sacré chantier

9 Avr 2018

divine réincarnation

En plein centre de Lyon, le Grand Hôtel-Dieu et ses 2,2 hectares reviennent à la vie, à la faveur de ce qui est présenté comme la plus grande opération de reconversion privée d’un monument historique jamais réalisée en france. Le 27 avril prochain, l’ancien hôpital, chef-d’œuvre de l’architecte Soufflot, dévoilera son art de vivre à entrées multiples : boutiques, hôtel 5*, restos et bars, bureaux, logements… Entre nostalgie, regrets et excitation des retrouvailles.

Huit siècles durant, il aura été au service de la médecine. Les derniers patients ont quitté les murs en 2010, année de la fermeture du site historique. En cause, l’entretien coûteux de ce patrimoine architectural inscrit au patrimoine Mondial de l’Humanité, des installations jugées obsolètes et difficilement adaptables à la pratique de la médecine actuelle. Ironique quand on sait qu’au 18ème siècle, on venait de l’étranger pour se faire soigner dans un établissement qui était alors le plus moderne de son époque.

Après une période de flottement sur son devenir – musée de la médecine, QG d’associations œuvrant pour la santé et la prévention -, son sort a été fixé. Fondé au 12ème siècle par le clergé en bord de Rhône pour soigner les pauvres et les pèlerins, et agrandi notamment au 18ème, époque à laquelle l’architecte du Panthéon, Jacques-Germain Soufflot dote l’hôpital de sa façade emblématique de 400 mètres de long et de son dôme central, la réhabilitation du GHD devrait donner naissance à un nouveau quartier, à deux pas de la place Bellecour. Il s’agit d’un «programme mixte» comme Lyon les aime tant, confié au privé, les caisses de l’Etat étant exsangues. “Un levier d’attractivité et de rayonnement pour la ville”, se réjouissent ses principaux commanditaires, dont le maire de Lyon, Georges Képénékian, chirurgien urologue de profession né là-bas et y ayant exercé !

Cour du Cloitre – Jardin de Rabelais

UN DÉLICAT CHANTIER

Le coût du chantier de reconversion et de réhabilitation conduit par Eiffage, lauréat en 2010 du concours organisé par les Hospices civils de Lyon (HCL), est estimé à 180 millions d’euros. Le Crédit Agricole Assurances s’est porté acquéreur du site en juin 2015 dont il pilote la commercialisation et l’exploitation via Scaprim, les HCL restant propriétaires des murs grâce à la signature d’un bail emphytéotique.

Durant les trois années de travaux, 40 000 m2 ont été restaurés dans les règles de l’art et 11 500 m2 , construits. Un travail de titan. Responsables de la mise en valeur et de la reconversion de ce patrimoine d’exception, Albert Constantin, architecte de l’agence AIA associés, et Didier Repellin, architecte en chef des Monuments historiques, chargé de la délicate mission de préserver les différentes traces architecturales, l’intégralité du site étant classé. Le 27 avril, une grande partie de la nouvelle mouture du Grand Hôtel-Dieu s’apprête à être dévoilée en grande pompe, très peu d’images des aménagements finalisés ayant été diffusées.

Quai Jules Courmont, façade Soufflot

IL Y A LITS ET LITS…

Même si la longue façade côté Rhône aujourd’hui rendue à sa superbe, faisait grise mine, et que l’établissement hospitalier vivait en vase clos, il a été difficile pour de nombreux Lyonnais d’avaler la pilule de sa fermeture. Tant d’entre eux y sont nés, y ont été soignés… A fortiori au profit d’un centre commercial et d’un palace, un nouveau genre d’occupants et de nuitées ! L’établissement 5* de 143 chambres du groupe britannique Intercontinental tiendra l’essentiel du quai Jules Courmont. Son ouverture est prévue pour la fin de l’année. Il n’occupera pas moins de 13 500 m2 . Lot de consolation : le lobby-bar, couvé par l’altière coupole de Soufflot et ses 32 m de hauteur servant aux renouvellement de l’air des salles communes jadis, entièrement restaurée comme le reste à grand renfort d’investissements et d’huile de coude d’une armada de Compagnons, demeurera, lui, accessible au «grand public».

Point positif de la régénération patrimoniale, l’imposant monument rectangulaire qui devait être contourné pour accéder à l’entrée unique sera désormais plus ouvert sur la ville grâce à la création de six entrées. La mise en valeur de galeries et l’aménagement d’espaces extérieurs dont la taille équivaut à celle de la place des Terreaux, visent également à inciter chacun à s’approprier le site. 2 jardins clos seront paysagées, notamment celui du Cloître où une collection de plantes aromatiques donnera de la tige, en guise de clin d’œil aux religieuses qui les cultivaient sur place pour requinquer les mal en point. Mais François, un Lyonnais, méfiant, pondère : “J’espère simplement que ces espaces publics ne seront pas phagocytés par des terrasses de cafés et de restos, où il faudra consommer pour pouvoir en profiter”.

Rue Bellecordiere – Nouvelle artère commerçante

FIÈVRE ACHETEUSE

Les boutiques, épiceries fines, cafés et restaurants qui représentent un tiers du dispositif (17 500 m2) sont principalement situés rue Bellecordière. Avant la reconversion, c’était une rue de service pas très riante. Débarrassée des locaux techniques médiocres et squatteurs, elle a été transformée en troisième façade : l’enfilade des trois bâtiments contemporains assure une nouvelle continuité de bâti, abritant en rez-de-chaussée les commerces.

