la table en braille dans le noir total

24 Jan 2018

Eteins la lumière montre-moi ton côté sombre !

Ce soir, je mange in black ! Pas un dîner aux chandelles romantique, non ! Ni un dîner bandeau sur les yeux et fin de soirée coquine, petits malins que je vois venir ! Rien de tout ça ! Le repas sera servi… dans le noir absolu ! Euh… qui a dit que les grands n’ont plus peur du noir ?

Manger dans le noir total ? La perspective est pour le moins déroutante. Le concept tout autant. Le coup de la panne, on me l’a déjà fait, mais pas d’électricité, à l’année et au resto !

BLACK OUT TOTAL…

Ils ne l’ont jamais oublié ce «Black-out» testé à Barcelone en 2010. L’expérience les a marqués. Profondément. Alors quand Laurent Trabalzini et sa compagne ouvrent un restaurant, le Comptoir Joa, en 2013, au cœur de la Cité internationale, dans le 6ème arrondissement de Lyon, c’est une salle au sous-sol, dépourvue d’ouverture, qui ravive le projet. Tranquillement, mais sûrement. Car tant qu’à jouer la carte du noir, “il fallait le faire à fond“, explique Laurent qui a passé de longs mois à travailler le recrutement, puis la formation d’une première serveuse non-voyante, pour enfin ouvrir la «Table en braille», voilà 2 ans.

Lorsqu’on mange sans voir, tous les autres sens se développent, et c’est bien là tout l’intérêt du concept : les aliments prennent alors une saveur exceptionnelle. “L’objectif est de stimuler l’imagination et les sens. Et par la même occasion, cela permet de mieux comprendre ce que c’est que vivre avec la cécité, tout comme nos serveurs non et malvoyants.” Une double expérience, en somme.

PISTE… NOIRE !

“Avec un menu qui change chaque mois, on fait découvrir des associations de saveurs et textures que l’on ne ferait pas dans la partie traditionnelle du restaurant…”. Cette phrase me laisse un brin perplexe. Allons-nous manger des quenelles sur lit de fraises rôties? Les fraises n’étant plus de saison, et comme Laurent ne cuisine que les produits du moment, cela semble peu probable. Mais le chef ne dévoilera rien du menu. Motus et bouche cousue…

Le mystère s’épaissit à mesure que nous descendons au sous-sol. L’appréhension aussi. Bientôt privée d’un sens important – que celui qui ne s’est jamais cogné le petit doigt dans le chambranle d’une porte lors d’une escapade nocturne dans la cuisine me jette la première assiette! -, ferai-je partie des quelque 5% qui ne supportent pas l’expérience? Le noir absolu peut, chez certains, donner la sensation de tomber dans le vide, provoquer une certaine oppression, ou déclencher une crise de claustrophobie… “Fort heureusement, c’est assez rare”, me chuchote-t-on…

Briefing rapide par un serveur, tous les convives, une vingtaine au maximum, sont priés de déposer sacs et objets lumineux (téléphone, montre phosphorescente, briquet…) dans des casiers ! Impossible de tricher ! Passage aux toilettes (éclairés!!) conseillé : après ce sera trop tard! Prise en note des allergies et orientations végétariennes : le chef remplace au pied levé tout interdit, excepté quand la liste est trop longue. “On a déjà refusé de servir un steak/frites à une cliente souffrant de multiples allergies, car là n’est pas l’idée que nous nous faisons de l’expérience”.

Chaque tablée est conduite en file indienne par Abdel, notre serveur ce soir, non-voyant. L’aisance avec laquelle il va et vient est juste bluffante. Nous, on fait moins les malins…

UN NOIR AVEUGLANT !

Après un moment à glousser en tâtonnant mon environnement proche : “Les couverts sont là, surtout ne pas les faire tomber! Ah, ça c’est le genou de mon voisin, enchantée!”. J’ai comme une bouffée d’angoisse qui monte. Un sentiment d’enfermement, assez indescriptible. Je me résonne, respire par le ventre, relativise : à mon âge, avoir peur du noir… et décide de prendre mes marques en me servant un verre (en plastique, sécurité oblige) d’eau. J’avais lu que mettre son doigt dans son verre évitait le trop plein, certains n’avaient visiblement pas eu vent de l’astuce, vu les invectives poussées par une convive arrosée !

DIS-MOI CE QUE TU MANGES, JE TE DIRAI QUI TU ES

Abdel «apparaît» comme par magie pour nous servir l’apéro, qui ne devrait pas me détendre : j’ai choisi du jus de fruit, mes sens seront assez perturbés sans y rajouter de l’alcool! Mais je teste le vin de Monsieur, qu’il déclare blanc… Parce que non seulement on n’y voit rien, mais on ne sait pas non plus ce qu’on va boire, ou manger! Mauvaise pioche! Pour moi, c’est du rouge! Laurent précisera, après coup, que dans le noir, on est très influencé par ce que l’entourage dit, le blanc aurait pu rester du blanc si je n’avais pas eu mes supers pouvoirs.

Puis Abdel nous sert l’entrée, je suis plus à l’aise : la nourriture, c’est mon péché mignon! D’emblée, je me sers de mes doigts pour jauger la nourriture, autant que pour la situer. Régressif au possible de se pourlécher les doigts à chaque bouchée! Mon acolyte, plus téméraire (ou fourbe) prétend ne se servir que des couverts. Le doute persiste, pull et barbes sont sortis un peu trop propres pour être honnêtes!

Autour de nous, les paris vont bon train. Je me retiens de crier à mes voisins que non, ce n’est pas de la glace au citron, mais à la cerise! Car le volume sonore va crescendo (une récurrence de ce genre de repas, Laurent nous avait prévenus: le noir désinhibe. A moins que ce ne soit pour éloigner le loup?!). Certains arrivent, malgré tout, dans cette ambiance surréaliste, à avoir une conversation «normale» (Si tant est qu’épiloguer 1/4h sur les vertus de la course à pied soit jugé comme «normal»?!). Pas peu fière d’avoir reconnu le jus de banane, les chips de panais, le risotto au poisson (blanc, ne m’en demandez pas plus!) et la Forêt noire déstructurée. Le repas fini, Abdel nous ramène à la lumière. Sentiment de liberté.

VERDICT : ON N’EST PAS DES LUMIÈRES !

L’acclimatation dans ce sens est moins dure que dans l’autre. Laurent, l’œil goguenard, nous attend pour le débriefing. On tombe des nues devant les plats pris en photos qu’il nous présente : le bacon était en fait de l’épaule d’agneau fumé, il fallait reconnaître le jambon cuit au torchon et truffé qui accompagnait des œufs brouillés, des algues côtoyaient les pleurotes dans le risotto. On ressort étourdis, déboussolés, et frustrés à l’idée d’être passés à côté de saveurs qu’on aurait pris plus de soin à découvrir si on avait su. Mais la petite aventure n’aura pas tourné en déconfiture, je suis prête à éteindre la lumière et remettre le couvert!

Nouveauté à venir : repartir avec le film de son repas, Laurent projette d’installer des caméras infrarouges. De quoi réjouir voyeurs et moqueurs!

+ d’infos :
table-enbraille.fr

© olly

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