femmes made in inde

11 Juin 2018

hindi eyes

Ici, Kanika, chiquement féminine, est une jeune femme bien dans l’air du temps. Mais en Inde, dont elle est originaire, elle décape bon nombre d’idées reçues malgré tout le respect qu’elle garde envers ses traditions. Indienne de cœur, occidentale de caractère.

D’une beauté effarante, Kanika a le regard dense et charbonneux de ces femmes qui transgressent les idées reçues d’un revers d’élégance. La vingtaine bien consommée, 29 ans pour être exacte, “mais encore dans la vingtaine!”, insiste-t-elle, Kanika vit aujourd’hui à Genève avec son mari et son fils de 18 mois. Avant d’en arriver là, la jeune hindoue a sûrement accumulé plusieurs vies à son compteur… En tout cas, elle en a parcouru du chemin… “J’ai vécu en Inde jusqu’à mes 18 ans, je voulais ensuite rejoindre mon frère à Dublin, mais il y avait peu d’opportunités et je voulais accomplir quelque chose, seule”.

Un brin rebelle, Kanika dénote dans le paysage des jeunes filles indiennes. “Je suis finalement partie à Sydney pour rejoindre ma sœur. Avec mon diplôme de management dans l’hôtellerie, j’ai facilement trouvé du travail et je suis devenue assistante manager. C’est là que j’ai rencontré mon mari. Après 6 ans passés en Australie, nous sommes venus nous installer ici où vivait sa famille”.

Kanika a grandi à Jalandhar dans l’extrême nord de l’Inde, une «petite ville», précise-t-elle, qui compte tout de même près de 880 000 habitants* , un poil plus que Marseille ! Pas si grand au regard de la cinquantaine de villes indiennes qui dépassent le million d’habitants ! Mais l’Inde compte aussi 600 000 villages de 1200 habitants en moyenne. C’est dire si les disparités y sont extrêmement fortes : “certaines régions de l’Inde, ou même certaines pratiques, me sont aussi étrangères que n’importe quel autre pays dans lequel je n’aurais jamais mis les pieds!”. En effet, la société indienne très «castée» est d’une rare complexité.

Kanika Romanens

NÉE SOUS LA BONNE ÉTOILE

Kanika le sait, elle fait partie de ces jeunes femmes indiennes privilégiées qui sont bien nées. “Ma famille appartient à la première caste, celle des prêtres, les brâhmanes. Je viens donc d’un milieu éduqué où j’avais ma place”. C’est loin d’être la réalité de toutes les femmes indiennes. Avec un sex-ratio de 914 femmes pour 1000 hommes* , le déséquilibre entre les sexes est dans toutes les strates.

Et pour cause, les femmes sont encore considérées, dans bien des régions d’Inde, comme des charges lourdes à porter. La destinée d’une fille étant intrinsèquement liée au mariage qu’elle fera, sa famille passe toute une vie à économiser pour lui constituer une dot honorable qui migrera dans la belle-famille. Les classes moyennes sont donc plus fortement impactées par cette tradition, dans la mesure où elles ont plus de richesses à «perdre». Un contexte qui a engendré des décennies de sélection postnatale, puis prénatale avec la légalisation de l’IVG en 1971 et l’arrivée des techniques de dépistage telles que l’échographie en 1979. A tel point que l’échographie prénatale a été interdite par la loi en 1994 pour éviter les avortements sélectifs. Une loi encore largement contournée par les cliniques privées.

Pour autant, la contraception ne fait pas partie du quotidien de la femme indienne et renforce ce phénomène. “Je ne connais aucune femme autour de moi qui utilise une contraception. On n’en parle même pas ! De toute façon, le sexe avant le mariage est inenvisageable! Et de cela non plus, nous ne parlons pas… ”.

MARIÉES ET POINGS LIÉS ?

Le mariage, étape clé dans la vie d’une fille. S’il n’était pas question pour elle de faire un mariage consensuel, comprenez arrangé, Kanika reste très attachée à la tradition, même exilée. “Dans ma famille, c’était un peu différent parce que ma mère a épousé quelqu’un de plus pauvre qu’elle. Elle aimait mon père et voulait lui offrir une part de paradis. Les choses évoluent. Autour de moi, les mariages arrangés représentent la moitié des unions**. Mais ma sœur, mon frère et moi avons tous les trois fait des mariages d’amour”. Un mariage religieux célébré voilà 3 ans, en Inde, comme il se doit, pour Kanika et son mari Alexis. 7 jours et 700 invités ! “On se marie pour 7 vies et si la mixité religieuse ne dérangeait pas ma famille, il y a des régions et des familles dans lesquelles ce serait totalement inenvisageable”.

43% DES GARÇONS ET 39% DES FILLES ESTIMENT ENCORE NORMAL QUE LES FEMMES ACCEPTENT UN CERTAIN DEGRÉ DE VIOLENCE À LEUR ÉGARD.

AVEC L’AVORTEMENT SÉLECTIF, IL MANQUE 63 MILLIONS DE FEMMES À LA POPULATION INDIENNE SOIT L’ÉQUIVALENT DE LA POPULATION FRANÇAISE !

