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fric frac

ARGENT DE PROCHE

JE SUIS UNE TRÈS MAUVAISE GESTIONNAIRE… JE N’AURAIS PAS PU ÊTRE BANQUIÈRE, TRÉSORIÈRE OU DIRECTRICE FINANCIÈRE. MAIS TOUT BIEN RÉFLÉCHI, JE N’AURAIS PAS PU, NON PLUS, ÊTRE GANGSTER…

Pendant que l’Homme débarrasse la table l’air serein, que N° 1 interroge son armoire pour savoir qui sera la plus belle demain, que sa cadette n’en revient toujours pas, depuis qu’on l’a faite couper, de pouvoir brosser sa tignasse sans aucune difficulté et que N° 3 aligne consciencieusement ses Playmobil® – sans cheveux, en rang deux par deux, les adultes d’un côté, les enfants de l’autre, c’est adorable… mais un peu inquiétant –, bref, pendant que chacun vaque à ses occupations, je me dirige, l’air innocent, vers la chambre de N° 2. Je cherche sur ses étagères, soulève son matelas, déplie ses pull-overs, secoue les draps… Où a-t-elle bien pu la mettre ??? Ah ! La voilà, cachée dans ses chaussettes !
Mais au moment pile où j’en retire le bouchon, dans mon dos, j’entends : “Dis donc Maman, si tu voulais prendre des sous dans ma tirelire, tu me demanderais, non ?”

ESPÈCES EN VOIE DE DISPARITION

Dans un sursaut :
– Mais absolument, mon Bibou… Qu’est-ce que tu crois ?
– Ouais, ouais, donne-moi ça… Mais ?… Il manque déjà 10 euros ! En plus c’était le billet que Tonton Philippe m’avait donné quand je l’ai aidé à ranger son bois !
– Tu les reconnais tous ???
– Ben oui, ces 5 €, c’est quand j’ai lavé la voiture
de Papa. Ça, c’est les 20 € de mes félicitations au 1er trimestre, ceux-là c’est mon anniversaire de mes 8 ans de Mamie Monique…
– Moi aussi, j’en ai de l’argent, Maman !”
débarque N° 3 qui dépose tout son trésor à mes pieds et forme un boudin avec ses pièces de 2 €. “Regarde, je t’ai fait une saucisse aux sous ! J’en ai moins depuis que tu as échangé beaucoup de mes pièces contre pas beaucoup de billets, mais tu peux les prendre, si tu veux.
– Mais puisque je vous dis que je ne cherchais pas d’argent !”

LA (F)LOOSE

Alertée par nos échanges sonnants et trébuchants, N° 1 ramène sa silhouette de girafe : “Maman, t’as encore oublié de me donner ma semaine… J’ai fouillé dans ton sac, j’ai rien trouvé, c’est le bordel, on dirait ma chambre…
– Tu fouilles dans mon sac ?!
– Toi tu fouilles bien dans ma tirelire !
” recadre N° 2. “Et pourquoi t’as plutôt pas demandé des sous à Papa d’ailleurs ?
– Mais parce que je n’en ai pas besoin ! Et puis ça fait des générations que les femmes luttent pour leur indépendance financière, ma grand-mère a bataillé pour avoir un compte bancaire, ma mère a attendu des décennies pour gérer ses propres retraits, alors par respect pour leur combat, jamais de la vie je ne m’abaisserai à ça !
– Et donc tu cambrioles ta fille…”
conclut N° 2, peu convaincue par la dimension féministe de mon geste.
– “Mais tu sais très bien que je vais te rembourser dans la foulée ! D’ailleurs, c’est ce que je venais faire : reposer les 10 € que je t’ai empruntés la semaine dernière.
– Et à moi, tu comptes les rembourser quand ? »
survient la voix de l’Homme dans l’encadrement de la porte. “Tu crois que je ne t’ai pas vue me piquer des sous pour renflouer Bibou ? Demander froisserait ta dignité, c’est visiblement bien plus engagé de me dépouiller en loose-dé… Comme quoi, les Choupettes, il ne faut décidément pas prendre tout ce que raconte votre Maman pour argent comptant !”

 

+d’infos : http://mavraieviedemaf.wordpress.com

illustration Sophie Caquineau

 

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