Les Frères Graillot, vignerons

8 Sep 2020

Savoir-Frères

Comme deux millésimes du même cépage, issus de la même parcelle, Antoine et Maxime Graillot se ressemblent, mais pas tant que ça… Filons la métaphore : il y en a un plus rond et l’autre plus tendu, à la tête du domaine créé par leur père Alain, le « mage » de Crozes-hermitage.

Par mélanie Marullaz – photos : Clément Sirieys

Antoine et Maxime sont tout petits quand le pater, ingénieur en agro-chimie, fait sa crise de la quarantaine. On est au milieu des années 80. Passionné par le vin, “comme tout cadre supérieur parisien”, il fraie souvent du côté de Morey-St-Denis, où son ami Jacques Seysses, héritier des biscuits Belin, devenu vigneron et propriétaire du Château Dujac, l’initie à l’art de la dégustation. “Mais la Bourgogne est déjà inabordable pour quelqu’un qui n’a ni terres familiales ni héritage”, re-situe Antoine. Il vise alors plus bas, du côté des Syrah et trouve son bonheur à Pont-de-l’Isère, au confluent du Rhône et de l’Isère, comme son nom l’indique. “Il a débarqué là un peu comme Jean de Florette”, complète Maxime, “pour racheter le domaine à un pied-noir, un personnage qui devait être assez atypique, qui avait fait du vin en Algérie. Ici, en plus des fruits et des cochons, il avait aussi planté des vignes et travaillait avec un négociant pour produire du vin en vrac.”
Alain Graillot signe la vente une semaine avant les vendanges, et pendant la première année, fait des allers-retours entre Paris, où il n’a pas encore quitté son poste et ses rangs de raisins, dont il a laissé la culture à un des ouvriers historiques du domaine. Il ne reprend définitivement les vignes que 3 ans plus tard, et sort son premier millésime en 1989, après avoir transformé en chai l’une des chambres froides, où l’ancien propriétaire stockait des fruits. Antoine et Maxime l’utilisent d’ailleurs toujours, comme ils utilisent les cuves en béton qu’il avait installées et qui donnent un petit côté « vintage » à leur cave.

Sous les galets, le mage

“Quand notre père s’est lancé, il y avait très peu de propriétaires récoltants, la grande majorité des producteurs étaient aussi arboriculteurs, parce que le vin était moins rémunérateur que les fruits. Ils travaillaient avec la coopérative, qui portait l’appellation, mais personne ne connaissait Crozes, ni Alain Graillot.” L’autodidacte va pourtant réveiller ce terroir, révéler, sous les galets roulés, son potentiel de garde et ses qualités. Pour toute théorie, il a quand même récupéré quelques cours de Max Léglise, œnologue bourguignon qui développe et applique de nouvelles méthodes biologiques à la vinification. Pour la pratique, c’est sur le tas… ou l’échalas.
Première (r)évolution, le vigneron débutant bannit donc la chimie. Peut-être parce qu’il en a trop manipulé dans sa précédente vie. Mais dans une région où fruitiers et vignes sont travaillés industriellement, avec abondance de désherbants, il fait figure d’ovni. Par chance, son prédécesseur, qui labourait ses terres à la charrue, les a laissées vierges de traitements. A l’époque, avec son voisin du domaine Combier, ils ne sont que deux à n’utiliser aucun produit, convaincus que la qualité du vin n’est que la conséquence de la qualité du raisin. Dont Alain Graillot utilise, en vinification, la grappe entière. Et ça, c’est la 2e révolution du nouveau venu : avec ce choix, il impose son style. Aujourd’hui encore, il n’y a pas d’égrappeur sur le domaine. Et, dans les premiers temps, il n’y avait pas de certification bio non plus, pas de chapelle ou de tendance dans laquelle s’enfermer

Faire lies à part

A force de passion et de convictions, le domaine Graillot devient, en moins de deux décennies, l’un des producteurs les plus sûrs et les plus performants de Crozes-hermitage. Et c’est sur ce terreau favorable que la 2e génération prend racine. Après des études de biologie et d’œnologie, Maxime, l’aîné, rejoint son père au début des années 2000 ; pour prendre le contre-pied de son père, entré dans le métier par le vin, il se penche de plus près sur la vigne. Antoine, lui, ne donne pas tout de suite dans le tonneau. Il roule d’abord sa bosse loin de l’Isère, se spécialise dans les énergies renouvelables, bourlingue de l’Afrique au Moyen-Orient, mais finit quand même par se poser, un pied sur les bords du Rhône, l’autre à Barcelone. Comme son père en son temps, il se partage entre deux vies, deux carrières, avant de réintégrer entièrement le domaine en 2016.
La 2e génération initie le passage de tous les blancs en bouchons à vis, un choix technique, “la seule façon de garder de la fraîcheur et de la tension pour nos vins”, et la construction d’un nouveau chai. Elle pousse aussi un peu plus loin la démarche environnementale et passe, de manière assez naturelle, en bio. “Mais on ne s’est pas dit qu’on allait révolutionner les choses”, explique Antoine, “on avait aussi envie de mener chacun nos propres expériences, séparément, sur des projets annexes, un peu plus aventuriers, en s’adaptant au réchauffement climatique, par exemple.” Avec les jeunes vignes en syrah du domaine des Lisses pour Maxime, travaillées à quelques encablures du domaine familial ; en Galice, sous influence atlantique, avec des vins frais de la région du Bierzo, pour Antoine.

Monter en Gam…ay

Alain, lui, a lâché les rênes du domaine. Président de l’Académie des vins de France, il conseille, accompagne et fait profiter de son expérience à d’autres domaines. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à vinifier avec ses fils, mais plus au nord, où les trois vignerons ont renoué avec leurs racines. En 2013, ils ont en effet transformé en cuverie la grange d’une maison de famille dont ils étaient propriétaires du côté de Tournus, et acquis 5 hectares en Beaujolais pour donner dans le Gamay, version Fleurie et Saint-Amour. “Globalement, on fait du vin partout de la même manière”, résume Maxime, “les approches sont différentes dans la façon dont on le voit, et dont on le consomme. Si on s’implique dans tous ces autres vignobles, c’est justement pour comprendre un maximum de choses, continuer à en apprendre toujours le plus possible.” Et finir, quel que soit le cépage, par sortir le grand jus !

Le Mot de Meghan Dwyer

❝Vraiment une référence en Crozes-hermitage ! Leur cuvée « La Guiraude », me fait rêver. Ils vinifient en béton, donc il y a du corps, mais le béton fait respirer le vin très doucement, lui donne une finesse incroyable. Ce cépage est l’un des plus tanniques du monde, il a une colonne vertébrale d’acidité, il est équilibré, avec juste ce qu’il faut de fruit. Pour moi, c’est le vin de Thanksgiving, avec de la dinde, mais frite, comme dans le sud des Etats-Unis, des pommes de terre et du confit de cranberries.❞

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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