Agnès Chevalier-Gachet, adjointe au maire en charge des projets culturels. “L’usine a fourni les parcelles et ils ont contribué financièrement à sa construction. Pour sa rénovation, on voulait garder les caractéristiques du lieu : on a conservé les matériaux bruts tels qu’ils avaient été pensés par l’architecte, ainsi que les boisseaux, même si les vitraux ont été détruits. Un module central, suspendu, permet de régler les problèmes d’acoustique, de chauffage et même d’éclairage. La grande ouverture vitrée, en façade, facilite le dialogue entre l’intérieur et l’extérieur. Quand les gens d’ici passent la porte, il y a une charge physique et émotionnelle, une intensité, ils sont contents de voir revivre ce lieu.

Ancien couvent de la Visitation à Thonon-les-Bains. ©Annik Wetter

RETOUR À LA VIE

Pour leur seconde vie, la plupart des bâtiments religieux donnent donc dans le service public, comme l’ancien couvent de la Visitation à Thonon-les-Bains ou l’église de Jujurieux dans l’Ain, repensés en espaces culturels. Seuls 2% s’encanaillent et vivent la nuit. La transformation en habitation par des particuliers, elle, assez récente, reste confidentielle. “Il y a de grosses contraintes comme le positionnement des vitrages par exemple”, explique Arnaud Dutheil, du CAUE 74. “Mais ce sont les mêmes contraintes que pour un château médiéval : a priori, on ne l’achète pas pour boucher les douves et raser les créneaux : on fait avec. Dans une église, une des qualités, c’est le travail de l’espace et de la lumière ; si on cloisonne et qu’on remet des étages, on perd cette qualité ; il faut travailler l’espace.” C’est exactement ce qu’a fait l’architecte d’intérieur Stéphane Millet quand on lui a confié la rénovation d’une chapelle du XIIe siècle, à côté de Lyon : “l’idée, c’était de retrouver les volumes d’origine, les éléments forts. C’était une petite église de campagne, sans fioritures, mais la structure et les voûtes étaient encore là. On n’a pas cherché à faire du sacré pour le sacré, avec des croix et des vitraux, on a même tout fait pour l’oublier, mais quels lieux ont ces volumes, ces pierres ? Il est là, le sacré.
Il serait dommage de ne pas en profiter. Avec le regroupement des paroisses, un tiers des églises actuelles pourraient être réaffectées dans les décennies à venir, il devrait donc y avoir de plus en plus d’occasions de passer une soirée à l’autel…

A QUI APPARTIENNENT LES EGLISES ?
Depuis la loi de 1905, dite de séparation des églises et de l’Etat :
– En dehors des cathédrales qui appartiennent à l’Etat, la propriété des édifices antérieurs à 1905 est concédée aux communes, à qui échoit également l’obligation de les entretenir. Si une commune veut démolir une église, elle doit soumettre à l’évêché, qui a toujours la jouissance des lieux, un devis détaillé de leur restauration complète, ainsi que la proposition de la construction d’un «oratoire» ou «lieu de mémoire», moins cher.
– les édifices construits depuis 1905, eux, demeurent la propriété d’associations diocésaines – ou de particuliers, le cas échéant.

Image : Chapelle et couvent des Capucins, Annecy ©Geronimo Architectes

Sources :
– Vademecum N°3 : «Les Lieux de Culte – Conserver, restaurer, valoriser et reconvertir» par le Patrimoine Auralpin. 2017
– «Réflexion sur la reconversion des lieux de culte au cours de l’histoire» Philippe Cieren – Pierre d’Angle, le magazine de l’Association Nationale des Architectes des Bâtiments de France. Décembre 2014

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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