domaines privés : entrez !

10 Déc 2016

la bataille des sommets

Pour jouer à saute-montagne les passionnés de glisse parcourent avec ferveur, chaque hiver, les 93 stations alpines des deux Savoie, créées pour la plupart à l’initiative de privés dans les années 1930 à 1970. Des histoires singulières que la loi
 «montagne» du 9 janvier 1985 est venue bousculer, faisant de l’exploitation des alpages enneigés un service public. Mais quelques irréductibles familles savoyardes ont tenu bon…

Télé-traîneaux, remonte-pente, télé-corde, fil à neige et tire-fesse privés ont aujourd’hui pratiquement disparu. Dans les deux Savoie subsistent quelques exceptions qui ont grande peine à faire reconnaître leur statut patrimonial unique… Car au pays de l’or blanc, la gestion des remontées mécaniques est devenue un enjeu majeur pour les communes et les gros investisseurs privés. L’après-guerre et le succès des congés payés ont vu se développer très fortement l’engouement d’une population pour les sports d’hiver et par conséquence, le nombre des stations et des remontées mécaniques permettant de lutter contre l’exode des jeunes montagnards.

En 1946, aux Gets, les Annemassiens Aris Desbiolles et Georges Combépine ont l’idée folle d’installer sur le versant nord, plus enneigé, le télépente de La Turche qui fêtera ses 70 ans d’existence le 20 janvier 2017. Un des rares téléskis indépendants encore en exercice.

TOURNEZ MANÈGE !

Le remonte-pente de la Turche a relevé de nombreux défis et vu défiler bien des célébrités sur ses perches à double archets. “Aris Desbiolles fabriquait des meubles, des skis et était moniteur l’hiver aux Gets dès 1935. Mon père était tailleur et vendait veste, casquette, gants, fuseau avec la méthode de ski fourni par son ami”, raconte Pierre Combépine, le fils, champion de ski et moniteur des Gets. “En 1946, avec 5 associés, ils créent la société Les Pentes des Gets. Sans route, pour s’y rendre, il fallait tirer une ligne sur 1,5 km. Les pylônes étaient taillés, puis transportés par Bichette, le cheval. Un passage de rouleau en bois suffisait alors pour tracer la piste.” Peu à peu, les difficultés auront raison des associés et Georges restera seul, soutenu par sa femme Denise, à croire encore à ce rêve immaculé. Tenace, il bricolera les premières sécurités avec un fil de courroie et une prise coupe-circuit en cas de déraillement ; apprendra à réparer et fera tous les métiers. Rare, en France, l’autodidacte équipera La Turche d’une gare pour protéger matériel et skieurs des intempéries. Toujours sur les pylônes à 76 ans, Pierre se souvient de ce père hors-norme qui aimait s’amuser à distraire la clientèle. “Il mettait de la musique et dès qu’il voyait une femme seule, lui proposait de choisir son partenaire. Au pylône 5, ils devaient s’embrasser. Les skieurs pouvaient également suivre les matchs de foot…” L’adresse fait le bonheur des habitués et de nombreuses personnalités des médias y ont appris à skier : Martine Caroll, Robert Hossein, Jean Poiret, Maurice Baquet, Jacques Villeret, Mister Bean, Dominique Voynet… qui comme Guy Lux, avait son appartement aux Gets. La Turche a même été immortalisée au cinéma dans le film «Bienvenue aux Edelweiss»! “Mon grand- père était un vrai Caruso, très drôle”, confirme sa petite-fille Christelle qui a repris à la suite, l’entreprise familiale.

AVEC L’ETAT, PAS DE FAUTE DE QUART

Qui dit domaine skiable, dit exploitant. Un rôle assumé par 43% d’opérateurs privés recouvrant une disparité de formes et de moyens, mêlant grosses sociétés d’actionnaires, sociétés familiales, petits exploitants et même associations. Une diversité qui s’explique. Si l’arrêt de 1959 a posé un premier cadre de service public pour les remontées mécaniques, le Plan Neige (1964-1977) a encouragé d’autres aventures sous l’impulsion de nouveaux investisseurs privés, afin d’assurer à ce secteur économique, une renommée internationale.

