la savoie a le vin en poupe.yves bontoux nous raconte !

13 Oct 2018

accords en fût majeur

«Terroir, mon beau terroir, dis-moi quel est le plus beau vin ?» Figurez-vous que les vins de Savoie, dans le paysage œnologique français, commencent à relever fièrement le nez. Yves Bontoux, dégustateur professionnel et consultant auprès des tables étoilées de la région, nous le confirme : ça décoiffe dans les carafes !

Yves Bontoux aurait pu devenir musicien professionnel. Rentré au conservatoire à 6 ans, diplômé à 14, le piano est son premier langage. Il découvre, en parallèle, donc très jeune aussi, la gastronomie et l’œnologie. Car il a les papilles, comme les écoutilles, hypersensibles, et un palais qu’il affine dès l’adolescence sur de grands crus bourguignons, avant de s’intéresser sérieusement aux vins de la Vallée du Rhône et de Savoie.

D’abord rédacteur pour les Guides Verts, puis directeur de l’Office de Tourisme de Val Thorens, il connaît les moindres recoins de l’arc Alpin, dont il a dégusté, pour le guide spécialisé Bettane et Desseauve, la quasi-totalité des crus… Il en a fait profiter une vingtaine de restaurants en composant leur carte de vins et accompagne notamment, aujourd’hui, les étoilés du coin. Pour lui, la 1ère bouchée d’un menu, comme la 1ère note d’une symphonie, doit porter en elle toute l’intention de celui qui l’a imaginée, son cheminement et sa fin. De la même manière, un vin peut toujours aller plus loin dans la subtilité, la pureté, voire les silences… Musiciens, cuisiniers et vignerons, artisans d’art, sont tous guidés par une même quête de sublime et d’absolu.

Activmag : Quels sont vos premiers souvenirs de vins de Savoie ?

Yves Bontoux : Ça remonte au début des années 90. J’en ai gardé une vraie empreinte et 3 souvenirs précis : les Mondeuse et Mondeuse Blanche de Michel Grisard, qui venait d’acheter différents terroirs et initiait sa démarche en biodynamie ; les Chignin-Bergeron de Béatrice et Louis Magnin, qui développent après 10 ans d’âge des notes nobles et envoûtantes de truffe blanche et de miel (le 1993 reste intact dans ma mémoire) ; et la Roussette Marestel de 1988 du Domaine Dupasquier à Jongieux. C’était mon 1er achat au Domaine, dont il me reste encore deux bouteilles. Il m’a accompagné toute ma vie et je l’ai vu évoluer tous les 4-5 ans. Au début, il a la dynamique de la jeunesse, avec l’éclat du fruit et du floral, et le vin est marqué par son cépage. Après une période d’adolescence où le vin peut se refermer, il renaît avec plus de maturité, de complexité, des arômes tertiaires. Les caractéristiques du sol, du terroir, finissent par l’emporter. On passe du plaisir immédiat à une sorte de sagesse, on sort du sensuel, du charmeur pour plus de réflexion. Aujourd’hui encore, ce 1988 est loin d’être mort, il s’est allongé au fil des années, a gagné en milieu de bouche.

Quelle est la dernière fois que l’un d’entre eux vous a surpris ?

J’ai fait récemment une dégustation verticale avec les cuvées Centenaire et Cœur d’Apremont de Jean-Claude Masson, en remontant jusqu’aux années 80. Apremont a souvent une image qui n’est pas extraordinaire, mais Jean-Claude Masson est un artiste. Il trouve la bonne maturité du raisin et il est capable de créer des vins de gastronomie, de grande garde. Je m’amuse d’ailleurs à le mettre à l’aveugle avec des vins d’autres régions, qui coûtent 4 à 5 fois plus cher, comme de grands Sancerre.

Yves Bontoux

Ses vignes sont situées entre 3 et 400 mètres d’altitude. Quel rôle joue l’altitude dans la production des Vins de Savoie ?

La pente exclut le travail à la machine, ce qui est de toute façon nécessaire quand on veut créer un grand vin, car le travail humain est beaucoup plus doux et plus précis. Le problème des conditions extrêmes est que le coût de revient est plus important. Historiquement, il y a eu des tentatives de vins beaucoup plus hauts, comme dans les années 1930-40 en Tarentaise, au-dessus de Bozel à 800m, et jusqu’à 1000 m, vers St André en Maurienne, mais ce n’était pas brillant. A notre latitude, c’est difficile au-dessus de 500m.

