villes thermales : aix-les-bains

14 Fév 2022

retour aux sources

Un millénaire d’histoire en un seul bâtiment. Les Thermes Nationaux, à Aix-les-Bains racontent évidemment l’aventure thermale, mais aussi l’évolution architecturale et urbaine de la ville : comme le ruisseau creuse son lit, l’exploitation de l’eau en a littéralement façonné le visage.

Photo : Arc de Campanus et la façade Pellegrini / ©Archives municipales d’Aix-les-Bains

«Remettre de la vie», voilà pour Renaud Beretti, maire d’Aix-les-Bains, l’objectif du projet de réhabilitation des anciens thermes, par l’architecte belge Vincent Caillebaut, dont les travaux devraient commencer en 2023. “Aujourd’hui, c’est un bâtiment creux, une friche industrielle, un obstacle à la circulation libre (des piétons, depuis la place Maurice Mollard en direction du Revard)… Mais aussi un élément de notre héritage à conserver. À Aix, plus que dans d’autres villes, le thermalisme a imprégné l’architecture. Les bâtiments, le patrimoine, nous y ramènent sans cesse et la ville a été déséquilibrée par l’arrêt de cette activité en son centre” (ndlr : depuis 2008 et l’ouverture des Thermes Chevalley sur les hauteurs de la commune).
55 000 m2 désœuvrés, en face de la mairie, il y a effectivement de quoi vous déstabiliser un cœur de ville. Le poids mort que représente cet ensemble est à la mesure de la place que l’eau occupe dans l’histoire d’Aix-les-Bains. Et pour cause, la ville serait tout simplement née autour de ses sources chaudes, il y a 2000 ans. Les vestiges des thermes de cette époque sont d’ailleurs encore visibles aujourd’hui.

Place Maurice Mollard et anciens thermes ©Laurent Fabry/Studio Arclusaz

RESTOS ET GIGOT

Le Moyen-Age est ensuite moins enclin aux bains. Les sources ne se tarissent pas, mais sont délaissées, et la petite bourgade pousse dans ses remparts -l’équivalent de l’hyper-centre actuel-. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle, sous l’impulsion de Victor-Amédée III, Roi de Sardaigne, que leur exploitation devient un élément majeur dans le développement du bourg savoyard, avec la construction de l’établissement Royal des Bains (1783) -qui constitue toujours aujourd’hui l’extrémité nord de l’ancien complexe thermal -. Pour dégager la place, le quartier médiéval, qu’un gigantesque incendie avait déjà largement détruit une cinquantaine d’années plus tôt, continue à être démoli, et l’on aménage, en dehors des murs de la cité, une promenade paysagère pour les curistes, le Gigot, soit “le premier acte d’urbanisme concernant les espaces verts”, d’après Joël Lagrange, directeur des archives d’Aix-les-Bains*. Rapidement, les célébrités de l’époque apportent glamour et renommée à la station. Une bonne partie de la famille Bonaparte, notamment, entraîne dans son sillage une clientèle parisienne qu’il faut nourrir et loger. Les demeures bourgeoises des notables locaux deviennent alors des pensions, et le long de la nouvelle route qui relie Chambéry à Genève poussent auberges, restaurants, petits hôtels, “la ville sortait alors de ses remparts, mais en suivant les grands chemins et les rues les plus fréquentées”*.

Hôtel Le Bernascon aujourd’hui ©Gilles Lansard/Aix Riviera
Casino Grand Cercle ©Gilles Lansard / Aix Riviera

SISSI ET PELLEGRINI

Mais qui dit clientèle prestigieuse dit nécessité de monter en gamme. Au milieu du XIXe siècle sortent donc de terre les bâtiments prestigieux qui inscrivent pour longtemps l’identité de la ville dans la pierre, à commencer par de nouveaux thermes, positionnés devant les Bains Royaux, dits Thermes Pellegrini, du nom de l’architecte qui les conçoit. Il marque Aix de sa patte en imaginant également le Casino Grand-Cercle, élément indispensable des mondanités thermales, et le Grand Hôtel Royal, avec son atrium central et sa verrière.
À la même époque, le chemin de fer, implanté pour transporter les armées de Napoléon III, soutien de Victor-Emmanuel II contre l’Autriche, permet de désenclaver la ville et de favoriser l’arrivée des curistes. En 1866, la gare est transférée à son emplacement actuel. Les «étrangers», qui venaient principalement de Lyon par bateau sur le Rhône, arrivent donc directement à proximité du centre-ville.
Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux et lourdement couronnés : la Reine Victoria, Sissi, et plus tard Georges 1er de Grèce ou l’Aga Khan… Afin de les accueillir selon les standards auxquels ils sont habitués, à partir de 1880 sont construits sur les coteaux, pour le panorama, de très belles villas de villégiature et une quinzaine de palaces, comme le Beau-Site, le Bernascon, le Mirabeau… Pour cette architecture Belle Epoque, la tendance est à l’éclectisme, on va chercher dans le passé et on mélange les influences. Le complexe Splendide-Royal-Excelsior témoigne de cet agrégat de styles et de l’ascension fulgurante de la station thermale aixoise : avec son hall orné de stuc de lapis-lazuli et sa vue imprenable sur le Lac du Bourget, l’exubérant et néo-classique Splendide (1884) connaît un tel succès qu’il se voit agrandi d’une première annexe, l’Excelsior et son décor Art Nouveau (1906), à laquelle il est relié par un passage couvert ; puis d’une deuxième annexe, le moderne Royal, inauguré juste avant la déclaration de guerre, qui fait de l’ensemble l’un des plus beaux hôtels d’Europe de l’époque.

