des seins animés
A l’origine potiches-godiches-boniches, bref plutôt quiches ; les héroïnes de dessins animés ont beaucoup ramé pour s’émanciper. Des personnages inventés ? Oui, mais de réels reflets de notre société.

Tout avait pourtant plutôt bien commencé. Première star féminine du film d’animation créée en 1930, Betty Boop tient plus de la femme libérée que de la matrone veillant âprement sur sa maisonnée. Mais la jupe courte et les mœurs jugées délurées de l’aguichante brunette, ne tardent pas à déclencher les coupures de la censure. Le sévère code Hays alors en vigueur aux Etats-Unis est enclenché : la robe et ses manches sont rallongées, les allusions à la séduction et à la sexualité édulcorées. Les Studios Fleischer font même disparaître l’introduction des épisodes, occultant ainsi le fameux clin d’œil et le déhanché de la suggestive pépée. La «Baby Doll sex-symbol» est transformée en femme au foyer bien plus «peaulissée».

LES REINES DU BAL(AI)
Si Betty Boop conserve toutefois son droit au célibat, il n’en est rien des personnages féminins qui marquent ensuite l’histoire du film d’animation. Blanche Neige (1937), Cendrillon (1950) et Aurore (La Belle au bois dormant, en 1959) aspirent la maison… et à épouser le prince charmant ! “Toutes les héroïnes Disney sont des produits de leur époque. Les princesses créées dans les années 40 et 50 étaient la quintessence de ce que pouvait être une femme à l’époque : la fille bien, qui encaisse les coups durs… et qui au final chante et est gentille…”, décrit Linda Woolverton, scénariste chez Disney.
Bien que figures centrales des histoires, les héroïnes sont dotées de personnalités plutôt effacées. Elle n’apparaissent pas maîtresses de leur destin qu’elles subissent, et ne font finalement qu’attendre les valeureux et merveilleux époux qui feront enfin d’elles des femmes accomplies (ah non pardon, elles ont le droit de faire le ménage aussi !). Dans ce contexte, leurs attraits physiques sont des atouts essentiels. La beauté, la passivité et la serviabilité des filles sont ainsi valorisées, tandis que le mariage est clairement synonyme de réussite sociale et affective.

LE MÂLE À LA BARRE
Un «idéal» qui tend à s’estomper avec l’évolution des mentalités. A partir des sixties, quelques héroïnes aux personnalités plus marquées font leur apparition sur les écrans : Pénélope dans Les fous du volant (1968), Daphné et Véra dans Scooby Doo (1969)… Pour autant, il n’est pas non plus question de trop élargir l’horizon des femmes ! Pénélope est plus «Joli Cœur» que winneuse, Daphné est ravissante et pas trop bête mais se fait sans cesse kidnapper, tandis que Véra la cultivée n’est physiquement pas très gâtée.
De nombreux scénaristes se contentent eux de mettre en scène des créatures juste sexy, style Cutie Honey (1973), voire carrément des bimbos, comme celles qui côtoient l’affreux macho Nicky Larson (1987)… Avec plus de caractère, les sœurs de Cat’s Eyes ouvre la voie à un modèle de femmes plus courageuses, intelligentes et indépendantes qui s’esquisse peu à peu. Marqueurs forts de leurs époques, les dessins animés des Studios Disney révèlent dans les années 90 des héroïnes actives, qui s’affirment, échappant de plus en plus à la tutelle masculine (paternelle ou maritale) : Ariel la petite sirène, Belle (La Belle et la bête), Esmeralda (Le Bossu de Notre Dame), Mulan la guerrière…
LA NOUVELLE GÉNÉRATION DE RÉALISATEURS, À DÉFAUT DE POUVOIR GOMMER COMPLÈTEMENT LES STÉRÉOTYPES DE GENRE, S’ATTACHE À CRÉER DES PERSONNAGES FÉMININS AVEC DU CARACTÈRE, PAS POTS DE FLEURS…

LA RAIPONCE DES FEMMES
Créée en 2010, la blonde héroïne incarne pleinement ces nouvelles «wonder women» fortes et autonomes. A cheveux plutôt qu’à cheval, elle se charge elle-même de sa destinée, ouvrant une voie qu’emprunteront à sa suite Merida (Rebelle, de Pixar Animation) et Elsa (La Reine des neiges). La première préférant chasser le gibier plutôt que les mâles énamourés, la seconde plus attachée à sa sœur que sensible à un quelconque joli cœur. Libérééééées, délivréééééées… Enfin une vraie égalité des sexes?
“La nouvelle génération de réalisateurs, à défaut de pouvoir gommer complètement les stéréotypes de genre, se pose de plus en plus la question. Ils s’attachent à créer des personnages féminins pas pots de fleurs, leur font une fiche personnelle bien détaillée, leur donnent du caractère, qu’il soit gentil, punk ou désordonné, mais en tout cas de vrais traits de caractère”, commentent Marjorie Barraud et Morgane Schlotterbeck, chargées de production au studio d’animation haut-savoyard Caribara. « Et ce sont les films de Miyazaki (ndlr: Nausicaä, Princesse Mononoké) qui ont proposé les premiers les caractères féminins les plus affirmés. L’animé japonais a toujours eu une longueur d’avance en la matière !”.
Mais avec l’augmentation récente du nombre de femmes dans les filières de l’animation, il est fort à parier que l’écart se réduise considérablement dans les années à venir. On en ressent déjà les premiers effets : cette année, 7 des 25 longs métrages présentés au Festival International d’Animation d’Annecy ont été réalisés par des femmes.
Alors, comme le disait déjà Elastigirl dans les Indestructibles en 2004 : “Réveillez-vous les filles ! On va laisser les hommes sauver l’univers ?!?”.


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