Ecosse – Voyage en noir et blanc

6 Juil 2020

L’ECOSSE

À CHACUN SON PARADIS. QUAND CERTAINS SE DAMNERAIENT POUR UNE POIGNÉE DE SABLE BLANC, OU LE CALME PLAT D’UN HORIZON AZUR ET SON SOLEIL COUCHANT SUR LA MER, JOËL FISCHER, LUI, RÊVE DE PLAINES VENTÉES, DE LANDES SAUVAGES, DE TOURBE ET DE CERFS.

Joël Fischer

Ardbeg uigeadail, Caol Ila, Bruichladdich, Bunnahabbain… Si vous ne buvez que du soda, ces successions improbables de syllabes ne vous évoqueront qu’un délicat exercice de prononciation. Mais si votre palais est sensible aux accents virils du malt, particulièrement quand il a des relents tourbés, voire iodés, vous saurez exactement de quoi je parle : de whisky. Et plus spécifiquement de ceux d’Islay. Ce ne sont pourtant pas les neuf distilleries de la « Reine des Hébrides » qui ont attiré Joël Fischer sur cette île flottante à l’ouest de l’Ecosse, mais la liaison vers un autre petit bout de terre, plus sauvage et méconnu, l’Ile de Jura. 368 km2 (une fois et demie la superficie d’Edimbourg) pour 200 habitants (2400 fois moins que la capitale écossaise) et 5000 cerfs… C’est pour eux, mais aussi pour les faisans, les aigles marins, les loutres ou les phoques gris, que ce trentenaire suisse va se perdre là-bas : “la relation des gens avec la nature y est incroyable, ils vivent en harmonie avec elle, à la fois par obligation et par choix.

ANIMAL SHOOTING

La nature, Joël l’observe depuis toujours dans les bois de Versoix, là où il a grandi, à côté de Genève. Dans cette forêt qu’il connaît comme sa poche, il guette les hardes de biches ou les terriers de renards, et en 2010, il se met à les photographier, en amateur pour commencer. Quatre ans plus tard, il part se former dans l’antre kenyane d’un grand nom de la photographie animalière, Tony Crocetta. “Avec des tentes récupérées auprès d’hôtels de luxe, il a ouvert un camp pour photographes, sans barrière et gardé par des Masaï. C’est là que j’ai commencé à toucher du matos de pro et à faire de la photo intensivement.” Il y retournera trois fois, parce qu’il aime se concentrer sur UN endroit, que la vie est longue et qu’il sait qu’il aura le temps de tout faire. Et il en tirera d’incroyables clichés de savane, en noir et blanc le plus souvent, récompensés par la presse spécialisée. “Mais dans le Masai Mara, on voit des 4×4, des émetteurs de téléphone, des hôtels… Il y a toujours la présence de l’homme quelque part, c’est d’ailleurs l’un des gros drames de cette région. Alors qu’à Jura, on se sent finalement plus au bout du monde que dans la plaine africaine.

LE BON COIN

C’est donc la solitude qu’il vient chercher, la 1re fois qu’il met le pied dans la tourbe, en 2017. Lui qui travaille dans la gestion d’événements, il a besoin d’une soupape de décompression, de grands espaces. Avec sa femme, d’origine américaine, il voyage beaucoup, Etats-Unis, Polynésie, Ukraine, Islande… Mais il a trouvé son coin en Ecosse. Et il y retourne chaque année depuis. “Quand on va là-bas, il n’y a pas que la destination qui compte, mais aussi le voyage pour y aller. C’est comme un pèlerinage : on part de la maison à 4h du mat’, et après 2 heures 30 d’avion, 3 heures de voiture, on embarque pour Islay dans un ferry qui sent le graillon, avant de prendre un autre petit ferry, un des plus courts du monde puisqu’il y a moins de 500 mètres entre les deux îles. Quand on des- cend finalement sur Jura, on ne comprend pas tout ce qu’on nous dit, mais on comprend vite où on est !

LANDES AND FREEDOM

Car depuis l’eau, l’île a déjà dévoilé ses charmes : ses trois «Paps» (mamelons en anglais), Beinn an Òir, Beinn Shiantaidh et Beinn a’Chaolais, des collines culminant à 785 mètres d’altitude qu’on voit, par temps clair, depuis l’Irlande ; et les cerfs qui se nourrissent d’algues sur la plage. “Des cerfs devant l’océan, je ne sais pas si c’est unique, mais c’est magique…” Pour les îliens, c’est quotidien. Cervidés et effluves maltés. Parce qu’on fabrique du whisky, évidemment. Avec ses 30 000 fûts par an, c’est d’ailleurs la principale activité économique de Jura. Une distillerie, un hôtel, un pub, une route… “Le long de la côte est, la Single Road va jusqu’à un certain point, mais on n’est pas encore au bout de l’île. Après, on peut continuer à pied, et là, on se sent vraiment comme sur la lune, avec de l’herbe. On est tout seul au milieu de ces longues prairies brunes, très proche des animaux. C’est tellement humide que les sous-bois sont couverts de mousse verte fluo et qu’on ne peut pas s’asseoir par terre ! Mais on a tous les sens en éveil et un vrai sentiment de liberté.” Qui inspira d’ailleurs George Orwell. C’est en effet à Barnhill, à l’extrémité nord de l’île que le romancier et journaliste britannique s’isole pendant deux ans pour se consacrer à l’écriture de 1984. Après le tumulte de la Deuxième Guerre Mondiale, pendant laquelle il a énormément travaillé, il mène une vie quasi-monastique sur ce bout de terre balayé par le vent et les embruns.

BONNE NATURE

Les habitants, eux, s’y sont adaptés. Mais comme le climat, ils ont d’abord paru à Joël un brin… orageux. “Il faut aimer les gens un peu rustres et solitaires, aimer aller à leur rencontre. Je me souviens d’une dame seule qui habitait au bord d’une baie, en arrivant avec son chien, elle avait fait fuir les cerfs et m’avait fait rater une photo. Elle était froide au premier abord, mais en parlant, elle s’est avérée très chaleureuse. Il y a tellement peu d’habitants sur Jura, que quand on les croise, on discute forcément, ils sont attachés à leur culture et finalement vraiment accueillants, presque autant que les Polynésiens !” Dans le petit hôtel de Craighouse, le chef-lieu, Joël a maintenant ses habitudes, “ils se souviennent de moi, demandent après mes photos et veulent des nouvelles de mon gosse, avec qui je suis venu en 2018. C’est très familial.” A l’occasion de son prochain voyage, c’est décidé, il s’intéressera donc de plus près aux hommes et femmes qui peuplent l’île, même s’il sait que la nature reste sa principale source d’inspiration. “Je ne suis pas militant, mais je trouve important d’être photographe pour donner à voir ce qui se passe ailleurs, pour dire : voyez, on peut vivre de belles choses, dans des endroits si sauvages… En montrant le positif, je veux aussi insister sur la fragilité de tout ça.

+ d’infos : http://photojf.com
Exposition « 10 ans de noir et blanc »
jusqu’au 25 juillet 2020 – Artypique Galerie – Carouge, Suisse

©Joël Fischer

Mélanie Marullaz

Mélanie Marullaz

Journaliste SURNOM: Poulette. PERSONNAGE DE FICTION: Elastigirl. OBJET FETICHE: mon oreiller. ADAGE: à chaque Barba-problème, il y a une Barba-solution. (philosophie Barbapapienne) JE GARDE: mes épaules. JE JETTE: mes grosses cuisses de skieuse. DANS 20 ANS? la tête de mon père sur le corps de ma mère. presse@activmag.fr

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