En 1985, les excès du développement touristique montagnard et leurs conséquences néfastes pour le maintien d’un équilibre entre économie et protection du territoire seront stoppés par la loi Montagne : les remontées mécaniques devront être gérées, soit directement par les communes, soit en délégation de service public (DSP) via une Société d’Economie Mixte (SEM) ou un opérateur privé. Les propriétaires indépendants sont donc contraints de signer une convention de DSP pour un délai maximum de 30 ans. “De commerçants, gérants de remontées mécaniques sur des terrains appartenant aux collectivités, nous sommes devenus une DSP. Une sorte de nationalisation, d’expropriation. Ce fut une période de crise, de traumatisme”, résume Jean-Yves Remy dont le père Jean-Marie a créé la station de La Bresse (Vosges) en 1967 avec tous les services intégrés (restauration, location de matériel et hébergement). “Une histoire qui s’est écrite en deux temps et c’est le drame des acteurs privés”, précise Jean-Yves, PDG du groupe Labellemontagne et président délégué de la Chambre professionnelle des opérateurs de domaines skiables. “La DSP s’est négociée à la «bonne franquette». Au départ, il n’y avait pas de volonté de spoiler les acteurs, plutôt de récupérer leurs actifs, les mettre en concurrence et de les sortir. Mais en 1993, la loi Sapin qui a pour mission de réguler la vie publique, prévoit qu’à la fin du contrat, les biens feront retour gratuit à la collectivité.”

DES HIVERS QUI FONT BOULE DE NEIGE

Ces lois successives et le manque d’enneigement seront fatals à bien des opérateurs privés familiaux. “Pour le matériel, le fonds de commerce, on aurait dû avoir un dédommagement ! Mon père a coupé les arbres et installé les remontées mécaniques sur une montagne où il n’y avait rien, à part la forêt. Rien ! Cela ne s’est pas fait. Un libéralisme à la française ! Je ne vous cache pas que pour mon père, cela a été un drame terrible. Il n’a pas parlé à son maire pendant 10 ans.” La DSP est reconduite, mais l’hiver 1989-1990 met la société Remy en difficulté : “L’option prise a été à la fois de sécuriser notre domaine skiable par de la neige de culture, des travaux de pistes et de gérer d’autres domaines dans les Alpes pour mutualiser le risque climatique. Le handicap de la DSP est devenu une opportunité !” Remy Loisirs se porte candidate pour la station du Corbier qui sera attribuée à l’ancien boulanger chocolatier fortuné, Gaston Maulin. Son domaine des Sybelles regroupe aujourd’hui 6 stations : “Mme Maulin était de Villa Rambert… Mais en 1996, Saint-François-Longchamps cherchait un opérateur pour investir et sauver sa station.” Le début d’une belle histoire poursuivie avec 10 autres domaines dont ceux de Bardonecchia en Italie et Manigod récemment. ”On a innové en mutualisant des process et en professionnalisant notre offre d’où la création de Labellemontagne en 2003, offrant aux collectivités une véritable prestation de services. Nous sommes devenus concurrentiels.”

Un cahier des charges formaté pour des stations familiales, à taille humaine, possédant entre 5 000 et 15 000 lits, avec un potentiel de 300 000 journées skieurs. Une offre homogène et une marque qui se développent en s’adossant à Odalys et en proposant des packages (voyage et hébergement) pour assoir sa notoriété tout en conservant 70% de son activité comme opérateur de remontées mécaniques. Son CA s’élève à 76 millions € (2015). Une reconversion réussie !

LA TÊTE PRÈS DU BONNET

Aux Gets, la famille Combépine a failli être emportée à son tour par l’avalanche des lois successives : “Au moment du renouvellement de la 2ème DSP, en 2008, le préfet a remis en cause la propriété et contraint à remettre gratuitement nos biens à la commune ! Mais après avoir perdu en première instance, nous avons obtenu gain de cause avec une jurisprudence qui fait loi depuis. Une grosse victoire !”, se félicite Christelle Combépine, fille de Pierre et petite-fille de Georges. La Savoyarde à l’âme militante aide les petits exploitants privés à bénéficier bénévolement de son expérience. Pour l’opérateur Jean-Yves Remy, l’avenir des téléskis indépendants est compté : “La mise en concurrence, l’incertitude de l’enneigement, les lourds investissements et la professionnalisation sont autant de risque de perdre la main. Aujourd’hui, un téléski de 1km coûte 1 million … Les normes sont drastiques et les collectivités exsangues.”

Quant à Christelle, formée à l’école de commerce de Toulouse, elle complète son activité en rachetant l’hôtel restaurant attenant, tenu autrefois par le meilleur ami de son père: “Pour faire du site de La Turche un endroit convivial. L’hôtel est décoré dans un style vintage par l’illustrateur savoyard Charlie Adam. On a fait une aire de pique-nique, on met de la musique. On l’anime avec des évènements comme les courses de ski qui existaient déjà du temps de mon grand-père. Les clients sont peu à peu devenus des amis.” Et de conclure : “Le téléski et moi, c’est un peu comme un vieux couple !”

© Teleski de la Truche, Bungalowgraphics.com

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