offres de (ré)emploi
Repenser nos modes de consommation, c’est dans l’air du temps. Aucune raison pour que le design n’y échappe : matières éco-responsables, circuits courts, réduction de l’impact environnemental… Baptiste Menu, designer stéphanois, pousse la réflexion un cran plus loin et fait du réemploi son cheval de bataille.
« Maman, quand je serai grand, je serai camion poubelle !
– Tu voudras conduire le camion, c’est ça ?
– Non, non, ce que je veux, c’est ramasser les poubelles.”
Et devenir designer. Car ce n’est pas incompatible. Baptiste Menu a 6 ans quand il est frappé par la richesse de tout ce qu’avale le camion-benne. Il n’aura de cesse, dès lors, de récupérer, transformer, bricoler, pour fabriquer des cabanes ou des caisses à savon… Puis des fauteuils.
Attention, mettons-nous tout de suite d’accord sur les éléments de langage : Baptiste Menu ne fait pas du recyclage, mais du ré-emploi. “J’essaie de faire comprendre que le recyclage est une aberration, car il détruit les propriétés formelles d’un objet, alors que le ré-emploi essaie de regarder le matériau, pour le réutiliser dans la fonction pour laquelle il a été conçu. C’est un acte qui consiste à préserver sa forme et sa matière. L’idée, c’est de repousser le recyclage le plus tard possible dans le cycle de vie d’un objet, car il existe un panel de solutions incroyables qui permettent de tirer profit des qualités d’un produit.”


RECONVERSION PROFESSIONNELLE
Pour faire simple, une palette recyclée est broyée en copeaux, alors qu’une palette réemployée devient fauteuil, table basse ou composteur. Et là, dans ton esprit, lecteur, tu imagines le canapé fait main par Jean-Loup, ton beau-frère bricoleur… Mais Baptiste Menu, lui, est designer. Ce qui ne l’a pas, pour autant, préservé des regards moqueurs. “Au début, on m’a dit que j’étais un doux rêveur et qu’il fallait que je change de voie car j’allais finir dans mon garage, à démonter des palettes. Il y a 860 millions de tonnes de déchets par an en France, j’ai autre chose à faire que seulement démonter des palettes dans mon garage !”

VALIDATION DES ACQUIS
Pour se faire entendre, Baptiste doit donc parler plus fort que les autres, mais c’est un garçon réservé. Il décide alors de marquer les esprits, prendre le contre-pied de la perception générale, qui associe déchets et précarité, réemploi et pauvreté, pour “atteindre la même qualité, les mêmes performances que les objets du quotidien, sans jamais acheter de matériau neuf”. Dès le début de son cursus universitaire, aux Beaux-arts de Valenciennes d’abord, puis à La Cité du Design de St Etienne, il s’attaque alors à des incontournables, fauteuils Le Corbusier, Mackintosh ou Rietveld, qu’il réinterprète. “Je reprenais les cotes, partais de matériaux et formes qui existaient déjà, collectées dans un rayon de moins de 10 km, auxquelles je devais m’adapter pour qu’elles collent à leur nouvel usage et deviennent un élément de mobilier fonctionnel, avec impact environnemental le plus léger possible.” De la contrainte naît la liberté, ce regard différent le rend plus créatif dans l’utilisation des matières : lattes ou barreaux de lit, paravents, bancs d’église, vieux cuirs retournés, sommiers… L’esthétique finale est forcément modifiée, mais l’objet est beau, fonctionnel, performant.


BILAN DES COMPÉTENCES
A la fin de ses études, Baptiste Menu se retrouve presque dans une impasse, ce qu’il propose ne rentre pas dans les cases des agences de design. Il s’en sort en tant qu’indépendant, engagé dans la recherche – il a intégré, en 2017, l’Ecole des Mines de St Etienne comme chercheur doctorant – et dans des projets alternatifs, à l’image de la conception d’un prototype de vélo construit avec des déchets et destiné à fournir l’énergie nécessaire à la projection des documentaires du festival Curieux Voyageurs ou la fondation d’une association dont la vocation est de sensibiliser le public à la pratique du réemploi des matériaux. Mais les temps changent… “Aujourd’hui, les gisements de matières se raréfient ou coûtent de plus en plus cher. Ceux qui ne s’adapteront pas auront de plus en plus de mal. Par la force des choses, on écoute donc un peu plus mes idées.”
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© William Nefussi