PETITE, GROSSE, COUPEE ?
DU FARDIER DE CUGNOT, FONCTIONNANT À LA VAPEUR, À LA BENTLEY EXP 100 GT, SACRÉE PLUS BEAU CONCEPT-CAR DE L’ANNÉE, LA VOITURE A FAIT DU CHEMIN, ENTRE BIEN DE CONSOMMATION DE MASSE, PHÉNOMÈNE SOCIAL ET TÉMOIGNAGE LIBIDINAL.
A l’heure du clivage des pro et anti-voitures, le « vivre-ensemble-automobile* » est un enjeu de société demandant à des millions de personnes de discuter leur liberté à circuler en voiture comme elles l’entendent au profit de la préservation de l’environnement. Si le défi est d’ordre sociologique, il est aussi psychologique, et ce n’est pas le moindre. De la petite voiture innocente, mais déjà implicite, avec laquelle nous jouions d’une certaine manière, à notre grosse berline tape à l’œil et très consommatrice, nos chères 4 roues, et la façon dont nous les conduisons, racontent de nous, de nos comportements, de nos valeurs, nos opinions et aussi de la place que nous pensons ou voulons occuper dans le monde.
Les premiers véhicules étaient déjà des emblèmes de la réussite. Aujourd’hui, l’ascenseur social ne se définit plus par le passage de la charrette à la chaudière vapeur, c’est plus élaboré, plus subtil, mais le concept a de beaux restes. La voiture permet de porter le statut de celui qui la conduit et de traduire une certaine distinction, voire une prétention : “Certaines valeurs sont inavouables, explique Luc Dupont, professeur de communication à l’Université d’Ottawa. Par exemple, le statut social. On ne dit pas aux autres qu’on se pense meilleur. On le suggère par des symboles.” Quand nous achetons une voiture, nous ne sommes pas toujours rationnels mais, peu importe, émotionnellement nous désirons. Et le désir doit être satisfait, quitte à manger des patates toute l’année pour se payer cette fascinante Mercedes ou cette grosse BMW.
Les hommes mettent dans leur voiture autant d’amour-propre que d’essence (Pierre Daninos)
CODES DE LA ROUTE
Racée, utilitaire, sportive, performante, exubérante, passe-partout, sécurisante. A chacun la sienne et sa façon de la conduire. Selon le psychologue Jean-Marc Bailet**, notre personnalité au volant est influencée par le sexe, la profession, l’éducation. Si les hommes sont plus sûrs d’eux, jusqu’à surestimer leurs capacités, les femmes, comme tout autre objet, y voient un mode d’emploi qu’il faut suivre. Le cadre est le moins prudent, l’agent de maîtrise… maîtrise, l’employé a peur de se faire engueuler donc respecte la loi. Quant au « Fangio » des départementales, il appuie sur le champignon pour évacuer les tensions. Jean-Marc Bailet dit que c’est passé la quarantaine que nous devenons responsables et prudents. Hum hum …
« Je demande, pour ma part, d’être conduit au cimetière dans une voiture de déménagement. » André Breton
Biblio :
* « Sociologie de l’automobile » de Yoann Demoli et Pierre Lannoy, Ed. La Découverte – ** « Le volant rend-il fou ? » de Jean-Marc Bailet, Ed. L’Archipel
illustration Sophie Caquineau