VILLES THERMALES : EVIAN-LES-BAINS

1 Mar 2022

HAUT LES BAINS !

Plus besoin de se déplacer jusqu’aux bords du Lac Léman, où que vous soyez dans le monde, l’eau d’Evian arrive jusqu’à vous. Mais à l’origine, le mouvement était inverse : on se déplaçait du monde entier -de toute l’Europe en tous cas- pour profiter des bienfaits des thermes d’Evian-les-Bains.

Etablissement Thermal début XXe siècle ©Archives municipales d’Evian, 1 Fi 3650
Établissement thermal devenu Palais Lumière aujourd’hui ©Elenarts

« Evian n’est pas qu’une bouteille« , avait l’habitude de dire Marc Francina, maire de 1995 à 2018, d’une ville qui existait, en effet, avant la découverte de ses sources. “À la fin du XVIIIe siècle, c’est d’ailleurs la 2e ville du Chablais, un gros bourg rural, tourné vers son arrière-pays, avec des maisons aristocratiques, une bonne bourgeoisie, des médecins, des juristes, des notaires…”, décrit Françoise Breuillaud-Sottas, docteur en histoire à l’Université de Savoie. Et son aventure thermale commence à… Amphion. Les eaux ferrugineuses renommées de ce hameau voisin attirent en effet la noblesse de France, d’Angleterre et de Savoie, mais elle est hébergée à Evian. Parmi eux, le Comte de Laizer, homme de science officiellement curiste, noble auvergnat fuyant en fait la Révolution Française, qui souffre de calculs rénaux. Il réalise que ce n’est pas l’eau d’Amphion qui lui fait du bien, mais celle qu’il consomme au quotidien, plate et faiblement minéralisée, issue de la source du jardin de son logeur, M. Cachat. Il l’encourage à l’exploiter. À la veille du XIXe, ce dernier embouteille et achemine donc son eau, souvent gratuitement, en même temps qu’il installe chez lui quelques baignoires. Mais le premier véritable établissement thermal est construit en 1826, rue Nationale, à l’emplacement de l’actuelle Buvette Cachat, par un homme d’affaires genevois qui lui rachète l’exploitation. Il comprend l’Hôtel des Bains, des appartements, un salon pour le jeu, la conversation, la lecture de journaux et la musique. Il communique avec une galerie longue où ont lieu les bals*. Comme le veut l’époque, les distractions font partie intégrante de la cure.

Terrasse de la Buvette Cachat aujourd’hui ©Michal Ludwiczak
et au début du XXe siècle ©Archives municipales d’Evian, 1 Fi 5778

ROYAL DE LUXE

Avec la découverte de nouvelles sources à proximité (Bonnevie, Corporeau, Cordeliers…), l’activité thermale prend de l’ampleur. La ville aussi, qui s’urbanise par touches successives autour de son cœur médiéval. En 1856, elle compte quatre grands hôtels qui s’avèreront vite insuffisants : au moment du rattachement de la Savoie à la France, le nombre de curistes dépasse en effet le nombre d’habitants ! Bientôt sont aménagés un jardin anglais (1862), la jetée du port (1864), les quais (1865), ainsi qu’une promenade qui relie les différents éléments de la cité*. De nouveaux hôtels poussent en front de lac et le Baron de Blonay, maire de la ville, impulse la création de structures d’accueil municipales, dont un théâtre, et le casino installé dans son propre château. En parallèle, la nécessité de répondre aux exigences d’une clientèle aisée favorise la construction de palaces. À l’image de l’Hôtel Splendide (agrandissement et surélévation, en 1898, de l’Hôtel des Bains), avec sa vue sur le lac et la Dent d’Oche, rendez-vous d’une société triée sur le volet, qui accueillera notamment Gustave Eiffel, Sarah Bernardt ou Marcel Proust ; ou plus tard (1909), le Royal sur les hauteurs de la ville, marqué par le style anglo-normand qui fait fureur à cette époque dans les établissements de la côte normande*. Comble du luxe et de la modernité, au sous-sol, un vestibule conduit à la station du funiculaire : transportant une clientèle aisée vers le centre-ville et les thermes, l’engin, qui dessert aussi le Splendide et l’Ermitage, fluidifie la circulation de bas en haut de cette station construite à flanc de coteaux.

BOIRE OU SE DIVERTIR, IL FAUT CHOISIR !

