vin de savoie : brice omont, vigneron de terrain

3 Nov 2018

au nom du schiste

Schiste, quartz, argile… Au domaine des ardoisières, la roche, le terroir, soufflent leur nom aux cuvées. Mais depuis 2010, c’est Brice Omont, qui peaufine leur caractère, modèle leur personnalité. La sienne, dans l’ombre d’autre, très fortes, il a fallu l’affirmer.

Il n’est déjà pas facile de tuer le père, mais en tuer deux… Il y a d’abord eu le sien, de père. Un céréalier de l’Aisne dont il n’envisageait pas de prendre la suite. “C’était une approche moderne de l’agriculture qui ne me correspondait pas. Gamins, on nous disait de ne pas approcher quand il traitait.” A moins de gérer la production de A à Z et de transformer la ferme familiale en micro-brasserie peut-être, mais c’était compliqué.

Brice devient alors ingénieur agricole. En 2003, il est responsable qualité dans une maison de Champagne quand il rencontre, par hasard, Michel Grisard, le pape de la biodynamie en Savoie qui a replanté 6 hectares de vigne sur le coteau de Cevins (voir Activmag octobre 2017) et créé le domaine des Ardoisières. “Il faisait exactement ce que j’avais envie de faire !”

Brice n’a pourtant aucune expérience de vigneron, mais il retrouve, dans l’approche biodynamique, ce qu’il a toujours cherché : l’aspect noble du métier de paysan, la symbiose avec la terre… Il envoie donc balader salaire confortable et carrière pour associer son destin à celui des Ardoisières. Le nouveau binôme entreprend la montée en puissance du domaine. Michel Grisard lui apprend les bases, le cornaque, mais prend toutes les décisions et peine à le laisser s’envoler. “Au bout de 5 ans, soit on me faisait confiance, soit je m’en allais”, explique Brice sans amertume. “La rupture, c’est dommage, mais indispensable. C’est comme en cuisine, si vous avez deux chefs, ça ne marche pas”. Michel Grisard décide alors de se retirer pour prendre sa retraite.

Depuis 2010, il est donc seul à la tête du domaine. “Pour mon 1er millésime, je n’en menais pas large, il a fallu se jeter à l’eau et prouver ma légitimité.” Mais les étoilés de la région ne s’y trompent pas et font office de vitrine. “Les Meilleur notamment, à la Bouitte, ont été parmi les premiers à nous suivre… La notoriété des Ardoisières est due, à 90% à des clients comme ça.” A 42 ans, à force d’opiniâtreté mais en toute humilité, Brice Omont a donc gagné son pari, il s’est affranchi, sans les renier, de ses pères et de la biodynamie à laquelle il préfère le bio*.

Activmag : Vous avez été formé à la biodynamie, mais aujourd’hui, vous prenez un peu de recul…

Brice Omont : Le problème avec la biodynamie, c’est que c’est constaté, mais pas prouvé scientifiquement. Si on utilise uniquement des orties en protection, par exemple, on court aussi le risque de ne pas avoir de récolte. Michel Grisard a essayé et s’est pris des gamelles quand même. Donc oui, j’ai pris un peu de recul. Quand la plante a tout ce qu’il faut autour d’elle, elle se défend mieux. Une année, sur un millésime, je n’ai donc pas eu besoin de faire les deux traitements biodynamiques principaux, la silice de corne (500) et la bouse de corne (501). Des professionnels l’ont goûté en me disant qu’on sentait bien la biodynamie… Je suis donc certifié bio*, mais c’est avant tout du bon sens paysan. Les bases, ce sont la bouillie bordelaise, le soufre, le cuivre, pas de désherbant, des engrais organiques… Et c’est ce que les gens faisaient il y a 50 ans. Ils travaillaient aussi avec la lune, mais suivre le calendrier lunaire à la lettre n’est pas toujours évident. Dans de bonnes conditions, je continue donc à faire les préparations, à utiliser les décoctions de prêle, les tisanes d’orties, mais je ne veux pas que ce soit systématique.

Le bio a ses contraintes aussi, non ?

