les films d’animation & les méchants

18 Août 2018

vils de lumière

Jafar, Maléfique, Capitaine Crochet ou Mère Gothel… il faut un bon méchant pour faire un bon film. Leurs ambiguïtés dessinent, en creux, les contours des gentils, leur obscurité capte la lumière et leurs rires résonnent dans nos têtes. Discussion avec l’une des plus emblématiques d’entre eux, la machiavélique Cruella d’Enfer.

À gauche : Syndrome. À droite : Capitaine Crochet.

On l’avait laissée, avec les débris de sa voiture de sport, dans un ravin enneigé, renonçant à ses rêves de manteau en fourrure de chiens. Coiffure bicolore, escarpin rouge et porte-cigarettes interminable calé entre l’index et le majeur, Cruella d’Enfer a connu son heure de gloire en 1961, à la sortie des 101 Dalmatiens. Alors que le projet «101 Dalmatian Street», série animée remettant en scène la vie de cette aboyante famille nombreuse, est présenté à Annecy, dans le cadre des sessions «Work in Progress» du Festival d’Animation, Activmag redonne la parole à cette icône de Disney, incarnation stylée et obstinée de la malveillance. Avec mauvaise foi mais sans concessions, elle nous parle de l’évolution de la place des méchants dans l’animation, et dézingue, on n’en attendait pas moins d’elle, ses successeurs.

À gauche : Lady Trémaine, la marâtre de Cendrillon. À droite : Medusa.

Activmag : Mais pourquoi êtes-vous si méchante ?

Cruella d’Enfer : Mais pourquoi me le demander ? C’est usant à la fin ! Ne peut-on pas simplement être malveillant pour le plaisir ? Tout se perd ! De nos jours, on fait systématiquement appel à la psychologie pour expliquer ce qui a poussé un personnage à mal tourner. Regardez Karaba, dans Kirikou, elle a été maltraitée par les hommes, voire peut-être victime d’un viol, d’où son besoin de vengeance ; la haine de Syndrome à l’encontre de M. Indestructible remonte à une frustration de l’enfance ; le démon Te Ka, qui répand le chaos autour de l’île où habite Vaiana, est en fait la déesse à qui l’on a volé le cœur… Mais le pompon, c’est chez le Japonais Miyazaki : que ce soient ses pirates du Château dans le Ciel ou les sangliers de Princesse Mononoke, ils ont tous des intérêts à défendre et luttent pour leur survie. Bref, tous ces nouveaux méchants sont absous à partir du moment où on connaît leurs motivations, ils suscitent l’empathie… Et ça, ça me met hors de moi ! Je dis stop à l’angélisme ! Je suis méchante, un point c’est tout.

Maléfique

Comme l’étaient la marâtre de Cendrillon, Maléfique dans La belle au bois dormant, Ursula dans La petite sirène ?

Ah, mes vieilles copines ! Des femmes fortes, dominatrices, indépendantes… Moi, j’ai eu de la chance, mais elles, elles ont toutes été victimes d’une chute vertigineuse… Vous ne l’aviez pas remarqué ? Ça n’est pas réservé qu’aux femmes d’ailleurs, mais chez l’Oncle Walt, les méchants tombent à la fin. C’est bien pratique : on ne montre pas la mort directement, il n’y a pas d’effusions de sang et comme il s’agit presque à chaque fois d’un accident, la moralité du héros n’est pas entachée.

Vous regrettez une époque plus manichéenne ?

Mais tellement ! Disons qu’avant, les choses étaient plus simples. Un trait franc, deux camps : les cow-boys d’un côté, les Indiens de l’autre, les Américains et les Soviétiques, les extraterrestres et les humains… Aujourd’hui, les lignes ont bougé, le mal est moins facilement identifiable et le bien n’a pas toujours le visage attendu. Malgré un air charmant, le Prince ne l’est plus toujours – voyez par exemple comme Anna manque de tomber entre les griffes de Hans – mais par contre, un ogre peut devenir preux chevalier et délivrer une princesse. Comme Shrek, qui effraie pourtant les paysans et qui aime ça, comme il aime vivre seul dans son marais pestilentiel et n’est pas d’une intégrité absolue, mais il finit quand même en père de famille rangé. C’est un peu comme si tout le monde pouvait devenir mauvais, mais que finalement, personne ne l’était plus vraiment.

À gauche : Scar. À droite : Ursula.
Gru

Le Mal n’existerait-il donc plus ?

Ne nous emballons pas ! Le mal pour le mal est de plus en plus rare chez nous autres, les personnages totalement inventés. Mais quand on se rapproche de la réalité, on trouve encore de beaux exemples de férocité : dans Parvana, par exemple, qui est en compétition à Annecy cette année, les Talibans n’ont pas grand-chose à nous envier.

Vous reconnaissez-vous quand même dans les nouvelles générations de méchants ? Y’en a-t-il, parmi eux, qui pourraient se réclamer de votre style ?

En termes de garde-robe, j’aime assez le look de Jafar, le Grand Vizir d’Aladdin, je pense qu’il y a une certaine filiation dans l’extravagance, voire l’élégance, mais je doute que ce soit l’objet de votre question. Plus sérieusement, j’avoue avoir été presque jalouse de Scar, sa cruauté féline, son degré d’infamie… Il tue Mufasa, le Roi Lion, et c’est quand même son propre frère ! Quand j’ai senti, au moment de la projection, à quel point il faisait l’unanimité, que tout le monde, sans exception, le détestait, j’en ai eu des frissons…

Plus tard, j’ai fondé beaucoup d’espoir en Gru. «Moche et Méchant», c’était sacrément prometteur ! D’autant que ses créateurs l’avaient imaginé comme un mélange de Blofeld et Goldfinger, Bela Lugosi et Louis Jouvet, avec de l’ambition et tellement d’humour. Il était capable de congeler tous les clients d’un café pour leur passer devant ou de consoler un enfant en lui offrant un ballon, pour mieux le crever ensuite. J’adorais ça ! Mais tout comme Shrek, il a été rattrapé par la vie de famille, corrompu par la tendresse de ses trois gamines.

Croyez-vous que je me serais laissée attendrir par une bande de chiots trop mignons, moi ? Que leurs regards implorants m’auraient fait renoncer à les étriper ? Bien sûr que non… D’abord, j’aime assez les harmonies stridentes d’un concert de glapissements, et puis je voulais leur peau à tout prix ! Impeccables les peaux par contre… Si encore le sang restait rouge, j’aurais toléré quelques taches de couleurs assorties à mes Louboutin, mais il fonce en séchant et le brun ne me va pas du tout au teint.

Cruella, vous êtes immonde…

Merci.

Jafar & Iago
Cruella d’Enfer

© Walt Disney Pictures – Pixar / © Walt Disney / © Universal Pictures – Illumination Entertainement

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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