kaléidoscope

9 Sep 2017

les clés d’un paradis

A Villeurbanne, Marie-Anne Chapel écrit son histoire sur les traces d’une vieille serrurerie. Et le défi de l’architecte tourne au voyage immobile dans un pays kaléidoscope.

« Trouvez-moi quelque chose de dégueulasse ! » Marie-Anne Chapel en rigole encore, elle se souvient de la tête de l’agent immobilier. Une année qu’elle cherchait, un an qu’elle détestait ce qu’on lui proposait. Fatiguée, impatiente, elle établit son cahier des charges au final. Ce qu’elle veut ? Quelque chose de dégueulasse, voilà. Hilare, l’agent éclate de rire, elle prend l’architecte au mot. Une semaine plus tard, elle lui déniche une ancienne serrurerie de Villeurbanne. Et dégueulasse, c’est peu dire !

AUGIAS ! O DESESPOIR !

Le bâtiment s’étale en longueur. Des morceaux de voitures, de l’électroménager rouillé, des tas de ferrailles s’entassent dans la cour intérieure, couverte de toits de tôle. 40 ans d’accumulation forcenée, des écuries d’Augias modernes. Qu’importe, Marie-Anne se projette enfin dans un bâtiment, elle imagine. Et signe son défi. Il faut d’abord curer l’atelier, vider, assainir. 44 bennes de détritus plus tard, l’architecte, sa mère, ses amis, dégomment les murs à la masse. Ils percent les ouvertures, dégagent un jeu de poutres exceptionnelles en arrachant le faux plafond à coups de râteaux. Des tonnes de poussières noires, de déchets, de vieux journaux et de chiffons leur tombent sur la tête. Mieux KALÉIDOSCOPE vaut ça que le ciel : “on ressemblait à un orchestre de jazz des années 30 tellement on était noirs, on ne voyait plus que nos yeux et nos dents toutes blanches quand on souriait !” Marie-Anne se marre, les souvenirs restent vifs. 9 mois plus tard, elle aménage.

JE DE PISTES

L’architecte souffle un air marin. Mais elle oppose le vert pétaradant de la cuisine au blanc écaillé des poutres. Un blanc sablé, comme griffé au vent d’Atlantique. Elle pique un garde-fou d’acier sur un escalier tourné vers Mykonos. Un visage impassible, contre le mur citron du patio, évoque une idole cycladique. Peut-être. A moins qu’il ne révèle une Afrique fétichiste, semée sur les étagères, par terre, au fil du mobilier. Ou qu’elle ne suggère un discret clin d’œil au sculpteur Brancusi. Qu’elle adore. Un ami rend hommage à Tintin, il offre à Marie-Anne un coin de Lotus bleu. Elle plaque la fresque au-dessus des tulipes d’Eerno Saarinen. Des chaises nichées dans son histoire, comme tout le reste. L’architecte ne meuble pas «pour faire beau», «pour faire design», elle déteste les panoplies. Refuse le décorativement correct. Ses objets portent la patine d’un temps délavé aux coups de foudre et à la mémoire : “Tout ce que vous voyez ici, c’est une histoire. L’histoire de ma vie. Ce sont mes bagages, déposés dans cet endroit”.

POUR ETRE FRANC…

Le mobilier/bagage piste le chemin de Marie-Anne : “J’ai rencontré le père de mes enfants à 19 ans, c’était un chineur compulsif depuis l’adolescence. Il allait jusqu’à fouiller les bennes dans la rue, il avait ce qu’on appelle «un œil». Les objets venaient vers lui !”. Le couple écume les brocantes, les marchés, les vide-greniers. Accumule des trésors de puces. Etudiante, Marie-Anne se soumet à la loi du porte-monnaie, son sens du beau la guide. L’époque se décline au franc. 120 pour la longue enfilade du salon, qu’elle juche sur des morceaux de poutre IPN. 180 pour le sobre bureau danois. Economie de moyen, œil exercé.

La future architecte racle ses fonds de tiroir pour s’offrir une gigantesque Assomption. Une toile peinte au 18ème siècle qu’elle découvre à Saint-Etienne en 1980, chez un restaurateur d’œuvres d’art. L’état n’est pas fameux, elle négocie sa restauration et son achat. 1200 francs qu’elle ne possède évidemment pas. L’artisan accepte un crédit, ses parents l’aident. Elle travaille dans une discothèque le week-end, rembourse son trésor chaque début de semaine. Aujourd’hui, la vierge en robe de ciel lève les yeux sur la peau pétrole d’un crocodile collé au plafond.

UN PAYS D’ELECTION

Marie-Anne arpente l’étage. Passe devant la bibliothèque surchargée, piochée dans un coin d’imagination, explore un bureau en cabinet de curiosités. Elle soulève une idole africaine harponnée sur une brocante, dans une vieille caisse déglinguée. Evoque un pays d’élection qui n’existerait que par elle. Un carrefour fantasmé : “Cette maison évoque les Cyclades, à cause de ce blanc. L’Afrique aussi, bien sûr. Et les années 50. Et peut-être le Japon, même si je ne suis pas parvenue à la simplicité japonaise. J’aurais aimé avoir l’occasion de vivre cette expérience de se passer des choses…” Mais Marie-Anne adore son bébé. Sa fierté d’architecte, sa fierté de femme. Les yeux grands ouverts, rieurs, elle s’exclame : “Je me permets ce tout petit instant d’orgueil parce que je l’ai inventée toute seule ! Sans mec, avec mes petits bras, ma petite tête, mes petits sous !” Les clés du bonheur.

Photos : Frenchie Cristogatin

Pascale Godin

Pascale Godin

Journaliste
SURNOM: Ficelle ou Momotte. PERSONNAGE DE FICTION: les frères Bogdanov. OBJET FETICHE: mon premier stylo plume. ADAGE: le temps passe et les œufs durs. JE GARDE: mes cicatrices. J'ECHANGE: échange fesses concaves contre fesses convexes. DANS 20 ANS? Déambuler à Honolulu. Ou Honolulu en déambulateur.

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