EDUQUÉES MAIS CONDITIONNÉES

Kanika a eu la chance de recevoir une éducation émancipée. “Et nous avons tous les trois reçu la même. Ma mère m’a élevée comme un garçon. Elle était très concernée par la question de l’éducation. Elle a même créé une école avec ma tante et ma grand-mère pour enseigner aux personnes illettrées. Mais mon père, qui était entrepreneur dans l’imprimerie, ne voyait pas d’un bon œil que sa femme travaille. Elle a donc arrêté pour nous élever”.

Là encore, malgré un niveau social élevé et une éducation d’un excellent niveau, la femme indienne a bien du mal à s’affranchir des hommes. “Toutes mes cousines ont au moins obtenu un bachelor, mais aucune ne travaille. Elles s’occupent des enfants et de la maison”. Comme si l’éducation était avant tout un moyen de faire un meilleur mariage, plutôt que d’accéder au travail et à l’indépendance. Seules 29% des femmes indiennes exercent une activité professionnelle. Et que dire de leur indépendance financière ? “Une femme n’a pas besoin de s’occuper de cela, elle demande ce dont elle a besoin à son mari. Moi-même, j’avoue préférer demander à mon mari ce qu’il me faut, plutôt que de gérer mon compte, même si j’ai accès à tout. On n’oublie pas notre culture !”.

De la même façon, il existe des codes de convenance auxquels les Indiennes ne dérogent pas : “Une femme qui fume ou boit de l’alcool est mal vue”. Dans un pays considéré comme étant le 4ème endroit le plus dangereux au monde pour les femmes***, les violences physiques et verbales à leur encontre font tragiquement l’actualité. Le viol et le meurtre de Jyoti, une jeune étudiante, dans un bus de New Dehli avait secoué le monde en 2012. “Je n’ai jamais été personnellement confrontée à la violence, mais on entend beaucoup d’histoires et je n’ai jamais été tranquille lorsqu’il m’arrivait de sortir seule le soir. On ne s’habille pas comme on le veut et on fait tout pour ne pas provoquer et porter le regard des hommes sur nous”.

Une enquête de 2015 (menée sur plus de 6 000 étudiants) révélait que 43% des garçons et 39% des filles estimaient encore normal que les femmes acceptent un certain degré de violence à leur égard. “Je me souviens d’une employée de maison, meurtrie, qui avait confié à ma mère les violences de son mari. Ma mère, furieuse, l’a obligé à présenter des excuses à son épouse. C’est une situation que l’on peut trouver partout, mais ici les femmes ne se sentent pas protégées par la loi”.

NAMASTE PARADOXE

Comble de la contradiction, à l’inverse de bon nombre de grandes puissances occidentales, les femmes occupent en Inde de hautes fonctions politiques. Indira Priyadarshini Gandhi, Première ministre de 1966 à 1977 et de 1980 à 1984, fut la 2ème femme au monde élue démocratiquement à la tête d’un gouvernement et une éminente figure politique pour le pays. D’autres lui ont succédé à différents postes : Pratibha Devisingh Patil, première présidente de l’Inde de 2007 à 2012, Sonia Gandhi, présidente du Parti du Congrès de 1998 à 2017 ou encore Sushma Swaraj qui occupe depuis 2014 le poste de Ministre des Affaires Etrangères. Quoique bien présentes, elles restent minoritaires et il leur est difficile d’afficher de réelles positions féministes.

La résistance grouille plutôt d’en bas et ce sont d’autres formes de pouvoir et d’initiatives populaires comme le «Gang des saris roses» créé en 2006 qui émergent pour défendre une nouvelle image de la femme, bien différente de celle que l’on martèle dans les productions bollywoodiennes, toujours apprêtée, profondément religieuse et résolument cantonnée au foyer. Bâton de pèlerin brandi sur une épaule drapée d’un sari…

EN CHIFFRES

Population : 1, 324 milliard d’habitants.

Avec l’avortement sélectif, il manque 63 millions de femmes à la population indienne soit l’équivalent de la population française.

Indice de fécondité : 2,4 enfants par femmes.

Taux d’alphabétisation : 74,04 % en 2011 (82, 14 % pour les hommes contre 65,46 % pour les femmes).

 

* En 2011, selon les recensements officiels
** Le mariage arrangé restant toutefois la pratique majoritaire dans le pays.
*** Selon une étude de la Fondation Thompson Reuters publiée en 2011.

Photos : Guillaume Desmurs

Gaëlle Tagliabue

Gaëlle Tagliabue

Journaliste
SURNOM : Gaz, Gazou et toutes ses déclinaisons les plus suspectes. PERSONNAGE DE FICTION : Mercredi de la Famille Addams, j’adore son côté dark et cinglant sous ses airs d’enfant sage. OBJET FETICHE : La chanson qui colle à l’instant, elle me suit partout. ADAGE : "Mon principal défaut c’est de les avoir tous…" C’est de mon père, j’adore cette phrase. JE GARDE : Mes amours, mes amis. JE JETTE : Mes emmerdes, quoique... La peur et le doute… mes poubelles sont pleines ! DANS 20 ANS ? En escale entre 2 voyages, en train de raturer un carnet noirci de belles histoires.

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