Il n’y a d’ailleurs pas que pour la production que l’altitude entre en ligne de compte, elle joue aussi dans la conservation et la dégustation…

L’altitude influence notre façon de cuisiner, du fait de la pression atmosphérique. Par exemple, l’eau bout à 95°C, et il faut une bonne minute supplémentaire pour cuire un œuf mollet à 1500 m. Mais il y a aussi des conséquences au niveau des sens. Afin de s’adapter à un air pauvre en oxygène, notre organisme accroît les globules rouges, le cœur et la fréquence cardiaque s’accélèrent. Soumis à un air froid et sec, nous éprouvons le besoin de nous alimenter davantage. Nos sens, particulièrement nos papilles, sont aiguisés et stimulés. Pour ce qui est de la conservation, elle peut être vraiment intéressante en altitude, à condition que l’on corrige l’hygrométrie, qui peut tomber à 20%. Si c’est le cas, les bouchons rétrécissent et l’oxydation prématurée créée par le contact avec l’air accélère la maturation. Il faut donc un minimum de 50% d’humidité pour sauver les meubles, 80% dans l’idéal, une température de 12°C et pas de lumière. Si on respecte ces conditions, la pression atmosphérique étant moindre, le vin vieillira bien plus lentement qu’en plaine, gagnera en complexité, mais aussi en pureté et en harmonie.

Dans un contexte de réchauffement climatique, comment les vins savoyards peuvent-ils évoluer ?

C’est un contexte plutôt bénéfique pour nous, car le climat savoyard est historiquement plutôt limite pour la vigne. Les grands dangers, ce sont les gelées du printemps, qui n’ont d’ailleurs pas épargné les derniers millésimes, et le cumul de pluie : nous sommes la région viticole la plus humide de France. La température moyenne sur l’année est de 10°C et c’est la limite basse pour pouvoir faire du vin. Si elle remonte, ce sera plus confortable, permettra aux vignerons d’atteindre plus régulièrement une parfaite maturité du raisin.

L’image des vins de Savoie est en train de changer progressivement, les caractéristiques du terroir, elles, sont pourtant les mêmes. Peut-on donc dire que les vignerons savent en tirer un meilleur parti ou deviennent plus experts ?

La qualité potentielle du vin est liée en partie au fait qu’il existe un marché. Si on fait un grand vin, qui coûte cher, va-t-il trouver un public prêt à l’acheter ? La montée en puissance récente de l’offre gastronomique en Savoie a créé un débouché puissant, avec l’attente de vins de haute volée. Un grand vin, c’est aussi la rencontre d’un terroir et de son interprétation par le vigneron, c’est un vrai savoir-faire et beaucoup d’énergie.

Or, il y a un vrai potentiel en Savoie, gastronomique, œnologique, culturel, qui reprend vie aujourd’hui, après avoir connu une époque glorieuse du temps des Ducs de Savoie. Cela passe par de faibles rendements, plus de soin et de travail apporté à la vigne toute l’année, à la compréhension des terroirs, à des densités de plantation plus élevées… On recherche la maturité parfaite et la plénitude du fruit, ce qui demande un travail millimétrique, le respect de chaque grain de raisin. Les vignerons apprennent tout cela d’année en année, ils deviennent plus précis, plus artistes. Ils créent des vins plus vivants, dont vous ne faites jamais le tour dans le verre, comme un être humain qu’on ne peut enfermer dans une case. Les plus belles Mondeuse peuvent faire de l’ombre à certaines Côte Rôtie, mais il faut 10-15 ans pour qu’elles prennent toute leur ampleur et leur potentiel.

Les vins de Savoie pour les Nuls

Vous avez raté notre numéro «Spécial vins de Savoie » 2017 ? Voici de quoi vous rattraper. L’appellation «Vins de Savoie», c’est :

  • 4 départements (73, 74, 38 et 01) et une cinquantaine de communes, soit un vignoble très morcelé sur un vaste territoire, très marqué par les blancs, qui représentent 70% de la production, alors que les Français boivent du rouge à 80%…
  • Un vignoble souvent planté au pied des montagnes, entre 2 et 300 mètres d’altitude, jusqu’à 450 au maximum, plus élevé en tout cas que la plupart des autres régions viticoles, et généralement à flanc de coteaux, en pente, parfois très forte, qui peut aller jusqu’à 60%.
  • 23 cépages, dont 7 endémiques : l’Altesse, le Gringet, la Mondeuse blanche et noire, le Persan, la Mollette et la Jacquère.

Photos : Floartphotography

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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