La contrepartie du bio, surtout, c’est le coût. Sur le Coteau de Cevins, qui a été replanté en 1998, les coûts de production sont élevés à cause de la pente, donc on n’a pas la possibilité de faire un petit vin, il faut y aller ! Aujourd’hui d’ailleurs, tout le monde redescend dans les vallées, plus personne ne veut aller sur les coteaux, il faut être courageux. Après, j’ai conscience que les gens qui gagnent un SMIC ne peuvent pas forcément s’offrir nos bouteilles et je regrette que ce ne soit pas plus démocratique, on a donc la volonté aux Ardoisières, de développer des vins d’entrée de gamme. A Saint-Pierre-de-Soucy, nous avons des parcelles sur lesquelles il y aurait la possibilité de mécaniser, pour réduire les coûts. Les vendanges se feraient toujours à la main, mais l’entretien plutôt au tracteur qu’à la pioche. On y réfléchit.

Que voulez-vous faire passer dans votre vin ?

Le vigneron fait le vin qu’il veut boire. J’essaie d’être le plus proche possible de mon terroir, pour en tirer le meilleur, mais ça demande de l’humilité, du recul et un questionnement permanent. Il y a toujours des choses qu’on ne maîtrise pas, mais quand l’année est favorable, c’est vraiment chouette de le partager avec l’équipe, tout le monde est content, on repense aux efforts fournis, qui paient… Voir les gens heureux dans les vignes, ça fait partie d’un tout. Depuis ces 8 dernières années, je suis de moins en moins en cave, de plus en plus sur le raisin. Mais comme tout le monde, je ne suis que de passage, je fais le mieux possible, mais d’autres le feront peut-être aussi bien. Un vin, ce n’est pas une personne, d’ailleurs, je n’aurais jamais pu appeler le domaine «Domaine Brice Omont» !

LE MOT D’YVES BONTOUX

Proche des stations de Tarentaise, les Ardoisières ont visé, dès leur genèse avec Michel Grisard, des cuvées de grande expression, privilégiant la complantation des cépages (ndlr : remplacement d’un pied mort par un nouveau plant, sans arrachage total de la parcelle), de faibles rendements et une viticulture ciselée. Un travail héroïque, tant les pentes sont fortes. Brice Omont a su pérenniser cette aventure et créer des vins parmi les plus aboutis en Savoie. La cuvée «Argile», fédératrice et singulière, a vite trouvé sa place dans la belle restauration. On monte d’un cran avec «Schiste» et «Quartz» en blanc et Améthyste en rouge qui conjuguent avec bonheur plénitude et subtilité.

BRICE OMONT SI VOUS ÉTIEZ…

Un cépage ?
Ce serait l’Altesse, c’est celui qui m’a fait venir en Savoie et pour lequel j’ai toujours un faible.

Un grand cru ?
Il serait bourguignon, je ne sais pas lequel, mais la Bourgogne est toujours un moteur pour moi.

Une autre boisson que le vin ?
La bière sans hésitation, et plutôt celle du Nord.

Un millésime ?
2010, mon 1er seul aux Ardoisières, c’est un beau clin d’œil.

Si vous n’étiez pas vigneron ?
J’aurais pu être ostréiculteur, le côté marin m’aurait plu.

Un accord met-vin ?
Pour les 80 ans de Michel Rochedy, au Chabichou, on a servi la Cuvée Quartz sur du homard… Ça m’a beaucoup flatté.

*BIO & CO :

Bio : vin dont les raisins sont produits sans aucune utilisation de produits issus de l’industrie chimique (produits phytosanitaires en traitements, engrais ou désherbants) sanctionné par une analyse et une certification.

Biodynamie : c’est l’homéopathie adaptée à la vigne. Sur la base du bio sont ajoutées différentes préparations, des traitements naturels à base de plantes, de minéraux ou de matières organiques, les pratiques biodynamiques sont labellisées par les certification Demeter ou Ecocert.

Vins nature : ils ne sont régis par aucun décret ou certification, mais par un engagement du vigneron à travailler le plus naturellement et à ne pas utiliser de soufre (SO2, sulfites,etc.)

+ d’infos :
domaine-des-ardoisieres
.fr
Fréterive I 73

Photos : Floartphotography

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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