La station progresse plus vite que l’établissement thermal”, raconte Françoise Breuillaud-Sottas, “qui, même rénové, reste assez basique, avec une cour et des bâtiments très simples. Il accueille à la fois les activités de soins et la buvette, où l’on écoute de la musique, où l’on rencontre des gens. Il devient alors difficile d’accueillir tout le monde. Mais il est racheté par des banquiers français, qui investissent massivement et sollicitent des architectes parisiens renommés pour faire venir du monde.” En 1905, les anciens thermes sont donc démolis pour laisser place à la Buvette Cachat, temple de l’eau, qui reste un lieu de convivialité et de mondanités, avec ses salons et ses concerts. Toute l’hydrothérapie, elle, a été transférée dans un nouvel établissement, sur les quais : une construction en béton armé, dont la façade de briques et de pierres est surmontée d’un dôme, sur une tour carrée de 30m ornée de céramique. Ces nouveaux thermes modernes (piscine chaude, mécanothérapie, électrothérapie) peuvent assurer plus de 1 200 soins journaliers*. Ils ont été dessinés par Ernest Brunnarius, à qui l’on doit également le Splendide. Mais suite à sa disparition dans une avalanche, c’est son collaborateur Jean-Albert Hébrard qui mène le projet à terme. Il concevra ensuite les plans du Royal et ceux du nouveau Casino, bâti sur l’ancien, avec ses allures de «grosse pièce montée byzantine, évoquant la Sainte-Sophie d’Istanbul», comme il est encore présenté aujourd’hui sur son site internet.

Promenoir de la Buvette Cachat, début XXe siècle ©Archives municipales d’Evian, 1 Fi 5959

DE EAU EN BAS ?

Evian connaît donc une croissance fulgurante et se retrouve au rang des premières stations thermales en quelques décennies”, résume Françoise Breuillaud-Sottas. “C’est peut-être la seule à avoir toujours misé à la fois sur l’activité thermale et sur l’eau en bouteille. A la base, c’est la renommée de la station qui fait acheter de l’eau et avec les bénéfices engrangés par la Société des Eaux, qui lui verse des loyers et des intéressements (pour les thermes, le Casino, l’exploitation des sources…), la ville peut valoriser la station, remettre du luxe, des hôtels… C’était un cercle vertueux. Toutes les infrastructures ont donc été créées juste avant la Première Guerre. La fréquentation culmine dans les années 20, mais après la crise de 1929, puis la Deuxième Guerre, il est difficile de relancer l’activité. Le thermalisme n’a plus le vent en poupe. Jusque dans les années 90, Evian devient «la Belle Endormie»”.

Etablissement de bains et les hôtels Splendid, au 2nd plan, et Royal en arrière plan, au début du XXe siècle (©Archives municipales d’Evian, 1 Fi 3728)

SE REMETTRE DANS LE BAIN

Comme dans les autres stations thermales, avec le changement de clientèle de l’après-guerre, les grands hôtels sont convertis en résidences (L’Hôtel du Parc) ou détruits (le Splendide). Une nouvelle buvette, imaginée par l’architecte thononais Maurice Novarina et le designer Jean Prouvé en 1956, regroupe l’ensemble de l’offre thermale. Les anciens thermes, eux, dont la façade principale, le hall d’accueil et le vestibule sont classés, ont été restaurés entre 2004 et 2006. Rebaptisés «Palais Lumière», ils abritent désormais une médiathèque, des salles d’exposition et un centre de congrès et illustrent le souci de la ville de préserver son patrimoine thermal. “Le thermalisme est encore bien présent dans l’esprit des gens. Les premières questions des touristes sont souvent : où sont les thermes ? Où se trouve la source ? Ils sont d’ailleurs toujours surpris de la voir en libre-service”, s’amuse Josiane Lei, maire d’Evian, en pleine révision de son Plan Local d’Urbanisme (PLU). “Il nous reste beaucoup de maisons remarquables (celles des Frères Lumière, dans laquelle se trouve l’Hôtel de Ville, le Petit Châtelet, la Sapinière…) que nous allons continuer à protéger, en réfléchissant plus en termes de périmètre, voire de quartier, plutôt que de parcelles, pour éviter les aberrations. La restauration de la Buvette Cachat est actuellement en cours, intérieur et extérieur, avec l’intention de supprimer la circulation des voitures entre le bâtiment et la source, de l’autre côté de la rue, pour que cette place redevienne, comme elle l’était avant, un espace de promenade, de rencontre ; et nous espérons sauver le cèdre bi-centenaire qui la surplombe, celui-là même à côté duquel Proust s’est fait photographier ! Les travaux du Casino ont également commencé cet automne. Ils devraient lui redonner sa noblesse et se terminer par la rénovation du petit théâtre. Car même si aujourd’hui, on dit souvent Evian tout-court, l’idée est de remettre «-les-Bains» dans Evian.”

*Architectures d’Evian, un patrimoine source d’avenir – Claire Eggs – CAUE74 – Janvier 2007

+ d’infos :
Evian, aux sources d’une réussite, 1790-1914 (Françoise Breuillaud-Sottas-Edition du Vieil Annecy-2008)
Evian mondain, l’âge d’or du thermalisme -Catalogue de l’Exposition à la Maison Gribaldi (Silvana Editoriale-Parution 2018.)

Photo : Toit de la Buvette Cachat et cèdre bi-centenaire, vus depuis la source (©Evian tourisme & congrès -cl. Pascal Leroy Sémaphore)

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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