femmes made in indonésie

18 Mai 2018

sur un air de java

14 000 îles, 400 volcans et 700 dialectes… L’Indonésie compte autant de modes de vie différents, et de manières d’envisager la condition féminine. Sur l’ile d’Aceh, qui applique la charia, elles n’ont évidemment pas la même liberté qu’à Jakarta, d’où vient Dita.

Derrière le comptoir du plus ancien bar de Morzine, sa chevelure noir de jais, son teint ambré et ses yeux en amande ne laissent aucune place au doute : Dita n’est pas une Savoyarde pure souche.

Elle est née à l’autre bout de la planète, dans le pays qui, sans pour autant être un état islamique, compte la plus grande communauté musulmane au monde. Mais Jakarta, où grandit Dita dans les années 90, est une mégalopole multiculturelle et multiconfessionnelle. “Par contre, l’athéisme y est très mal vu, pour n’importe quelle démarche administrative, même l’inscription à l’école publique, on te demande de préciser ta religion.” Dans sa famille, on pratique un islam modéré, on jeûne pour le Ramadan, mais on fête aussi Noël et le Nouvel An chinois.

Son père, directeur chez Bata, parle 5 langues, travaille beaucoup, voyage autant et se marie pas mal. Même s’il en a la possibilité – car la pratique est tolérée, avec l’accord écrit de la 1ère femme – , il n’est pas polygame, mais divorcé. Sa dernière épouse, la mère de Dita, tient un salon de coiffure. Elle apprend très tôt à sa seule fille – elle a aussi 4 garçons – qu’elle doit «être forte, maline et gagner son argent», mais lui interdit d’avoir un vélo, qui ne va pas avec l’anatomie féminine, de grimper aux arbres, d’aller trop au soleil. “Je ne devais pas être égratignée, sale ou trop «noire», car la peau claire est signe de bonne société, et je ne suis jamais allée à la piscine non plus, mes parents n’approuvaient pas les maillots de bain.” Mais deux fois par an, ils partent en minibus pour faire découvrir à leurs enfants une autre île, une autre communauté, une autre religion.

Dita (Sukma Pertiwi) Trombert

Je ne devais pas être égratignée, sale ou trop «noire», car la peau claire est signe de bonne société, et je ne suis jamais allée à la piscine non plus, mes parents n’approuvaient pas les maillots de bain.

CONCURRENTS SUR LES BANCS

De la maternelle aux études secondaires, le système scolaire indonésien est hyper sélectif. On pousse les enfants, filles ou garçons – depuis 2013, dans la cour, ils sont à parité – qui prennent presque tous des leçons complémentaires en dehors des heures de cours. D’écoles classées en bons lycées, Dita fait donc un parcours sans faute, mais à la mort de son père, elle veut travailler vite, ne plus être une charge pour sa mère. Elle s’inscrit alors dans un établissement catholique: “pour y entrer, j’ai signé un contrat où je m’engageais à prier matin, midi et soir. C’était très carré, pas de jupes courtes, pas de talons trop hauts ou de cheveux colorés, mais à la sortie, les entreprises se mettaient sur liste d’attente pour embaucher la crème des secrétaires.”

Une grosse société pharmaceutique américaine la cueille en effet en sortie d’école, et, fait notable, car le taux d’activité des femmes n’est que de 51% (contre 83 pour les hommes), son boss est une boss. Elle lui donne 4 ans, 11h par jour, tout en préparant, le soir, son entrée à l’université de Jakarta, en marketing administratif.

UNE PILULE QUI NE PASSE PAS

Dita n’en devient pas nonne pour autant. Elle sort, aime s’habiller sexy, malgré les regards réprobateurs : “la vulgarité, c’est tabou en Indonésie, les garçons n’aiment pas les filles qui s’exposent trop, mais ils les regardent !”. Elle rencontre d’abord un jeune député musulman, un peu trop autoritaire, qui préférerait la garder à la maison, puis une veille de St Valentin, elle tombe sur Julien, Savoyard expatrié.

“Quand tu as un copain, tu ne dors pas avec, puisque tu es censée arriver vierge au mariage, mais avec un étranger, bien sûr, tout le monde pense qu’il t’a «essayée»… Et puis, où est-ce que tu le rencontres ? Dans un bar, donc c’est assez mal vu, les gens jugent…”. Mais Indonésien ou étranger, pas de concubinage avant le mariage, évidemment, pas d’éducation sexuelle, ni de discussion avec sa mère sur le sujet non plus, et pas de contraception sans bague au doigt. “Soit tu demandes à une de tes copines mariées d’acheter la pilule pour toi, soit tu prétends être mariée, mais tu le fais dans une pharmacie loin, très loin de chez toi !”

FEMME À TOUT FAIRE

A la fin de ses études, elle suit Julien pour s’installer en France… “Même si j’ai beaucoup réfléchi avant de déménager, parce qu’en Indonésie, quand on travaille, la famille nous aide, on a facilement une baby-sitter, une femme de ménage et les petits services, comme le repassage au kilo ou le traiteur, ne coûtent rien du tout. Alors qu’ici, toutes les femmes travaillent, et je trouve ça normal, mais elles s’occupent aussi de la maison.”

Quand elle retourne à Jakarta, elle y voit de plus en plus de foulards, elle qui n’a jamais voulu le porter. “Même ma belle-sœur, qui est très fashionista, a décidé il y 2 ans de couvrir ses cheveux et de porter des vêtements longs. Avant, le foulard compliquait la recherche d’emploi, maintenant ce n’est plus le cas. Je trouve aussi que mon frère devient plus musulman, il y a une sorte de pression sociale. Mes amis parlent d’aller à la Mecque plutôt qu’à Singapour et il y a de plus en plus «d’influenceurs» religieux sur les réseaux sociaux, des prédicateurs autoproclamés, souvent polygames. Chez les jeunes, l’idée est donc tolérée d’avoir des vies parallèles, avec une femme officielle à la maison pour l’image, et une autre officieuse, plus ouverte, pour le plaisir. Aujourd’hui, Jakarta est très cosmopolite, il y a beaucoup de bars, on boit, on sort, mais est-ce que dans 10 ans, ce sera toujours la même chose ?”

DATES CLÉS

1945 : Le droit de vote est accordé aux femmes.

2001 : Megawati Soekarnoputri devient présidente de la République, après avoir été vice-présidente pendant 2 ans. Elle est la première femme de l’histoire indonésienne à exercer ces fonctions.

2015 : Deux des plus importants ministères du président Joko Widodo sont tenus par des femmes : Retno Marsudi pour les Affaires étrangères et Susi Pudjiastuti pour la Mer et la Pêche. Malgré une nette progression, les femmes ne représentent encore que 20% des membres du Parlement.

Photos : Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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