restauration et e-reputation : la fin des haricots !

3 Fév 2019

à tort ou à réseaux ?

Au village «restauration», pas question d’avoir mauvaise e-réputation. Depuis qu’il se fait l’écho des consommateurs, le net peut, en un clic-quement de doigts, faire passer une table de l’ombre à la lumière. Et inversement. Obligeant ainsi les chefs et restaurateurs à devenir des pros des réseaux sociaux. Qui m’aime me suive ?

Vous cherchez une table pour ce soir ? Vous avez déjà fait le tour des (po)potes, de leurs recommandations, et vous aimeriez un peu d’inspiration ? Internet, au secours ! «Resto + Trifouilly-en-Genevois» ? Sans que vous l’ayez spécifiquement sollicité, TripAdvisor apparaît en tête de vos recherches pour vous proposer son avis… Ou plutôt celui de milliers d’internautes, qui comme vous, aiment dire ce qu’ils pensent de leur assiette. Comme 7 Français sur 10*, vous allez donc consulter ces opinions avant de vous décider, et comme 6 d’entre eux, à la fin du repas, vous partagerez certainement, vous aussi, vos impressions… Quand vous n’aurez pas partagé vos photos pendant, ce que vous pouvez d’ailleurs faire, depuis fin 2018, sur la nouvelle interface du géant de l’avis en ligne, qui a revêtu ses beaux habits de réseau social.

TOQUE ET POKE

“Il y a 15 ans, il y avait des marques «ombrelles» comme le Michelin ou le Gault&Millau. Quand des cuisiniers se distinguaient, ils étaient repérés par les journalistes, les influenceurs de l’époque, qui étaient ensuite lus par le public. Aujourd’hui, le monde est devenu participatif et il faut lui faire confiance !”, s’enthousiasme Rémi Ohayon.

Autour de son cou, un ruban bleu-blanc-rouge. Il était cuisinier, formé notamment auprès de Bernard Loiseau. Mais c’est en créant des sites internet qu’il a obtenu, en 2011, la 1ère distinction Meilleur Ouvrier de France de cette catégorie. Aujourd’hui, son agence conseille 1500 établissements français, dont 400 chefs étoilés. “Le Michelin ne tire peut-être plus qu’à 80000 exemplaires, mais son site internet fait 1 million de vues par mois, et sa première source d’information, c’est TripAdvisor ! Et pour les consommateurs, cet avis de masse est intéressant à plusieurs titres : d’une part, parce que les guides gastronomiques, eux, ne peuvent pas être partout ; d’autre part, parce qu’on peut se forger une opinion en n’étant pas guidé par un seul avis d’expert. Le résultat ? Une consommation plus avertie, plus choisie, plus exigeante, avec un retour immédiat sur les expériences et les émotions procurées.”

TROP D’AVIS TUENT L’AVIS ?

Un retour façon boomerang qui n’est pas toujours aussi gratifiant qu’espéré, car quand l’émotion s’exprime, elle s’encombre rarement de filtres. Derrière son clavier, ce n’est pas une nouveauté, il est plus facile de se lâcher. «Déçus, très déçus», «une cuisine pas à la hauteur du cadre», «quelconque»… sur les 570 avis recueillis par La Chaudanne, ce restaurant morzinois, classé 11ème sur une liste de 151, 90% sont regroupés entre «très bon» et «excellent», mais les 3% de jugements négatifs sont toujours les plus marquants, de chaque côté de l’écran.

“Il est assez frustrant de pouvoir être jugé comme ça, dans son travail, reconnaît Thierry Marchand, à la tête de l’établissement. Très peu de corporations sont ainsi notées sur la toile et franchement, il y a des fois où on a envie de répondre : et vous, vous travaillez où ? On va venir examiner ce que vous faites et voir si vous êtes irréprochables. Malgré tout, on sait parfaitement qu’il vaut mieux être bien classé, car de plus en plus de clients choisissent leur restaurant sur ces applications. Et puis les critiques constructives nous permettent aussi d’avancer, de nous améliorer, nous nous attachons donc à répondre aux commentaires, surtout les négatifs.”

Car finalement, ces réponses s’adressent surtout aux autres internautes. Et si le coup d’éclat ne marche pas dans le monde participatif, l’humour, lui, fonctionne toujours. En 2017, après une critique acerbe sur son gratin, un restaurateur parisien excédé avait pris la caméra pour inviter celui qui se prenait «pour un jury de Top Chef» à venir éplucher les 300kg de pommes de terre servies chaque semaine dans son établissement. La vidéo a dépassé les 1,5 million de vues.

ET MA PAGE, ELLE EST BELLE MA PAGE ?

Malgré ces contreparties parfois difficiles à gérer, pour Rémi Ohayon, le web reste un véritable mégaphone à la disposition des restaurateurs, un outil dont ils ne peuvent se passer et qui ne doit pas les effrayer. “Les chefs doivent encourager leurs clients à communiquer en positif pour noyer et tempérer les avis négatifs. On n’a jamais aussi bien mangé en France, mais il vaut mieux le faire savoir ”.

Et les professionnels de la gastronomie commencent à l’accepter. Ils s’approprient davantage leur part de la toile, utilisent les réseaux sociaux pour maîtriser une image qui leur échappe sur les sites de consommateurs, et pour créer ou mobiliser leur communauté.

