Les flops du design

15 Nov 2020

Regards dans le bide !

Fiascos planqués sous le capot ou ratages sans battage… L’erreur fait horreur, mais au mois de décembre, à la Cité du Design de St Etienne, c’est pourtant aux flops qu’on rendra hommage. L’occasion, pour une fois, de conjuguer le verbe créer au pas parfait.

Mais qu’est-ce qu’un flop d’ailleurs ? “Une déviation par rapport à l’issue attendue ou désirée” résume Samuel West. Ce psychologue et “irrévérencieux” chercheur comme il se définit lui-même, est également le conservateur du Musée de l’Erreur (Museum of Failure), à Helsingborg en Suède, dont une sélection d’objets sera exposée à St Etienne. “Notre société glorifie le succès, vous devez réussir vos études, votre mariage, votre vie de famille… Si nous échouons en tant qu’individu ou équipe, nous sommes sanctionnés, alors la peur de l’échec est très forte. Quand j’ai fait mes recherches sur le monde de l’innovation, je m’intéressais au type d’entreprises dans lesquelles les gens se sentaient suffisamment en confiance pour se lancer, expérimenter. Et j’ai été surpris de voir que dès qu’elles commencent à vendre, les entreprises cherchent à couvrir l’échec, à le cacher. Les « Success Story » sont toutes les mêmes, pourtant, et dans le design c’est flagrant, derrière chaque produit réussi, il y a quelqu’un qui a travaillé dur et échoué plusieurs fois. C’est drôle de voir que le ratage est si important pour l’innovation et qu’on en parle pourtant si peu.”

Sélection de (petits) fours

Résultat, ces ratés, il s’est mis à les collectionner. Du masque de beauté électrique « Rejuvenique », dont Linda Evans, la Kristle Carrington de Dynastie vantait les vertus en 1999, mais qui, dans la réalité, donnait l’impression que des fourmis mordaient le visage et qui n’a jamais été approuvé par les autorités de sécurité ; en passant par le ketchup Heinz violet bourré de colorants ; le Crystal Pepsi dans lequel on les avait tous enlevés mais qui s’est avéré imbuvable ; ou la Delorean, voiture que seuls Marty McFly et Doc ont jamais réussi à conduire.
Mais son fiasco préféré, c’est la bouilloire Hot Bertaa, dessinée en 1987 par Starck pour Alessi. “J’en ai même deux ! Une à la maison et une au musée. Elle est très chère, mais on ne peut pas l’utiliser, au risque de se brûler (la poignée servant aussi d’évacuation pour la vapeur)”, s’amuse-t-il. “C’est un très bon exemple d’objet pour lequel le design a été plus important que la fonction. Alessi est un nom extrêmement prestigieux, mais il a été lui-même très ouvert à ce propos, en appelant cette bouilloire « mon plus joli fiasco ». Et ça mérite d’être souligné, car la plupart des marques l’auraient caché. Mais aujourd’hui, Bertaa est probablement plus célèbre en tant que raté, qu’elle l’aurait jamais été si elle avait fonctionné.”

Errare fecundum est

“Les erreurs ont presque toujours un caractère sacré, n’essayez jamais de les corriger”. C’est par cette citation de Salvador Dali que Sylvie Sauvignet, en charge de la programmation et de l’accueil des publics à la Cité du Design de St Etienne, aime entrer dans le vif du sujet. Elle définit le flop, comme “un échec commercial, dû à un problème de conception ou un manque de design, ou encore à un concept trop en avance sur son temps, on dit d’ailleurs : « avoir raison trop tôt c’est avoir tort »”. A l’image de cette Little Miss No Name, imaginée en 1965 par Hasbro pour proposer une alternative à la populaire Barbie. En adéquation avec les idéaux de l’époque, la marque de jouets souhaite apprendre aux petites filles la compassion, les sensibiliser aux réalités de la vie pour les moins chanceux. Avec de grands yeux expressifs d’où coule une larme, la poupée est donc vêtue de chiffon et pieds nus, elle a même une main tendue, attendant d’être consolée et protégée. L’intention est louable, mais elle rate sa cible : la plupart des enfants sont terrifiés. Hasbro l’abandonne rapidement.

Echecs et mate !

Ces ratés permettent d’anticiper de nouvelles pratiques, de comprendre ce qui déclenche l’envie de l’utilisateur. Ils nous obligent aussi à regarder le monde de la production différemment, parce qu’on a tendance à oublier qu’on vit dans un monde standardisé, ergonomique”, analyse Sylvie Sauvignet. “Parfois, l’aléatoire rentre dans le processus, alors qu’on a du mal à le laisser entrer, mais c’est exactement ce que fait la jeune architecte designer grecque Katerina Kamprani (voir article p. 56), elle fait entrer cette poussière dans le rouage, détourne la fonction du design.”
Dans l’exposition, à côté de ses « Inconfortables », les loufoqueries imaginées par Jacques Carelman, dessinateur, dentiste de formation, qui, en 1969, publie un Catalogue d’Objets Introuvables. Dans cette parodie du catalogue Manufrance (première société française de vente d’objets par correspondance), il propose notamment un fusil à kangourou, dont « la forme du canon imprime à la balle une trajectoire sinusoïdale qui suit l’animal dans ses bonds » ; une paire de pantoufles de ménage, dont la droite est munie d’un balai, et la gauche d’une pelle pour permettre à la ménagère de « balayer sans avoir à se baisser » ; « une cafetière pour masochiste » dont le bec verseur se trouve au-dessus de la poignée ou encore une fourchette à spaghettis, montée sur une manivelle, « qui peut également servir pour la choucroute ».

L’appel du bide

L’échec n’est donc finalement qu’une vue de l’esprit, universel, inévitable, mais relatif. C’est ainsi qu’ont décidé de le traiter les membres du réseau international « Fuck Up Nights », qu’on pourrait traduire par les Soirées du Foiré. En France, ils sont présents à Paris, Lyon, Clermont-Ferrand ou Nice, et proposent de « vivre une vie sans filtre, en partageant des histoires d’échecs  », partant du principe que ces échanges peuvent créer des environnements de travail plus sains, réduire la frustration professionnelle et libérer l’innovation. Récemment, Hap Klopp, fondateur du groupe américain de vêtements outdoor The North Face, est venu y déconstruire le mythe de la réussite fulgurante, véhiculé notamment par la Silicon Valley. Il reconnaissait appliquer la stratégie de Thomas Edison, père de l’ampoule électrique et du phonographe : “je n’ai pas échoué, j’ai juste trouvé 10 000 solutions qui ne marchent pas.”

+ d’infos : Flops ! Quand le design s’emmêle du 11.12.2020 au 21.02.2021 à la cité du design de St Etienne citedudesign.com museumoffailure.comfuckupnights.com

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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