Lyon sur un divan

16 Déc 2017

Lyon est un con sensuel

« C’est pas moi qui le dis, c’est lui ! » lui, c’est Laurent Petit. Pas le 
chef étoilé. Lui est psychanalyste urbain, ou ovni, objet vivant non identifiable, entre le clown et le scientifique. Le musée d’histoire de Lyon (MHL) a fait appel à son agence nationale de psychanalyse urbaine (ANPU) pour coucher Lyon sur le divan. Une exposition décalée à découvrir jusqu’au 17 juin 2018.

Quand le directeur du musée d’histoire de Lyon, Xavier de la Selle, imagine une exposition sur Lyon et ses transformations urbanistiques, il se dit que le sujet, d’un point de vue purement historique, peut être rébarbatif. Il repense alors à ce psychanalyste urbain croisé en 2009 à Villeurbanne… Laurent Petit donnait alors une conférence métaphorique sur la psychanalyse de la ville, à grand renfort de Powerpoints.

Ce grand bonhomme en blouse blanche – “une réminiscence du professeur Burp de Gotlib que j’adorais lire petit”, nous avouera-t-il – était ingénieur dans les télécoms lorsqu’il rencontre, en 1996, un scientifique aussi toqué que lui qui étudie le lien entre Michel-Ange le peintre et Mickey Mouse la souris. C’est le déclic : Laurent Petit se lance comme auteur, compositeur, interprète, et créé son cabaret philosophique.

Au détour d’une représentation de «Michel Ange et son nombre», il découvre Exist, un collectif d’architectes composé “de petits jeunes délirants qui font des installations à échelle 1”, se souvient-il. Ces derniers lui demandent d’imaginer une conférence sur leurs travaux : “c’est là que j’ai créé le personnage du psychanalyste urbain”, se souvient le comédien chercheur (ou l’inverse). Cette conférence se joue des codes de la psychanalyse et de l’urbanisme. Réalité et fiction se confondent, au point que le public se fait prendre et pense que cette discipline – la psychanalyse urbaine – existe réellement.

En 2008, il reçoit coup sur coup quatre demandes : Béthune, Vierzon, les Côtes d’Armor et Tours veulent, elles aussi, être couchées sur le divan. Il se lance alors dans l’aventure, nez au vent, mais toujours sérieusement, avec l’aide de Charles Altorffer, architecte urbaniste, et Fabienne Quéméneur, agente artistique de son cabaret philosophique. L’agence nationale de psychanalyse urbaine (ANPU) est née.

Laurent Petit a depuis diagnostiqué une soixantaine de villes, enchaînant les conférences humoristiques, dans lesquelles il retranscrit ses recherches “quasi journalistiques d’investigation”, en appliquant la métaphore de la psychanalyse à la ville. Le fond est sérieux, mais la forme est délirante.

Allégorie La naissance de Lyon dans le Y originel, Charles Altorffer, 2017 © ANPU

DANS LA TÊTE DE LYON

“Toute l’équipe du musée a joué le jeu avec la blouse blanche lors des deux opérations divan qui ont eu lieu l’hiver dernier (les passants étaient invités à remplir une sorte de questionnaire chinois sur Lyon, ndlr). Et cet été, durant l’opération teaser, 800 personnes sont venues au musée pour remplir un questionnaire sur Lyon, et dessiner la ville !” s’enthousiasme Xavier de la Selle. La plupart ont représenté leur ville à travers la forme que prennent ensemble ses deux fleuves : un Y.

De défrichage historique dans les archives en «opérations divan» auprès des habitants, les recherches menées dans chaque ville permettent de détecter ses névroses en reconstituant son «arbre mythologique». Entre vécu social, légendes urbaines et traumatismes enfouis – «crises, épidémies, voire descentes en 2ème division!» -, s’esquisse le PNSU de la ville, son point névrostratégique urbain.

Pendant un an, Lyon personnifiée, s’est allongée, non pas derrière Perrache, qui est un verrou autant qu’une verrue, mais sur le fameux divan. Qui sont ses parents? Quels sont ses complexes et blessures? Une guérison est-elle en cours?…

Entre ses pulsions instinctives de grandeur, de faste, de reconnaissance (son «ça»), et ses contraintes d’enfermement, à la fois géologiques, bourgeoises, militaires ou religieuses (son «surmoi»), Lyon semble pétrie de contradictions, coincée entre le nord et le sud, à la fois bourgeoise et populaire, drôle et sérieuse…

A l’instar de son père le Rhône, dynamique, et de sa mère la Saône, plus langoureuse, qui forment ensemble le chromosome féminin Y. Comment ne pas développer un complexe kleinien pour l’enfant ainsi rejeté de la relation fusionnelle de ses parents ? Et cela débouche sur des terreurs nocturnes… Mais le «moi» de l’enfant étant puissant, il a su se parer de mille lumières, des frères aux lumignons, et ainsi combattre cette perversion originelle, pour laquelle Blandine (une de ses grands-mères, avec les Mères cuisinières), sacrifiée sur l’autel de l’inceste paya le prix fort, dans la fosse aux lions. De cet arbre mytho généalogique, réalisé par l’ANPU, ressort que Lyon est autant consensuelle, qu’un «con sensuel». Et pourquoi pas ?

