Révolution de palais
AVEC L’ARRIVÉE DE GWENDAL POULLENNEC, 38 ANS, À LA TÊTE DU MICHELIN, LE GUIDE A VU ROUGE, BALAYANT LES IDÉES REÇUES, S’OUVRANT À LA DIVERSITÉ, AUX FEMMES… QUITTE À BOUSCULER LA PROFESSION.
Qui aurait prédit un tel scénario. Les chefs en sont encore sous le choc. Il faut dire qu’en 2019, le Guide a soufflé le chaud et le froid. Fini les rentes de situation, l’étoile est donnée pour un an. Qu’on se le dise, elles peuvent être reprises ou perdues, a annoncé Gwendall Poullennec. La preuve en est, Marc Veyrat, chef 3 fois 3 étoiles, perd l’étoile gagnée l’an dernier. Il repart à la case 2, mais promet de se battre pour regagner très vite le podium. Ce coup du sort lui aurait donné l’envie de se dépasser. Autre dommage collatéral, Paul Haeberlin, 3 étoiles depuis 50 ans (comme Paul Bocuse) est rétrogradé ainsi que Pascal Barbot (l’Astrance). De quoi faire trembler les grands chefs qui parcourent le monde, d’ouvertures en shows télévisés. Ils resteront désormais derrière leurs fourneaux. Mais ce n’est pas tout. La révolution n’est pas uniquement au sommet. Le guide 2019 s’est allégé de 365 pages, 52 étoilés ont perdu leur étoile. Une onde de choc sans précédent qui a frappé les chefs de plein fouet. Une belle façon de lutter contre la sclérose de la gastronomie française.
LES PROMUS
Après la douche froide, l’heure était à la pluie d’étoiles : 68 une étoile, 75 en tout. Au menu, 10 femmes (enfin) font leur entrée, Stéphanie Le Quellec décroche une deuxième étoile. Beaucoup de chefs étrangers aussi. Nos Savoie font un joli score avec de jeunes chefs prometteurs de moins de 30 ans, qui raflent une étoile. La plupart la décroche en moins d’un an d’ouverture. C’est le cas à Val d’Isère, pour Antoine Gras, 24 ans, le benjamin, qui signe une cuisine savoureuse marquée par la saisonnalité à La Table de l’Ours. Nicolas Hensinger, 28 ans (Prima à Megève) a repris le 1920, restaurant de Julien Gatillon. Il revendique une cuisine signature teintée d’une forte identité locale, pour cette étoile décrochée en 3 mois et demi!
A Tignes, Clément Bouvier, 28 ans, surdoué de la cuisine du terroir, accroche sa propre étoile, au palmarès familial, pour l’Ursus. Son père, Jean-Michel, son grand-père, son oncle (Pierre Marin) l’avaient décrochée avant lui.
Frédéric Molina a travaillé pour les plus Grandes Tables du Monde, remporté les plus beaux titres. Pourtant, il a choisi, sur un coup de foudre, le Moulin de Léré (Vailly). Pari gagné, il décroche une étoile. A Courchevel, Sébastien Vauxion, au Sarkara, accroche une étoile au 1er restaurant de dessert jamais distingué par le Guide, une belle prouesse de ce chef inventif.
IL A TOUT D’UN GRAND
Pour la quatrième fois, notre région décroche une 3ème étoile depuis 2012. C’est Laurent Petit, au Clos des Sens à Annecy-le- Vieux, qui voit récompenser son virage locavore, sa recherche de sens et de naturalité. Un pari risqué, couronné de 3 étoiles, une longue quête de 26 ans. “Le Graal est atteint. Avec Martine, on est sur un nuage, cela a quelque chose d’irréel”. Réjouissons-nous, avec 52 étoiles, au Guide Michelin 2019, derrière Paris et sa région, Savoie Mont Blanc caracole en tête des territoires étoilés.
wildbee