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La colère, un animal à dompter

être en colère sans tout casser

Mue par le meilleur comme par le pire, la colère, si elle nous permet de défendre notre peau, cause aussi des souffrances supplémentaires à soi et autour de soi.

Les émotions nous mettent en mouvement, c’est le sens de sa racine latine «emovere», indiquant aussi le fait de se relier à soi, aux autres. Si la peur nous prépare à fuir et la joie à accueillir, la colère nous invite à protéger ce à quoi l’on tient : son territoire, ses proches, etc… Energie qui donne de la force et du courage, elle peut être aussi nuisible dans nos relations : un divorce déchiré, une altercation en voiture qui finit mal, un rassemblement qui vire à la casse. Pour Christophe André et François Lelord, «la colère c’est l’animal en nous». Et elle commence très tôt. Dès ses premières heures de vie, le nourrisson affamé manifeste sa frustration. Tout au long de notre existence, nous exprimerons par la colère nos besoins refoulés, nos désirs avortés. Certains psychologues la définissent comme étant une réaction instinctive primaire. Cela n’a pas trop changé depuis la préhistoire …

UNE PRISE DE POUVOIR

La colère d’aujourd’hui sert aussi à nous faire respecter. Le psychiatre David Servan-Schreiber racontait cette histoire : «Un ancien conseiller de l’ex-président américain George W. Bush se souvient : «Un samedi matin, je reçois un appel du bureau ovale parce que le président est furieux au sujet de quelque chose. Je viens en chemise à col boutonné, et il me crie dessus pendant quinze minutes… sans me laisser passer le seuil de la porte, parce que je ne portais pas de cravate.» Quel est l’effet de la colère ? Pour ce conseiller, certainement de se sentir tout petit et de ne pas oublier de mettre une cravate la prochaine fois. Pour Bush ? De s’assurer qu’à l’avenir, il lui soit manifesté du respect. Mais sans doute surtout de se sentir – dans sa chair – plus grand, plus fort et plus puissant.» La colère exprimerait ainsi une forme de prise de pouvoir sur l’autre : je te suis supérieur.

Dans la pratique zen, il est dit que quand nous avons une difficulté avec une personne en particulier, c’est souvent parce qu’elle reflète une faiblesse de notre propre personnalité, qu’il nous est difficile d’accepter. Quand nous développons l’amour et l’acceptation de nous-mêmes, cela bénéficie aussi aux autres.

PRENDRE SOIN DE SA COLÈRE

«Je me tiens la tête entre les mains. Non, je ne pleure pas. Je me tiens la tête entre les mains pour réchauffer ma solitude, des mains qui protègent, des mains qui nourrissent, des mains pour empêcher mon âme, de rester plus longtemps en colère.» Le moine bouddhiste Thich Nhât Hanh a écrit ce poème sous l’impulsion de la colère au moment de la guerre du Vietnam. «Ce n’était pas seulement ma colère, mais celle de toute une nation». Mais pour autant, Thich Nhât Hanh explique que cette énergie, si elle est mue par la souffrance, en cause aussi. Ceux qui nous aimeront «toujours» ne sont-ils pas les premières victimes de notre colère ? Convaincus de leur amour indéfectible, nous nous lâchons, parfois jusqu’au pire. Est-ce que la colère s’apaise après avoir brisé, cassé, violenté, ou tué ? Probablement pas.

Prendre soin de la colère quand on sent qu’elle monte permet de ne pas lui laisser le temps de générer de la souffrance. Quand nous avons retrouvé notre calme, nous pouvons regarder profondément dans notre colère et apprendre à repérer les situations qui déchaînent nos pulsions agressives, afin d’acquérir un meilleur contrôle de soi. Gérer la colère, c’est bénéficier de son énergie, sans tout casser, avec des mots qui ménageront la relation. Et engageront, alors, à tenter de sortir ensemble de l’impasse.

Biblio :

Illustration Sophie Caquineau

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