hôtel- fiction
Juillet de l’année 2037. Oui je dis bien, deux mille trente sept (vous venez de prendre 20 ans). Madame s’arrête devant l’hôtel et place son œil devant le capteur optique de reconnaissance d’iris. La porte disparaît dans le sol. Monsieur franchit le seuil suivi fidèlement par ses drones-valises. Dehors le taxi décolle dans un chuintement de vapeur d’eau.
Monsieur ronchonne car Madame a réservé dans un établissement de standing 3 Glop et ça va lui coûter son salaire fictif d’attaché parlementaire à l’Assemblée Galactique ! Tout ça pour pouvoir narguer belle-maman le jour de ses 20 ans de Pacs. Ah tiens, voici un hologramme souriant qui s’avance vers eux. Loulou ricane : “Je vois que tu as encore choisi Carla Bruni pour nous accueillir?” – Elle répond ironique : “Oui je l’adore, c’est pour avoir l’impression que quelqu’un m’aime encore, et c’est quand même plus sexy que de se faire servir le petit-déjeuner par Mélanchon !” La créature les précède jusqu’à leur chambre que Madame ouvre en tirant simplement la langue, leur génome étant maintenant intégré à l’Adn de l’hôtel. Avec toutes les traces et données personnelles stockées dans le Cloud, c’est un jeu d’enfant pour les algorithmes de les pister où qu’ils soient.
Dans la suite de 80 m2 , Venise et son Grand Canal, une mise en scène de rêve voulue par Madame, avec odeurs (un rien vaseuses ?), mobilier et musique italiens Loulou fait encore la gueule : “Alors là, je suis effondré, je me gondole même ! C’est quoi ce truc de carnaval ? Si t’avais voulu vraiment me faire plaisir, tu aurais choisi ça !” Sur l’écran de l’entrée, il tape «camp de base de l’Everest» et aussitôt les Modulateurs de Matière transforment le king-size-bed en une tente de bivouac 2 personnes avec sacs de couchage -20°, pendant que le sol se couvre de flocons. Madame, buée aux lèvres, se précipite devant le scan du dressing qui analyse aussitôt sa silhouette et délivre dans la foulée un manteau en duvet d’oies clonées. Elle hurle (ce qui déclenche une avalanche de poudreuse sur le mur d’images) : “Je vis avec un givré ! Tu arrêtes tes conneries immédiatement ou je te renvoie sur Mars !” La nouvelle colonie martienne ayant déjà accueilli Poutine, Trump, Kim Jong-Un et beaucoup de dirigeants véreux…
Loulou sélectionne «Maldives» et l’ambiance se détend nettement dès que Madame peut fouler le ponton sous lequel clapote de l’eau turquoise… Vêtue élégamment de son nouveau maillot de bain à capteurs auto-gainant, elle semble reprendre goût à la vie. Monsieur la laisse les pieds dans le sable, occupée à programmer son mini-drone épilateur Razor of Jungle. Lui a pris place dans la cabine de douche 6D de réalité augmentée. C’est la seule chose qu’il adore dans le standing 3 Glop, c’est fabuleux : là il a choisi la version «Thomas Pesquet», se laver en apesanteur comme si vous flottiez dans l’espace autour de la Terre, c’est incroyable. La dernière fois, il avait moins aimé, dans la version «revivre son accouchement», le moment où on lui avait posé les forceps.
Tiens, voilà l’hologramme de Carla Bruni qui le rejoint dans la douche… nue. Loulou essuie le shampooing qu’il a dans l’œil. Bizarre, les hologrammes fripent-ils ? Plissent-ils ? Serait-ce la vraie, avec 37 ans de plus ? “Au secours !” Oui, toujours se méfier quand on réserve au «Sarko 1er»….
Illustration Sophie Caquineau