Dommage : le style architectural de la greffe, fonctionnel, passe-partout, voire «daté», laisse perplexe. Le défi était d’attirer dans l’écrin en pierre de taille des enseignes absentes de Lyon, raccord avec le majestueux des lieux. Scaprim a aligné sa «compo» de l’équipe shopping-resto : de l’international, de l’inédit, saupoudré de régionaux de l’étape : Citadium, AM-PM, COS, Bobbies, Wagamama, Mokxa, Buddha Bar, pour les plus attendus.

Cour du Midi, une verrière XXL de 1100 m2 , pataude, il faut bien le dire, à cause du drastique des réglementations, coiffe désormais l’espace. Un «geste architectural» qui se veut le symbole du mariage entre tradition et modernité en rappelant le passage couvert commercial d’antan du GHD, qui permet également d’accroître la surface de vente… “Des marchands, il y en a toujours eu sur le site”, s’étrangle Albert Constantin devant les critiques sur le profil trop «société de consommation» du projet. Exact. Mais peut-être pas dans ces proportions : de la fin du 16ème siècle jusqu’à 1841, une rue de bouchers existait bel et bien, précieuses ressources financières complémentaires pour l’hôpital. Plus tard, l’hygiénisme étant passé par là, les bouchers qui découpaient leurs bêtes sur place, ont été remplacés par des boutiques de luxe, des bijoutiers notamment, et l’allée carnassière fut couverte par une élégante verrière, malheureusement détruite en 1960. Que revoilà en 2018… De plus, pour l’architecte, les boutiques en rez-de-chaussée redonnent précisément aux arcades du monument leur vraie vocation, alors que du temps de l’hôpital, on n’y trouvait que des consultations et bureaux aux devantures oblitérées tournant le dos à la ville et au fleuve.

La verrière de la cour du Midi

LE TRAVAIL, C’EST LA SANTÉ !

En montant dans certains étages du Grand Hôtel-Dieu, on croisera des cadres dynamiques, une vie de bureaux, des entreprises ayant élu domicile au-dessus des commerces, dans les 13 400 m2 de locaux disponibles, répartis entre ailes historiques réhabilitées et construction neuves. Pour parfaire la mixité souhaitée, une pincée de logements placés à la location uniquement, a été incorporée au mélange (837 m2). Façade nord, rue Childebert, un centre de conventions de 2500 m2 verra bientôt le jour, géré par l’Intercontinental. Enfin, dernier étage de la fusée dont on attend qu’elle attire 7 millions de visiteurs par an : la cité internationale de la Gastronomie (4000 m2), lieu touristique et culturel voué à l’alimentation, la cuisine, l’art de vivre et le mieux manger dont l’ouverture est prévue pour 2019.

En définitive, même si le projet retenu ne fait pas l’unanimité, il va permettre aux Lyonnais de renouer avec un lieu qu’ils avaient progressivement perdu de vue à cause de sa détérioration avancée. Cette reconversion redonne même au Grand Hôtel-Dieu le rôle que les édiles de Lyon lui avaient assigné au 18ème siècle en embauchant l’ambitieux Soufflot : constituer un point d’entrée dans la ville, une vitrine de Lyon en impressionnant le visiteur. Des visites commentées seront organisées pour continuer à faire vivre l’esprit du lieu, raconter ses activités humaines et scientifiques passées, son architecture composite. Et ne pas oublier ce qu’il fut avant de devenir un lieu de détente du 21ème siècle.

+ d’infos :
Le Grand Hôtel-Dieu de Lyon, carnet de l’avant.
Ombline d’Aboville et Frédérique Malotaux. Aux Editions Libel, 2017.

Vue aérienne du projet du Grand Hôtel-Dieu

LE GHD EN CHIFFRES

40 000 m2 de bâtiments réhabilités
11 500 m2 de constructions neuves
8 500 m2 de cours et jardins refaits
6 nouvelles entrées
Jusqu’à 1000 Compagnons sur le chantier
11 500 m2 de planchers bois et
11 000 m2 de charpente restaurés
15 000 m2 de toitures restaurées
1 400 fenêtres rénovées et autant de pièces de menuiserie rénovées ou recréées à l’identique, en intégrant les niveaux de protection acoustiques et thermiques actuels
11 000 mètres cubes de béton et
800 tonnes d’acier employés

©Vincent Ramet / ©Asylum / ©AIA Architectes

Estelle Coppens

Estelle Coppens

Journaliste
SURNOM : Calamity Jane PERSONNAGE DE FICTION : La même OBJET FETICHE : n'importe quelle fleur qui sent bon et qui me fait interrompre ma route, si j'en croise. Je ne comprends pas à quoi servent les fleurs sans parfum. Le grand créateur devait avoir le nez bouché ces jours-là. Vous trouvez que ce n'est pas très compatible avec les deux questions qui précèdent ? Vous avez raison. ADAGE : Quand la mer est calme, les bateaux avancent lentement... JE GARDE : Ma bonne humeur. Un truc, chez moi qui semble avoir le pouvoir de se reconstituer. Merci maman, merci papa. JE JETTE : Mon étourderie. Les Américains ont un plus joli terme, et je les en remercie : le daydreaming. Beaucoup plus poétique. DANS 20 ANS : J'aurai toujours aussi peu de notion du temps, celui auquel on devrait arriver et fatalement, partir. Celui qui passe aussi, c'est l'avantage.

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