Entre photos alléchantes, selfies avec leurs clients, voire fans pour les plus starifiés, et partages de recettes inédites, il ne leur suffit donc plus d’être imbattables en cuisson, ils doivent s’improviser experts en communication. Maître incontesté en la matière, en relayant les actualités de toutes ses «filiales», restaurants, boutiques ou écoles, Alain Ducasse fédère 650000 fans sur sa page Facebook – devant feu Monsieur Paul, avec ses 350000 followers et définitivement en orbite par rapport à nos stars locales, Jean Sulpice ou Marc Veyrat, et leurs 25000 amis virtuels -. Dans ces proportions, les réseaux sociaux deviennent un média à part entière, avec un calendrier, une ligne éditoriale et une équipe dédiée.

“TRÈS PEU DE CORPORATIONS SONT AINSI NOTÉES SUR LA TOILE ET FRANCHEMENT, IL Y A DES FOIS OÙ ON A ENVIE DE RÉPONDRE : ET VOUS, VOUS TRAVAILLEZ OÙ ? ON VA VENIR EXAMINER CE QUE VOUS FAITES ET VOIR SI VOUS ÊTES IRRÉPROCHABLES.”

PIQUE ET PIQUE & INSTAGRAM

Mais souvent ce sont encore les réceptionnistes, premier contact de la clientèle avec l’établissement, sourire dès le numérique, qui en assurent la mise à jour. Une pratique routinière pour Marie Bettinger, chez René et Maxime Meilleur, à La Bouitte : “Sapin de Noël, terrasse au soleil, infos pratiques ou plus ludiques, j’ai carte blanche, les chefs jouent le jeu, ils savent l’importance que ça a. Je publie donc tous les jours, pour garder le fil avec nos clients réguliers, et en intéresser de nouveaux.” “Dans l’absolu, c’est assez facile de prendre une photo, de mettre un filtre et de la poster, complète Thomas Bontaz, patron de Chez Eux, adresse branchée à Meythet, quand on a le temps. Mais il en faudrait bien plus pour apprendre à publier aux bonnes heures, avec les bons hashtags, pour apparaître sur les réseaux de manière efficace, optimiser notre utilisation de cette machine puissante.” Quand on sait que les fans de gastronomie consultent leur fil Instagram 18 fois par jour en moyenne et consomment 4 fois plus de contenu que le reste de la communauté – des chiffres communiqués par la plateforme elle-même -, le jeu en vaut effectivement la chandelle.

La plupart des professionnels ne sont pourtant pas prêts à y laisser leur chiffre d’affaires, et préfèrent encore aborder de manière empirique et artisanale le virtuel, pour se concentrer sur le réel. “Parce que finalement, pour échanger avec nos clients sur leur expérience, de vive voix, rien de tel qu’un petit coup de fusil à la fin du repas, sourit Thierry Marchand, c’est tout de même plus humain…” Pas de méprise, il n’a pas son permis de chasse. Son fusil, c’est un long flacon rempli d’eau-de-vie…

TripAdvisor, entre l’avis et l’amor

Parce qu’ils ne trouvent pas les infos nécessaires à la préparation de leur séjour, certains seraient capables de balancer leur guide de voyage, leur ordinateur portable, voire leur partenaire potentielle d’escapade par la fenêtre. Pour la paix des méninges et des ménages, Stephen Kaufer, lui, a créé TripAdvisor.

On est en 2000 et ce développeur informatique, plus vacancier des congés payés qu’aventurier blasé, imagine, pour aider les voyageurs, un moteur de recherches agrémenté d’avis d’experts, fiables, sur des hôtels. Un an plus tard, son équipe donne, juste pour voir, la possibilité aux consommateurs de poster leur avis également. L’essai est… concluant.

Presqu’aussitôt se pose la question de l’authenticité de ces avis. Si, de tout temps, les réputations se sont faites sur un mélange de vrai et de faux, elles l’ont rarement été à une telle échelle, attisant autant de convoitise. Très vite, des entreprises se spécialisent donc dans la commercialisation de commentaires en masse, à propos desquelles Stephen Kauter relativise : “avec plus de 100 nouvelles contributions déposées chaque minute, les faux avis sont mécaniquement dilués dans la masse. Et les gens savent qu’il faut lire au moins six critiques pour se faire une opinion. Sans compter les photos postées par les voyageurs et qui, elles, ne mentent pas”. Pour preuve de sa bonne foi, TripAdvisor s’implique dans la traque aux fraudeurs et fait fermer des dizaines de ces sociétés chaque année.

Plus difficile cependant d’évaluer l’honnêteté des commentaires émanant de vraies personnes indépendantes. C’est ainsi qu’une adresse, montée de toutes pièces par un journaliste, et dans laquelle aucun plat n’a jamais été servie, est devenue LA table incontournable à Londres; qu’une société d’équarrissage s’est hissée à la 1ère place des recommandations à Brest ; ou qu’il a fallu, en tête des 363 avis postés sur le Grand Budapest Hotel, issu du film de Wes Anderson, que TripAdvisor spécifie qu’il s’agissait d’un endroit fictif, dans lequel aucune réservation n’était possible.

*Restauration digitale 2017- Paroles de professionnels et de convives – Food Service Vision – Mai 2017

© igor_kell / © netsay / © Nebojsa

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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