l’animation selon Ghibli

13 Juin 2019

destins animés

UN GROS CHAT GONFLÉ A L’HELIUM, UN PORC AVIATEUR, UNE TRIBU DE CHIENS VIVERRINS MYSTIQUES ET ÉCOLOS… A L’HEURE OÙ LES FILMS D’ANIMATION PROPOSENT UNE SURENCHÈRE D’ACTION, LES HÉROS DE MIYAZAKI ET TAKAHATA IMPOSENT LEUR POÉSIE DOUCE ET UNE SUBTILITÉ TOUTE JAPONAISE, MARQUES DE FABRIQUE DU STUDIO GHIBLI.

Tokyo, 1963. Il pleut des cordes ce soir-là. Hayao Miyazaki attend le bus devant la Toei. C’est le plus grand studio d’animation du pays, qui produira notamment, la décennie suivante, tous les Goldorak, Candy, Albator ou Capitaine Flam. A 22 ans, il vient d’être embauché comme simple intervalliste, dessinant, après l’animateur principal, les éléments manquants pour assurer un mouvement fluide. Enfant, il a lu « Astro le Petit Robot », et, comme son auteur, il a longtemps voulu être créateur de manga. Mais ce qu’il souhaitait avant tout, c’était “avoir une vie libre, c’était le rêve obsessionnel de ma jeunesse. Et être mangaka, c’est une servitude1.” Alors, après des études d’économie, c’est dans l’animation qu’il trouve cette liberté.
A ses côtés à l’arrêt de bus, Isao Takahata, de 5 ans son aîné, il travaille déjà pour Toei depuis plusieurs années. C’est le « Roi et l’Oiseau », dessin animé de Paul Grimault, diffusé au Japon en 1956, qui est à l’origine de sa vocation artistique. Et de sa passion pour la France. Tiraillé entre les deux, il a d’ailleurs abandonné ses études aux Beaux-arts pour passer un diplôme de littérature française. Leurs échanges sous la pluie sont les premiers d’une « relation faite d’amour et de haine2 » qui durera plus de 50 ans.

LE VOYAGE D’HAYAO ET ISAO

Comme la plupart des Japonais de leur génération, tous les deux ont été profondément marqués par la guerre et la désolation post-atomique. Ils ont donc le pacifisme chevillé au crayon, un respect inconditionnel pour la nature et le cœur bien à gauche. Avant de collaborer, ils commenceront d’ailleurs par revendiquer côte à côte, en 1964, lors des troubles syndicaux qui agitent la Toei. Miyazaki se portera ensuite volontaire pour participer au 1er long métrage de Takahata, « Horus, prince du Soleil ».
“Autour d’eux, à cette époque, il y a également d’autres talents, comme le dessinateur Yoichi Kotabe ou le chef animateur Yasuo Otsuka, avec lesquels un groupe artistique se met en place”, explique Xavier Kawa-Topor, fondateur de la NEF animation, programme de recherche et de création dédié à l’animation. “Takahata en est le véritable mentor, et c’est dans son sillage, parce qu’ils veulent aller plus loin, qu’ils vont quitter la Toei l’un après l’autre.” Auprès d’autres studios, ils continuent d’abord à produire des séries pour la télévision. Sous la direction de Takahata, Miyazaki réalise notamment les crayonnés d’ « Heidi », « Marco » ou « Anne, la maison aux pignons verts », avant de passer lui-même à la réalisation. S’ils restent amis et collaborateurs, après cet « âge d’or », les deux maîtres de l’animation ne travailleront plus directement sur les mêmes projets.

Le voyage de Chihiro

ATO3 DANS LE CIEL

En 1979, Miyazaki réalise donc son 1er long métrage, « le Château de Cagliostro ». Avec ses paysages très détaillés et ses angles de vue inattendus, il impose son style et attire l’attention du magazine Animage. Conséquence directe : Animage accepte de publier la version manga de « Nausicaä de la Vallée du Vent ». Et ce conte écolo passionne les lecteurs. Les bases ainsi posées, les financiers sont rassurés, tous les voyants passent au vert pour une adaptation ciné. Produit par Takahata, énorme succès au box-office japonais, le film sort avant la création du Studio Ghibli, mais il en signe l’acte de naissance. Celle-ci est officialisée en juin 1985.

LE VENT (DU RENOUVEAU) SE LÈVE

Comme le vent du Sahara dont il porte le nom, Ghibli souffle un vent nouveau sur l’animation japonaise. Sans qu’il ne soit jamais question de s’exporter, de conquérir un public autre que japonais, la renommée du studio dépasse pourtant bientôt les frontières du pays. “Au milieu des années 90, se rappelle Xavier Kawa Topor, après le « Tombeau des Lucioles » et « Porco Rosso » (Cristal du Long Métrage à Annecy en 1993), la presse parlait de l’arrivée sur les écrans de films d’animations japonais qui rompaient avec l’image négative des séries télé. Mais en dehors de ces quelques films, les milieux cinéphiliques ignoraient tout de l’animation japonaise. Je suis donc allé chercher l’info auprès de la revue Animeland, publiée par des fans, et j’en suis reparti avec deux énormes sacs de VHS, pleins de véritables trésors. Avec Nausicaä, par exemple, qui n’était jamais sorti en France, j’ai eu l’impression de découvrir la Chapelle Sixtine de l’animation !”

Princesse Mononoké

MES VOISINS LES TAKAHATA

Quand, chez Miyazaki, c’est un univers poético-fantastique qui séduit, inspiré de la culture nippone, mais empreint de fascination pour l’Europe, de références à Jules Verne ou Jonathan Swift, chez Takahata, on loue sa description très réaliste, presque ethnographique de la société japonaise comme dans « Mes voisins les Yamada ». “D’une certaine manière, Takahata a souffert d’un retard dans sa renommée parce que son cinéma social était surprenant pour le film d’animation, analyse Xavier Kawa-Topor. Avant qu’on commence à produire des films d’animation pour adultes en France, il faudra attendre « Persépolis » ou « Valse avec Bachir », presque 20 ans plus tard.” Aujourd’hui, Mon Voisin Totoro ou Princesse Mononoké sont des classiques, et, reconnaissance ultime, le Voyage de Chihiro a été oscarisé en 2003. Au Japon, Ghibli est un monument national mais ses deux piliers ne sont pas éternels. Si Hayao Miyazaki annonce régulièrement sa retraite, Isao Takahata, décédé en 2018, n’aura pas pu profiter de la sienne. La question reste entière : Ghibli leur survivra- t-il ? “Ils ont été des novateurs et des figures de proue au niveau international, conclut Xavier Kawa-Topor, mais la grande diversité de l’animation japonaise, passé et présente, reste encore à découvrir par le public français. L’arbre immense de Ghibli ne doit pas nous cacher cette forêt.”

 

1 Hayao Miyazaki : « J’aspire toujours à une société plus juste » – Olivier Séguret – Libération – 10 Janvier 2014.
2 A l’ombre des arbres, Hayao Miyazaki et Juliette Binoche nouent un dialogue inédit – Michaël Naulin – Le Figaro – 20 juin 2018
3 Trace, marque en japonais

+ d’infos : http://annecy.org
A l’occasion du Festival International du Film d’Animation, rétrospective « Hommage à l’animation japonaise », programmée par Xavier Kawa-Topor et Ilan Nguyen.

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