l’alaska à vélo avec katia lafaille

9 Août 2018

L’échappée re-belle

Veuve du grand himalayiste Jean-Christophe Lafaille, disparu sur les pentes du Makalu en 2006, et avec qui elle formait un couple fusionnel, Katia Lafaille aspire désormais à exister par elle-même. Elle met son énergie débordante à tracer son propre chemin. Le dernier en date a mené la Suissesse en Alaska, à vélo…

Katia Lafaille

Déjà auteure de documentaires et du livre «Sans lui» (2007), cette aventurière enthousiaste, un brin sauvage, et au caractère bien trempé parcourt le monde en solitaire, à pied ou à vélo, en autonomie complète. Himalaya, Australie, Etats-Unis, Canada, l’immensité est son terrain d’exploration favori. Une fascination pour les grands espaces, notamment américains, qui colle parfaitement à la peau de cette lectrice assidue de Jim Harrison.

Dernier exploit en date, elle réalise, seule, en août 2017 la traversée de l’Alaska à vélo, de Skagway à Fairbanks. 2000 km, 16.000 m de dénivelé, 17 jours dans le froid, la pluie, l’isolement, au milieu des ours. Sa capacité à endurer les efforts, à avaler les kilomètres, à supporter les heures de selle, à surmonter la peur, à gérer ses émotions, l’étonne elle-même. “Je suis une machine” reconnaît-elle en riant, “mais c’est du mental à 70%”. Conversation passionnante autour d’un café à Chamonix, où cette Suissesse s’est installée il y a 30 ans.

Activmag: Comment est née cette envie de voyages, en solitaire, à vélo?

Katia Lafaille: Le voyage donne un sens à ma vie. Depuis que mes enfants sont grands, je voyage seule. L’Australie, le grand nord canadien en 2016, et puis l’Alaska l’an dernier ont été mes premières traversées en solo. C’est un nouveau chapitre de ma vie qui s’ouvre.

Avant, j’emmenais mes enfants avec moi, en trek au Népal sur mon sac à dos ou dans une carriole derrière mon vélo aux Etats-Unis. Les pauvres! (rires) Ce qui me plaît dans le vélo, c’est le fait d’avancer sur de longues distances. A pied, le rythme est différent. Et être seule, c’est ne compter que sur moi. Etre libre. Boire, manger, dormir. Un rendez-vous avec mes instincts primaires. Partager avec quelqu’un adoucirait l’épreuve.

Nenana, Alaska – Etats-Unis
Dawson City – Canada

Et votre passion pour les grands espaces ?

Je suis fascinée par les grands espaces désolés, la nature sauvage, brute, sans confort. L’Alaska était un rêve, nourri par des livres, comme «Into the wild», par des auteurs américains comme Jim Harrison ou David Thoreau. En fait, je ne suis pas née à la bonne époque. J’aurais adoré vivre aux Etats-Unis vers 1880/1900.

Moose Creek
Chicken Town

Du coup, vos voyages sont plus des rencontres avec vous-même qu’avec les autres…

C’est vrai que je choisis des endroits où il y a peu de monde. Allergie à la foule sans doute! J’ai croisé un Suisse en Alaska sur son vélo. Il était soulagé de me parler car la solitude lui pesait. Un bon moment, certes, mais je lui ai gentiment expliqué que j’allais poursuivre ma route seule. J’ai échangé avec des personnes formidables en Alaska, prêtes à tout pour vous aider dans cet environnement hostile. Ces rares rencontres m’ont vraiment touchée.

Swiss chocolate entre Suisses

Le voyage fait grandir paraît-il…

Je dirais que le voyage m’a fait réfléchir. En Alaska, j’ai vu des familles d’une extrême pauvreté, qui se douchent au camping, parce qu’elles vivent dans des roulottes ou des cabanes misérables, sans confort, à 200 km de Fairbanks. Leurs seules ressources financières sont les aides de l’Etat. Alors quand je rentre, j’essaie de diminuer mes besoins, de moins consommer. Aucune culpabilité, mais juste la volonté de ne pas faire n’importe quoi. J’ai emmené mes enfants au Népal aussi pour ça, pour les confronter à la réalité.

Je sais que vous n’aimez pas qu’on vous pose cette question… mais je brave l’interdit… Ressentez-vous parfois la peur au cours de vos périples solos?