Si Lyon était un dicton ?
Si Lyon avait un ennemi ?
Si Lyon était une chanson ?

DÉMARCHE NARCISSIQUE

La psychanalyse urbaine est un jeu intellectuel, un amusement pour qui aime frôler avec les limites des disciplines. Mais son ambassadeur va plus loin : “le rôle du bouffon n’est pas seulement de se moquer du roi (et avec lui de la ville, la mairie, le théâtre, le pouvoir), des personnes ou de l’institution, c’est de semer la confusion dans la tête des gens qui viennent l’écouter pour démonter leurs certitudes, leurs repères et les vérités auxquelles ils croient. L’idée est de déstabiliser l’assistance, non pas en remplaçant une vérité par une autre, mais plutôt en lui suggérant qu’il n’y a pas de vérité et qu’il n’y en aura sans doute jamais. La posture du bouffon n’est donc surtout pas celle du militant, il n’est pas là pour faire la révolution ; il est là pour semer la confusion dans la tête des gens avec le secret espoir de leur ouvrir des portes qui donnent sur l’infini.

Le MHL a ainsi confronté les analyses d’historiens, de scientifiques, de témoins ou artistes, avec celles de terrain de l’ANPU, pour une exposition à contre-courant. Si la discipline plaît au point que l’ambition de l’ANPU est de “psychanalyser le monde entier”, c’est sans doute aussi parce qu’il y a une démarche narcissique de la ville à vouloir se coucher elle-même sur le divan. D’ailleurs, ici, l’ego des Lyonnais devrait être gonflé à bloc, puisque pour Laurent Petit, “Lyon n’a aucune névrose, c’est chiant!”. A la fois complète et complexée, à l’instar de Lug (Dieu romain cherchant à se faire accepter à la cour des dieux, et qui, pour ce faire, revêt divers costumes et exerce plusieurs métiers, et finit par y arriver en jouant aux échecs, ndlr), Lyon a trouvé la clé pour se soigner et se faire une place au soleil, à grand renfort de sons et lumières.

Laurent Petit

Les chinoiseries de Laurent Petit :

… si j’étais une ville, je serais sans doute Marseille car elle s’étale à l’infini, est imprévisible, parfois endormie avec des sautes d’humeurs et de violence, mais aussi parce que c’est une sorte d’île ouverte sur le monde.

… si j’étais une névrose, je serais sans doute maniacodépressif, mais avec des hauts durant lesquels je tordrais la réalité dans tous les sens, pour en tirer quelque chose d’incroyable ou de mystérieux, qui nous sorte un peu de la torpeur et de l’ennui.

… si j’étais une femme, j’hésiterais entre Siouxsie Sioux, Jeanne Moreau et Simone Veil.

… si j’étais une solution, je mettrais en place celle que suggère mon nom, L’or rend petit, pour essayer de convaincre une bonne fois pour toutes le monde entier que la soif de richesses et l’instinct de propriété rendent les gens généralement médiocres et mesquins, tout en nous emmenant droit dans le mur.

+ d’infos :
Exposition « Lyon sur le divan » – Les métamorphoses d’une ville, du 17 novembre 2017 au 17 juin 2018, au musée d’histoire de Lyon, dans le 5ème.
www.gadagne.musees.lyon.fr

Pour aller plus loin :
«La Ville sur le divan – Introduction à la psychanalyse urbaine du monde entier», de Laurent Petit, aux éditions la contre-allée.
www.anpu.fr

Pauline Marceillac

Pauline Marceillac

Journaliste
SURNOM : Pop (aucune explication à donner, il semble que ce soit le dérivatif naturel de Pauline pour certains. Ce qui est moins naturel, ce sont les autres surnoms qui en découlent, comme Paupiette...) PERSONNAGE DE FICTION : Dora l'exploratrice (moi pour le côté "exploratrice" évidemment, quand d'autres - qui se reconnaîtront - voient les quelques ratages capillaires me concernant) OBJET FETICHE : Je ne sais pas si je peux répondre mon "verre ballon" sans passer pour une alcoolo ?... Du coup, je vais dire mon stylo qui renverra une image beaucoup plus intello... (enfin, cela dit, j'ai deux mains!) ADAGE : "Quand on veut, on peut" JE GARDE : mon fichu caractère qui me sert souvent JE JETTE : mon fichu caractère qui me desserre souvent DANS 20 ANS ? J'espère que je n'aurais pas cessé de voyager, d'explorer, d'essayer. Peut-être me serais-je assagie (j'espère pas). Et peut-être que je l'aurais écrit ce fichu roman commencé dix fois ! (Et tout ça nous renvoie à mon adage )

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