marie-thérèse chappaz en mère nature

31 Oct 2017

« Le meilleur vigneron de Suisse est… une vigneronne ! »

Brillante, incontournable, emblématique… Si le nom de Marie-Thérèse Chappaz est souvent accompagné d’une grappe de superlatifs, la vigneronne du Valais se considère surtout comme une artisane, qui doit savoir garder le vin sur le bon chemin, sans trop le brider, faire sortir ce qu’il a à dire, révéler sa personnalité.

Humide pour un mois d’août. Une de ces journées dont la fraîcheur surprend après une semaine caniculaire. Mais le couvert est dressé sous la per- gola végétale, au pied de la maison familiale devenue cave, avec vue sur les vignobles de Fully et les premiers arpents de terre dont Marie-Thérèse Chappaz a hérité.

Sur la table, viande séchée, pâté en croûte à se damner, fromages des alpages alentours, pain au levain. Autour, une famille de vignerons jurassiens venus découvrir le domaine, Pierre-Emile, étudiant à l’école de viticulture de Changins, habitué des vendanges aux côtés d’une femme qui l’impressionne : “elle est monumentale ! Elle ne s’arrête jamais, m’envoie des messages à 4 heures du mat’ quand je dois aller traiter…” et Jacques Perrin, œno-philosophe suisse, qui raconte son amie de longue date : “son Grand-oncle, Maurice Trolliet, était un visionnaire : il a fait la 2ème correction du Rhône, quand les débordements à répétition rendaient la plaine infertile. Son oncle Maurice Chappaz, écrivain et poète, qui vivait dans cette maison, était l’intendant du domaine. Tous deux étaient des amoureux du Valais, des personnes de grande sensibilité artistique, et Marie-Thérèse vient de là. La géographie modèle les gens, elle est donc inscrite dans son terroir, ils ont une relation symbiotique. C’est une sainte, une icône, il n’y en a pas deux comme elle, elle se sacrifie pour ses enfants que sont les vignes.”

QUAND LA MÈRE VEILLE

Un sacerdoce, dès le plus jeune âge. A 17 ans, quand son père, grand amateur de vins, insiste pour lui donner un premier hectare de vigne, Marie-Thérèse Chappaz le ressent d’abord comme une sorte d’emprisonnement : elle préférerait bouger, se voit sage-femme. “J’aime les femmes, j’ai de l’empathie pour elles, mais je n’ai pas supporté l’ambiance des hôpitaux.” Elle fait le bon choix, donnera vie à des vins.

De la vigne pourtant, elle ne connaît encore que les vendanges, mais décide de la travailler elle-même. “J’aime le lien avec la plante, le végétal, la terre, je ne supporte pas de travailler dans un bureau, j’ai tout de suite la tête qui saute ! Et c’est assez passionnant car c’est une plante pérenne, faite pour durer, avec laquelle j’ai un lien très fort. Je vois quand elle est en déséquilibre : trop ou pas assez de vigueur, de grosses grappes, trop pâlotte, trop verte… Je recherche l’harmonie, par rapport au cépage, au sol, à l’âge de la vigne. Ça m’a beaucoup appris de faire le boulot moi-même, j’ai vu mes erreurs.”

Elle passe quand même par l’école de Changins où elle apprend la rigueur, le respect de l’authenticité, puis gère plusieurs années la cave de la station fédérale de recherche agronomique avant de reprendre l’ensemble des vignes familiales. A 28 ans, elle sort sa première cuvée. Un an plus tard, elle ouvre sa cave et met au monde une fille, qu’elle élèvera, comme ses vignes, seule… Elle qui a grandi au sein d’une fratrie de six et rêvait d’une grande famille. “On a la vie qu’on doit avoir… ”

NAISSANCE NATURELLE

En moins d’une décennie, elle atteint le sommet de son art : Gault&Millau fait d’elle la Vigneronne de l’année 1996. Mais elle ne fait pas les choses pour gagner. “Le confort, la facilité sont de mauvais choix pour moi, si on hésite, si on n’a pas envie, si c’est difficile, c’est souvent là que c’est juste”, explique-t-elle*.