La peur existe bien sûr, des hommes mal intentionnés, des ours, des chiens errants qui vous poursuivent en meute. Cela m’est arrivé plusieurs fois, c’est vraiment impressionnant. Mais il ne faut pas se laisser dominer par la crainte. Il faut rester dans l’analyse de la situation. Alors je suis hyper attentive, quasiment animale, tous les sens en éveil, prête à dégainer mon spray au poivre si besoin. J’observe, je suis prudente quand j’installe un lieu de bivouac. Je respecte les us et coutumes des pays que je traverse, pour ne pas me faire remarquer. Jamais je pourrais me dire «ne va pas là-bas, tu vas avoir peur». Sauf, à la rigueur, pour l’Afghanistan et le Pakistan. Cela dit, je me suis sentie moins en danger dans mes voyages que dans certains endroits ici en France.

Conrad Lake – Canada

Le voyage donne un sens à ma vie.

Bivouac d’urgence en Alaska – Etats-Unis

Ressent-on une appréhension du retour, un post bike trip?

Il y a deux choses horribles, la fin et le début. Mais pour des raisons différentes. La fin, c’est une grande gifle. En arrivant à Fairbanks, j’ai pleuré. Un vrai sentiment de vide. Le retour est physique, mais pas mental. L’impression de ne jamais atterrir complètement. Il me faut un mois pour me sentir présente à 80%…

Voyager apporte des réponses ou soulève plutôt des questions?

Je suis partie en 2016 au Canada avec un sac de questions, et je suis revenue… avec ! (rires) Parce qu’on est occupé par plein d’éléments concrets, où mettre la tente, éviter les ours, le ravitaillement, on ne pense pas toujours à autre chose. Mais quand je reviens, je me sens plus sage, plus libérée, mais aussi en décalage avec la société, du fait de mon mode de vie. Avec une seule envie, repartir! J’ai envie de dire à tous ceux ou celles qui n’osent pas entreprendre quelque chose, voyage ou autre: «allez-y, lancez-vous, toute expérience est bonne à prendre de toute façon!»

Denali highway, une ligne droite qui fait mal!

LES QUESTIONS tête dans le guidon

Un film? Boyhood, sur le temps qui passe, un thème qui me parle.

Un livre? Shantaram. J’aime le réel dans les livres, pas la science-fiction. Quand je lis, il faut que j’en ressorte cultivée. Sinon, j’ai le sentiment de perdre mon temps.

Un plaisir? J’adore le vin, Malbec, Bourgogne, vins toscans. S’il y a un vignoble là où je passe, c’est la cerise sur le gâteau! En Alaska, j’avais un peu de vin, pour le soir. En pédalant je pensais au verre qui m’attendait. Ça boostait mon moral.

Une devise? Dans le monde de l’esprit, c’est en faisant faillite qu’on fait fortune, (Christian Bobin).

Un grand bonheur? La fin d’une étape.

Un paysage? La rivière dans le Yellowstone, les bisons, et mon fils Tom qui pêchait.

Une valeur essentielle? Le respect.

Un élément naturel que vous détestez? Les moustiques ! Dès qu’on s’arrête ou qu’on ralentit dans les côtes, c’est l’enfer!

Un péché inavouable? Une tranche de pain au beurre salé au sel de Guérande.

Une colère récente? La trahison d’un ami.

Dans 10 ans, comment vous imaginez-vous? J’ai du mal à me projeter! La vie est tellement fragile. J’ai longtemps eu peur d’être une épouse aigrie (rires). Je me verrais bien en train de faire un tour du monde… avoir une cabane au Etats-Unis, une ici, et aller de l’une à l’autre.

Quel est votre état d’esprit? Libre. Dans mes choix, dans ma vie, tout tourne de cette idée.

©Katia Lafaille

Emmanuel Allait

Emmanuel Allait

Chroniqueur SURNOM : Manu. Mais je préfère qu'on m'appelle Emmanuel. Un peu long, mais plus c'est long, plus c'est bon, non? PERSONNAGE DE FICTION : bob l'éponge. J'ai passé 40 ans à faire la vaisselle et ce n'est pas fini ! Je suis un spécialiste. OBJET FETICHE : un stylo plume. Beaucoup plus classe qu'un ordinateur. Ou une montre, automatique bien sûr. Regarder le temps qui passe pour en profiter au maximum. ADAGE : mon cerveau est mon second organe préféré (woody allen). JE GARDE : joker. JE JETTE : mes pieds. DANS 20 ANS ? je serai sur une scène, guitare à la main, pour jouer Europa de Carlos Santana. presse@activmag.fr

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