Thermes Pétriaux – 1934 ©Archives municipales d’Aix-les-Bains

PÉTRIAUX ET ART DÉCO

Pour construire ces établissements et les faire tourner, il faut du monde. Entre 1850 et 1914, la population aixoise passe de 3000 à 9000 habitants, et entraîne donc le développement des quartiers du côté de la gare et du bas de la ville. En parallèle, “on reconstruisit presque entièrement le centre-ville entre 1885 et 1910, faisant table rase de son aspect médiéval pour un style architectural qui n’a plus rien de local, et cela pour améliorer et agrandir les petits hôtels de la période précédente, mais aussi pour bâtir des immeubles de trois ou quatre étages avec boutiques au rez-de-chaussée”*.
Après la Première Guerre Mondiale, l’aristocratie européenne est ruinée. Pour séduire une nouvelle clientèle de fortunes économiques, banquiers, financiers, hommes d’affaires, la direction des thermes ambitionne de faire de son établissement le plus luxueux du vieux continent. Elle confie les travaux d’agrandissement à l’architecte départemental Roger Pétriaux, qui en double la surface et fait appel à des décorateurs de renom. Aux deux extrémités sont situées les cabines de luxe, dont celles dites de l’Agha Khan, entièrement ornées d’un riche décor de mosaïque. Avec son large hall et ses ailes symétriques, son style art déco dans la lignée du Palais de Chaillot, le bâtiment occupe le centre d’Aix de manière monumentale. Pétriaux, lui, pense aussi la plage municipale au bord du lac, ainsi que le réaménagement du parc thermal, avec une fontaine, un théâtre, des kiosques et un restaurant.

Hôtel Bernascon, début XXe siècle (©Archives Municipales d’Aix-les-Bains)
Hôtel Mirabeau, début XXe siècle (©Archives Municipales d’Aix-les-Bains)

CAILLEBAUT ET RENOUVEAU

Comme pour la plupart des stations thermales, les années 50 marquent un tournant majeur dans la fréquentation d’Aix-les-Bains : assurés sociaux remplacent gotha et starlettes. “C’est l’ère des meublés qui commence, transformant profondément le visage du centre-ville puisque l’on y construisit nombre d’immeubles destinés à cette clientèle. (…) Il est parsemé de ces constructions qui rompent l’harmonie de la ville du XIXe siècle.” À l’image de la Tour Mabileau, qui pousse sur les thermes et permet, en accueillant les services administratifs, de libérer de la place, dans le bâtiment initial, pour les curistes : ils sont près de 60 000 par an dans les années 80.
Vestiges romains, façade néo-classique, monument art déco, tour de bureaux… “L’évolution du bâtiment thermal, avec ses différentes séquences historiques, est un résumé de toute l’architecture aixoise, nous sommes en train d’écrire la prochaine”, résume Renaud Beretti. Avec ses logements, ses commerces, sa place publique, sa médiathèque -autant d’éléments qui permettront aux Aixois de se ré-approprier le lieu- et la valorisation des parties classées (les thermes romains, les cabines privées de l’Aga Khan), le projet de Vincent Caillebaut s’inscrit dans la continuité de ses prédécesseurs, Pellegrini ou Pétriaux : il conserve en effet l’enveloppe des anciens thermes, mais en réaménage l’intérieur et pose ses tours dessus. En réhabilitant ce bâtiment, la ville d’Aix-les-Bains renoue donc avec son passé et réaffirme son identité, tout en s’apprêtant, une fois de plus, à changer de visage.

Projet des nouveaux thermes nationaux ©Vincent Callebaut Architecture

Avec la collaboration de Joël Lagrange, directeur des archives d’Aix-les-Bains

*«L’évolution urbaine d’Aix-les-Bains» par Joël Lagrange, Arts et Mémoire N°32, Déc. 2004.

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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