En 2008, après la visite d’un domaine à Tain l’Hermitage, déclic, conversion radicale, elle adhère sans hésitation à la biodynamie, le deuxième plus beau cadeau de sa vie, après sa fille. “Avant, quand je devais employer des désherbants, j’avais une boule au ventre pendant 3 jours. Mais la biodynamie, c’est redonner du vivant à la terre, aux plantes, avec des forces qui existent même si on ne les voit pas.” Ce choix dérange, certains craignent une dérive sectaire ou le prennent même comme une attaque personnelle. Mais les fidèles la suivent : “il y a eu de petits ajustements, mais mes clients m’ont fait confiance. C’est comme si on enlève les béquilles à quelqu’un, il faut qu’il réapprenne à marcher.”*

Avant, quand je devais employer des désherbants, j’avais une boule au ventre pendant 3 jours…
 la biodynamie, c’est redonner du vivant à la terre, aux plantes, avec des forces qui existent même si on ne les voit pas.

OENO-PARENTALITÉ

Nature jusqu’aux intonations chantantes de son accent valaisan, le sourire franc et le regard doux, Marie-Thérèse a des airs de maîtresse d’école, mélange d’autorité et de bienveillance. Mais c’est en maîtresse de maison, de cérémonie, de chai, qu’elle abreuve ses convives et ouvre une Dôle, un Petit Nature ou un Mont des Fleurs, son chouchou, “très peu d’alcool, 12°3, mais c’est tellement bon ce vrai goût de raisin, il fallait oser faire ça avec un rouge…”

Mais malgré tous les éloges, la reconnais- sance de ses pairs et celle de Parker, elle garde les pieds sur terre. “La Nature, on vit avec, on peut avoir de beaux projets, mais elle nous remet à l’ordre. On croit qu’on peut tout gérer, mais on a toujours un boulot de retard, on court derrière. Il faut laisser une part d’autonomie à la vigne, aider la plante, la laisser résister par elle-même, ne pas trop l’assister non plus, ne pas trop la diriger, juste la soutenir.” Comme un enfant. D’ailleurs, elle ne fabrique pas du vin, elle l’élève.

A 57 ans, Marie-Thérèse aime toujours autant l’époque de la taille, l’hiver, quand tout est calme, endormi : “que vous êtes en train de former la charpente, c’est un moment assez magique, comme quand le bourgeon sort”. Elle ne se lasse pas non plus du parfum de la fleur de vigne, en juin, “des milliers de petites fleurs très près du sol, plus fines que le tilleul, ça ne paie pas de mine, mais c’est fantastique !”, des senteurs de la terre qu’on retourne après la pluie ou du chant bouillonnant du vin qui fermente. Et n’est pas à court d’envies : “Je suis à 50 % de mes capacités pour les vins, car je comprends plus de choses, la biodynamie a donné plus de potentiel au niveau garde et expression… Il faut donc que je travaille encore 50 ans !”

+ d’infos :
www.lescotesrousses.com
La Motte Servolex I 73

* tiré de l’ouvrage « Marie-Thérèse Chappaz, la vigne et le vivre » – Plans Fixes – Janvier 2017

Marie Therese Chappaz, si vous étiez…

… un cépage?
La Petite Arvine

… Si vous étiez un grand cru?
Le vin des Glaciers du Valais

… Si vous étiez une autre boisson que le vin?
Une tisane de fleurs

… Si vous étiez un plat à base de vin ?
Une soupe aux légumes avec une tombée de vin rouge dedans.

… L’accord met-vin parfait ?
Un Grain Noble avec du stilton tartiné sur du pain de seigle ou un Ermitage sec avec un morceau d’un gruyère de Duttweiler.

… Si vous n’aviez pas été vigneronne ?
J’aurais été sage-femme !

Le mot de Bruno Bozzer, sommelier

« Le meilleur vigneron de Suisse est… une vigneronne ! Elle réalise, sur chacune de ses cuvées, des prouesses de délicatesse et de typicité pour chaque cépage. Les Chasselas sont frais, désaltérants et déjà d’une longueur cristalline en bouche, les grands cépages tels l’Ermitage et la petite Arvine donnent des blancs complets et riches, mais sans lourdeur et explosifs au niveau aromatique. Les rouges ne sont pas en reste : grands Gamay et exceptionnel Cornalin. Et si vous trouvez quelques «Flétris», nom donné en Suisse aux vendanges tardives, vous redeviendrez fanatique des Grands Sucrés.”

Photos : dominiquederisbourg.com

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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