mâle de tête
Mais qu’arrive-t-il aux hommes ? Où est passé le macho à cojones qui hantait le palace, le cube ou le macumba ? Et les chippendales aux slips remplis de billets ? Dis-pa-rus ! Comme le rhino de Sumatra et le pangolin de Malaisie. Ont-ils rendu les armes face à plus fort qu’eux ? Dans une société qui ne cesse de se féminiser, jamais les mâles n’ont été autant auscultés, sondés, examinés sur toutes les coutures.
Dans la pub des années 80, notre homme viril faisait la course avec un train, au volant d’une Peugeot 205, sur un fond de Bronski Beat. 30 ans plus tard il finit jeté dans le caddie d’Adoptunmec à la suite d’une «promo sur les roux» (pas les roues, hein !). Quelle déchéance ! Une véritable émasculation ! Perdre ses «roues-bagnoles» et finir «dé-janté».
L’(H)OMBRE DE LUI-MÊME !
Horreur, mâle-heur ! Notre mâle erre comme une âme en peine. Pauvre hère, son cerveau est rempli de questions existentielles. «Qui suis-je? Où cours-je?». Il a perdu son GPS! Il est complètement largué. Changement d’air, notre ère est devenue irrespirable. Pourquoi? Parce que les femmes ont des diplômes, des métiers top niveau et des dollars. Elles sont meilleures que les garçons à l’école, jouent mieux au foot, squattent de plus en plus de domaines professionnels, et hantent même les rayons de Casto jusque-là réservés aux mecs. Et lorsque la cellule familiale explose, ce sont elles qui le plus souvent récupèrent la garde des enfants. Bref, fragilisés par la féminisation croissante de notre société, les Ohm sont sous tension. Les femmes leur vol(t)ent leur place! De quoi ampère-dre son latin. Etre un homme est devenu aussi incompréhensible que l’époque dans laquelle on vit.
Autrefois, le monde était beaucoup plus simple. Pays pauvres vs riches ; communisme vs capitalisme ; gauche vs droite ; hommes vs femmes ; rose vs bleu. Un monde binaire, bien rangé dans des cases claires. A présent, les repères sont brouillés. Un monde à la Macron où la confusion est totale. Et notre mâle, qui était jadis conforté par son rôle de protecteur, de père, de géniteur, de guide, est en train de s’approprier des caractéristiques jusqu’alors perçues comme non-viriles : il veut s’investir plus profondément auprès de ses enfants, réclame un congé parental, et peut même suivre des tutos de maquillage masculin sur YouTube ! Une évolution jugée décadente par les réac-nostalgiques d’un ordre ancien, qui préfèrent se réfugier dans de sulfureux stages de masculinité, où ils peuvent, comme dans ce « camp optimum » organisé en Isère, faire le haka, pousser une voiture ou jouer à celui qui pisse le plus loin. Les autres peuvent toujours se faire une soirée foot, écouter du Booba, se visionner un «film de potes», le genre à la mode, comme «les petits mouchoirs», ou le «cœur des hommes». Pour survivre en terrain hostile, entretiens une amitié virile!
Ohhhhhhhh les filles !!! En fait, vous ne cherchez pas un homme, mais un couteau suisse 15 lames !
HOMME SWEET HOMME
Notre homme ne comprend plus ce qu’il lui arrive. En plein doute notre über/métro-sexuel! Il rame ! Il se perçoit comme inutile, accessoire, dévalorisé. La femme n’a plus besoin de lui, alors il court dans tous les sens, comme un canard sans tête. Et quand il est solo, il est paralysé par l’angoisse au moment de la rencontre. Aurait-il égaré le mode d’emploi de la séduction? Il ne doit pas être trop macho, ni trop féminin, ni trop dur, ni trop doux. Bombardé d’injonctions contradictoires! De quoi décourager toute initiative. Et les femmes célibataires de se lamenter «Où sont les vrais hommes, ceux qui veulent s’engager et construire quelque chose? Qui ne soient pas égoïstes et lâches? Ici, il n’y a que des gros lourds affamés!» entend-on parfois sur les rives du lac d’Annecy le jeudi soir. Ohhhhhhhh les filles !!! En fait, vous ne cherchez pas un homme, mais un couteau suisse 15 lames! Votre idole n’est plus Victor Hugo, mais Victorinox. A la fois un bad boy, un gars sensible, attentionné, bricoleur et tant qu’à faire, un bon amant capable de vous coincer contre un mur quand le désir monte! C’est tout?
Votre couteau suisse, vous pouvez faire une croix dessus. Voilà le paradoxe! Les femmes militent pour l’égalité, mais continuent à rêver au prince charmant. Même les plus libérées, les plus ambitieuses, les plus décomplexées, se rêvent en Pretty Woman, choisie, désignée, reconnue comme l’unique. Mais l’homme, lui, semble démotivé de la drague. Avec sa masculinité en berne, il aurait peut-être la flemme d’aimer. Le philosophe Vincent Cespedes le dit crûment dans «L’homme expliqué aux femmes» : “Le manque d’appétit fait préférer une branlette sous perfusion porno à une partie de chasse, de jambes en l’air et d’amour. »
HOMME MY GOD !
En somme, tout ça, ce serait la faute des femmes ! Mais les mâles doivent cesser de se prendre pour les victimes dévirilisées du féminisme ambiant. La sociologue Brigitte Grésy n’est pas inquiète : “Je ne me fais aucun souci pour les hommes !”. Car leur poids dans la société reste élevé.
Dans un numéro de mars dernier, l’Essor Savoyard titrait «bassin annécien, territoire de machos?». Manifestement le macho ondule encore dans le bassin. Et pas seulement pour danser la salsa. Il domine le monde politique, entrepreneurial, associatif, culturel de la cité lacustre. Signe supplémentaire, une des plus grandes concessions Harley Davidson d’Europe se trouve ici en Haute-Savoie. Le symbole est intéressant, car la marque a longtemps véhiculé les stéréotypes les plus sexistes. Et le quinqua annécien, à l’instar de BB, lui non plus «ne reconnaît plus personne…». Djeun’s sur le retour, il n’hésite pas à exhiber sa «mâle attitude» au guidon de sa machine vrombissante. Une chopper pour choper. Annecy, village gaulois du masculinisme ? Faudra-t-il bientôt le rebaptiser «Masculinix» ou «Trump city»?
Il n’est en fait que la partie émergée de l’iceberg. Car la fin des hommes, à Annecy ou ailleurs, n’est pas pour demain. Notre lascar a encore de beaux jours devant lui. Mais il n’est plus tout à fait le même. Moins de biceps, plus de bonheur. Voilà l’homme de demain. Comme l’écrit Vincent Cespedes, «rien de plus viril qu’un homme heureux!». Eh oui, le mâle est fait, Superman est mort !
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