On the road again
Ils ont donné au jean ses lettres de noblesse, en ont fait une valeur fashion incontournable dans des versions luxe et tendance. Une mauvaise association a pourtant failli rayer Marithé Bachellerie, la Lyonnaise, & François Girbaud, le Mazamétain, de la planète mode. Mais ils reviennent avec un nouveau concept, plus avant-gardistes que jamais.
En 2011, François Girbaud nous parlait d’avenir : “Aujourd’hui, nous possédons 110 boutiques à enseigne dans le monde. Notre avenir passe par l’ouverture de magasins sur des marchés comme l’Asie. Nous venons de signer en Chine pour l’ouverture de 38 points de vente, plutôt orientés casual.” Mais la marque était déjà dans une tourmente qui se confirmera deux ans plus tard par une liquidation judiciaire et la fermeture de leurs huit boutiques « en propre », en France et en Belgique. “On a vendu tous nos stocks, se remémore Marithé, et quand on a vu tous ces clients, comme orphelins, qui pleuraient presque, nous disaient de ne pas les laisser, toute l’équipe s’est sentie portée et m’a poussée à revenir.” En s’entourant de proches de la marque, les deux créateurs lancent donc un nouveau concept de distribution inédit : ils organisent une tournée de ventes éphémères dans toute la France.
ROCK AND ROAD
C’est sous le nom du collectif Mad-Lane (MADeLeinNE – MADe in LAiNE – MArithé LAiNE) qu’ils prennent donc la route, fin 2015, comme des Rock Stars, pour renouer avec leur clientèle et leurs premières amours. “François et moi venons vraiment de la boutique, c’est là que avons appris notre métier. Western House (ndlr : la boutique parisienne, importateur de vêtements US dans laquelle ils se sont rencontrés en 1967) était l’un des premiers concept-stores, il y avait un flipper, un bar, pas de vitrine mais une ambiance, c’était notre crédo. C’est donc important pour nous de revenir vers les gens, de retrouver le dialogue avec eux, car, plus que toutes les études marketing, il nous apprennent vraiment quelque chose.” Il faut donc revenir aux fondamentaux, recommencer à vendre du pantalon, le produit-phare de la marque, puis re-rentrer les autres corps de métier, petit à petit. Toujours sans collection, mais autour des produits : le stretch, l’outwear, le tricot et le jean bien sûr.
LOOKING BACK
Un jean qu’ils ont décliné, usé, élargi, délavé, foncé… au gré des nouvelles techniques qu’ils ont toujours cherchées à dénicher. Dans les années 70, le couple revendique la paternité du procédé de délavage « Stonewash », qui utilise la pierre ponce pour user le denim. Quelques années plus tard, alors que la tendance est au pantalon cigarette, ils lancent le baggy. Puis, en 1995, ils déposent la technofusion et la soudure par ultrasons, faisant disparaître les coutures des vêtements. Et quand les préoccupations environnementales se font plus pressantes, que le StoneWash s’avère beaucoup trop consommateur d’eau – 150 litres pour un pantalon – et que même Levis Strauss & Co finit par modifier son processus de fabrication, ils innovent encore, en ayant recours à un traitement au laser qui oxyde la molécule d’indigo, sans faire usage d’agents chimiques, ni laisser de résidus. Ce processus, le « WattWash » permet une économie d’eau avoisinant les 98%. “Quand on a commencé avec le laser, il était utilisé pour de grosse industries, pour découper les portes de cuisine, ensuite on a eu nos propres machines. On est plus des créateurs de nouvelles technicités que des créateurs de mode vraiment, on ne veut pas être couturiers!” rit Marithé. Des couturiers non, des aventuriers, oui, et c’est donc forts de ce passé qu’ils remettent une centième fois leur ouvrage sur le métier.
STARTING ANEW
En 2011, François Girbaud visait l’Asie. 6 ans plus tard, Marithé fait le bilan de leur première tournée française : 32 ventes éphémères dans 21 villes.
Au programme de l’année qui commence, plus de ventes parisiennes, avec des nouveautés à chaque fois, toujours des dates en province, un déploiement sur les pays limitrophes, Belgique, Italie et un « gros sujet »: le lancement d’un site marchand sur internet. “Le fait de tout recommencer nous a fait repartir sur un système qui colle mieux aux attentes d’aujourd’hui, un système moderne, à l’image de ce qu’on a toujours fait, à l’image de notre produit, créatif, inventeur, mais pas un système mode. Maintenant, j’évite le défilé, tout ça, ce sont des pages que je ne tiens pas à renouveler, parce que c’est assez loin du consommateur final, et que même si on a des antennes, si on anticipe, c’est lui qui décide.”
© Alban Verneret